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Isa Ben Zura : Présentation

Un traité du chrétien Arabe ʿĪsā b. Zurʿa

philosophe et théologien arabe chrétien jacobite

(m. 398/1008)

Réfutation d’Abū al-Qāsim al-Balḫī

philosophe et théologien muʿtazilite musulman

(m. 319/931)

 

Traduction

 

Présenté et traduit par Mina-Raouf Amgad

Pour citer cet article

Référence papier : Mina-Raouf Amgad, « Un traité du chrétien Arabe ʿĪsā b. Zurʿa (m. 398/1008) », MIDÉO, 33 | 2018, 223-273.

Référence électronique : Mina-Raouf Amgad, « Un traité du chrétien Arabe ʿĪsā b. Zurʿa (m. 398/1008) », MIDÉO [En ligne], 33 | 2018, mis en ligne le 05 juillet 2018, consulté le 09 février 2019. URL : http://journals.openedition.org/mideo/1958

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Résumé

Dans un siècle caractérisé par les débats théologiques au sein d’un milieu propice aux interactions culturelles et intellectuelles entre juifs, chrétiens et musulmans, ʿĪsā b. Zurʿa (m. 398/1008) et al-Balḫī (m. 319/931) ont mené un débat profond sur la Trinité, l’anthropomorphisme et la prophétie de Muhammad. Dans cet article, nous présentons non seulement une traduction inédite en français de cet échange, mais aussi le commentaire de ces débats théologiques en les situant dans l’histoire des réfutations islamo-chrétiennes. Nous montrons comment ces deux auteurs appartenaient à une élite et partageaient des méthodes d’argumentation, sources d’une sagesse commune qui contribuait à un respect mutuel, alors même que chacun se revendiquait membre de religion différente.

 

 

Plan

Introduction

ʿĪsā b. Zurʿa et les controverses islamo-chrétiennes de 750 à 1050

La vie d’Ibn Zurʿa

Les œuvres d’Ibn Zurʿa

Abū al-Qāsim al-Balḫī, sa vie, ses œuvres et la Réfutation d’Ibn Zurʿa

Discussions théologiques concernant l’Unité de Dieu

L’Unité et l’Unicité de Dieu et le Coran

Questions concernant les attributs de Dieu et la Trinité

Dieu chez des philosophes arabes musulmans

L’influence des penseurs grecs de l’Antiquité

Yaḥyā b. ʿAdī (363/974), l’inspirateur de Ibn Zurʿa

Les réponses de ʿĪsā b. Zurʿa aux questions d’al-Balḫī

La première question d’al-Balḫī et la réponse d’Ibn Zurʿa

L’Unité de Dieu et la multiplicité des attributs

Dieu Verbe et Vie

Intellect, intelligeant, intelligible

Intellect et Trinité

L’Analogie

Conclusion : la doctrine trinitaire d’Ibn Zurʿa

Remarque finale

 

Introduction

1 Le patrimoine de la pensée arabe chrétienne n’a pas encore reçu ses lettres de créance du monde savant des arabisants. En 1900, lors du premier congrès international de l’histoire des religions à Paris, Carra de Vaux attirait déjà l’attention sur l’utilité de prendre en compte la littérature arabe chrétienne. Il évoqua Émile Galtier (m. 1908), en disant qu’il s’était attaché à l’étude difficile de cette littérature, dont il avait admirablement montré l’importance1. Il y eut d’autres exceptions notables. On n’oubliera pas que durant le xxe siècle, d’éminents spécialistes s’employèrent dans ce domaine, comme Georg Graf ou Paul Sbath, qui a consacré sa vie à rassembler un grand nombre de manuscrits d’auteurs Arabes chrétiens et a assuré l’édition de nombreux de leurs traités. Louis Cheikho et Augustin Périer font partie des premiers orientalistes qui s’intéressèrent aux philosophes Arabes chrétiens et notamment à Yaḥyā b. ʿAdī, maître de l’école philosophique de Bagdad après al-Fārābī. Il faut mentionner aussi Joseph Nasrallah, Gérard Troupeau, Samir Khalil, Sidney Griffith, Emilio Platti et David Thomas, chercheur et éditeur du grand manuel Christian-Muslim Relations : A Bibliographical History2. Plus récemment, pour la philosophie de ces auteurs chrétiens, Gerhard Endress, Robert Wisnovsky, et bien d’autres encore, ont contribué à faire connaître le patrimoine de la pensée arabe chrétienne en Occident3.

 

2 L’essai proposé ici est consacré à la Réfutation d’Abū al-Qāsim al-Balḫī (m. 319/931)4, philosophe et théologien muʿtazilite musulman, par Ibn Zurʿa, philosophe et théologien arabe chrétien jacobite de la fin du xe siècle et disciple préféré du penseur jacobite Yaḥyā b. ʿAdī (m. 363/974). La Réfutation qui nous occupe porte essentiellement sur trois points : (1°) la Trinité divine (al-taṯlīṯ), professée par les chrétiens, et les attributs divins tels qu’ils sont conçus par les musulmans ; (2°) l’Incarnation du Christ professée par les chrétiens, perçue comme anthropomorphisme (al-tašbīh) par les musulmans ; et enfin (3°) le statut de la prophétie de Muḥammad, telle qu’elle est professée par les musulmans. Ces trois thèmes sont annoncés au début du texte de la réfutation5.

 

3 Un commentaire exhaustif des trois questions dépasserait les limites de cet article. Il nous a donc semblé judicieux de nous focaliser sur la première question concernant la Trinité. La seconde question, sur le prétendu anthropomorphisme que constitue l’Incarnation, supposerait de traiter longuement de l’analogie des êtres et de l’ineffabilité de Dieu, thèmes qui traversent toute l’histoire des discussions islamo-chrétiennes6. En outre, les deux questions, celle de la Trinité et celle de l’Incarnation, sont portées par des argumentations philosophiques similaires, formant un ensemble cohérent. L’analyse de la première question sur la Trinité nous permet déjà de montrer le caractère spécifique de l’argumentation d’Ibn Zurʿa, sa conception de la philosophie grecque et sa relation avec la foi chrétienne. Par contre, la troisième question s’appuie sur un autre type argumentatif, plutôt à caractère éthique et historique, révélateur de la perception que les chrétiens avaient du personnage de Muḥammad et de son message, dès le commencement de l’Islam jusqu’au xie siècle7.

 

4 Nous nous appuierons pour notre étude sur l’édition des vingt traités établis par Paul Sbath, dans lequel se trouvent d’autres traités d’Ibn Zurʿa8, ainsi que sur l’ouvrage de Cyrille Haddad sur ʿĪsā b. Zurʿa9.

 

5 Par souci de clarté, en ce qui suit, nous présenterons tout de même sommairement le contenu de chacune des trois questions qui composent le traité qui nous occupe.

 

6 1° La première question d’al-Balḫī porte sur la croyance des chrétiens en l’existence de trois dieux distincts. L’objection d’al-Balḫī est formulée comme suit : « Ils (les chrétiens) affirment qu’Il (Dieu) est trois choses (ašyāʾ), ce qui implique une division en parties (al-taǧazzuʾ). » Dans sa réponse, Ibn Zurʿa recourt à la trilogie aristotélicienne de l’intellect, l’intelligent et l’intelligible, qu’il assimile au Père, au Fils et à l’Esprit Saint. Comme nous l’indiquerons plus loin, cette analogie avait été formulée auparavant par son maître Yaḥyā b. ʿAdī en différents endroits de son œuvre. Mais la comparaison de l’Intellect avec la personne du Père se heurtait à une sérieuse difficulté, car l’Intellect, selon la conception des anciens, est simple et non composé. Selon les sources biographiques, Ibn Zurʿa a été incité à réfléchir à ce problème dans la nuit du 8 avril 979, lorsqu’il eut en vision son maître, qui lui demanda alors de composer un traité sur l’Intellect10. L’enjeu dans cette première partie est donc de prouver que l’Intellect, contrairement à ce que pensaient les anciens, est composé et non simple.

 

7 2° La deuxième question d’al-Balḫī a pour objet l’anthropomorphisme des chrétiens. Pour al-Balḫī, il est similaire à celui des Mušabbiha11 et des juifs » (trad. in. XXX). Dans sa réponse, Abū al-Qāsim se réfère à al-Iskāfī12 qui interrogeait les chrétiens sur ce point. La Mušabbiha est une branche de la Ṣifātiyya, qui qualifie Dieu d’attributs comme la science, la puissance, la vie, la volonté, et même la vue, l’ouïe, la parole, la générosité, etc. Ceux-ci ne distinguent pas entre les attributs de l’essence et les attributs de l’acte13. Par ce fait, Dieu peut avoir des mains et des jambes. Les muʿtazilites, tels qu’al-Balḫī, rejettent cette opinion, et ils ont donné à cette communauté le nom de Mušabbiha, désignant une « similitude » entre Dieu et l’homme créé. Pour al-Balḫī, les chrétiens affirmeraient de la même façon une ressemblance entre Dieu et l’homme, car ils prétendent, tout comme la Mušabbiha, que Dieu se manifeste comme une personne. C’est ainsi qu’ils comprennent le verset du Coran où Dieu, ou l’Esprit de Dieu, se manifeste à Marie : « Elle plaça un voile entre elle et les siens, nous lui avons envoyé notre Esprit, il se présente devant elle sous la forme d’un homme parfait » (Cor. XIX, 17). Comme le dit Haddad : « Cette accusation d’anthropomorphisme émane bien d’un muʿtazilite, qui adressait le même reproche aux Mutakallimīn orthodoxes de l’Islam. On sait qu’al-Ašʿarī, revenu à l’orthodoxie, reprocha aux muʿtazilites d’avoir nié que Dieu avait un visage, des yeux, des mains, un trône, alors que les textes du Coran emploient de telles expressions14. » Pour al-Ašʿarī, le bi-lā kayf15 permet de maintenir l’affirmation littérale du texte coranique tout en reconnaissant que l’on ne connaît pas le mode d’existence de ces attributs. Pour Ibn Zurʿa, on ne peut nier d’attribuer à Dieu une perfection qui relève de son essence.

 

8 3° La troisième question d’al-Balḫī concerne la prophétie de Muḥammad et le statut de sa Loi. Al-Balḫī y affirme que les chrétiens rejettent la prophétie de Muḥammad. Dans sa réponse, Ibn Zurʿa en explicite les raisons. D’abord, par rapport à la Loi : quand Dieu nous envoie des messagers et des prophètes, Il cherche notre intérêt et non pas le sien. Car tout bien existe pour Lui et par Lui, et non l’inverse. Or, sur ce point, la Loi de Muḥammad b. ʿAbdallāh n’a rien apporté de nouveau aux deux lois précédentes, celle de Moïse et celle de Jésus. Par rapport à la vertu : celle que le Christ a enseignée est en tout supérieure (al-faḍīla fī al-ġāya). L’invitation à suivre cette voie a déjà été proposée par le Christ16. Enfin, en ce qui concerne le salut : Ibn Zurʿa montre que le message de n’importe quel prophète permet aux facultés de l’âme, qu’il s’agisse de l’appétitive (qūwa šahwāniyya), de l’irascible (qūwa ġaḍabiyya) et de la rationnelle (qūwa nāṭiqa), de se réaliser. Or, objecte Ibn Zurʿa, Muḥammad b. ʿAbdallāh ne s’est pas positionné par rapport à chacune d’elles.

 

9 Ce traité, qui aborde ces trois questions, n’a jamais été étudié ni traduit, ni situé dans l’histoire des réfutations islamo-chrétiennes. Or, il est rédigé à la fin de la période qui commence du temps du calife al-Mahdī (185/775-169/785) et de Timothée I (qui fut patriarche de 780 à 823), en passant par le calife al-Maʾmūn, les réactions anti-rationalistes qui débutent sous le calife al-Mutawakkil, jusqu’au début du xie siècle. Il est représentatif des sujets de discussions islamo-chrétiennes de cette période, qui se caractérise par une interaction intellectuelle très vive entre juifs, chrétiens et musulmans17. Les savants de ces trois communautés formaient en effet une élite partageant des méthodes argumentatives et un savoir commun, vecteur d’une sagesse qui contribuait à un respect mutuel, bien qu’ils adhérassent à une religion différente.

