L’apostasie, plus que la conversion elle-même, est ce qui préoccupe au premier chef les sources narratives et les juristes de l’Islam médiéval. Le corpus juridique permet de préciser selon quelles formules légales et quels rites s’effectuent ces changements de statut. L’examen du fiqh permet de souligner les liens entre conversion et abjuration et d’analyser la doctrine de la « sincérité ». Il révèle une image de la conversion islamique plus complexe que celle que l’on retient habituellement.
1L’acte légal de conversion1 à l’islam est généralement perçu, tant par les spécialistes que par la vox populi, comme une formalité simple et peu contraignante qui consisterait principalement à manifester sa volonté de passer à l’acte et à réciter devant témoins la šahāda, ou profession de foi islamique. L’absence de cérémonial, ou plutôt le choix d’adopter un rituel simplifié et dépouillé, donne l’image d’une religion à laquelle on peut aisément, rapidement et spontanément adhérer, sans devoir affronter de trop lourdes contraintes formelles comme dans le judaïsme ou, dans une moindre mesure, le christianisme. C’est ainsi que le héros du roman de Michel Houellebecq, Soumission, juge cette cérémonie bien moins contraignante que les pesantes manifestations de la Sorbonne2 ! Si l’on analyse les récits de conversion qui prolifèrent aujourd’hui dans les médias grâce au formidable outil de diffusion offert par Internet3, ils mettent l’accent sur une mutation préliminaire à l’acte de conversion, ou consécutive à celui-ci, mais se montrent généralement laconiques sur l’opération qui scelle le changement de statut religieux, comme si celle-ci ne constituait pas le temps fort de ce processus. Cette apparente facilité, qui semble contraster avec les autres religions, est soigneusement mise en avant par les sites apologétiques : pas d’obligation de formation préalable, pas d’intermédiaires ni d’étapes nécessaires, des règles simples et en nombre limité à respecter ensuite... Pour être musulman, il suffit de le vouloir : tel est l’axiome de cette théorie de la conversion comme simple volition. La minoration des barrières à franchir peut naturellement contribuer à la promotion du passage à l’islam.
2Si l’on remonte vers des périodes plus reculées, celles qui virent se former les rites et les dogmes de l’islam, celles encore où les pouvoirs islamiques furent massivement confrontés à la question du changement de religion de leurs sujets, on constate que l’acte de conversion n’occupe pas non plus une place centrale dans l’économie du récit. Bien plus, les sources juridiques, qui constituent a priori le gisement de données le plus important en ce qui concerne les conditions et les normes de la conversion, répondent surtout au défi de l’apostasie. Le corpus malikite andalou et maghrébin, dont les grandes références datent principalement des IXe-XIIe siècles, n’en est pas moins riche d’enseignements sur la façon dont les juristes abordent ce problème, et l’on y trouve matière à débuter une enquête sur l’histoire sociale de la conversion et de ses rites, enquête que le cloisonnement régional des études islamiques n’a pas encore permis de réaliser.
3Quelle est la place réservée par les sources à ce fait majeur de sociologie religieuse ? Toutes les études le notent : la tradition narrative islamique semble éluder la question des conversions4, centrale au contraire dans la littérature chrétienne de la fin de l’Antiquité et du haut Moyen Âge5. Ce n’est que si l’on déplace son regard vers les terres de frontière ou les peuples nouveaux de l’Islam – de l’Afrique subsaharienne aux confins turcs, centrasiatiques et indiens – que le thème du prosélytisme religieux et de la conversion des élites « païennes » prend réellement du relief. L’essor de l’hagiographie soufie, aux XIIe-XIIIe siècles, favorise d’ailleurs le développement d’une apologétique de la conversion, elle-même intégrée à une culture du miracle : conversion intérieure de celui qui s’engage sur la voie de Dieu, mais aussi propagation de la foi aux marges de l’Islam. De grands mystiques, bientôt relayés par les confréries, font basculer vers l’islam leurs auditoires. Emblématique de cette nouvelle spiritualité de l’illumination par la parole et les actes, Ğalāl al-Dīn Rūmī (m. 1273) aurait ainsi converti 18.000 chrétiens en Anatolie6. À partir de la fin du Moyen Âge, l’Asie centrale et les terres d’implantation de la Horde d’Or semblent aussi livrer une moisson de récits édifiants7.
