Histoire d'Abraham le Syrien
Patriarche Copte d'Alexandrie
Traduction par L. Leroy
publiée dans la Revue de l'Orient Chrétien
vol.14 (1909) pp. 380-400 et vol 15 (1910) pp. 26-41.
Basée sur le manuscrit Karshuni Paris Syr. 65.
Introduction :
Le texte présenté ici est basé sur le récit que l'on trouve dans "L'Histoire des patriarches Coptes d'Alexandrie", mais très nettement amplifié, de sorte que si l'on ne saurait garantir l'authenticité de tous les détails de "L'Histoire des patriarches...", nous sommes par contre ici clairement dans le roman pieux*. Pour autant, quoique romancé, ce récit donne un aperçu de l'ambiance, des relations entre chrétiens, juifs et musulmans dans les siècles qui suivirent.
Le patriarche Abraham le Syrien** n'est guère connu en dehors de "L'Histoire des Patriarches...", et le cordonnier appelé ici Simon n'est pas nommé dans la source***. Quant au calife Al-Muizz li-Dîn Allah, qui régna de 953 à 975, il est bien connu de l'historiographie.
Il faut comprendre comme pure fiction la conversion de ce calife au christianisme, et son entrée au monastère.
Notes :
* Voir à ce propos l'étude "Apologetic Elements in Coptic-Arabic Historiography", sur ce texte et ses évolutions
**On le trouve sous le nom Ibrahim/Abraham, mais aussi sous le nom Afram (ou Afraham)/Ephrem. Quant au nom de son père, que Leroy nomme Ar'a (ce qui semble être une étrange coquille), il se nommait Zar'a (ou Zur'a).
*** Voir dans Christian-Muslim Relations vol 3 (CMR3), p 84-88 l'article sur Michael of Damru, auteur de cettepartie de l'Histoire des patriarches.
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Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, Dieu unique.
Nous allons avec la grâce de Dieu et sa faveur, exposer la vie du Père saint, vénéré et vertueux Anbâ Ibrahim (Abraham) le Syrien, le 62° patriarche spirituel de la liste des patriarches, appelé aussi Ibn-Ar'a, décédé le sixième jour de Koiakh. C'est de son temps qu'eut lieu le transfert de la montagne, sous le règne de notre souverain Al-Moëz, le premier des califes de l'empire musulman[1].
Le Père Anba Ibrahim était marchand dans les affaires périssables de ce monde, et il devint marchand pour les précieuses choses spirituelles. Je vais raconter (son histoire) avec la protection du Seigneur, que sa bénédiction soit sur nous. Amen ! Et gloire à Dieu à jamais !
Il dit : Celui qui éclaire par sa loi les flambeaux des intelligences, qui ouvre par sa doctrine les portes des cœurs, qui nous fait connaître par ses indications les chemins de la vie, qui par ses directions a donné des lois et des constitutions aux chefs des prêtres ; qui a donné une preuve de sa bonté parfaite par l'incarnation de son Verbe ; qui a révélé les mystères ineffables de ses attributs : nous le glorifions à cause de son excellence sans bornes, et nous le remercions pour ces bienfaits dignes de la reconnaissance la plus grande et la plus entière, telle que la langue ne se lasse pas de la redire. Nous le prions de nous rendre dignes d'écouter sa parole divine et de lui plaire par nos actions, par notre docilité et par notre obéissance à nos prélats, selon qu'il nous ordonne d'observer les lois et les canons qui nous ont été donnés par nos pères les Apôtres dans la paix du Seigneur. Amen.
Mes amis, c'est avec le plus vif intérêt que j'entreprends de vous raconter la vertueuse vie et les actions merveilleuses de notre Père Anbâ Abràm (Abraham) le Syrien, et quelques-uns des prodiges et des miracles que Dieu (louange à lui) a opérés par ses mains, dans la paix du Seigneur. Amen .
Mes amis, quand le Seigneur Patriarche Anbâ Mina (Mennas),le soixante et unième de la liste de nos Pères les Patriarches, vint à mourir et remit son troupeau au Pasteur des Pasteurs, Notre-Seigneur Jésus-Christ – gloire à Lui ainsi qu'à son Père et à son Esprit vivant et saint ! – le siège (patriarcal) resta vacant. Les évêques du Delta et du Saïd se réunirent avec les scribes de Misr et les prêtres d'Alexandrie. Ils restèrent plusieurs jours sans trouver personne dont l'élévation leur agréât.
I. Présentation du patriarche copte Abraham
Désignation d'Ibrahim ibn Ar'a comme patriarche
Or il y avait à Misr un marchand Syrien nommé Ibrahim (Abraham) Ibn-Ar'a. Il faisait d'abondantes aumônes aux veuves, aux pauvres, aux nécessiteux et aux malades. C'était un vieillard dont la longue barbe descendait sur la poitrine comme Abraham l'Ancien. Il était lié avec al-Malek al-Moëz et avec ses soldats par une vive affection, parce qu'il était leur fournisseur et leur intendant. Les principaux personnages de l'Egypte l'aimaient et l'honoraient. On admirait ses grandes vertus et sa charité pour les pauvres ; sa probité, sa science et ses bonnes œuvres étaient bien connues. Un jour tout le peuple s'était réuni à l'église des grands et illustres martyrs Sergius et Bâkhous à Misr, dans le quartier de Kasr al-Djam'a[2]. Les évêques, les prêtres et les notables étaient venus également pour la fête. Ibrahim ben-Ar'a entra à son tour à l'église pour prier. A ce moment un notable fit signe à l'un des évêques et lui dit : "Vous cherchez un homme apte au patriarcat : voici celui qui en est digne. C'est Dieu (qu'il soit béni !) qui nous l'envoie." Les évêques présents entendirent ce propos et l'approuvèrent, sans toutefois laisser paraître leur sentiment. Mais, par la volonté de Dieu, et avec leur agrément, un des notables, ami d'Ibrahim, l'appela sous prétexte de l'entretenir d'une certaine affaire. Puis lorsqu'il fut au milieu d'eux, ils s'écrièrent tout d'une voix : "Voici celui qu'a choisi le Seigneur !" Il poussa un cri, pleura et dit : "Je ne mérite point cette dignité." Ils l'emmenèrent à l'instant et le conduisirent à Alexandrie, où ils le sacrèrent patriarche.
Réformes morales et contestations
Dès qu'il fut assis sur la chaire de Marc, il distribua toute sa fortune aux couvents, aux pauvres et aux indigents. Il extirpa les mauvaises mœurs dans tout le ressort de son patriarcat. II défendit à tout prélat d'accepter des présents de qui que ce fût pour le promouvoir aux dignités de l'Église et prononça l'anathème contre cet abus. Ensuite il interdit à tout fidèle de prendre des concubines.