 

10Pour éclairer notre Traité18, nous prendrons en compte le Traité sur l’Intellect19 dans lequel Ibn Zurʿa raconte comment il eut en vision son maître Yaḥyā b. ʿAdī, venant lui expliquer sa doctrine concernant la Trinité. Nous verrons à ce sujet combien ce maître s’appliquait dans la polémique ou la réfutation de certains penseurs contemporains ou appartenant à des générations précédentes, pour mieux comprendre les positions d’Ibn Zurʿa20.

 

ʿĪsā b. Zurʿa et les controverses islamo-chrétiennes de 750 à 1050

11 Ces traités d’Ibn Zurʿa font partie d’une grande tradition de débats, articulés en différentes formes littéraires, qui font partie d’un ensemble civilisationnel cohérent, allant d’environ 750 à 1050. On trouve des rapports de séances de discussions (maǧlis), des textes relatant des débats publics devant des autorités (muǧādala), des correspondances entre maîtres et disciples ou entre collègues (risāla), ou bien encore des réfutations de traités écrits précédemment (radd). Pour ce qui concerne Le Traité écrit pour le juif Bišr b. Finḥās b. Šuʿayb al-Ḥāsib21, il adopte la forme épistolaire ; quant au Traité qui nous occupe, il appartient très clairement au genre de la réfutation. Le premier traité est adressé à un contemporain d’Ibn Zurʿa, et le deuxième est une réfutation d’un penseur d’une génération antérieure. Dans ce dernier cas, les auteurs reprennent souvent, en totalité ou en partie, le texte-même qu’ils veulent réfuter. Il en va ici de ce procédé puisque Ibn Zurʿa reprend, mais probablement de manière partielle, les arguments d’al-Balḫī.

 

La vie d’Ibn Zurʿa

12 Ibn Zurʿa est né à Bagdad en 331/94222. Il est mentionné entre autres dans trois ouvrages de référence anciens, le Fihrist d’Abū al-Faraǧ Muḥammad b. al-Nadīm (m. 395/995), contemporain d’Ibn Zurʿa23, le Tā'rīḫ al-Ḥukamāʾ de Yūsuf b. ʿAlī al-Qifṭī (m. 646/1248)24 et le ʿUyūn al-anbāʾ fī ṭabaqāt al-aṭibbāʾ d’Ibn Abī Uṣaybīʿa (m. 668/1270)25. C’est Ibn ʿAlī al-Qifṭī qui indique comme date de la mort d’Ibn Zurʿa 398/1008.

 

13 D’après le Fihrist, qui tient Ibn Zurʿa pour contemporain (fī zamāninā hāḏā – « il est de notre temps »), son nom complet est Abū ʿAlī ʿĪsā b. Isḥāq b. Zurʿa b. Murqus b. Zurʿa b. Yūḥannā. Il était philosophe arabe et apologiste chrétien. Il a suivi des études avancées en littérature, physique et mathématique, selon le curriculum de philosophie de l’époque. Ibn Zurʿa entra à l’école de philosophie de Yaḥyā b. ʿAdī (m. 363/974), le célèbre logicien (al-manṭiqī, sa première qualité, d’après Ibn al-Nadīm), qui jouissait d’une très grande autorité parmi ses contemporains, musulmans ou chrétiens. Il y avait parmi eux de grandes figures intellectuelles, dont Abū al-Faraǧ Muḥammad b. al-Nadīm lui-même et Abū Ḥayyān ʿAlī b. Muḥammad al-Tawḥīdī (m. 414/1023), mutakallim muʿtazilite et essayiste persan, qui a rapporté les séances de discussions, auxquelles participait Yaḥyā b. ʿAdī, dans son livre des Muqābasāt et dans d’autres ouvrages. Celui-ci connaissait aussi Abū al-Ḥasan ʿAlī al-Masʿūdī (m. 345/956), le célèbre historien. Ibn Zurʿa fut disciple de Ibn ʿAdī avec Abū Sulaymān al-Siǧistānī (c. 375/985), logicien reconnu, ainsi qu’avec ʿĪsā b. ʿAlī b. Dāwūd b. al-Ǧarrāḥ et Abū al-Qāsim, fils du vizir, qui a étudié la logique chez Yaḥyā et chez qui il apprit aussi l’art de l’argumentation26. À ceux-ci il faut ajouter Abū al-Ḥasan b. Ṣuwār, médecin et philosophe nestorien. Tels étaient les condisciples et amis d’Ibn Zurʿa, dans le cercle dominé par Yaḥyā b. ʿAdī27. Ibn Zurʿa s’inscrit ainsi dans ce qu’on appelle « l’École philosophique de Bagdad »28, qu’on peut faire remonter plus loin que Yaḥyā b. ʿAdī, avec les prédécesseurs de ses maîtres à lui, le syriaque al-Marwazī (m. début xe s.) et Ibn Ḥaylān (m. 320/932 ?), maîtres du nestorien Abū Bišr Mattā (m. 328/940) et de Abū Naṣr al-Fārābī (m. 339/950).

 

14 Une profonde amitié unissait Ibn Zurʿa à son maître Ibn ʿAdī. Ibn Abī Uṣaybiʿa écrivit de lui « qu’il était un grand ami de Yaḥyā et qu’on le voyait souvent à ses côtés29 ». Ibn Zurʿa se trouva au chevet de son maître et reçut son dernier vœu : « Certains morts sont devenus vivants par la science, et des survivants sont déjà morts des suites de leur ignorance et de leur bégaiement ; acquerrez donc la science pour obtenir l’immortalité ; n’estimez point la vie dans l’ignorance30. » Le souvenir de son maître ne le quitta plus même après la mort de celui-ci. Quatre ans plus tard, en 978, Ibn Zurʿa écrivit un traité sur l’Intellect, prétendant qu’il l’avait rédigé « sous la recommandation » de son maître, qu’il avait vu en vision, et qui lui avait demandé d’éclaircir certains points douteux concernant l’Intellect31. Ibn Zurʿa connut très probablement les réfutations rédigées par son maître32. Elles nous sont parvenues dans des manuscrits qui se trouvent aujourd’hui en Égypte et en Iran33. Il nous suffit d’énumérer les auteurs que réfute Yaḥyā, pour montrer comment le traité qui nous occupe, la Réfutation du musulman Abū al-Qāsim al-Balḫī par Ibn Zurʿa, s’inscrit dans cette tradition de polémiques philosophico-religieuses. Notons par exemple, les réfutations du premier philosophe arabe musulman Abū Isḥāq al-Kindī, du soi-disant zindīq musulman Abū ʿĪsā al-Warrāq, du musulman inconnu adepte de la théologie de l’iktisāb d’al-Ašʿarī (m. 324/936), Abū ʿUmar Saʿd b. al-Zaynabī, du musulman Abū al-Ḥusayn Aḥmad al-Miṣrī, sa Lettre au nestorien Abū al-Qāsim b. Ḥabīb, la réponse d’Abū al-Ḫayr al-Ṣayrafī, enfin d’autres polémiques avec des musulmans, récemment redécouvertes34.

 

Les œuvres d’Ibn Zurʿa

15 S’il est jacobite, et sa démarche est avant tout théologique, Ibn Zurʿa accorde cependant une grande place à la philosophie, non seulement en raison de l’écriture d’œuvres à caractère proprement philosophique, mais aussi en ce que les références à la révélation sont écartées en faveur d’une argumentation fondée sur la raison35. Parmi ses œuvres philosophiques, certaines comprennent des traductions à partir du syriaque, mais aussi des traités de son propre cru, rédigés soit en syriaque soit en arabe. La seule liste des traductions, commentaires et œuvres originales mentionnés par Ibn al-Nadīm, Ibn al-Qifṭī et Ibn Abī Uṣaybiʿa donnent à voir la richesse du travail accompli par l’école de Bagdad36.

 

16Parmi ses œuvres, il est utile de mentionner les travaux qui concernent la philosophie, ses traductions, dont celle des Réfutations sophistiques d’Aristote37, et ses commentaires, dont son épitomé de la logique d’Aristote38. Suivent les ouvrages à caractère apologétique, dont les quatre traités édités par Paul Sbath39 : 1° Une Lettre à un ami musulman, traduite par Gérard Troupeau40 ; 2° une autre correspondance, mentionnée par Ibn Abī Uṣaybīʿa, le Traité écrit pour le juif Bišr b. Finḥās b. Šuʿayb al-Ḥāsib, analysée et traduite par Peter Starr dans sa thèse41 ; 3° la réfutation du livre Awāʾil al-adilla d’Abū al-Qāsim ʿAbdallāh b. Aḥmad al-Balḫī42 ; 4. le traité sur l’intellect, écrit en 368/978, quatre ans après la mort de Yaḥyā b. ʿAdī.

 

Abū al-Qāsim al-Balḫī, sa vie, ses œuvres et la Réfutation d’Ibn Zurʿa

17Abū al-Qāsim al-Balḫī est un célèbre théologien muʿtazilite43. Né à Balkh dans la première moitié du ixe siècle et mort vers 319/93144, il était un des chefs de la Muʿtazila de l’école de Bagdad. Il y étudia et était connu sous le nom d’al-Kaʿbī, tant pour ses qualités intellectuelles que pour ses livres, qui attirèrent l’attention de grands savants musulmans tels que Ibn al-Rāwandī (298/910 ?) et Abū ʿAlī al-Ǧubbāʿī (303/915), ou encore le philosophe Abū Bakr al-Rāzī (313/925)45. À la fois savant, théologien, et disciple d’Abū al-Ḥasan b. Abī ʿAmr al-Ḫayyāṭ (m. avant 912), il était connu et estimé pour défendre la doctrine de la Muʿtazila. Al-Balḫī se sépara de lui plus tard, lorsque chacun fonda sa propre école46. Al-Balḫī mourut environ 11 ans avant la naissance de ʿĪsā b. Zurʿa en 942 : la réfutation par Ibn Zurʿa s’inscrit donc dans le cadre de nombreuses réfutations d’ouvrages appartenant à des auteurs d’une époque précédente. D’après certains témoignages, al-Balḫī aurait écrit 46 livres, mais dans le Fihrist, Ibn al-Nadīm ne mentionne que dix-huit titres. À ce jour, il ne subsiste que très peu de manuscrits. Le traité ʿUyūn al-masāʾil wa-l-ǧawābāt47, que mentionne Ibn al-Nadīm, a été édité récemment48. Subsistent aussi les extraits cités par Ibn Zurʿa, qu’Ibn al-Nadīm ne mentionne pas. Ils proviennent d’un ouvrage intitulé Awāʾil al-adilla fī uṣūl al-dīn, Les principales preuves concernant les fondements de la religion, dans lequel il réfute, entre autres, le dogme de la Trinité des chrétiens.