4Toutefois, pour en revenir au bassin méditerranéen et à l’Occident islamique, force est de constater que les récits de conversion à proprement parler sont rares, allusifs, laconiques, et par ailleurs bien connus. Bien souvent le changement de religion n’est marqué que par l’emploi du verbe aslama – se « livrer », se « soumettre », donc se convertir –, que viennent enrichir quelques rares compléments sémantiques stéréotypés, comme daḫala fī dīn al-islām (« entrer dans la religion de l’islam »).
5Sporadiquement, la geste des conquêtes comporte cependant des anecdotes sur le passage à l’islam des groupes et des individus. À l’arrivée des musulmans, l’ancêtre du lignage des Banū Qasī, ancré dans la vallée de l’Èbre, se serait ainsi rendu à Damas pour s’y convertir en devenant le client (mawlà) du calife omeyyade al-Walīd b. ‘Abd al-Malik (r. 705-715) – la conversion étant alors indissociable d’une soumission politique marquée par l’établissement d’un lien de clientèle8. L’adhésion des populations à la nouvelle Loi peut d’ailleurs être suggérée autrement que par la mention explicite des conversions, par exemple grâce à des légendes relatives à la fusion ou alliance des peuples. C’est ainsi que Sarah la « Gothe » fait le voyage jusqu’à Damas pour y rencontrer le calife, épouse l’un des membres de son entourage, et donne ainsi naissance à un lignage musulman qui concilie le peuple des vaincus (les « Goths ») et celui des vainqueurs (les « Arabes »)9. L’absorption du Maghreb par l’islam est figurée par l’épisode où la Kāhina, figure de proue de la résistance « berbère », confie ses trois fils, dont l’un est « grec » – donc chrétien de rite byzantin – à Khālid b. Yazīd, le chef des troupes arabes10.
6L’accent est mis sur la soumission politique, elle-même rattachée à la problématique plus large de l’instauration du nouvel ordre. Dans le prolongement de la Révélation, la conquête constitue en effet une « ouverture » (fatḥ) du monde à l’islam. Une fois que les terres et les peuples ont été rattachés politiquement, le regard des mémorialistes se détourne de l’évolution religieuse des sujets pour se fixer sur la construction de l’autorité légitime qui garantit l’imposition de la nouvelle Loi. La conversion n’est alors mentionnée, le plus souvent, que si elle suscite le doute. L’abandon du christianisme par Qūmis b. Antunyān, l’un des secrétaires de l’émir omeyyade Muḥammad I (r. 852-886), est vivement stigmatisé par les sources chrétiennes des années 86011, tandis que le Livre des cadis de Cordoue d’al-Ḫušanī (Xe siècle) le mentionne principalement à propos de l’accusation d’apostasie portée contre cet individu par l’un des grands généraux de l’émirat12. De même, c’est à l’occasion des révoltes qui soulèvent al-Andalus au IXe siècle, et auxquelles participent des populations musulmanes d’origine autochtone, les muwalladūn, que ces dernières sont assimilées à des apostats ou à des convertis vacillants13. Leur principal meneur, ‘Umar ibn Ḥafṣūn, aurait ainsi renié secrètement l’islam pour revenir à la foi de ses aïeux14. Quant aux Berbères, lorsqu’Ibn Ḫaldūn les accuse d’avoir rejeté l’islam douze fois15, il ne fait que grossir, non sans quelque humour, le préjugé tenace des sources arabes orientales, pour qui les Berbères, très tôt ralliés au kharijisme, étaient d’éternels rebelles, rétifs à l’autorité des califes. Le changement de religion n’est dévoilé que pour assimiler la révolte contre le souverain légitime à une forme d’apostasie.
7La conversion fait donc l’objet, dans la littérature arabe classique, d’une ellipse narrative qui contraste avec la manière dont la littérature chrétienne s’en empare à des fins apologétiques. Dans les sources arabes, tout se passe comme si elle ne constituait que l’une des modalités de la « soumission » des sociétés à l’islam, la dimension apologétique reposant justement sur cette élision des conditions d’adhésion à la nouvelle foi. La progression des conversions est ainsi présentée comme naturelle, inéluctable, indépendante de toute contrainte extérieure, comme le veut le fameux verset lā ikrāha fī d-dīni (« pas de contrainte en religion », Coran II, 256). La formule fréquemment employée, aslama ṭāy‘an (« se convertir de bon gré »), reprend d’ailleurs cette idée. Ce qui retient les chroniqueurs n’est donc pas tant le cheminement vers l’islam que les résistances à ce processus inexorable.