Cette prohibition sembla dure à un grand nombre ; néanmoins les concubinaires. en l'apprenant, craignirent le Dieu Très-Haut et l'anathème du patriarche, et renvoyèrent tous leurs concubines. Ils se présentèrent ensuite au patriarche et firent pénitence en sa présence. Il agréa leur repentir et leur pardonna. Il n'y eut qu'un seul homme qui désobéit. C'était un membre du Divan, qui occupait une haute situation dans le gouvernement. Ce malheureux ne craignit pas Dieu le Très-Haut, ni l'anathème de ce Père. Celui-ci multiplia les exhortations et usa d'une grande patience envers lui ; il lui fit des promesses (?), mais le coupable ne se rendit point et ne craignit pas que Dieu le perdît, bien qu'il vît ce saint vieillard prosterné à terre à ses pieds. Le patriarche ne cessa pas pour cela de l'instruire et de l'exhorter au bien : il s'humilia devant le Christ son Créateur, puis il se rendit à la demeure "du coupable. Quand ce mécréant apprit que le Père venait chez lui, il ferma sa porte, et le Père resta debout au dehors, l'espace de deux heures, frappant à la porte. Mais il ne lui ouvrit point et ne lui adressa pas une parole. Constatant alors que le malheureux préférait sa propre satisfaction à l'obéissance au Christ et qu'il était devenu décidément un membre pourri, le vénérable Père reconnut qu'il n'avait plus rien à se reprocher à cause de lui, et il crut bon de le retrancher du corps de peur qu'il ne corrompît les autres membres. Il laissa donc sa faute retomber sur sa tête et il l'excommunia ; puis il secoua la poussière de sa chaussure sur sa porte souillée. Dieu le Très-Haut fit paraître en cet instant un prodige aux yeux des assistants : le linteau de la maison, qui était en pierre, se cassa en deux. Chose étonnante ! le cœur de ce malheureux ne fut pas fléchi. Mais, dans la suite, Dieu donna en lui un signe éclatant de sa justice ; il devînt si pauvre qu'il ne lui resta plus un seul dirhem ; il perdit sa situation et tomba dans le mépris ; il fut affligé dans son corps par de douloureuses maladies et il subit une mort cruelle après qu'on lui eut coupé la main, sous le règne d'Hakem, servant ainsi d'exemple à tous. Il était souillé de nombreux péchés et son châtiment inspira une grande crainte. Ce fut aussi pendant le pontificat de ce Père, que le calife vint avec sa cour visiter un monastère, bien qu'il fût souverain musulman, et il fut témoin du déplacement de la montagne sur une parole du Père.
II. Le miracle de la Montagne
Débat théologique avorté
Voici comment eut lieu ce prodige : Quand les musulmans eurent conquis le pays d'Egypte, ce furent les califes qui gouvernèrent à la place des anciens souverains, et le pays échut à Al-Malek al-Moëz. Cet Al-Moëz faisait venir à chaque instant le saint Père Anbâ Abràm, et prenait son avis en tout ce qui lui arrivait ; puis il lui demandait sa bénédiction. Il le pria de venir se fixer à Mîsr, car jusqu'à cette époque il résidait dans la ville d'Alexandrie. Le vizir d'Al-Malek al-Moëz était un Juif nommé Yakoub Ibn-Khalis qui était venu de l'Occident avec le calife et avait embrassé l'islamisme par complaisance pour lui. Ce vizir avait pour ami un juif nommé Mousa (Moïse). Il avait reçu de grandes largesses d'Al-Moëz et il était devenu très riche grâce à son amitié avec le vizir. Quand il fut témoin de l'affection du calife pour le vénérable patriarche et des fréquentes visites qu'il lui faisait, il lui porta envie et ourdit contre lui une intrigue. Il dit à Al-Moëz : "Je désire que tu fasses venir ici avec moi le patriarche des chrétiens pour que je discute avec lui en ta présence. Il exposera sa religion et l'expliquera." Le calife ne présenta pas la question de cette manière au patriarche, et ne lui proposa point de discuter avec le Juif ; mais il lui dit : "Si vous voulez faire venir quelqu'un des évêques, vos fils, pour discuter avec le Juif, faites-le." Ils fixèrent donc un jour pour la réunion. Parmi les évêques présents il y avait le saint et vertueux prélat qui occupait le siège d'Al-iskandar (Alexandre) d'Al-Achmounaïn appelé Sâouïrous (Sévère) et surnommé Ibn-Al-Mokaf'a. Il avait été scribe, puis il était devenu évêque. Le Seigneur lui avait accordé la faveur d'une connaissance approfondie de la langue arabe grâce à laquelle il avait écrit un grand nombre de livres, d'homélies et de traités de controverse. Ceux qui ont lu ses livres reconnaissent son talent et sa science profonde. Il avait discuté maintes fois avec les principaux cheikhs musulmans, sur l'ordre d'Al-Malek al-Moëz, et il les avait vaincus par la puissance de Dieu et sa grâce. Le patriarche Anbâ Abrâm le prit avec lui au jour convenu et ils se rendirent au palais. Le juif Mousa y était également avec le vizir Ibn-Khalis. Ils restèrent longtemps assis en silence. Al-Malek Al-Moëz leur dit alors : "Vous ne parlez pas de la question pour laquelle vous êtes réunis." Puis se tournant vers le patriarche, il lui dit : "Que n'ordonnes-tu à ton représentant de dire ce qu'il pense ?" Le patriarche dit alors à l'évêque : "Parle, mon fils, et que Dieu te soit en aide." L'évêque se tournant vers le calife Al-Moëz : "II n'est pas permis, dit-il, d'adresser la parole à un Juif en présence du Commandeur des Croyants." Le Juif répondit : "Tu me fais affront en disant devant le Commandeur des Croyants et son vizir que je suis un infidèle." L'évêque Anbâ Sévère lui répliqua : "Sache, ô Juif, que, lorsque la vérité aura paru aux yeux du Commandeur des Croyants, il ne s'irritera pas." Al-Malek Al-Moëz intervint : "On ne doit pas, dit-il, s'emporter pendant la discussion, mais que chacune des parties expose librement sa pensée et les explications qui conviennent à sa thèse." (fol. 250, a) L'évêque dit alors : "Ce n'est pas moi, à Juif, qui te convaincs d'igno- rance, mais c'est un prophète grand et glorieux auprès de Dieu. — Qui est ce prophète ?" demanda le Juif. — Il lui répondit : "C'est Isaïe le prophète qui dit au commencement de son livre : Le bœuf connaît son possesseur, et l'âne connaît l'étable de son maître, mais Israël ne me connaît pas[3]." AI-Moëz dit alors à Mousa : "Est-ce vrai ?" Il répondit: "Oui." L'évêque reprit : "Dieu n'a-t-il pas dit que les animaux sont plus intelligents que vous ? II ne m'est donc pas permis, dans une séance présidée par le Commandeur des Croyants (puisse durer sa puissance), d'adresser la parole à quelqu'un qui est moins intelligent que les animaux et que Dieu qualifie d'ignorant." Al-Malek Al-Moëz admira ce raisonnement et leur ordonna de s'en aller. Il en résulta une grande inimitié entre les deux parties.
Le défi du Vizir
La colère du vizir fut grande et il chercha à prendre en défaut le patriarche, parce qu'il avait confondu le Juif en présence d'Al-Malek Al-Moëz. Mais le Seigneur Christ garde ses élus et ses serviteurs. Un jour, le vizir trouva un expédient et vint dire à Al-Malek Al-Moëz : "Il est écrit dans l'Évangile des Chrétiens que celui qui a de la foi gros comme un grain de sénevé n'a qu'à dire à la montagne : déplace-toi et jette-toi dans la mer, et elle se déplace[4]. Que le commandeur des croyants agisse selon sa prudence pour la vérification de cette parole et qu'il se rende compte que tout n'est chez eux qu'absurdité et mensonge s'ils ne peuvent l'accomplir. Dans ce cas ils doivent être traités comme le mérite leur imposture." Cette proposition plut au calife. Il fit venir Anbâ Abràm, le patriarche, et lui dit : "Que dis-tu de cette parole ? Est- elle, oui ou non, dans votre Évangile ? "Le patriarche répondit : "Oui, elle y est." Al-Malek Al-Moëz lui dit alors : "Sache, ô patriarche, que la nation des chrétiens coptes compte dans ce pays des milliers et des milliers de membres ; je veux que tu m'amènes l'un d'entre eux et qu'il opère ce prodige en ma présence, sinon c'est toi, leur chef, qui en répondras. Et si vous ne le faites pas, je jure par Dieu que je vous exterminerai par l'épée." Le patriarche resta interdit, et fut frappé d'une grande crainte et il ne sut que répondre. Mais Dieu le Très-Haut lui rendit la présence d'esprit et il dit au calife : "Accorde-moi un délai de trois jours pour que je prie Dieu (glorifié soit son nom) de rendre le cœur du Commandeur des Croyants favorable à ses serviteurs." Cette demande lui fut accordée.