 

18Il est difficile de décrire la personnalité d’al-Balḫī à cause de la nature contradictoire des témoignages. Nombreuses étaient les divergences entre al-Balḫī et les philosophes de son époque, qui durent transparaître dans son livre contre Muhammad b. Zakariyyā Abū Bakr al-Rāzī49, auquel al-Rāzī a répondu50. Il est aussi important de noter qu’al-Balḫī n’était pas accepté dans sa ville natale de Balḫ : il était considéré comme un libre-penseur, un zindīq51, pour le simple fait d’être muʿtazilite. Comme le dit al-Samʿānī, un de ses contemporains : « Je déteste même entendre son nom (al-Balḫī), et ceux des gens comme lui, car il est un prêcheur de son propre égarement52. » Al-Ašʿarī a émis un avis similaire lorsqu’il dit : « Nous avons écrit un grand livre afin de critiquer le fameux livre d’al-Balḫī sur les fondements de la muʿtazila53. » En revanche, son ami Abū Yazīd al-Balḫī affirme que « cet homme (Abū al-Qāsim al-Balḫī) est innocent [de ces accusations] ; il est monothéiste muʿtazilite, je le connais mieux que personne, nous avons grandi ensemble, et nous avons également lu la logique ensemble ; il dialoguait, il critiquait beaucoup54 ». On rapporte également le témoignage élogieux de son ami al-Iṣṭaḫrī, qui disait : « Je n’ai jamais vu un homme aimant le dialogue plus qu’(Abū al-Qāsim) al-Balḫī55. »

 

19La discussion entre al-Balḫī et Ibn Zurʿa est l’aboutissement, à la fin du xe siècle, d’une longue période durant laquelle la pensée religieuse chrétienne et la pensée religieuse musulmane étaient en interaction l’une et l’autre sous l’influence de la pensée philosophique de l’antiquité56. Comme le percevait Harry Austryn Wolfson, on ne peut disjoindre le questionnement des théologiens musulmans des premiers siècles de l’Hégire par rapport à Dieu, des théologies chrétiennes et des philosophies de l’antiquité tardive, qui formaient leur environnement intellectuel auquel ils étaient constamment confrontés57. Surtout que certains passages du Coran donnaient déjà à réfléchir…

 

Discussions théologiques concernant l’Unité de Dieu

L’Unité et l’Unicité de Dieu et le Coran

20Dans le monde sémitique, Dieu se manifeste comme expérience. Dès le temps de Muḥammad, nombreuses questions furent abordées sur la nature même de ce Dieu, son Unité et Unicité, dans le cadre de rencontres culturelles, philosophiques et théologiques. On se voyait obligé de répondre à la question du statut des attributs qu’on a été bien obligé de Lui attribuer. Plusieurs théologiens arabes chrétiens Lui ont consacré des traités, faisant suite aux Pères de l’Église grecs et syriaques. Du côté musulman, il y eut différentes manières de penser les attributs divins, et c’est sur cette question que se divisèrent les écoles de théologie musulmane (maḏāhib), suite aux questionnements dont parla Wolfson58.

 

21Dans ce contexte il convient aussi de souligner l’ambigüité du texte coranique lui-même concernant l’unicité du Créateur : « Nous avons certes créé l’homme d’un extrait de la boue, puis nous en fîmes une goutte de sperme dans un reposoir solide, ensuite, nous avons fait du sperme une adhérence, et de l’adhérence nous avons créé un embryon, puis de cet embryon, nous avons créé des os et nous avons revêtu les os de chair. Ensuite, nous l’avons transformé en une toute autre création. Gloire à Allah le meilleur des créateurs - Allāhu aḥsanu l-ḫāliqīna » (Cor. XXIII, 12-14)59. Dans ce passage, le Coran semble bien reconnaître qu’il y a d’autres créateurs que Allāh, mais que Allāh est le meilleur. Pour le crédo musulman, cette affirmation n’est pas sans difficulté, puisqu’en principe seul Dieu est Créateur. Dans son commentaire, al-Ṭabarī (m. 310/923) reconnaît cependant l’existence d’un autre créateur, Jésus fils de Marie, quand il affirme ce qui suit : « Le verbe “créer” équivaut au verbe “produire”, Dieu est le meilleur de ceux qui produisent. » Mais la difficulté persiste, car il reste à identifier « ceux qui produisent ». Et al-Ṭabarī d’ajouter aussi que « ʿĪsā, Jésus, créa. Dieu ‒ que sa majesté soit honorée ‒ a dit de lui-même qu’Il crée mieux que ce qu’il (Jésus) créa60 ».

 

Questions concernant les attributs de Dieu et la Trinité

22 C’est dans l'interaction intellectuelle musulmane - chrétienne – païenne, qui s’étend de 750 à 1050, qu’il faut situer la discussion entre al-Balḫī et Ibn Zurʿa qui nous occupe. Et sans aucun doute, c’est la question concernant la Trinité et le statut des attributs divins qui s’est imposée en premier lieu, tout comme elle l’est dans la réfutation qui nous concerne, mais dans un cadre plus large, qui inclut la philosophie païenne : comment la penser dans le cadre de la philosophie néoplatonicienne de l’époque comme un monothéisme et non comme un tri-théisme ?

 

Dieu chez des philosophes arabes musulmans

23 On ne peut oublier qu’à l’instar des théologiens musulmans, les premiers philosophes Arabes musulmans travaillaient dans ce même contexte de triple interaction que nous avons évoquée, et s’intéressèrent eux aussi à la question. Un intérêt qui concerne au plus haut point le plus connu parmi eux, Yaʿqūb b. Isḥāq al-Kindī (c. 252/866), et que nous connaissons, par le biais du maître d’Ibn Zurʿa, Yaḥyā b. ʿAdī, qui écrit une Réfutation du traité d’al-Kindī sur la Trinité.

 

24 Yaʿqūb b. Isḥāq al-Kindī travailla à Bagdad au sein d’un cercle de traducteurs constitué par le calife al-Maʾmūn que d’aucuns appelleront d’ailleurs « le cercle d’al-Kindī », témoignant de la qualité de son travail61. De sa production littéraire, il ne subsiste qu’une partie de ses ouvrages62, qui témoignent du fait que al-Kindī a créé des liens entre la philosophie, les sciences et la religion. Nous savons combien il s’est opposé intellectuellement aux traditionnalistes ; les sources nous disent en effet qu’il a critiqué « violemment les adversaires de la philosophie qui l’attaquent au nom de la religion, alors que, dit-il, ils sont sans religion »63. Respectueux de l’Islam, on trouve chez lui une forte tendance muʿtazilite : ce qui le conduit à nier les attributs divins64. Dans son ouvrage Sur la philosophie première (Fī al-falsafa al-ūlā), il présente une pensée métaphysique qui nous renseigne sur sa conception de Dieu. Dans le chapitre quatre de la première partie, al-Kindī analyse les affirmations suivantes65 :

 

L’Un vrai (al-Wāḥid al-Ḥaqq) n’a absolument aucun genre » ; « l’Un vrai est éternel » ; « on ne le dit pas un en relation à quelque chose d’autre, car il est celui qui n’a pas de matière par laquelle il se diviserait, ni de forme composée d’un genre et d’espèces » ; « il n’est aucunement une quantité et n’a pas de quantité » ; « l’Un vrai n’est pas un mouvement » ; « l’Un vrai n’est pas une âme (nafs) » ; « l’unité en vérité n’est pas un intellect (ʿaql) » (…).

 

Dès lors il est clair que l’Un vrai (al-Wāḥid al-Ḥaqq) n’est aucun des intelligibles [aucune des catégories (maʿqūlāt)] : ni matière, ni genre, ni espèce, ni individu, ni différence, ni propre, ni accident commun, ni mouvement, ni âme, ni intellect, ni tout, ni partie, ni ensemble, ni part, ni un relativement à un autre ; mais il est un un absolument… (…). L’Un vrai n’a ni matière, ni forme, ni quantité, ni qualité, ni relation, il ne peut être décrit par aucun des autres intelligibles…66.

 

25 C’est à la lumière de ce traité sur la philosophie première, qu’il faudra lire sa Réfutation des chrétiens où il s’assigne pour objectif de « réduire à néant le dogme de la Trinité ». Ce texte est cité, très probablement intégralement, dans « la démonstration faite par Yaḥyā Ibn ʿAdī de l’erreur d’Abū Yūsuf Yaʿqūb Ibn Isḥaq al-Kindî » 67, au mois de Ramadan de l’an 350/962.

 

26 Dès le début, al-Kindī affirme que pour réduire à néant le dogme de la Trinité, il suffit d’établir qu’il y a manifestement composition dans le Père, le Fils et le Saint-Esprit […]. Or, tout composé est effet [causé] ; et aucun effet n’est éternel », « aucune chose causée n’est éternelle » ; ce qui fait que ni le Père, ni le Fils, ni l’Esprit ne sont éternels. Pour définir le statut des composantes, al-Kindī se réfère ensuite au Livre de l’Introduction, l’Isagoge de Porphyre. Il se demande si les trois personnes de la Trinité sont des genres, des espèces, des différences éternelles ou des accidents universels, ou si « les trois Personnes sont des accidents particuliers qui ont toujours existé, c’est-à-dire des propriétés ». On verra plus loin la réponse de Yaḥyā b. ʿAdī.

 

27 Le deuxième grand philosophe musulman qui nous concerne est Abū Naṣr Muḥammad al-Fārābī (m. 339/950). Après avoir vécu à Bagdad, il mourut à Damas, à l’âge de 80 ans. Ses maîtres furent Yuḥannā b. Ḥaylān (m. 320/932) et Abū Bišr Mattā b. Yūnus (m. 328/940), qui était un personnage éminent de l’école des aristotéliciens arabes de Bagdad, et qui eut une grande influence aussi sur Yaḥyā b. ʿAdī. Il appert néanmoins, que Yaḥyā b. ʿAdī n’est pas dans la ligne de Fārābī. Ni Ibn Zurʿa d’ailleurs. Pour ce prédécesseur, en effet, la raison est supérieure à la foi religieuse, ce qui n’est pas le cas pour Ibn ʿAdī et son disciple68. Al-Fārābī considère la religion comme une forme secondaire pour accéder à la vérité, à travers des symboles : elle est destinée aux non-philosophes. Dans sa définition de Dieu, al-Fārābī recourt à la voie négative dont l’origine est à chercher du côté du néoplatonisme. Pour notre philosophe, Dieu existe, et il est « le Premier (al-Awwal) ». Il est la Cause à l’origine de toutes les créatures : « Rien ne lui manque. Éternel, Il existe par soi, car Il est sa cause… Le Premier n’est ni matière, ni forme ; Il est différent, par son essence de tout ce qui est distinct de lui. Il est l’Un indivisible, et son unité est son essence. Il nous est impossible de le concevoir69. » Il est évident que cette position diffère profondément de celle d’al-Kindī, d’Ibn ʿAdī ou d’Ibn Zurʿa.

 

L’influence des penseurs grecs de l’Antiquité

28La compréhension des arguments avancés par les philosophes et théologiens arabes musulmans et chrétiens, et en particulier ceux relatifs à la Trinité dans les traités écrits par al-Balḫī et Ibn Zurʿa, nécessite de se rapporter à certaines traditions néoplatoniciennes et à leur théorie de l’Un.

 

29 Si pour Platon, ainsi que pour Aristote, le Dieu suprême est l’Intellect, contrairement à Aristote, Platon admet un principe transcendant à l’Intellect, qu’il appelle le Bien ou l’Un. L’Intellect échappe à toutes les formes particulières de l’être : il ne cherche aucune explication rationnelle parce qu’il est lui-même la fin ultime. Il est lui-même l’explicable. Chez Aristote, l’Intellect se pense et devient par conséquent intelligible vis-à-vis de lui-même. L’Intellect, en saisissant l’Intelligible, devient Intelligent70.

 

30 Avec Aristote, la question de l’unité et de la multiplicité a connu une articulation encore plus subtile, cherchant à catégoriser les modalités de l’être. Dans le livre ∆ de la Métaphysique, Aristote établit les définitions envisageables de l’Un. Il distingue, pour commencer, l’Un par essence et l’Un par accident71 : « Si l’Un existe en soi, la grande difficulté est de savoir comment il existera en dehors de lui-même. Donc l’Un ne peut pas être juste essence. Car si l’Un en soi est indivisible, il ne sera rien72. » Quant à l’Un par essence, il est dans une première classification. Aristote parle alors de l’Un par continuité73, c’est-à-dire l’indivisibilité de l’essence et de l’accident, approche que les chrétiens utilisent comme argument pour affirmer que nous ne pouvons pas penser Dieu sans des attributs. Les attributs ici ne sont pas des accidents par rapport à l’essence mais ils sont l’essence même. L’Un selon le genre, « comme par exemple, être humain, est la même chose qu’être humain musicien. Parce que musicien coïncide avec être humain qui est une essence Une74 ». Pour Aristote donc : « Tout ce qui ne comporte pas de division est dit Un en tant qu’il n’en comporte pas. Par exemple si, en tant qu’un être humain, cela ne comporte pas de division, c’est un humain Un75. »

 

31Ces éléments philosophiques sont au cœur des arguments rationnels sur lesquels s’appuient les théologiens arabes chrétiens dans leurs débats avec les musulmans.