8Or parmi les phénomènes qui viennent enrayer ce déroulement harmonieux, l’apostasie domine16. Sur quelque terrain que l’on se situe, il est évident que la conversion fait surtout parler d’elle lorsqu’elle est jugée suspecte ou qu’elle est remise en question. L’apostasie éclaire soudainement, et avec vivacité, les mutations religieuses des sociétés. Elle met également en lumière les espaces d’indécision entre l’appartenance à la ḏimma – « protection » légale accordée aux « gens du Livre » en Islam – et la fusion complète dans le groupe des « vieux musulmans17 ». Si la conversion ne constitue pas une préoccupation centrale du droit, l’apostasie y occupe en revanche une place importante, suscitant des fatwas spécifiques. Tandis que le vocabulaire de la conversion est relativement pauvre, celui de l’apostasie est prolixe et édifiant, il frappe les esprits.
9L’étude des normes de la conversion peut toutefois s’appuyer, en Islam, sur la manne des sources juridiques, florissantes à partir du IXe siècle. Pour construire une histoire comparée de la conversion, il serait même profitable de pouvoir croiser les différentes traditions juridiques qui ont coexisté dans l’Islam médiéval, y compris dans les domaines chiite et ibadite. Il s’agit cependant d’ensembles massifs, dans lesquels le thème de la conversion est en réalité noyé dans une masse d’autres questions. Cette question n’est en effet jamais abordée dans une section (kitāb) spécifique, elle apparaît dans d’autres rubriques. L’effort de régulation des juristes porte d’ailleurs sur d’autres enjeux, comme le statut de l’individu – est-il un homme libre ou un esclave ? a-t-il le statut de ḏimmī ou est-il étranger au dār al-Islām ? – et son affiliation religieuse – fait-il partie des « gens du Livre » ou est-il païen ? Par ailleurs, c’est la question de l’indécision religieuse et de l’apostasie qui occupe en priorité les juristes, soucieux de contrôler les frontières de la communauté des fidèles autant que d’en ouvrir les portes. Dans ces vastes compilations, des chapitres sont d’ailleurs spécialement consacrés à l’apostasie et aux apostats.
10Pour cette enquête, la présente contribution s’appuie principalement sur le corpus des juristes malikites andalous et maghrébins, dans lequel on a sélectionné une cinquantaine de questions (masā’il) qui portaient spécifiquement sur la conversion. Ce corpus pourrait naturellement être élargi par l’exploitation d’autres sources ou le dépouillement exhaustif des grandes compilations. Les travaux récents d’Uriel Simonsohn, qui confronte aux sources islamiques des témoignages issus du judaïsme et du christianisme en terre d’Islam18, ont attiré notre attention sur le recueil d’Abū Bakr al-Ḫallāl (m. 923-924), un juriste bagdadien qui a rassemblé les avis d’Aḥmad ibn Ḥanbal (m. 855)19. En 1994, il en a été tiré un recueil comprenant 260 questions consacrées aux ḏimmī-s, aux apostats et aux hérétiques. Il semblait donc intéressant de mettre en regard cet ensemble cohérent avec les avis juridiques des auteurs malikites contemporains comme Saḥnūn (m. 854) à Kairouan ou al-‘Utbī (m. 869) à Cordoue20, les divergences entre ces écoles n’étant d’ailleurs pas considérables dans ce domaine.
11Le corpus malikite offre cependant une ressource inestimable, puisqu’il conserve des formulaires de conversion dans des manuels destinés aux notaires et aux juristes : le Livre des formulaires juridiques (Kitāb al-waṯā’iq) du Cordouan Ibn al-‘Aṭṭār (m. 1009), la Source de satisfaction en matière de science des actes juridiques (Al-Muqniʿ fī ʿilm al-šurūṭ) du Tolédan Aḥmad b. Muġīṯ al-Ṭūlayṭulī (m. 1067), et le Projet réalisable de résumé des documents juridiques (Al-Maqṣad al-maḥmūd fī talh̲īṣ al-ʿuqūd) du Maghrébin ‘Alī b. Yaḥya al-Ğazīrī (m. 1189). Ces trois sources reposent sur un protocole juridique commun tout en répondant à des situations différentes. Pour leur analyse, nous sommes grandement redevables aux travaux de l’historien espagnol Pedro Chalmeta, éditeur et traducteur avec Federico Corriente du traité d’Ibn al-‘Aṭṭār, et auteur d’un article sur « le passage à l’islam dans al-Andalus au Xe siècle21 ». Nous essayerons donc de compléter et d’élargir son enquête à la lumière des éditions d’Ibn Muġīṯ et d’al-Ğazīrī – postérieures à ses écrits même s’il en connaissait les apports – et au prisme d’autres sources.