Jeûne et supplications des chrétiens
Le patriarche descendit dans sa cellule à Misr al-'Atika[5]. Il convoqua les prêtres ainsi que l'assemblée des notables de Misr et tout le peuple orthodoxe et il leur annonça en pleurant l'ordre du calife. Or il y avait en ce moment à Misr des moines du Ouadi Habit[6]. Il leur communiqua à tous un ordre enjoignant que pas un d'entre eux ne retournât à son monastère avant trois jours, et qu'ils se réunissent tous à l'église pour prier jour et nuit. C'est ce qu'ils firent pendant trois jours et trois nuits. Ce fut, chez tous les fidèles, une grande désolation, avec des pleurs, des gémissements, des prières et des supplications adressées à Dieu pour qu'il les délivrât de cette calamité. Le saint Père, le Patriarche ne prit aucune nourriture pendant tout ce temps, ni le jour, ni la nuit. Certains restaient à jeun d'une nuit à l'autre et ne prenaient que du pain, du sel et un peu d'eau. Anbà Abràm le Patriarche resta constamment debout, pleurant devant Dieu (louange à Lui), pendant ces jours et ces nuits, et il ne fit pas un mouvement. Cette réunion bénie avait lieu dans l'église de Notre-Dame, la Vierge sainte et pure, la Mère du Sauveur du monde, sainte Marie, à Qasser al-Djama'a, appelé aussi Al-Mu'allaqa[7]. Le Père fit aussi annoncer ce qui se passait à tous les couvents de religieuses et de vierges qui se trouvaient à Misr al-Qâhira[8], et les mit au courant de l'affaire. Il leur ordonna de jeûner sans interruption pendant ces trois jours et ces trois nuits, de prier sans cesse le jour et la nuit, de prier Dieu le Très-Haut et de s'humilier devant Lui ; de prier aussi Notre-Dame, la gloire de notre race. Ils firent ce qu'il leur ordonnait. Lui-même ne prit aucun repos, parce qu'il était le Pasteur et que tout pasteur est responsable de son troupeau. Il dit comme David le prophète : "Je ne donnerai point de repos à mes tempes ; je n'accorderai point le sommeil à mes yeux ni l'assoupissement à mes paupières jusqu'à ce que j'aie sauvé le peuple de Dieu"[9]. Et il levait en son temps les mains vers le ciel avec un cœur brisé, et de tout son cœur il adressait ses supplications au Seigneur. Il parla ainsi : "Seigneur, ne fais pas de nous la risée des nations étrangères. Console nos âmes en nous délivrant d'elles. Eloigne de nous cette terrible épreuve. Sauve ton peuple et bénis ton héritage, Sois miséricordieux pour nous, ô Seigneur, sauve-nous et délivre-nous. Pardonne-nous et ne nous punis pas selon la malice de nos actions. Ne fais pas venir sur nous les péchés que nous avons commis et ne nous induis pas dans cette dure épreuve. Accorde-nous ta bienveillance et ta miséricorde. Tu connais la situation de tes serviteurs ; tu sais qu'ils n'ont pas d'aide et personne qui intercède pour eux auprès du pouvoir par de bonnes paroles ; que personne ne s'occupe d'eux et ne les secourt et que personne ne leur est favorable, si ce n'est toi seul, ô notre Seigneur Jésus-Christ. Fais-nous parvenir ton secours, car tu as dit et ta parole est vraie : Si vous avez de la foi gros comme un grain de sénevé, dites à cette montagne : Déplace-toi, et elle vous obéira sans difficulté. Nos ennemis se sont emparés de cette parole. Agis avec nous selon ta coutume. Si nous n'avons ni confiance, ni foi, si nos cœurs sont pleins de doutes, ne nous en tiens pas rigueur, mais fais en sorte que ta parole soit une lumière devant ces infidèles, afin que ton saint nom soit glorifié." Le saint Patriarche ne cessait de répéter cette prière. Il récitait les psaumes et des formules de louanges et célébrait le Seigneur (gloire à Lui), debout devant la colonne où est représentée l'image de Notre-Dame sainte Marie. Chaque fois qu'il finissait sa prière, il levait ses yeux remplis de larmes et suppliait la miséricordieuse Vierge Marie. Il demeura dans cet état pendant trois jours et trois nuits en présence de Dieu et de Notre- Dame de miséricorde, sainte Marie. Quand arriva le matin du troisième jour, il redoubla ses prières et ses supplications, il s'appliqua davantage à la méditation et mortifia son corps jusqu'à l'heure de l'aurore. Il se rappela alors que les satellites du gouverneur devaient venir de grand matin pour le conduire à leur maître. Il implora à grands cris le Dieu Très-Haut et pleura amèrement à cause de la douleur qu'il éprouvait pour le peuple de Dieu. Il s'endormit à ce moment se trouvant seul debout près de la colonne. La Dame de Miséricorde lui adressa la parole pendant son sommeil et lui dit avec un visage joyeux : "Que t'est-il arrivé ?" Il répondit : "Ne vois-tu pas ma douleur, ô Notre Dame, et en quelle situation me met le souverain de ce pays ? Il m'a dit : Si tu ne me montres pas le miracle de la montagne, je tuerai tous les chrétiens et je les ferai disparaître par l'épée de tout mon empire." Notre-Dame de Miséricorde lui dit : "Ne crains pas. Mon fils bien-aimé est avec ceux qui ont recours à lui. Et moi-même je serai ton aide et ton secours, car je ne négligerai point les larmes que tu as répandues dans mon église. Mais lève-toi, descends de ce lieu ; sors par la porte de la rue Neuve qui conduit au grand marché. En sortant tu rencontreras un homme portant sur son épaule une cruche d'eau. Comme signe particulier, il n'a qu'un œil. Prends-le avec toi, car c'est lui qui opérera le prodige." Le patriarche s'éveilla à ce moment plein de trouble. Il se leva promptement et alla, sans saluer aucun de ceux qu'il connaissait, jusqu'à ce qu'il arrivât à la porte. Il la trouva fermée et il éprouva un doute dans son cœur et il se dit : "Je pense que c'est le démon qui s'est joué de moi." Il appela le portier et celui-ci lui ouvrit la porte.