 

Yaḥyā b. ʿAdī (363/974), l’inspirateur de Ibn Zurʿa

32 Comme on pouvait s’y attendre, le maître par excellence d’Ibn Zurʿa, Yaḥyā b. ʿAdī, s’est exprimé longuement sur les deux grands sujets qui nous concernent, l’Un et le multiple, l’Unité de Dieu et ses attributs.

 

33 Il y a en premier lieu la réfutation du philosophe musulman al-Kindī, que nous avons déjà mentionnée. Al-Kindī se demande si les trois personnes de la Trinité sont des genres, des espèces, des différences éternelles ou des accidents universels, ce que Yaḥyā b. ʿAdī niera à chaque fois. De plus, ce dernier critique al-Kindī d’avoir « omis de parler de l’un par relation » puisqu’il ne fait qu’évoquer cette relation76, en énumérant quelques exemples, sans plus y prêter attention. Quant à la question de savoir si « les trois Personnes sont des accidents particuliers qui ont toujours existé, c’est-à-dire des propriétés », Ibn ʿAdī répond que les chrétiens ne disent pas non plus que les personnes soient des accidents particuliers, car, bien qu’ils leur appliquent d’une manière générale ce nom de propriété, ils n’entendent pas qu’elles soient des accidents, mais ils disent que chacune est substance.

 

Et il ajoute à cette réponse ce qui suit :

Les chrétiens ne vous accorderont pas que le Père, le Fils et le Saint-Esprit soient produits par la composition de la substance et des propriétés, puisqu’ils disent seulement que la substance est qualifiée de chacun de ces trois attributs, et que ces attributs lui sont éternels, et non produits en elle, après ne pas avoir existé » ; [or,] « ce sont des attributs que l’on donne à la substance unique, parce qu’elle est bonne, sage et puissante 77.

 

34 Il s’agit là d’une triade qui se retrouve chez Proclus et que Yaḥyā b. ʿAdī répète souvent, et entre autres dans son Traité sur l’Unité dont nous parlerons plus loin ; il ajoute ici que « chacune de ces notions est distincte des deux autres ». On remarquera que Yaḥyā b. ʿAdī emploie trois termes pour définir les trois personnes : ce sont des « substances » (ǧawāhir), des « notions » (ou « entités réelles » : maʿānin)78 ou des « attributs » (ṣifāt).

 

35 En finale, al-Kindī reprend la question de la Trinité par le biais de la notion de l’unité, car pour lui, « les chrétiens disent encore que ‘trois font un, un fait trois’ » et il énumère l’unité numérique, l’unité dans l’espèce et dans le genre, pour conclure « qu’il faut admettre ici, comme précédemment, composition et pluralité, et reconnaître que les Personnes sont éternelles sans être éternelles » ; ce qui est absurde. Yaḥyā b. ʿAdī avance sur ce point une autre subdivision de l’un, qu’il répète d’ailleurs dans d’autres traités, c’est-à-dire que l’un peut être un dans le sujet et multiple dans les définitions ».

 

36 Yaḥyā b. ʿAdī a consacré à cette question non seulement le Traité sur l’Unité, Maqāla fī al-Tawḥīd79, mais aussi la première partie de sa réfutation d’Abū ʿĪsā al-Warrāq, sur la Trinité80, dont la deuxième partie concerne l’Incarnation. On y ajoutera deux de ses « Petits Traités » : 1° Traité pour démontrer comment il est permis d’affirmer du Créateur qu’Il est une substance unique douée de trois propriétés que les chrétiens appellent « personnes » ; 2° Traité pour expliquer comment les Chrétiens comparent le Fils à l’intelligent et non à l’intelligible, le Saint-Esprit à l’intelligible, non à l’intelligent, et solution de la difficulté à ce sujet81.

 

37 Pour mieux comprendre les arguments avancés par les philosophes et théologiens arabes musulmans et chrétiens, et en particulier les arguments présentés dans la question sur la Trinité des traités de Yaḥyā b. ʿAdī, ainsi que du traité écrit par Ibn Zurʿa, il faut se rapporter à certaines traditions néoplatoniciennes et la théorie de l’Un que nous présentons très brièvement ici.

 

38Chez Platon, ainsi que chez Aristote, le Dieu suprême est l’Intellect. Mais contrairement à Aristote, Platon admet un principe transcendant à l’Intellect, qu’il appelle le Bien ou l’Un. L’Intellect échappe à toutes les formes particulières de l’être : il ne cherche aucune explication rationnelle parce qu’il est lui-même la fin ultime. Il est lui-même l’explicable. Chez Aristote, l’Intellect se pense. Du fait de se penser, il devient intelligible vis-à-vis de lui-même. Et l’Intellect, en saisissant l’Intelligible, devient Intelligent82. Cela forme ce qu’on appelle la « pensée », et c’est la source de toutes les relations. Par conséquent, toutes les relations morales et intellectuelles font qu’une pensée et une personne peuvent se retrouver dans cette contemplation.83.

 

39 Avec Aristote, la question de l’unité et de la multiplicité a connu une articulation encore plus subtile, cherchant à catégoriser les modalités de l’être. Dans le livre ∆ de la Métaphysique, Aristote établit les définitions envisageables de l’Un. Il en distingue, pour commencer, l’Un par essence et l’Un par accident84. « Si l’Un existe en soi, la grande difficulté est de savoir comment il existera en dehors de lui-même. Donc l’Un ne peut pas être juste essence. Car si l’Un en soi est indivisible, il ne sera rien85. » Quant à l’Un par essence, il est dans une première classification. Aristote parle alors de l’Un par continuité86, c’est-à-dire l’indivisibilité de l’essence et de l’accident que les chrétiens utilisent comme argument en disant que nous ne pouvons pas penser Dieu sans des attributs. Les attributs ici ne sont pas des accidents par rapport à l’essence mais ils sont l’essence même. L’Un selon le genre, « comme par exemple, être humain, est la même chose qu’être humain musicien. Parce que musicien coïncide avec être humain qui est une essence Une87 ». Pour Aristote donc : « Tout ce qui ne comporte pas de division est dit Un en tant qu’il n’en comporte pas. Par exemple si, en tant qu’un être humain, cela ne comporte pas de division, c’est un humain Un88. »

 

40 Ces éléments philosophiques sont au cœur des arguments rationnels sur lesquels s’appuient les philosophes arabes chrétiens dans leurs débats avec les musulmans.

 

41 C’est dans la deuxième partie du traité sur l’Unité de Dieu qu’il analyse le concept de l’un, en suivant le modèle d’Aristote, Métaphysique ∆ 6. Il y indique comment l’Un, la cause première (al-ʿilla al-ūlā), n’est ni un genre, ni une espèce, ni une relation (al-nisba), ni un continu, ni un indivisible, mais qu’il est un dans la définition (al-Wāḥid al-Aḥadd), parce qu’il est un dans le sujet. L’énoncé (al-qawl al-wāṣif) qui définit son essence est un, mais, dans ce cas, cet énoncé est composé de plus d’une partie, désignant chacune une notion différente de la notion signifiée par une autre partie. Pour cela, la définition rassemble nécessairement en elle-même les deux notions de l’unité et de la pluralité, par rapport à ses parties. La cause première est donc plurielle seulement pour autant que le sont les parties constituantes de sa définition, et dans ce cas-ci, les attributs qui sont attribués à l’essence divine. Or, ces attributs sont trois, appartenant à son essence, et on peut les déduire de l’action créatrice de Dieu : sa Bonté (Ǧūd), sa Puissance (Qudra) et sa Sagesse (Ḥikma), une triade qui se retrouve dans sa réfutation d’al-Kindī89.

 

42 Quant à la réfutation d’Abū ʿĪsā al-Warrāq sur la Trinité, Rachid Haddad a montré que Yaḥyā b. ʿAdī élargit la question des attributs de Dieu90. Il analyse l’expression suivante de son adversaire (Abū ʿĪsā) : « Les attributs de Dieu considéré en lui-même (fī nafsihi), ou dans son opération (fī fiʿlihi) » et affirme ce qui suit : « Certains attributs sont constitutifs de l’essence à laquelle on les applique : par exemple, la notion (l’entité réelle – maʿnā) d’un animal et celle du raisonnable constituent l’essence de l’homme et en exprime la définition. D’autres attributs s’ajoutent à l’essence sans en présenter une notion constitutive, comme la faculté de rire pour l’homme, l’égalité des angles dans le triangle ; certains attributs conviennent encore à l’essence, par suite de sa manière d’agir : telle la propriété qu’a le feu de s’élever vers le ciel. » Quant à la paternité, la filiation et l’Esprit-Saint, ce sont trois notions (entités réelles – maʿānin) qui désignent nominativement chacune des trois personnes ; ces notions ne peuvent être attribuées à rien en dehors d’elles ; elles sont différentes des autres attributs éternels, propres à l’essence divine, et que l’on peut, dès lors, attribuer à chacune des personnes91. Dieu est donc Un, mais il est aussi multiple, par la définition de l’Un qui comporte plusieurs notions distinctes les unes des autres, et qui entraîne de nécessité une pluralité (non numérique mais formelle) en Dieu. L’argument de Yaḥyā b. ʿAdī apporte donc un fondement philosophique au dogme chrétien de la Trinité92. Après avoir établi qu’en Dieu l’unité suppose la pluralité formelle, Ibn ʿAdī conclut que Dieu est bon, sage, puissant, ni plus ni moins : « Pas moins, écrit-il, car l’élimination de l’un quelconque de ces attributs entraîne l’annulation de son action sur les créatures ; pas plus, car les créatures se passent, dans leur état actuel, de tout attribut autre que ceux mentionnés plus haut ; leur existence harmonieuse se suffit de ces seuls attributs. Le nombre des attributs du créateur est donc prouvé et ils sont trois93. »

 

43 Dans un des deux « petits traités »94, Yaḥyā b. ʿAdī donne une autre forme à la triade des hypostases. Il précise comment « le Fils peut être comparé à l’intelligent et non à l’intelligible » et comment :

 

L’intelligent seul et non l’intelligible a quelque ressemblance avec le Fils. En effet, l’homme peut percevoir par son intelligence l’essence séparée. Telle est la signification (la nature) de l’union de l’homme avec Dieu le Fils. Mais l’intelligible ne peut dans l’homme devenir l’intelligent, car il ne peut comprendre une essence divine séparée, devenir cette essence et s’unir avec elle. Voilà pourquoi il lui est impossible de devenir cette essence séparée, et de s’unir à elle, et pourquoi nous avons comparé spécialement le Fils à l’intelligent, non à l’intelligible, et le Saint-Esprit à l’intelligible et non à l’intelligent95.

 

Les réponses de ʿĪsā b. Zurʿa aux questions d’al-Balḫī

La première question d’al-Balḫī et la réponse d’Ibn Zurʿa

44 La lecture de la réfutation d’Ibn Zurʿa est difficile ; le texte est loin d’être limpide ce qui tranche avec la cohérence et l’harmonie des réfutations d’Ibn ʿAdī. Ibn Zurʿa recourt à de nombreuses répétitions et donne à son ouvrage une facture désordonnée, difficile à expliquer. Quant au texte d’al-Balḫī qui est rapporté, il ne nous est pas possible d’en vérifier l’authenticité, l’original, « Awāʾil al-adilla », étant perdu. Par hypothèse, on considèrera qu’Ibn Zurʿa en a extrait les seuls passages qui lui importaient de réfuter, quitte à ce qu’ils soient rendus dans un certain désordre.