12Les différences introduites dans les formulaires de ces trois auteurs traduisent tout d’abord la prise en considération du passé doctrinal et de l’origine religieuse du converti. Ibn al-‘Aṭṭār propose en effet cinq formulaires : pour un chrétien, pour un juif, pour un « mağūs », pour une femme mariée chrétienne et pour une « mağūsiyya ». L’ouvrage d’Ibn Muġīṯ en comporte le même nombre, pour le chrétien ou le juif indifféremment, pour le juif exclusivement, pour l’apostat qui revient à l’islam (ruğūʿ al-murtadd ilà l-islām), pour l’hérétique (rağul tazandaqa), et pour l’apostat qui se repent (tāba). Quant à al-Ğazīrī, il propose un formulaire standard pour le chrétien, le juif et les infidèles (ahl al-kufr).
13Pour décrypter le protocole légal de la conversion, on peut partir d’un document concret qui nous servira de base pour l’analyse. Prenons donc l’acte de conversion d’un chrétien chez Ibn al-‘Aṭṭār22, que nous retraduisons ici le plus littéralement possible :
- 23 Coran, IV-171.
Fulān ibn Fulān, converti à l’islam (islāmī), a pris à témoin les témoins de cet acte écrit (kitāb), qu’étant en bonne santé, libre de ses actes et possesseur de toute son intelligence et de toute sa raison, il a rejeté derrière lui la religion chrétienne, de façon volontaire, et est entré dans la religion de l’islam, de manière volontaire. Il a témoigné qu’il n’y avait de Dieu que le Dieu unique et qu’Il n’avait pas d’associé, et que Muḥammad était Son serviteur, Son messager et le sceau de Ses prophètes. Que le messie Jésus fils de Marie – la bénédiction et le salut de Dieu soient sur lui – est Son serviteur et Son messager, « Son verbe et Son esprit, insufflés en Marie23 » – la bénédiction et le salut de Dieu soient sur elle. Qu’il s’est lavé entièrement (iġtasala) pour sa conversion à l’islam et a fait sa prière. Qu’il connaît les préceptes obligatoires (šarā’i‘) de l’islam : les ablutions, la prière, la zakāt, le jeûne au mois de Ramadan, le pèlerinage à la Maison [du Prophète] pour celui qui en a les moyens. Qu’il connaît les crimes légaux (ḥudūd) et les temps sacrés (mawāqīt). Il s’est imposé tout cela comme un devoir en s’agrippant à l’islam (tamassakan bi-l-islām) et en désirant y entrer. Qu’il a loué Dieu pour ce qu’Il lui a révélé [de l’islam] et de ce qu’il lui incombait de faire en son sein. Qu’il sait que l’islam est la seule religion de Dieu, abrogateur (nāsiḫ) de toutes les autres religions, que c’est la religion qui domine toutes les autres et n’est dominée par aucune autre, que Dieu n’accepte que celle-ci et qu’Il ne se satisfait d’aucune autre.
Sa soumission (islām) s’est faite de bon gré, en étant libre de ses mouvements, sans fuir quoi que ce soit, sans subir de contrainte, sans attendre [d’avantage quelconque], en présence de Fulān al-Fulānī. Si ce dernier est un juge, tu diras : « En présence de Fulān b. Fulān, grand qāḍī (qāḍī l-ğamā‘a) de Cordoue, ou bien qāḍī de telle localité, ou bien ṣāḥib al-šurṭa, [ṣāḥib] al-madīna, [ṣāḥib] al-sūq, [ṣāḥib] al-radd à Cordoue ». Sont témoins du témoignage de Fulān b. Fulān – converti à l’islam de son propre fait, connu et entendu par eux, se trouvant dans les conditions déjà décrites –, consigné dans cet acte écrit, après que celui-ci eut été établi au su et au vu de tous, constituant ainsi pour lui une obligation de s’y astreindre [emplacement des signatures]. Fait à telle date [emplacement de la date].
Si, au lieu de mettre « connu par eux », tu mets « qui s’est informé de lui-même », cela suffit. Ensuite, tu diras : « à tel mois, l’année tant, l’acte ayant été rédigé en double », ou bien « en plusieurs exemplaires ». S’il n’y a qu’un seul document, entre les mains d’une personne digne de confiance (ṯiqqa), cela convient aussi, mais c’est préférable et plus solide quand il y a plusieurs copies, si Dieu le veut.