Simaan le cordonnier
Le premier qui entra fut l'homme dont il lui avait été parlé dans la vision. Il le prit à part et lui dit : "C'est le signe (?) du Seigneur. Aie pitié de ce peuple." Puis il l'informa du motif de la réunion. L'homme lui répondit : "Pardonne-moi, mon Père, je suis un pécheur ; je ne suis point parvenu à un tel degré." Le patriarche lui dit : "En vérité, tu es bien celui de qui dépend le salut du monde..." Le porteur d'eau répondit : "Mon Père, je suis un pécheur chargé de fautes." Or ce porteur d'eau était auparavant cordonnier et s'appelait Sima'àn (Simon). Il était arrivé qu'une femme était venue chez lui chercher sa chaussure et avait découvert sa jambe. Cette femme était d'une grande beauté. L'homme dont nous parlons aperçut la jambe de cette femme ; son œil le scandalisa et il la considéra d'un œil de concupiscence. Il se rappela alors la parole de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans son saint Evangile où il est dit : "Si ton œil te scandalise, arrache-le et jette-le loin de toi, car il vaut mieux pour toi entrer dans la vie avec un seul œil que d'avoir tes deux yeux et d'être jeté dans le feu de l'Enfer[10]." Le cordonnier s'étant rendu compte que son œil considérait la jambe de cette femme d'un regard de concupiscence, y enfonça son poinçon de fer qui lui servait à travailler le cuir, et arracha son œil qui resta suspendu sur sa joue. A cette vue, la femme fut épouvantée et s'écria : "Cet homme est fou." Il lui répondit : "Un esprit a disparu de lui et il est plus raisonnable que tous les habitants de la terre." La femme le quitta à ce moment. A partir de ce jour, il ne trouva plus de travail dans la cordonnerie et il dut entrer comme mercenaire chez un tanneur. Il distribuait aux pauvres et aux indigents et à ceux qui étaient dans le dénuement tout le superflu qui lui restait après avoir mangé. Ce saint homme pourvoyait d'eau les églises, les couvents et les pauvres. Quant à la femme perverse à cause de laquelle il s'était arraché l'oeil, elle était partie pleine d'admiration. Elle annonça à ses voisins ce qu'avait fait le cordonnier. Une femme de mauvaise vie dit alors : "Gagez avec moi que j'entraîne cet homme à pécher avec moi." Les femmes gagèrent avec elle, puis elles lui dirent : "Cela n'arrivera jamais à cet homme qui s'est conduit ainsi et qui, pour un regard, s'est arraché l'œil." Cette femme alla donc et employa toutes les ruses, usa de tous les artifices féminins propres à exciter la convoitise. Mais cet homme n'en fut pas troublé, et ne lui céda point. Il ne la regarda même pas et il pria Dieu de le fortifier contre ses pièges et sa ruse. Plein de courage, il résista à la femme et la repoussa. Elle lui dit alors, quand elle fut fatiguée et qu'elle n'eut plus de stratagème à employer contre lui : "Écoute-moi ; je te connais. Par Dieu, si tu ne me donnes satisfaction, je te livrerai à quelqu'un qui n'aura point pitié de toi, et je te convaincrai d'imposture." Saint Simon lui répondit : "Déploie tous les artifices, car c'est Dieu qui est mon soutien. Il me sert de voile ; il me protège et il me sauve de ta malice." Cette méchante femme reconnut alors qu'il l'avait vaincue par la puissance de Dieu et elle le quitta pleine de confusion. Quant à cet homme béni, il continua comme par le passé à porter de l'eau et il ne cessa de vaquer à ce travail jusqu'à ce que Notre-Dame, la Vierge de Miséricorde, dévoilât son secret au vénérable patriarche. Il le prit avec lui et l'obligea à rester là. Puis il dit : "Mon fils, il m'a été révélé en songe que le salut du peuple dépend de toi." Et il l'obligea par la parole de Dieu à rester à cet endroit jusqu'à l'arrivée des émissaires du gouvernement qui devaient venir le chercher avec tout le peuple.
Première partie du défi : prières des juifs et des musulmans.
Au point du jour, les envoyés arrivèrent en effet chez le patriarche, avec les chambellans, les émirs et les chefs, et ils l'emmenèrent ainsi que le cordonnier qui était avec lui, les fidèles et tous les évêques, les prêtres et les diacres qui l'entouraient à ce moment. Ils portaient à la main des encensoirs, des croix et des cierges. Ils furent conduits devant Al-Malek Al-Moëz. Le calife leur dit : "Voici que les trois jours sont écoulés." Ils répondirent : "Oui, Seigneur, traite-nous comme tu le voudras, mais le Seigneur montrera sa puissance." Le calife sortit, suivi par tout le peuple, et alla au pied de la montagne. Il dit alors aux chrétiens : "Je veux que vous fassiez venir cette montagne, que vous l'enleviez de la place qu'elle occupe et que vous l'établissiez dans un autre lieu. Cela ne vous sera pas difficile. C'est votre Évangile qui le dit." Ils lui répondirent : "Seigneur, nous vous demandons d'être équitable." II leur dit alors : "Que voulez-vous que je fasse de plus pour vous ? Je vous ai accordé trois jours de délai ; que voulez -vous de moi maintenant ?" Ils lui répondirent : "Nous désirons que nos Seigneurs les Musulmans prient les premiers et demandent à la montagne de changer de place ; que les Juifs prient ensuite et nous prierons en dernier lieu." Je veux, dit le calife, me conformer à leurs désirs pour qu'ils n'aient plus d'autre réclamation à faire." Ils répondirent : "C'est entendu et nous obéissons." Les Musulmans firent alors leurs ablutions et se purifièrent, car ils sont persuadés que l'eau les rend purs ; ils annoncèrent l'izan[11] à grands cris et prièrent longtemps. Un de leurs Cheikhs les plus vénérés appela la montagne de toute sa voix et lui ordonna de changer de place, mais elle ne bougea pas. Les Juifs s'avancèrent à leur tour avec leur grand-rabbin. Ils commencèrent leur prière et la prolongèrent jusqu'à ce que le calife en fut ennuyé. Ensuite ils crièrent tout d'une voix à la montagne de quitter le lieu où elle était, mais elle ne bougea pas. Les Musulmans s'approchèrent alors du calife et lui dirent : "Cette parole se trouve-t-elle dans les écrits des Musulmans ou dans ceux des Chrétiens ?" Il leur dit : "Dans ceux des Chrétiens." Ils lui répondirent : "Pourquoi imposes-tu aux Musulmans l'opprobre de se mêler aux communautés infidèles ?" Il leur dit : "Il n'y a aucun opprobre si la montagne s'ébranle et change de place par les prières des chrétiens ; mais si elle ne bouge pas, vous verrez ce qui arrivera ; par la vérité de la religion de l'Islam, je ne laisserai pas subsister chez les chrétiens un enfant de deux jours, mais je les passerai au fil de l'épée ; j'enlèverai leurs femmes, je rendrai leurs enfants orphelins et je purifierai la terre de leur présence, car désormais ils ne pourront invoquer aucune bonne raison."
Deuxième partie du défi : prières des chrétiens et miracle.
Puis il fit venir le patriarche en sa présence et lui demanda : "Avez-vous autre chose à dire ?" Il lui répondit : "Non, Seigneur." Le calife lui dit : "Pourquoi alors nous faites-vous attendre : priez et invoquez la montagne."
A ce moment le patriarche ordonna à tout le peuple de dire à haute voix Kyrie eleison et tous répétèrent ensemble le Kyrie eleison quatre cents fois. Ensuite ils offrirent l'encens et prononcèrent les paroles de l'absolution. Le patriarche se tenait devant le peuple et derrière lui était Simon le cordonnier. Le patriarche ordonna à Simon d'appeler la montagne et il lui dit : "Parle, je parlerai après toi, et, s'il plait à Dieu le Très-Haut, la montagne bougera de sa place et nous serons sauvés." Et le Père Patriarche s'écria en même temps que le cordonnier : "Je t'ordonne, ô montagne bénie, par la vérité de Celui qui t'a établie et qui t'a affermie dans ce lieu, de quitter la place que tu occupes et de venir près de nous sans causer la perte d'aucune créature de Dieu." Et à l'instant la montagne s'ébranla de sa place et s'avança peu à peu vers les assistants. Le calife s'écria : "Arrête-la, ô patriarche, de peur qu'elle ne fasse périr les hommes et ne les anéantisse." Le patriarche ordonna donc à la montagne de s'arrêter au lieu où elle était et elle cessa de bouger. Les témoins oculaires attestent qu'au moment où la montagne remua, il se produisit un grand bruit et un grand tremblement de terre et l'on crut que la résurrection était arrivée ; toutes les femmes enceintes qui étaient à Misr et dans les villages environnants enfantèrent par suite du tremblement de terre, et l'on crut que le ciel tombait sur la terre. Le calife ordonna ensuite au patriarche de retourner chez lui, félicité et honoré par tous. Les chrétiens étaient dans une joie et un bonheur qui ne se peuvent décrire.