 

45Quoi qu’il en soit de la cohérence de l’ensemble, trois thèmes fondamentaux indissociables se dégagent : (1°) les attributs divins ; (2°) la multiplicité de l’Un, thème suivi de trois questions se rapportant à la perfection de Dieu, le Verbe et la Vie, ainsi que la question majeure, celle de l’Intellect, qui est au centre de la réflexion d’Ibn Zurʿa ; (3°) les notions de paternité et de filiation. À cela s’ajoutent deux passages venant d’al-Iskāfī, cités par al-Balḫī, l’un concernant la filiation, et l’autre concernant une question adressée aux chrétiens, « dans le cas où vous adorez le Christ (iḏā kuntum taʿbudūna al-Masīḥ), et celui-ci étant Dieu et homme, vous adorez donc l’homme ? ».

 

L’Unité de Dieu et la multiplicité des attributs

46 Dans sa « Lettre à un ami musulman »96, ainsi que dans sa réfutation des objections d’al-Balḫī97, Ibn Zurʿa rappelle la distinction entre les attributs de l’essence (ṣifāt al-ḏāt) et les attributs de l’acte (ṣifāt al-fiʿl), qu’il attribue aux gens du Kalām. Haddad souligne qu’Ibn Zurʿa a recourt à cette théorie de la division des attributs98, qui n’est pas la sienne99, pour prouver sa foi en la Trinité. Il range la trilogie Vivant, Puissant et Bon, parmi les attributs de l’essence100. Mais Ibn Zurʿa poursuit en affirmant que les attributs que nous lui attribuons doivent être conformes à Lui. Si les attributs sont réels, une des deux choses s’impose de nécessité : soit les attributs sont l’essence (ḏāt), soit ils sont des états (modes d’être) (aḥwāl) de l’essence. S’ils sont l’essence elle-même, il est pourtant évident que les entités réelles (maʿānī) des attributs, (la quiddité propre des attributs), sont différentes. L’essence elle-même se différencie donc par leurs différences, c’est-à-dire par la distinction entre les attributs, devenant dès lors multiple plutôt que simple, ce qui est absurde. S’ils sont des états de l’essence, alors nécessairement l’essence est autre chose que les attributs ; il faut donc conclure que Dieu est Un par rapport à l’essence et multiple par rapport aux attributs. La position d’Ibn Zurʿa n’est pas sans originalité à l’égard de la division des attributs, mais il reste dans la ligne de son maître qui disait que Dieu est un d’après le sujet et multiple d’après la définition.

 

 

47 Affirmer que l’essence divine est une par rapport à l’essence et multiple par rapport aux attributs n’implique pas, comme le dit Abū al-Qāsim, une division en parties (al-taǧazzuʾ). En réponse à cette objection, Ibn Zurʿa dira que les attributs divins sont des entités réelles, ou des quiddités propres de quelque chose. Comme son maître, il recourt pour les désigner au terme maʿnā, et comme le faisait Ibn ʿAdī par rapport à l’union de l’humain et du divin dans le Christ101, les entités de la Trinité sont elles aussi des entités réelles, qu’Ibn ʿAdī ne craint pas d’appeler des substances102. Ainsi, les attributs sont considérés comme des entités réelles, sans être pour cela des parties de l’essence divine.

 

48 Qualifiée par des attributs différents, l’essence est distincte de chacun d’eux. Car quand nous attribuons la bonté à l’essence divine, le concept de bonté dans notre intelligence est distinct du concept de sagesse. L’entité réelle de « sagesse » n’inclut pas celle de « bonté » ni inversement, même si les deux attributs peuvent être prédiqués de la même essence. Ibn Zurʿa entend ainsi prouver qu’il est possible d’apercevoir dans l’unité simple de Dieu une certaine multiplicité qui ne met pas en cause son indivisibilité mais révèle les différentes manifestations de son être. Pour Ibn Zurʿa, l’essence divine ne pouvait être conçue autrement qu’avec ses attributs, les attributs sont donc nécessaires à l’essence, autrement dit : ils sont essentiels. Et ses attributs se limitent à trois : la Bonté, la Sagesse et la Puissance.

 

Dieu Verbe et Vie

49 Quant à ce que les chrétiens attribuent au Fils d’être Verbe (nuṭq), et à l’Esprit d’être Vie (ḥayāt), Abū al-Qāsim leur objecte ce qu’affirment les muʿtazilites. Ceux-ci disent en effet, comme les chrétiens, que Dieu est vivant et qu’Il est raisonnable ; mais à cela ils ajoutent ceci : affirmer, comme le font les chrétiens, qu’il est vivant par la Vie et raisonnable par la Raison, conduit au polythéisme, parce qu’alors ils associent à Dieu d’autres êtres éternels, que sont la Vie et la Raison103. Et Abū al-Qāsim de conclure que quand les muʿtazilites attribuent à Dieu la vie, c’est pour nier sa mortalité (al-maytūta), non pour affirmer en lui la Vie ; et quand ils lui attribuent le Verbe, ou la Raison, c’est pour nier qu’il y ait en lui une quelconque animalité (al-bahīmiyya).

 

50 Pour Ibn Zurʿa, l’objection d’Abū al-Qāsim ne convainc pas. Car la vie d’un être est la cause pour laquelle on le dit vivant, et non le contraire ; sinon tout ce qu’on qualifie de vivant ne le serait pas en réalité. Or, Dieu est nécessairement vivant, donc, Il l’est parce qu’Il possède réellement la Vie. Quand Ibn Zurʿa attribue la Vie à Dieu en l’appelant vivant, il le qualifie ainsi parce qu’Il a une Vie et un Esprit (rūḥ), et non parce qu’Il est animé comme le reste des vivants. Pour lui, la Vie en Dieu n’est d’ailleurs pas l’opposé de la mort mais du néant (al-ʿadam). De même, Ibn Zurʿa veut démontrer que Dieu est raisonnable, mais non à la façon des autres êtres raisonnables auxquels a été donnée la Raison104. « Car l’homme, pour penser sa propre intelligence, a besoin de la dépouiller de lui-même pour qu’elle lui soit pensable. Mais Dieu, à cause de sa simplicité, se passe bien de ce dépouillement, car Il est Lui-même Intellect, Intelligeant et Intelligible105. »

 

Intellect, intelligeant, intelligible

51 Al-Balḫī soulève une objection contre l’affirmation des chrétiens, selon laquelle le Fils est Verbe (nuṭq), que l’Esprit est Vie (ḥayāt) et que celui qui est sans parole (laysa bi-nāṭiq) est muet, alors que celui qui n’a pas d’esprit, est mort (mayyit). Pour al-Balḫī cette théologie prouve que le Dieu des chrétiens est composé de plusieurs parties.

 

52 Dans sa réponse, Ibn Zurʿa rappelle que l’essence du Créateur est simple, et qu’en étant simple elle connaît toute chose106. Or, pour connaître tout ce qui est connaissable ou intelligible, il faut avoir une raison. Mais avant qu’Il soit intelligeant pour saisir tout ce qui est intelligible, il doit d’abord être intellect. Car « le premier objet de connaissance de l’Intellect est en effet sa propre essence107 » : l’Intellect se pense lui-même lorsqu’il actualise et exerce son habitus d’intellection. Du fait de se penser, il devient intelligible. Et du fait de se saisir, il devient lui-même l’intelligible ; d’où la question : a-t-il besoin d’un objet, ou bien est-il lui-même l’objet ? Et si la faculté de se penser soi-même appartient à l’objet, alors, n’a-t-on plus besoin d’un sujet ? Si cependant on veut maintenir la relation sujet-objet, cela reviendrait à compromettre la simplicité de l’Intellect. C’est ce qu’affirmera plus tard Ibn Zurʿa, dans son Traité sur l’Intellect.

 

Intellect et Trinité

53 Ibn Zurʿa eut l’occasion de présenter les précisions relatives à cette question lorsqu’il dut résoudre le problème suivant : les philosophes grecs appliquaient la notion d’intellect à l’Essence divine, car selon leur conception, l’Intellect est simple. En revanche, dans la perspective chrétienne, la personne du Père est composée de l’essence éternelle et de la relation de paternité. Or, la simplicité de l’Intellect ne tolère pas la composition de la personne du Père en tant que représentant de l’Intellect. En conséquence, et en suivant l’enseignement de Yaḥyā b. ʿAdī, on pouvait arriver à la conclusion que cette « composition » pouvait être rejetée au nom de la philosophie grecque. Dans son livre sur Ibn Zurʿa, Cyrille Haddad montre que cette question se rapportant à l’Intellect était si importante pour Ibn Zurʿa, que celui-ci en rêvait et eut une apparition de Yaḥyā qui allait l’inciter à reprendre la question et à calmer son doute :

 

La nuit qui était la veille du mardi le 8 Ramadan de l’an 386 A.H, (8 avril 979) après avoir étudié le moyen de justifier la croyance des chrétiens en la Trinité, j’eus comme une vision (…), cette nuit-là. J’ai aperçu notre maître Yaḥyā qui me souriait ; je veux, dit-il, t’interroger sur quelque chose (…) ; que penses-tu de l’Intellect ? Est-il simple ou composé (…) ; sur le champ, je fis cette réponse : l’Intellect est composé (…) ; c’est bien vrai, dit-il (…) : j’ai sur cette question de l’Intellect cinq ou six considérations. Je voudrais que tu en fasses un traité dans lequel tu les exposeras et que tu m’attribueras (…). Je les ai exposées, raconte donc ibn Zurʿa, en des termes dont lui-même (son maître) a le mérite, car c’est lui l’instigateur de cette trouvaille et de cet exposé108.

 

54 Telles sont les circonstances décrites par Ibn Zurʿa et qui ont motivé l’écriture de son traité sur l’Intellect. Les six considérations sur le caractère composé de l’Intellect, dont il parle dans sa vision, sont les suivantes. Concernant l’attribution du terme ʿaql au Père : l’intelligence est une chose existante (mawǧūd) qui désigne la faculté de concevoir toutes les catégories. De plus, comme cette faculté n’est pas identique à l’essence (ḏāt), il en résulte qu’elle est encore plus simple, lorsque la puissance d’être informée par les catégories lui est ajoutée que lorsqu’elle lui est soustraite. En effet, lorsque la puissance d’être informée par les catégories s’unit à la faculté de concevoir toutes les catégories, il en résulte la notion de l’intelligence qui devient alors composée et non simple. De l’union entre l’essence (al-ḏāt) et la faculté se déduit la notion de l’Intellect en acte. En fait, al-ʿaql est l’Intellect abstrait de l’acte d’intelliger, l’intelligeant (al-ʿāqil) ; et l’objet de l’Intellection est l’Intellect lui-même. C’est ainsi que la doctrine de Yaḥyā sur la Trinité montre que l’intelligence abstraite correspond à la substance qu’est l’hypostase du Père109. Ainsi conçu, al-ʿaql désigne le Père, ce qui n’est donc pas l’acte d’intelligence, encore moins une simple potentialité cognitive ; c’est une véritable entité intellectuelle abstraite de cette dernière. Mais le Père est la nature divine à laquelle s’ajoute la caractéristique (ṣifa) de la paternité, comme al-ʿaql est une entité douée d’une capacité intellective. Par analogie, on déduit que le Fils (al-ʿāqil) est ce même être, auquel on superpose le fait de se connaître, vu que le premier des objets conçu par al-ʿaql est sa propre essence. Le Saint-Esprit (al-maʿqūl) est donc cette même entité considérée comme l’objet de sa propre connaissance110.

 

55 Ce schéma se rattache à la théorie de la connaissance de Yaḥyā. Il affirme que si la connaissance de l’homme peut être sensible ou intellectuelle, celle de Dieu est tout autre. Il est évident que Dieu ne connaît pas par les sens, et Il ne connaît pas non plus par l’Intellect, sinon sa connaissance serait causée par cet intellect. Il connaît plutôt directement par son essence, sans l’intermédiaire de l’Intellect. Et Yaḥyā de conclure que « cela nécessite donc que son essence soit Intellect ». Ibn Zurʿa aboutit à la même conclusion en partant de l’analyse de la nature de Dieu : « La simplicité de l’essence du Créateur ne permet pas de dire de lui qu’Il a un Intellect, mais qu’Il est lui-même Intellect, attendu que les connaissances lui viennent par son essence, non par voie déductive111.» Il n’y a pas lieu de confondre, malgré l’imprécision de l’expression, les deux emplois du terme al-ʿaql, qui désigne tantôt l’essence de Dieu, tantôt la personne du Père. Ibn Zurʿa démontre donc que puisque le Créateur pense son essence, il lui advient, en vertu de la connaissance de son essence, d’être intelligeant ; et puisqu’Il est lui-même la chose que connaît son essence, il est aussi intelligé par son essence. Il acquiert ainsi trois attributs différents : il est intellect, intelligeant et intelligé, tout en étant une seule essence ; car ce qui est intellect est bien cela même qui est intelligeant et intelligé.

 

L’Analogie

56 Ibn Zurʿa poursuit sa réfutation en abordant la question de l’analogie (munāsaba) :

 

Car les choses simples (al-basāʾiṭ), les choses que les sens ne saisissent pas (al-baʿīda ʿan al-ḥawāss), se connaissent seulement (de deux manières), soit par analogie (bi-l-munāsaba) entre elles et entre leurs objets de connaissance (maʿlūmātuhā), soit par analogie entre elles et entre leur essence (…). Car, en effet, la notion (maʿnā) de « fils » veut dire pour eux deux choses. Une des deux, c’est que le fils est de la nature de son père, tels que nous le sommes par rapport à nos pères ; et cette analogie (al-munāsaba) implique l’égalité (al-tasāwī) des deux éléments de l’analogie (al-mutanāsibayn) dans la substance (al-ǧawhar) et la nature (al-ṭabīʿa).

 

57 Il présente ici un autre aspect que celui de l’acceptation classique112 : il ne s’agit pas tant d’un rapport entre choses dissemblantes non seulement en quantité et en qualité, que d’une différence de la forme, comme l’humain et le divin. On a souvent tendance à penser la différence comme deux choses opposées, mais il est possible de penser la différence comme relevant de la même essence alors que la forme est différente. L’analogie se caractérise alors par un mouvement entre la ressemblance qu’elle implique et la dissemblance qu’elle franchit sans réduire la ressemblance. Une proportion et une raison fait tenir ensemble ce qui, par ailleurs, ne se ressemble pas. Il y a visiblement ressemblance dans la dissemblance. C’est-à-dire que la différence dans la ressemblance fait de l’analogie une sorte de pont par-dessus une frontière qui ne s’en trouve pas abolie pour autant ; car la proportion rationnelle ne détruit pas les différences réelles113 .

 

58 Chez Platon, nous trouvons une belle définition de l’analogie qui se présente ainsi :

 

Deux éléments ne peuvent pas seuls former une composition qui soit belle, sans l’intervention d’un troisième : il faut en effet, entre les deux, un lien qui les réunisse. Or, de tous les liens, le plus beau, c’est celui qui impose à lui-même et aux éléments qu’il relie l’unité le plus complète, ce que, par nature, la proportion114 réalise de façon la plus parfaite. Chaque fois que de trois nombres quelconques, que ces nombres soient entiers ou en puissance, celui du milieu est tel que ce que le premier est par apport à lui, lui-même l’est par apport au dernier, et inversement que ce que le dernier est par apport à celui du milieu, celui du milieu l’est par apport au premier, celui du milieu pouvant devenir premier et dernier, le dernier et le premier pouvant à leur tour devenir moyens ; il en résulte nécessairement que tous se trouvent être dans une relation d’identité, et que, parce qu’ils se trouvent dans cette relation d’identité les uns par rapport aux autres, ils forment tous une unité. Cela dit, si le corps de l’univers avait dû être une surface, dépourvu de toute profondeur, une seule médiété eût suffi à établir un lien entre les autres termes qui l’accompagnent et elle-même. Mais en fait, il convenait que ce monde fût un solide, et, en ce qui concerne les solides, ce n’est jamais une seule médiété, mais toujours deux qui établissent entre eux une analogie115.

 

59 Dans la réponse au théologien al-Balḫī, Ibn Zurʿa reprend le même argument. Après avoir établi, d’une part, la réalité des attributs divins, et de l’autre, l’impossibilité pour eux de se confondre avec l’essence divine, Ibn Zurʿa sort de cette contradiction en prouvant que les attributs divins désignent des relations analogues (munāsabāt), soit entre Dieu et ses opérations, soit entre Dieu et son essence (baynahu wa-bayna ḏātihi). Ces relations analogues, notamment celles entre Dieu et son essence, ne révèlent toujours rien de l’essence-même de Dieu. Dans cette perspective, Ibn Zurʿa maintient les principes précédents, à savoir la réalité des attributs divins et l’incompréhensibilité de la nature divine. Cette analogie constitue même les personnes : Paternité, Filiation et Spiration, qui ont, selon lui, un fondement dans la nature divine, mais elles ne révèlent en rien ce que celle-ci est en elle-même. Ce deuxième aspect de la pensée d’Ibn Zurʿa signifie que l’essence divine, éminemment simple, est ineffable par excellence ; elle ne peut être envisagée qu’à travers la nouvelle notion qui lui est ajoutée : l’analogie116 .

 

Conclusion : la doctrine trinitaire d’Ibn Zurʿa

60 Les arguments avancés par Ibn Zurʿa nous permettent de comprendre comment les chrétiens articulaient leur position face aux musulmans. On peut résumer celle-ci comme suit.

 

Ibn Zurʿa affirme que l’Un est multiple dans son essence. Pour Lui, cet Un est Dieu, identification que nous trouvons déjà chez d’autres philosophes ou théologiens Arabes. Et ce Dieu, Un, est Intellect – une idée, que nous avons pu retracer, elle aussi, chez des philosophes prédécesseurs.

L’Intellect est composé : il n’est pas simple comme cela a pu être pensé par certains anciens. Pour Ibn Zurʿa, l’Intellect pur est Dieu, mais Il est Lui-même l’Intelligeant, et Lui-même est aussi l’Intelligible, sous différents points de vue, son essence restant une. Les attributs de l’essence prennent l’appellation de Père, Fils, Esprit – considérés par le musulman al-Balḫī comme trois dieux distincts.

À la suite de ces argumentations, nous avons évoqué un autre type d’argument qui n’était pas utilisé par les chrétiens, mais qui a simplement été mentionné par Ibn Zurʿa, concernant la question du simple et du composé. Pour Ibn Zurʿa le simple peut contenir une certaine composition, dans le sens que l’Un est, comme dans tout composé, ce qu’on appelle un élément simple ; et lorsque le composé est fait d’un certain nombre de choses, il est impossible de connaître sa nature en ignorant ses éléments simples. Dieu est l’être simple par excellence, Dieu en effet, est Un, se multipliant pour se connaître. Dans un autre sens, l’essence peut contenir des attributs en restant une ; autrement dit, l’essence, par nécessité, doit pouvoir contenir des attributs.

Dans son traité, Ibn Zurʿa met le doigt sur la question de l’analogie de l’être comme un mode de connaissance nécessaire pour penser l’humain et le divin. Il a utilisé l’analogie en faisant un rapport proportionnel entre l’essence divine et l’égalité de ses attributs. L’essence, pour lui, se manifeste comme un rapport qui se répète de manière différente en gardant toujours sa quiddité propre. Autrement dit, il y a une ressemblance fondée sur une similitude de rapport entre des réalités différentes. Cette pensée de l’analogie est fondamentale pour Ibn Zurʿa afin de pouvoir affirmer l’unité de l’essence, et pour montrer l’existence simultanée de l’un et du multiple. Pour un musulman, une telle approche est problématique, car il apparaît clairement que pour lui l’analogie de l’être n’est pas recevable. C’est pourquoi Ibn Zurʿa veut démontrer que c’est par l’analogie qu’il est possible que l’homme ait connaissance de Dieu, tout autant qu’est possible la relation entre le monde sensible et le divin, en sachant bien évidemment que la Trinité est une doctrine philosophiquement nécessaire pour penser l’essence même du divin.

Remarque finale

61 À la lumière de ce parcours entrepris, nous voyons combien la philosophie médiévale se présente comme une quête vers l’universel absolu à partir du particulier ; elle est avant tout est une relation, du moins pour la noétique du Moyen-âge. Dans ce sens, on ne saurait lire un auteur à partir d’une ligne chronologique. Pour le connaître et scruter sa pensée, il convient de mettre à jour une problématique, au-delà d’une certaine « épistémè » du temps. Toute philosophie qui se construisait alors, tissait des relations, des récupérations, des emprunts, des débats constructifs ou dé-constructifs envers d’autres philosophies ou celles de figures importantes. En ce sens, la dynamique du Moyen-âge arabe est aussi la « raison » même de sa philosophie, si l’expression est ici permise.

 

62 Quant au caractère chrétien ou musulman de la pensée philosophique, elle est marquée par une structure d’ensemble, avec un savoir transmis de génération. En amont de ce savoir, deux mondes : celui de la tradition chrétienne/musulmane et celui de la philosophie. Il existe une dialectique de traductibilité qui conduit les deux mondes à une double impossibilité ou à une double détermination. Il faut que la Loi révélée réponde à l’interpellation que lui adresse la philosophie de langue grecque ; et inversement, toute pensée philosophique ne peut faire abstraction de l’évènement de la Bible ou du Coran. Cette traductibilité suppose un non-fusionnement total. C’est la raison pour laquelle la lecture d’Aristote ne remplacera jamais celle de la Bible, ni celle du Coran, et inversement. Ces deux mondes restent dans une tension permanente, qui marque aussi toute la différence entre l’héritage philosophique chrétien/musulman et la philosophie grecque. Les deux exemples d’Ibn Zurʿa et d’al-Balḫī montrent à quel point cette rencontre entre philosophie grecque et pensée philosophique religieuse peut s’appliquer à toute philosophie réfléchissant à la révélation.

 

 

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Notes

1 Chassinat, « Nécrologie. Émile Galtier ».

 

2 Thomas, e.a. (éd.), Christian-Muslim Relations.

 

3 Pour tous ces auteurs mentionnés, voir la bibliographie.

 

4 Les extraits du livre d’al-Balḫī, Awāʾil al-adilla, qui se trouvent dans la Réfutation d’Ibn Zurʿa ne sont pas mentionnés dans l’étude d’El Omari, The Theology of Abū al-Qāsim ; il y a pourtant un long chapitre sur les attributs, ainsi qu’une référence à al-Iskāfī qui est mentionné dans les extraits (p. 89-116).

 

5  On trouvera la traduction française de l’intégralité du traité édité par Paul Sbath en Annexe de cet article.

 

6 Pour le terme « substance », voir Monnot, « Des doctrines des chrétiens dans le “Moghni” de ʿAbd al-Jabbār », p. 13.

 

7 Sujet qui touche aussi notre actualité, posant la question de la différence entre musulman et islamiste : question trop vaste pour qu’elle soit traitée dans cet article.

 

8  Sbath, Vingt traités, « Réfutation de Abū al-Qāsim al-Balḫī », p. 52-68 ; « Traité écrit pour le juif Bišr b. Finḥās Ibn Šuʿayb al-Ḥāsib », p. 19-52 ; « Traité sur l’Intellect », vision de la position de Yaḥyā b. ʿAdī concernant la Trinité, p. 68-75. Parmi les ouvrages de référence, rappelons celui de Rachid Haddad, sur La Trinité divine chez les théologiens arabes (750-1050), ceux de Gérard Troupeau, qui fut le premier à traduire une réfutation d’Ibn Zurʿa et qui se trouve dans l’édition de Sbath : Troupeau, « Épître du philosophe ʿĪsā Ibn Zurʿa », et celui de Shlomo Pines, qui a traité la question de la loi chez Ibn Zurʿa : Pines, « La Loi naturelle et la société ». Nous n’avons pas eu accès à la thèse soutenue par Peter Starr concernant l’épître à Bišr b. Finḥās, qui n’a pas été publiée.