III. Entretien du Calife avec le patriarche
Dieu a un Fils
Ce même soir, le calife envoya chercher le patriarche qui vint à lui au milieu des plus grands honneurs, quand il fut arrivé chez Al-Malek al-Moëz, celui-ci congédia ses esclaves et tous ceux qui étaient présents, il baisa la main du patriarche et embrassa ses pieds sans que le patriarche put l'en empêcher. Ensuite le calife dit au patriarche : "Je reconnais la vérité et j'ai acquis la certitude que la croyance des chrétiens est la vraie. Mais je désire savoir, ô patriarche, quelle est l'ordonnance de votre doctrine, et je voudrais que tu m'expliquasses comment vous attribuez un fils au Dieu Très-Haut. Est ce que Dieu (qu'il soit loué et exalté) a épousé une femme pour avoir d'elle un fils ?" Le patriarche lui répondit : "Cette parole ne convient pas dans la bouche d'un homme intelligent, instruit, plein de cœur et de mérite comme vous l'êtes, et celui qui la prononce blasphème contre Dieu le Très-Haut. Loin de Dieu (magnifique est sa puissance et sublime est sa gloire), qu'il ait un enfant d'une épouse, comme le reste des hommes ! Seulement il a envoyé son Verbe à Marie, fille de Joachim, parfaite en toute pureté, remplie de toute grâce, exempte de tout défaut, sans aucune souillure, le vase de pureté et d'élection. Ce fut Gabriel qui fut envoyé vers elle. A sa vue elle fut saisie de crainte, mais l'ange la rassura et apaisa son trouble et sa frayeur. Il la salua, lui adressa la parole avec douceur et lui révéla le mystère caché, ce mystère dont Paul l'Apôtre dit qu'il est resté caché depuis la création du monde[12]. Et lorsque l'ange lui dit : Salut à toi, ô pleine de grâce, le Seigneur est avec toi[13], au moment où il lui dit : Il est avec toi, quand Marie l'eut entendu et eut donné son contentement, à cet instant même, le Verbe de Dieu s'incarna dans ses entrailles et il passa dans son sein neuf mois comme tous les hommes. Et quand les mois furent passés, elle enfanta comme le lui avait dit l'ange de Dieu, Gabriel : Celui qui naîtra de toi sera saint et sera appelé Fils de Dieu[14]. Après sa naissance, il grandit peu à peu comme tous les hommes et quand il fut parvenu à l'âge de trente ans, il fut baptisé par Jean fils de Zacharie dans le fleuve du Jourdain et il nous légua (dans sa vie) un modèle pour que nous le suivions.
Nécessité du baptême
Il dit dans le saint Evangile : Celui qui n'est pas baptisé dans l'eau et l'Esprit[15] ne verra pas le bonheur du royaume. D'après notre doctrine, celui qui n'est pas baptisé de la main du prêtre et meurt inopinément, quand même il serait dans la situation de notre Père Abraham, il ne verra pas la grâce et la sainteté de Dieu.
"Il aurait beau jeûner comme Jérémie, être parfait comme Abraham, l'ami de Dieu, passer par toutes sortes d'épreuves comme le juste Job ; être parfait comme Élie ; quand même il ferait des miracles comme les saints, et ressusciterait les morts, s'il meurt subitement sans avoir été baptisé de la main du prêtre, il va sans miséricorde en un lieu où il n'y a point de repos et il ne voit point le bienfait de Dieu qui est puissant et glorieux dans l'éternité. Il a dit en effet dans son saint Évangile, lui dont la parole est véridique : Celui qui ne naît pas de l'eau et de l'Esprit, ne verra pas le royaume de Dieu[16]. Et cette parole ne sera jamais en défaut quand même le ciel et la terre cesseraient d'exister ; car notre Sauveur a dit : Le ciel et la terre passeront, mais ma parole ne passera point[17] (3). C'est un point de doctrine certain que le principe de la doctrine chrétienne est le baptême et qu'il est la base de la religion chrétienne en même temps qu'il en est le principe, la lumière, la force, la garantie, l'appui et la vertu. Un enfant d'un jour ou d'une heure qui mourrait sans avoir été baptisé, ne verrait pas le royaume de Dieu, et ses parents commettraient un grand péché en négligeant de le baptiser. Seigneur, est-ce que l'enfant d'un jour a commis le péché, et sait-il distinguer le bien du mal ?" Le calife répondit que non. Le patriarche lui dit alors : "C'est que la parole de Dieu dans l'Évangile d'après laquelle l'enfant (non baptisé) ne verra point le royaume des Cieux est une autorité suffisante d'après la parole déjà citée : Le ciel et la terre passeront, mais ma parole ne pas- sera point. Vous savez donc, Seigneur, que la foi sans le baptême n'a pas de valeur.
L'incarnation du Fils
Quant à la question que m'a faite votre Seigneurie, comment le Verbe de Dieu, par qui les cieux et la terre ont été créés, a pris un corps dans les entrailles de la Vierge, l'Evangile glorieux dit que le Verbe s'est fait chair, et en même temps, Seigneur, votre Coran rend ce témoignage à la Vierge Marie que Dieu lui inspira de son Esprit et c'est de cet Esprit que vint le Christ qui est la merveille du monde. Vous dites dans votre Coran qu'il a parlé au berceau, et il est rapporté de lui qu'il guérissait les sourds, les muets, les lépreux et les paralytiques, qu'il ressuscitait les morts et qu'il opérait toutes sortes de prodiges. Vous concédez que toute parole est sûre dans la bouche de deux ou trois témoins. Nous avons la même chose écrite dans la Thora et dans l'Evangile. Or votre livre rend au Christ ce témoignage qu'il est l'Esprit de Dieu et son Verbe.
Les juifs se sont trompés de mille trois cents ans dans leur évaluation et ils l'attendent encore. Quant à nous, Chrétiens, tous nos livres, les anciens comme les nouveaux attestent que c'est lui qui est désigné par les prophéties et que c'est par lui que les cieux et la terre ont été créés. Dieu dit en effet, par la bouche de Moïse, que c'est par le Verbe de Dieu que les cieux et la terre ont été créés et qu'ils ont été fondés par l'esprit de sa bouche. Et Paul l'apôtre dit du Seigneur Christ que Dieu a créé par lui l'univers, et qu'il est la splendeur de sa gloire et son image éternelle."
Le Père et le Fils, deux dieux ?
Le calife lui dit alors : "Patriarche, je crois à ta parole depuis que j'ai vu la montagne s'ébranler sur ton ordre et trembler à ton commandement. Je ne doute pas de ta parole ; cependant tu affirmes que le monde a été créé par lui et qu'il est la splendeur de la gloire de Dieu et son image éternelle. Tu établis ainsi une dualité et tu fais entendre qu'il y a deux Dieux."