 

9 Haddad, ʿĪsā Ibn Zurʿa.

 

10 "يقول سيدي الشيخ يحيى بن عدى: العقل عندك بسيط أو مركب؟ فأجبته في الوقت بما لم أكن فكرت فيه قط ولا خالج سري وهو أن العقل مركب, فضحك ضحكآ شديدآ وجمت له, فقال لما رأى وجومي وهو يشير إلي بأصبعه: هذا صحيح وهو الحق" . Sbath, Vingt traités, p. 69.

 

11 Voir al-Šahrastānī, al-Milal wa-l-niḥal, p. 59-47.

 

12 Il s’agit d’Abū Ǧaʿfar Muḥammad b. ʿAbdallāh, philosophe muʿtazilite de l’école de Bagdad, originaire de Samarkand ; il vécut la majorité de sa vie dans une ville au centre de l’Iraq appelée Iskāf. La date de sa naissance demeure inconnue, mais on sait qu’il atteignit un grand âge et mourut en 240/854. Il devient muʿtazilite par l’initiation de Ǧaʿfar b. Ḥarb qui a remarqué l’intelligence d’al-Iskāfī, et c’est la raison pour laquelle il l’amène à Bagdad pour suivre son enseignement. Al-Iskāfī était estimé du calife al-Muʿtaṣim (m. 227/842), qui l’avait présenté comme propagandiste de la doctrine muʿtazilite. Voir Ibn al-Nadīm, Fihrist, p. 213 ; Rashīd al-Khayyūn, Muʿtazilat al-Baṣra wa-Baġdād, p. 299-318 ; Sourdel, « al-Iskāfī », p.132.

 

13 On attribue à Dieu les attributs de l’essence : Dieu est savant, mais n’a pas de savoir, Il est pouvant, mais sans pouvoir, Il est vivant, mais sans avoir une vie. On attribue à Dieu les attributs de l’acte, quand on peut qualifier Dieu d’un attribut et de son contraire, par exemple, dire que Dieu accorde sa faveur ou qu’il la refuse, il s’agit d’un acte, comme d’être le miséricordieux, le généreux, le pardonneur etc. Cette distinction permet de sauvegarder la transcendance de Dieu et son immutabilité.

 

14 Haddad, Ibn Zurʿa, p. 208.

 

15 Entre autres dans son crédo : al-Ašʿarī, Kitāb maqālāt al-islāmiyyīn, p. 290-297.

 

16 Dans ce contexte, nous avons systématiquement traduit le terme « tafaḍḍul » par « grâce », suivant ainsi l’option qu’a prise Pines dans son important article sur « La Loi naturelle et la société » et qu’il a longuement explicitée dans une note. Voir Pines, « La loi naturelle et la société », p. 175, n. 61 : « Tafaḍḍul , terme (…) que je rends de façon constante dans le texte par le mot « grâce ». Cette traduction peut se défendre et est, en outre, la plus commode. Cependant la traduction de « surcroît » (de vertu) » ‒ qui correspond grosso modo au second sens du mot arabe – entre aussi en ligne de considération. » Ce terme se retrouve déjà dans l’Apologie du chrétien ʿAbd al-Masīḥ al-Kindī, traduite par Georges Tartar. Dans son chapitre sur les différentes sortes de lois et de préceptes, al-Kindī fait la distinction entre « la loi naturelle », fondée sur la raison, c’est-à-dire « la loi de la justice », qui est celle de l’Ancien Testament, et « la Loi d’origine divine », « la loi de la générosité » (sic Tartar), qui est au-dessus de la raison et de la nature, c’est-à-dire, la loi divine apportée par le Christ, la loi de la miséricorde, du pardon et de l’imitation de Dieu… » : Tartar, Dialogue islamo-chrétien, p. 175-176. Voir aussi Platti, « La Loi religieuse et la Loi naturelle » ; Griffith, « Commending Virtue ». Comme l’exprime Griffith, on retrouve chez Ibn Zurʿa l’argument du chrétien al-Kindī : « In these texts, Ibn Zurʿa argued against both the contemporary Jewish defense of the Mosaic šarīʿa and the Muslim promotion of the Islamic šarīʿa, as being expressions of the right religion and therefore as embodying the right law for the governance of the human community. Rather, for Ibn Zurʿa it was the Gospel, as the šarīʿa of grace (sic!) and charity that commended God’s will for mankind. »

 

17  Ainsi Griffith, Commending Virtue, p. 82-83, par rapport à Ibn ʿAdī, mais aussi par rapport à Ibn Zurʿa : « An interesting feature of a number of the texts is the insight they afford the reader into the course of the philosophical and theological colloquies in which Yaḥyā took part with his Jewish, Christian and Muslim interlocutors. »

 

18 Sbath, Vingt traités, p. 52-68.

 

19 Sbath, Vingt traités, p. 68-75.

 

20 Endress, The Works of Yaḥyā Ibn ʿAdī. Il en est ainsi des questions posées par Abū ʿĪsā al-Warrāq (m. vers 274/861), auxquelles répondit Yaḥyā b. ʿAdī, ou encore des attaques du premier philosophe arabe musulman, Abū Isḥāq al-Kindī (m. entre 247/861 et 252/866) adressées aux chrétiens que réfutera plus tard le théologien chrétien, décédé un siècle plus tard (m. 363/974).

 

21 Sbath, Vingt traités, p. 19-52.

 

22 Haddad, ʿIsa Ibn Zurʿa, p. 31 ; Graf, Geschichte der christlichen arabischen Literatur, p. 252-256.

 

23 The Fihrist of al-Nadīm, p. 204.

 

24 Ibn al-Qifṭī, Ta'rīḫ al-Ḥukamāʾ, p. 245-247.

 

25 Ibn Abī Uṣaybiʿa, ʿUyūn al-anbāʾ, p. 235-236. D’après Cyrille Haddad, les dates que nous trouvons dans le livre d’Ibn Abī-Uṣaybiʿa sont erronées. 

 

26 ʿAlī Ibn Yūsuf al-Qifṭī, Ta'rīḫ al-Ḥukamāʾ, p. 247.

 

27 Sala, « Ibn Zurʿa », CMR I, p. 570-574.

 

28 Voir The School of Baghdad (4th-5th/10th-11th Cent.) and its Achievements ; Platti, « Yaḥyā Ibn ʿAdī, Disciples and Masters », p. 60-64.

 

29 Ibn Abī Uṣaybiʿa, ʿUyūn al-anbāʾ, p. 235.

 

30 Haddad, ʿĪsā Ibn Zurʿa, p. 33.

 

رب ميت قد صار بالعلم حيـآ       ومبقى قد مات جهلا وعيـــآ

 

فافتنوا العلم كى تنالوا خلودآ      لا تعدوا الحياة فى الجهل شيآ

 

31 Édité par Paul Sbath, Vingt traités, p. 68-75 ; Ibn al-Nadīm mentionne ce Kitāb fī al-ʿaql, mais ajoute que c’est un traité qui n’est « pas encore sorti – Maqāla lam taḫruǧ » !

 

32 Platti, Yaḥyā Ibn ʿAdī ; Périer, Yahyâ Ben ʿAdî ; Périer, Petits traités.

 

33 Voir Endress, The Works of Yaḥyā Ibn ʿAdī, et les éditions de Platti mentionnées par Endress.

 

34 Wisnovsky, « New Philosophical Texts », p. 308-326.

 

35 Pines, La loi naturelle et la société, p. 157.

 

36  Ibn al-Nadīm, Fihrist, p. 249, 251, 264. Ibn al-Qifṯi, Ta'rīḫ, p. 245. Ibn Abī Uṣaybiʿa, ʿUyūn al-anbāʾ, tome I, p. 235-236. Haddad, ʿĪsā Ibn Zurʿa, p. 39-52. Une analyse détaillée des œuvres conservées ou perdues et attribuées à Ibn Zurʿa a été publiée récemment par Gerhard Endress : Endress, «ʿĪsā Ibn Zurʿa », p. 325-333.

 

37 De toutes ces traductions, seules les Réfutations sophistiques ont été conservées dans le manuscrit 2346 de la Bibliothèque nationale de Paris : Haddad, ʿĪsā Ibn Zurʿa, p. 40.

 

38  Épitomé édité par Gerhard Gihami sous le titre Manṭiq Ibn Zurʿa, qui contient ses commentaires d’al-ʿIbāra, al-Qiyās, al-Burhān.

 

39 Sbath, Vingt traités, 1° p. 6-19, 2° p. 19-52, 3° p. 52-58, 4° p. 68-75.

 

40 Troupeau, « Épître… », p. 73-83.

 

41 Starr, The Epistle.

 

42 Autrement dit, Les Preuves primordiales des Principes de la Religion d’Abū al-Qāsim ʿAbdallāh Ibn Aḥmad al-Balḫī ; ce Traité d’Ibn Zurʿa porte la date de Ḏū al-Qaʿda 387 A.H. (= 5 nov.-4 déc. 997).

 

43 Dunlop, al-Balḫī, p. 1033.

 

44 Thomas, CMR, II, p. 188, On ne connaît pas la date précise. Voir Ibn Ḥaǧar al-ʿAsqālānī, Līsān al-mīzan, p. 308.

 

45 CMR II, p. 188.

 

46 Dans son Livre des religions et des sectes, Šahrastānī mentionne deux écoles sous les noms d’al-Ḫayyāṭiyya et al-Kaʿbiyya, voir al-Milal wa-l-niḥal, p. 50.

 

47 Ibn al-Nadīm, Fihrist I/2, p. 615, n. 2 : dans une note se trouvant dans le Fihrist qu’il édite, Ayman F. Sayyid mentionne que son père, Fuʾād Sayyid, avait découvert un manuscrit au Yémen, intitulé Maqālāt, constitué d’un recueil comprenant à la fin le traité.

 

48 Al-Balḫī, ʿUyūn al-masāʾil wa-l-ǧawābāt.

 

49 Voir Maḥmūd Niǧm ʿAbbādī, Abū Bakr b. Zakariyyā al-Rāzī.

 

50 Voir Ibn al-Qifṭī, Ta'rīḫ, p. 274.

 

51 Al-Baġdādī, al-Farq bayna al-firaq, p. 33.

 

52 Al-Balḫī, ʿUyūn al-masāʾil wa-l-ǧawābāt, p. 21.

 

53  Rašīd al-Khayyūn, Muʿtazila, p. 330.

 

54 De même, p. 330.

 

55 Al-Balḫī, ʿUyūn al-masāʾil wa-l-ǧawābāt, Introduction, p.19.

 

56 Voir Wolfson, The Philosophy of the Kalam, p. 305-354.

 

57 Ainsi, Wolfson, The Philosophy of the Kalam, p. 112 : concernant la Trinité et les attributs divins : « …As early as the first part of the eighth century, […] there arose in Islam the belief that certain terms which are attributed to God in the Koran stand for real incorporeal beings which exist in God from eternity. […] The appearance of that belief at that time can be explained only on the ground of some external influence. […] By a process of elimination it is to be assumed that Christianity was that external influence. »

 

58 Voir Wolfson, « The Muslim Attributes and the Christian Trinity », p. 112-132.

 

59 Le Saint Coran et la traduction en langue française du sens de ses versets, al-Madina, Complexe du Roi Fahd, 1410 A.H.

 

60 Nous trouvons dans le Tafsīr du Coran d’al-Ṭabarī deux endroits dans lesquels nous trouvons une explication de la phrase « le meilleur des créateurs » ; voir, Tafsīr al-Ṭabarī, t. 17, p. 25. Concernant la question de Dieu comme seul Créateur, voir Anawati, Gardet, Dieu et la destinée de lʼhomme, p. 45-50.

 

61 Endress, « The Circle of Al-Kindī ».

 

62 Adamson, Porman, The Philosophical Works of al-Kindī.

 

63 EI V, p. 125.

 

64 EI V, p. 124-126. Henri Serouya, La pensée arabe, Paris, Université de France, 1967, p. 84-86.

 

65 D’après la traduction de Jolivet, Œuvres philosophiques et scientifiques d’al-Kindi. Vol. II, p. 82-86, 94-95.

 

66 Al-Kindī, Rasāʾil falsafiyya, p. 153-161 ; cet « Un » véritable tel que le conçoit al-Kindī, est aussi le Dieu du Coran.

 

67 Périer, Petits traités, p. 118-128. D’après Périer, « ce petit traité (d’al-Kindī) est sans contredit, le plus intéressant des opuscules de Yaḥyā Ibn ʿAdī, par l’importance du sujet, la vigueur de l’argumentation, et la qualité de l’adversaire… ».

 

68 « Ce n’est pas Aristote qui est mon guide en matière de christianisme », voir Emilio Platti, « Les thèses des philosophes rejetées par Ghazālī », p. 80.

 

69 Al-Fārābī (c. 339/950), Arāʾ ahl al-Madīna, p. 23-25.

 

70 Voir Endress, « ʿĪsā Ibn Zurʿa », p. 321: Ibn ʿAdī greift auf das Konzept des aristotelischen Ersten Bewegers zurück, der in ewiger Kontemplation das Denken des Denkens ist... (Arist. Met. Λ 9, 1074b34).

 

71 Aristote, Métaphysique ∆, p. 1806.

 

72 Aristote, Métaphysique B, Paris, Flammarion, 2014, p.1774.

 

73 Aristote, Métaphysique ∆, p.1807 : « On appelle continu ce qui a par soi un seul mouvement et qui ne peut être autrement ; le mouvement est un quand il est indivisible, mais indivisible selon le temps. Est continu par soi tout ce qui est un autrement que par contact. »

 

74 Ibid., p. 1807.

 

75 Ibid., p. 1808.

 

76 Périer, Petits traités, p. 125: réf. à Aristote, Naturalis Auscultationis Lib. I, Cap. II, p. 241.

 

77 Endress, The Works of Yaḥyā Ibn ʿAdī, p. 73, et ses réf. à Dodds, Proclus, The Elements of Theology, p. 264.

 

78 Endress, Yaḥyā Ibn ʿAdī, p. 321: Yaḥyā b. ʿAdī emploie le terme maʿnā dans le sens (allemand) de « Wesenswas », que nous traduisons par “entité réelle” ; ainsi : Platti, « Towards an Interpretation of Yaḥyā Ibn ʿAdī’s Terminology in his Theological Treatises », p. 61-71, et surtout : Menn and Wisnovski, « Yaḥyā Ibn ʿAdī on the Four Scientific Questions concerning the Three Kinds of Existence ».

 

79 Khalifat, Yaḥyā Ibn ʿAdī, p. 375-406 ; Khalil, Le traité de l’unité de Yaḥyā Ibn ʿAdī.

 

80 Yaḥyā Ibn ʿAdī (363/974), Naẓariyyat al-tawḥīd wa-l-taṯlīṯ al-falsafiyya ʿinda Yaḥyā Ibn ʿAdī.

 

81 Périer, Petits traités, p. 44-62 et 24-27.

 

82 Voir Endress, « ʿĪsā Ibn Zurʿa », p. 321: Ibn ʿAdī greift auf das Konzept des aristotelischen Ersten Bewegers zurück, der in ewiger Kontemplation das Denken des Denkens ist... (Arist. Met. Λ 9, 1074b34).

 

83 Bréhier, La philosophie de Plotin, p. 137.

 

84 Aristote, Métaphysique ∆, Marie-Paule Duminil, Annick Jaulin (éd.), Paris, Flammarion, 2014, p. 1806.

 

85 Aristote, Métaphysique B, Paris, Flammarion, 2014, p.1774.

 

86 Aristote, Métaphysique ∆, p.1807 : « On appelle continu ce qui a par soi un seul mouvement et qui ne peut être autrement ; le mouvement est un quand il est indivisible, mais indivisible selon le temps. Est continu par soi tout ce qui est un autrement que par contact. »

 

87 Aristote, Métaphysique ∆, p. 1807.

 

88 Aristote, Métaphysique ∆, p. 1808.

 

89 Périer, Petits traités, p. 119; Endress, The Works of Yaḥyā Ibn ʿAdī, p. 73.

 

90 Haddad, La Trinité divine, p. 194, avec réf. à Périer, Yahyâ Ben ʿAdî, p. 176-178.

 

91 Périer, Yaḥyâ Ben ʿAdî, p. 177-179.

 

92 Haddad, La Trinité divine, p. 204.

 

93 Ibid., p. 205.

 

94 Périer, Petits traités, p. 25-26.

 

95 Voir Endress, « ʿĪsā Ibn Zurʿa », p. 321.

 

96 Sbath, Vingt traités, p.13.

 

97 Annexe, p. 9.

 

98 Haddad, La Trinité divine, p.194.

 

99 Aristote établit les définitions envisageables de l’Un, il en distingue pour commencer l’Un par essence et l’Un par accident. Ce que les théologiens arabes ont utilisé sous les noms d’attributs d’essence et attributs de l’acte. Voir Hanna, Les arguments philosophiques chez les apologètes Arabes chrétiens, p. 141.

 

100 Haddad, La Trinité divine, p. 221.

 

101 Voir Endress, « Yaḥyā Ibn ʿAdī », p. 321: « Gegenüber der mono-physitischen Theologie des Severus von Antiochia spricht Ibn ʿAdī  jedoch nicht von der einen Natur (… ṭabīʿa) des inkarnierten Logos in der Person Christi, sondern von der einen Substanz oder dem einen Wesenwas (maʿnā)… ».

 

102 Platti, Yaḥyā Ibn ʿAdī, p. 87-90.

 

103 Cheikho, Trois traités anciens, p. 31.

 

104 En parcourant la suite des œuvres polémiques des Arabes chrétiens, on remarquera que la question de la Vie et de la Raison en Dieu revient encore plus tard chez d’autres théologiens. Ainsi chez Élie de Nisibe (438/1046), qui répond d’une façon assez catégorique : « Dire de Dieu qu’Il est vivant sans vie et raisonnable sans raison, conduit à dire que Dieu n’est ni vivant, ni raisonnable », Haddad, ʿĪsā Ibn Zurʿa, p.192. La réponse d’Élie de Nisibe se divise en trois arguments. Le premier est d’ordre sémantique : les noms dérivés renvoient à des concepts qui en portent la signification première. Le vivant dérive de la vie et le raisonnable dérive de la raison. D’où il s’ensuit nécessairement qu’il n’y a pas de vivant sans une vie ni de raisonnable sans une raison. Le deuxième argument est d’ordre logique : chaque mot a une signification propre, de sorte que dire qu’Il est vivant équivaut logiquement à affirmer qu’Il a une vie. Le troisième argument procède par l’absurde et entend montrer la contradiction existant dans la pensée islamique sunnite et surtout ašʿarite. Les musulmans sunnites croient que Dieu est vivant par une vie, savant par une science, puissant par une puissance, voulant par une volonté, parlant par une parole, auditeur par une audition, voyant par une vision. Or, si les chrétiens sont considérés comme polythéistes, c’est à cause de leur identification de Dieu à une vie et à une raison substantielle. Si cela est vrai, les sunnites sont davantage polythéistes. Donc, si les sunnites sont monothéistes, les chrétiens le sont eux aussi, Cheikho, Seize traités, p. 106 : on remarquera que par rapport aux « sunnites » mentionnés ici, ceci est contraire à la pensée d’Abū al-Qāsim al-Balḫī, puisque selon la muʿtazila, Dieu est vivant sans vie, sage sans sagesse et est puissant sans puissance.

 

105 Haddad, ʿĪsā Ibn Zurʿa, p.192.

 

106 Goichon, Lexique de la langue philosophique d’Ibn Sīnā, p. 23 : « Le mot basīṭ (simple) employé seul signifie ‘’élément simple’’, et se rencontre rarement au singulier. L’un dans tout composé est ce qu’on appelle un élément simple, et lorsque le composé est fait d’un certain nombre de choses il est impossible de connaître sa nature en ignorant ses éléments simples ».

 

107 Dans « l’Intellection et les objets mêmes de l’Intellection » chez Aristote, nous trouvons que ce qui est « lien » ou des « formes » est un intellect en puissance et les formes ne sont elles-mêmes qu’en puissance dans un réceptacle ; mais l’Intellect tout « en acte » est au contraire la forme même. Et voilà pourquoi la pensée est pensée de la pensée : si l’Intellect se pense, cela vient de ce qu’il a l’intelligible pour moteur. Voir Aristote, Métaphysique 7, et Robin, Aristote, p. 203.

 

108 Traité édité par Sbath, Vingt traités, p. 68-70.

 

109 Ibid., p. 70-71.

 

110 Ibid., p. 69.

 

111 Idem., p. 39.

 

112 Le terme analogie de définition en Grec αναλογία, que les philosophes Arabes ont traduit par munāsaba, et les latins par proportio, indique « le rapport des parties entre elles et avec leur tout ». Dans un sens mathématique du terme, le mot analogie signifie le rapport de quantités entre elles, et en géométrie, l’égalité de deux rapports par quotient. Tous ces éléments de définition fixent un fond de signification, quelque chose qui prendra la forme principale de ce qu’on appelle analogie. Voir : Secretan, L’analogie, p. 5-6 : dans le terme analogos, ana signifie « en haut », « vers en haut », et donne l’idée d’un passage ou d’un dépassement possible. Lorsqu’il s’agit de passer a un ordre supérieur : de l’animal à l’humain, de l’humain au divin. Et dans la mesure où les étapes qui marquent les limites sont dans un sens physique un terme infranchissable, l’analogie les franchit en montrant ce qu’il y a de ressemblant entre l’ici et le là-bas. La pensée transgresse une limite vers cela à quoi les êtres eux-mêmes n’ont pas accès. Le terme analogos manifeste une sorte de ressemblance entre les dissemblables ; c’est ainsi que la fonction de transgression est largement confiée aux mots : aux Noms divins, par exemple, aux qualificatifs de valeurs, à des termes de fonction, etc.

 

113 Heidegger, Introduction à la métaphysique, p. 350. Martin Heidegger montre à quel point penser l’analogie était une chose indispensable pour une pensée médiévale : « Le concept de l’analogie semble n’être qu’un concept d’école passablement effacée et de peu d’importance. Pourtant, comme principe dominant la sphère catégoriale de la réalité sensible et suprasensible, il contint l’expression conceptuelle du monde vécu, pleinement qualifié et valeureux, référé à la transcendance de l’homme médiéval : il est l’expression conceptuelle même de la forme définie. Ancrée dans la relation primordiale de l’âme à Dieu, de l’existence intérieure comme elle fut vécue au moyen Âge dans une rare plénitude. »

 

114 En grec ancien analogia, qui désigne une identité entre deux rapports, par exemple : a/x=x/b. la position des termes dans le rapport peut donc changer, alors que l’égalité est maintenue.

 

115 Platon, Timée (31c-32a-b), Paris, Flammarion, 2008, p. 1991-1992.

 

116 Traité édité par Sbath, Vingt traités, p.18 :

 

"اذا نظر فيها الذات الإلهية من هذه الجهة فليس يكون النظر فيها من حيث هى بسيطة فى الغاية, بل من حيث قد أضيف الى تلك الذات البسيطة معنى أخر وهو المناسبة."

 

117 Al-kawn, la génération, est le venir à l’être.

 

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