Le patriarche reprit : "A Dieu ne plaise qu'il en soit ainsi. Nous disons qu'il n'y a qu'un seul Dieu et un seul Seigneur, Père, Fils et Saint-Esprit, Dieu unique. Le Père est le principe substantiel, le Fils est la Parole éternelle et l'Esprit-Saint procède du Père et du Fils. Ce ne sont pas deux substances ni deux êtres séparés l'un de l'autre, ni divisés, mais une seule substance, un seul Dieu et un seul Seigneur. Seule la personne du Verbe s'est revêtue d'un corps glorieux, a conversé de vive voix avec les hommes, a séjourné parmi eux, a mangé, a bu, a eu faim et soif, a dormi et s'est éveillée, s'est fatiguée et s'est reposée, a souffert et a possédé intégralement l'humanité à l'exception du péché originel. Car il ne provient pas du péché et il ne l'a pas commis, parce qu'il n'est pas venu par la volonté de l'homme ni de la chair, mais il a été engendré par Dieu d'une génération qui surpasse l'intelligence humaine. Tous les philosophes et tous les sages de la Grèce ont été impuissants à pénétrer ce mystère et il surpasse la portée de tous les savants du monde."
Le Christ, Dieu incognito
Le calife lui demanda alors : "Patriarche, pourquoi tout cela, puisqu'il possède la puissance de faire ce qu'il veut et qu'il règne dans le lieu de sa magnificence ?"
Le patriarche lui répondit : "Seigneur, Paul l'Apôtre a dit : Qui a été le conseiller de Dieu et qui a connu la pensée du Seigneur[18] ? De même qu'il est impossible de savoir ce que pense l'homme, il n'y a pas d'ange ni d'homme qui puisse pénétrer la pensée intime de Dieu si ce n'est l'Esprit de Dieu. Qui donc pénétrera le plan divin dans l'Incarnation, la merveille des merveilles, dans la naissance de Notre-Seigneur Jésus-Christ de la Vierge demeurée vierge après l'enfantement sans que sa virginité eût à souffrir. On dit chez vous du Seigneur Christ qu'il est la merveille du monde. Je citerai à mon Seigneur une comparaison qui pénétrera dans son intelligence : Les califes, les rois, les Chosroès[19], les souverains, les Césars, les pharaons, lorsqu'ils ne voulaient pas être connus comme rois mais passer pour de simples particuliers, se travestissaient sous des habits de marchands ou d'autres professions, et ils allaient sans être connus au milieu de leurs ulémas ; ils parcouraient les marchés, et se promenaient parmi les vendeurs et les acheteurs, faisant avec eux des échanges. Ils entendaient parfois des injures et des paroles outrageantes à leur égard, mais ils n'y prenaient pas garde et faisaient comme s'ils n'entendaient pas. Ils retournaient ensuite à leur situation première, à leurs affaires et à leurs plaisirs, et ils ne se rappelaient plus ce qui s'était passé. De même Notre-Seigneur (gloire à Lui !) s'est mêlé aux hommes, a opéré les mêmes actions à l'exception du péché ; et à partir du moment où il revêtit un corps humain, il eut à entendre et à endurer de la part de l'infidèle peuple juif des choses que ne méritait pas sa bonté. Parfois ils en font seulement le fils de Joseph le charpentier[20]. ou bien ils prétendent qu'il chasse les démons par Bâalzaboul (Béelzébub). chef des démons[21], ou encore ils lui disent en face qu'il est un possédé[22]. Quand il les instruisait et leur reprochait leurs mauvaises actions, ils prirent des pierres pour le lapider, mais il se cacha à leurs yeux et ne revint pas. Ils avaient pourtant en ce jour été témoins de miracles, de preuves et de prodiges de nature à frapper l'intelligence : il avait ouvert les yeux de l'aveugle-né qui était en même temps paralytique. Notre-Seigneur avait craché à terre, et prenant de cette boue, il en avait oint les yeux de l'aveugle[23] et avait ainsi perfectionné son corps pour montrer que l'homme avait été créé de boue, et pour prouver que celui qui perfectionnait le corps de l'aveugle sans peine et sans fatigue, était le même qui avait créé Adam de terre sans aucune fatigue : il ordonna et il fut. Nous disons de lui qu'il était hier, qu'il est aujourd'hui et qu'il sera dans l'éternité. Sache, ô seigneur, que toute chose revient à son principe et retourne à son élément. Ainsi Notre-Seigneur (gloire à Lui !) est venu de Dieu et retourne à lui ; il est lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu. Il était de Dieu et il est retourné à Dieu après avoir réparé l'état du genre humain qui était plongé dans l'infidélité et la corruption. Lorsqu'il fut remonté au ciel, il envoya les Apôtres qu'il avait choisis et leur ordonna d'aller dans tout l'univers. Il leur donna le pouvoir et la puissance de guérir les malades, de chasser les démons, d'ouvrir les yeux des aveugles et de ressusciter les morts. Il souffla sur eux et leur dit : Recevez le Saint- Esprit[24] ; et, à partir de ce jour, ils parlèrent les langues étrangères et annoncèrent les événements avant qu'ils fussent arrivés. Ils dévoilèrent aux hommes les événements futurs ; ils parlèrent toutes les langues répandues dans le monde. Ils travaillèrent avec le plus grand zèle ; ils nettoyèrent le monde de l'ivraie et ramenèrent tout l'univers à la connaissance de la vérité.
Supériorité du christianisme sur l'islam.
L'univers entier, Sire, est composé de vingt-quatre parties dont vingt-trois sont chrétiennes, tandis que l'Islam ne possède qu'une partie. Votre Majesté sait que cette vingt-quatrième partie n'est venue à l'Islam que par l'épée et Dieu est témoin que la plupart des musulmans pensent autrement qu'ils ne paraissent, parce qu'ils craignent l'épée, et bon nombre d'entre eux vont en secret à l'église et en public à la mosquée où ils prient à contre-cœur. Quand ils sont malades, ils reviennent au Seigneur Christ dont l'image est présente à leur esprit à cause de l'intensité de leur foi. Aucun ne va chez vous de son propre mouvement, mais ils y sont entraînés contre leur gré. Vous tentez les hommes par les richesses et les présents, par les habits précieux et les dons magnifiques, par les vanités flatteuses de ce monde qui exercent sur tous les hommes une attraction. Par ces faveurs vous en attirez un certain nombre ; d'autres viennent à vous par crainte du châtiment qui les menace. Il n'est pas nécessaire que je multiplie les paroles, que je donne de longues explications, ni que je m'étende à faire l'éloge de notre religion, et à démontrer son excellence et sa supériorité sur toutes les autres doctrines. Votre Majesté a vu hier le prodige accompli par la puissance de notre religion en témoignage de sa dignité et de sa gloire. Soyez persuadé que les idées de la plupart des assistants ont été modifiées et qu'ils ont été ébranlés ; leur croyance n'est plus aussi forte depuis qu'ils ont vu tous leurs cheikhs et leurs ulémas impuissants à remuer la montagne. Ils n'étaient donc pas appelés [par Dieu], puisqu'il n'a pas exaucé leur demande. Et nous, pauvres que nous sommes, nous avons imploré Notre-Seigneur Jésus-Christ et nous lui avons demandé de ne pas nous rendre l'opprobre et la risée du monde et de ne pas repousser notre prière. Aussi lorsque nous avons adjuré la montagne, elle s'est ébranlée avec toutes les montagnes adjacentes, et si nous n'avions pas demandé à Dieu de l'arrêter et de la fixer, toute la terre aurait été ruinée. Ce que Votre Majesté a vu provient de l'excellence de notre religion et prouve sa vérité. Et si Votre Majesté veut être sauvée et venir à nous, elle le fera de son plein gré, et il n'y aura point en elle un cœur double. Si elle agit ainsi, elle sera témoin dans notre religion de choses plus grandes que celles que je lui ai montrées de sorte que tu croiras n'avoir rien vu ni rien entendu jusqu'alors. Je vous les ferai connaître bientôt."
Conversion du Calife et ses promesses
Al-Malek Al-Moez demanda alors au patriarche : "Notre Père le Patriarche, je te demande de m'accorder un délai jusqu'à demain, et, si telle est la volonté du Dieu Très-Haut, je ferai sans tarder ce qui est en moi, car le retard est sujet à trop d'accidents. Tout ce que vous voudrez, ô notre Père le Patriarche, je le ferai, et ce sera pour moi une règle éternelle."
Le Patriarche lui dit alors : "Tu as, Sire, augmenté considérablement, pour les chrétiens, l'impôt de la capitation: tu as pris contre eux des mesures préjudiciables, plus dures que les conditions ordinaires, et tu as causé leur perte. Maintenant que Dieu a enlevé de dessus ton cœur le voile de l'ignorance et qu'il a illuminé ton âme et ta pensée, et que tu as passé à des dispositions nouvelles, fais cesser l'oppression que tu leur as imposée, car Notre-Seigneur a dit dans son saint Évangile : "Voici que je suis avec vous jusqu'à la consommation des siècles[25]." Sache donc que Dieu n'abandonne pas cette humble communauté. Il lui suscite en tout temps des pasteurs, il en prend soin et il est pour elle plein de bonté et de miséricorde."
Le calife lui dit : "Demande-moi encore autre chose et je le ferai. Ce que tu viens d'indiquer est chose facile et de peu d'importance." Le patriarche répondit : "Je te demande en outre de t'occuper sans retard du salut de ton âme."
Le calife lui dit alors : "Baptise-moi cette nuit même de ta main bénie.
— Il n'est pas possible, lui répondit le patriarche, de te baptiser ici, mais cela doit avoir lieu dans la sainte église. Sache bien, Sire, que tant que tu resteras parmi les musulmans tu agiras comme eux. Tu n'empêcheras pas l'accès auprès de ta personne aux cheikhs, aux cadis et à toutes sortes d'ulémas musulmans qui fortifieront ta croyance dans la religion musulmane, et t'inculqueront cette idée que les chrétiens sont des impies et des magiciens et te persuaderont que la magie a un grand pouvoir, et que, par ce pouvoir, ils remuent les montagnes et nous font voir quelqu'un qui ébranle la terre en frappant sur un morceau d'étoffe et en invoquant l'architecte de la terre ; qu'ils font semblant aussi d'évoquer les esprits, de les attirer et de les faire descendre de l'air, et qu'ils font de nous des magiciens, des enchanteurs et des astrologues, et ils ne négligeront rien de ce que l'ennemi peut dire quand il s'agit de son ennemi. Je prends les devants et je te préviens que, tant que tu ne seras pas baptisé, tu inclineras facilement vers leurs discours et une forte attraction t'entraînera de leur côté. Hâte donc la question de ton baptême. Je t'avertis que l'ennemi du bien, c'est-à-dire Satan qui cherche à semer l'ivraie parmi tous les hommes, représente à tes yeux la grandeur de ton empire, et exagère l'abandon du trône que tu occupes. Il te tente et te dit : Comment abandonneras-tu ta situation et le rang suprême, ta grandeur et ton empire ? Il te dépeint sous des couleurs attrayantes les enfants, les femmes, les concubines, les villas, les palais et les richesses, et il te représente les difficultés qu'il y aurait à abandonner ta situation actuelle. Voilà ce dont je t'avertis. Je te fais savoir en outre, Sire, que si tu abandonnes ces biens périssables, tu recevras cent pour un. Ne dis pas : Comment abandonnerai-je ce que voit mon œil pour rechercher ce qu'il ne voit pas ? Sachez que celui qui est le plus proche de toi est celui qui a adapté paupière à paupière et tous ces biens passagers que tu laisses, le Seigneur te les conservera en lieu sûr et il te rendra plus que tu ne désires. Tu contempleras un bonheur, un royaume et des biens que l'oreille n'a point entendus, que le Cœur de l'homme n'a point soupçonnés et que son œil n'a point vus[26]."
Le calife s'apercevant que l'aube commençait à poindre, dit au patriarche : "Mon Père, que cette nuit m'a semblé courte en ta société !" Puis il lui répéta ce qu'il lui avait déjà promis : "Mon Père le Patriarche, dis-moi ce que tu veux que je fasse pour toi avant que je renonce à l'empire." Le Patriarche lui dit : "Puisqu'il en est ainsi, je dois te demander, Sire, de faire reconstruire l'église du grand Martyr Mar Qourius (Mercurius). Cette église avait été construite primitivement, puis elle fut détruite."
Il y avait près de cette église un fort dans l'enceinte du Khan du Roseau. Le calife fit construire une grande église sur l'emplacement de l'ancienne église et du fort. Il fit reconstruire également l'église d'Al-Muallaka à Misr, dans le quartier de Qasr al-Djamaa, dont les murs étaient en grande partie détruits. Le patriarche demanda de la réparer, et à l'instant le calife fit dresser pour lui un acte l'y autorisant et il lui donna, sur le trésor public, une somme considérable pour être employée à cette restauration. Le patriarche prit l'acte et lui exprima le vœu que Dieu le confirmât dans la foi. Puis il prit congé et se retira plein de joie.
Mise en oeuvre des travaux
Il se rendit à l'église du grand martyr Mercurius et lut publiquement l'acte d'autorisation. Les marchands du quartier et la populace s'assemblèrent alors et lui dirent : "Si nous passions tous les chrétiens au fil de l'épée, nous empêcherions qu'il n'y en eût un seul capable de mettre une pierre sur une pierre dans cette église." Le patriarche retourna chez le calife et le mit au courant de ce qui se passait.
Il entra dans une violente colère et partit aussitôt a cheval avec ses soldats. Il se rendit sur les lieux et donna l'ordre de creuser les fondations, ce qui fut fait rapidement. Il réunit un grand nombre de maçons et fit apporter des pierres de tous côtés et l'on se mit aussitôt à la construction de l'église.
Personne n'osa dire un mot à l'exception d'un cheikh qui priait avec les marchands à la mosquée voisine. C'était celui qui avait ameuté les foules et leur avait recommandé d'empêcher le patriarche de construire l'église. Il vint et se jeta dans les fondations en disant : "Je veux mourir aujourd'hui plutôt que de permettre à qui que ce soit de bâtir cette église." Le calife, apprenant cela, ordonna de jeter des pierres sur lui et de bâtir sur son corps. Voyant qu'on jetait sur lui du plâtre et des pierres, il voulut se relever, mais les ouvriers ne le lui permirent pas, car Al-Malek Al-Moëz avait ordonné de l'ensevelir dans les fondations puisqu'il s'y était jeté.
Le patriarche s'en aperçut, descendit de son siège (?) et se jeta aux pieds du calife en lui demandant la grâce du cheikh. Il le fit retirer des fondations au moment où il désespérait d'en sortir sain et sauf, ayant vu la mort de si près.
Le calife retourna à son palais et personne n'osa plus dire un mot jusqu'à ce que l'église fût restaurée. Il fit de même réparer les parties endommagées de l'église de Notre- Dame d'Al-Muallaka, et il fit restaurer toutes les églises qui en avaient besoin sans que personne y fit la moindre opposition. Il reconstruisit également toutes les églises d'Alexandrie et il dépensa dans ce but des sommes considérables.
Le vizir Qazmân
Quant au vizir Yakoub Ibn Khalis dont il a été question précédemment, il usa de son influence auprès du souverain pour perdre un homme nommé Qazmân Ibn Mina (Côme fils de Mennas) et le calife irrité voulait le mettre à mort. Mais le Seigneur le sauva en faisant connaître au calife son innocence et l'imposture du vizir. Le calife mit à mort le vizir et établit Qazmân à sa place après l'avoir comblé de faveurs, d'honneurs et de dignités. Ce Qazmân, le fils béni de Mennas, prit sur ses biens quatre-vingt-dix mille dinars et les confia à saint Anbà Abrâm, puis il partit pour un lieu éloigné, après avoir fait au patriarche la recommandation suivante : "Si je meurs, emploie cette somme pour les églises, les monastères, les pauvres et les indigents." Son absence s'étant prolongée longtemps sans qu'il revînt, le saint patriarche employa la somme comme il le lui avait recommandé. Quelque temps après, le béni Qazmân, fils de Mennas, revint et réclama l'argent au seigneur Patriarche. Celui-ci lui apprit l'usage qu'il en avait fait. Qazmân s'en réjouit grandement et remercia Anbà Abrâm de l'emploi excellent qu'il en avait fait.
Baptême du calife
Le calife, de son côté, voyant saint Anbà Abràm occupé à la restauration des églises, sortit en cachette par une porte secrète de la citadelle et se rendit dans un couvent où il reçut le baptême. Ensuite il se fit moine et s'adonna à des austérités qui dépassent l'imagination. Sa retraite passa en proverbe chez les habitants de Misr et des provinces et quand quelqu'un faisait des vœux pour son enfant, il lui disait : "S'il plaît à Dieu, tu sortiras de chez moi comme s'est retiré le calife."
La montagne fut appelée, par les Égyptiens, la Montagne coupée ou encore la Montagne taillée parce que son sommet, qui auparavant était uni, se trouva désormais partagé en trois pointes qui se suivaient à une distance de vingt coudées l'une de l'autre. Ce fut un prodige, digne de la plus grande admiration, qui eut lieu sous le pontificat du grand saint Anbà Abrâm le Syrien. Il siégea sur le trône patriarcal pendant trois ans et six mois. Enfin le Seigneur voulut qu'il se reposât. Il y avait un homme nommé Babis-Sourour al-Kabir. C'était un personnage puissant qui avait un grand nombre de concubines. Le patriarche lui ordonna de les renvoyer, mais il n'en fit rien ; le saint prononça alors l'anathème contre lui et l'excommunia. Mais cet homme, qui ne craignait pas Dieu et n'avait pas d'égards pour les hommes, usa de perfidie et lui fit boire un poison violent qui le fit mourir. Ce Père saint alla ainsi au bonheur éternel, tandis que l'impie alla à l'enfer éternel et au ver qui ne meurt point, là où il y a des grincements de dents.
Ce grand saint ressemblait à notre Père Abraham l'Ancien par ses œuvres agréables à Dieu. Il fut mis au nombre des Justes dans le royaume des cieux que Dieu a préparé pour ses saints et ses élus. Nous le prions de nous pardonner nos péchés, d'être indulgent pour nos fautes et nos chutes, d'effacer nos iniquités et de nous accorder la grâce d'accomplir de bonnes œuvres avant le terme de cette vie ; d'éloigner de nous les tentations du démon, les maladies du corps et les épreuves temporelles. Qu'il nous fasse entendre cette parole d'allégresse : Venez, les bénis de mon Père, prenez possession du royaume qui vous a été préparé avant la création du monde[27], que l'œil ne voit point, que l'oreille n'entend point, que le cœur humain ne conçoit point[28], par l'intercession de Notre-Dame la Vierge pure, des Anges, des Pères et des Prophètes, des Apôtres, des saints Martyrs et de tous ceux qui ont plu à Dieu par de bonnes actions et lui seront agréables à l'avenir. Amen. Amen.
Fin de l'histoire du transfert de la montagne par Anba Ibrahim le Syrien.
Le jour béni où elle fut terminée fut le troisième de Qânoun al-Aoual de l'année grecque.
Elle a pour auteur le plus chétif des serviteurs de Dieu, le nommé Qouriaqons (Cyriacus), moine et prêtre du pays de Diarbékir dans la province de Mardin la bien gardée, de Ouàstira, la bénie, la victorieuse.
Que Dieu, le Très-Haut,
fasse miséricorde à quiconque sera miséricordieux
pour l'écrivain, pour le lecteur et pour leurs parents.
Amen. Amen. Amen.
[1] 2). Al-Moëz-le-Din-Illah (donnant force à la religion do Dieu), premier Khalife fatimide d'Egypte et fondateur du Caire, régna sur ce pays de 969 à 975. Zotenberg place la consécration d'Abraham en 693 des martyrs (977 de J.-C), sous le règne do Moëz (Mou'izz)..
[2] Ordinairement appelé Kasr ach-Cham'a, la forteresse du flambeau.
[3] Is., I, 3.
[4] Math., XVII, 20. — Luc, XVII, 6
[5] Masr el-'Atika (le vieux Caire) est la même ville que Fostat fondée par Amrou sur l'emplacement de l'ancienne Babylone d'Egypte. Elle a été supplantée par le Caire actuel.
[6] L'orthographe ordinaire est Ouadi Habib. On l'appelait encore la vallée du Natron ou d'Al-Askit, ou désert de Nitrie ou de Scété. Ce fut un centre de vie religieuse intense. Saint Macaire, disciple de saint Antoine, qui s'y établit le premier, y attira de nombreux disciples. Cent monastères s'échelonnaient dans cette vallée aride, entrecoupée de marais salins alternant avec des rochers abrupts. D'après Makrizi, soixante-dix mille moines auraient habité les couvents de cette vallée célèbre, à l'époque de la conquête de l'Egypte par les Musulmans.
[7]L'église d'Al-Mu'allaqa (la suspendue), ainsi appelée parce qu'elle était supportée par des arcades, se trouvait au vieux Caire dans le quartier de Kasr ach-Chama'. C'était l'Église patriarcale et elle était dédiée à la sainte Vierge.
[8]Misr ou Masr al-Qahira (l'Egypte la Victorieuse) est la ville actuelle du Caire. Elle fut fondée en 972 par El-Moëz le-Din-Illah au nord-est de Fostât. Cette dernière ville s'appela dans la suite Misr ou Masr el-'Atika (le vieux Caire).
[9]Ps. cxxxi, 4, 5
[10]Matth.. V. 29 ; XVIII. 9 ; Marc, IX. 46
[11]L'appel à la prière.
[12]Colossiens I. 26
[13]Luc I. 28
[14]Luc I. 35
[15]Jean III. 5
[16]Jean, III. 5.
[17]Matth. XXIV. 35 ; Marc, XIII, 13
[18]Rom., XI, 34 ; I Cor., II, 16. Cf. Sap., IX, 13 ; Is., XL, 13
[19] Nom de plusieurs empereurs de la dynastie Sassanide perse.
[20]Matth., XIII. 55 ; Marc, VI. 3 ; Jean, VI. 42
[21]Matth., XII. 24 ; Marc, III. 22 ; Luc, XI. 15.
[22]Jean, VII. 20
[23]Jean, IX. 6, 11, 14.
[24]Jean XX. 22
[25] Matth., XXVIII. 20
[26] I Cor. II. 9
[27] Matth., XXV. 34
[28] I Cor. II. 9.