14On peut constater qu’il s’agissait d’un formulaire-type, à trous, que le représentant légal chargé d’enregistrer et de valider la conversion n’avait plus qu’à remplir avec le nom du candidat, ceux du magistrat et des témoins nécessaires à la validité de l’acte juridique, et la date. Remarquons aussi que, contrairement à ce que l’on retient de nos jours de l’acte de conversion chez les malikites, le modèle transmis par Ibn al-‘Aṭṭār comporte non seulement l’énonciation de la šahāda, mais aussi une brève réfutation des principaux articles de la foi antérieure, ici la croyance en la divinité de Jésus. En réalité, il y avait de légères variations dans les formules que les juristes admettaient pour la conversion. Certes, la šahāda était le sésame par excellence pour entrer dans l’islam, mais il fallait la prononcer correctement, car toute variation entraînait l’invalidation de l’acte légal24. Certains hommes de loi estimaient qu’il suffisait de déclarer : « Je suis musulman et Muḥammad est prophète25 ». D’autres disaient que si l’on faisait sa prière en prononçant : « Je suis musulman », on le devenait26. Abū Ḥanīfa trouvait cela insuffisant et rajoutait que l’on ne pouvait se dire converti que si l’on précisait : « Je me dissocie de l’infidélité où je demeurais » (anā barī’ min al-kufr al-laḏī kuntu fīhi)27. Selon une autre tradition, attribuée à Abū Bakr al-Mazūdī, cette « dissociation d’avec l’infidélité » (barā’a min al-širk) devait s’exprimer sous la forme : « Je suis sorti du judaïsme (ou du christianisme) pour entrer dans l’islam ». Le même tenait pour nécessaire la croyance dans la Résurrection, le paradis et l’enfer28. Étrangement, Ibn Muġīt impose quant à lui au converti juif de stipuler, dans sa profession de foi, que Dieu ne peut prendre épouse ni avoir de fils, une croyance qui semble pourtant caractériser davantage le christianisme29. En revanche, dans le cas d’un converti juif, Ibn al-‘Aṭṭār subordonne implicitement Moïse, Esdras et les autres prophètes de l’Ancien Testament à Muḥammad, le « sceau des prophètes30 ». Les formulaires destinés aux chrétiens et aux juifs mettent de toute manière en évidence le dogme de l’abrogation (nasḫ) par l’islam des Lois antérieures.
15Plus étonnante, dans le contexte andalou, est la présence de formulaires de conversion destinés aux mağūs, les « fidèles des mages », hommes ou femmes. Le terme mağūsī renvoie en effet à l’élite sacerdotale de l’ancien empire perse, c’est-à-dire normalement aux Zoroastriens en Orient31. En contexte andalou, les chances étaient cependant minces de rencontrer de tels cas de figure, aussi le vocable se réfère-t-il de toute évidence à un autre groupe. On désignait ainsi, dans les sources andalouses, des populations païennes comme les Vikings, qui harcelèrent les côtes au ixe ou encore au Xe siècle, ou les Hongrois qui pénétrèrent en al-Andalus au temps du califat. Sous le règne d’al-Ḥakam II, donc du vivant d’Ibn al-ʻAṭṭār, le Muqtabis VII d’Ibn Ḥayyān signale d’ailleurs plusieurs raids des « Mağūs32 ». Les populations basques du nord-ouest de la péninsule étaient parfois appelées ainsi, mais seulement pour évoquer les événements du VIIIe siècle, apparemment33. On peut aussi penser aux esclaves « slaves » (Saqāliba) que les Omeyyades importaient encore à cette époque des marges païennes de l’Europe orientale, via les plaques tournantes de Verdun ou de Prague, ou aux esclaves arrachés à l’Afrique subsaharienne : ces individus étaient en effet susceptibles de passer du paganisme à l’islam. Mais cette opération nécessitait-elle l’accomplissement d’un acte légal de conversion et, s’agissant de populations de statut servile, ne se réalisait-elle pas de manière informelle, dans le cercle de la cour ? Le formulaire s’adresse en tout cas très clairement à des populations non-monothéistes, puisqu’il insiste longuement sur l’unicité divine et condamne toute forme d’« association » et d’« idolâtrie » (lā ma‘būd dūna llāh), en particulier le culte des « idoles » (al-aṣnām) et du feu – al-abdād désignant les pyrées mazdéens chez Ibn al-‘Aṭṭār, et ‘ibādat al-nīrān le « culte des feux » chez al-Ğazīrī34.
16Ibn al-ʻAṭṭār appartient à un monde andalou encore multiconfessionnel, où le processus des conversions à l’islam est toujours vivant. Chez Ibn Muġīṯ, qui écrit à l’époque des royaumes de Taifas, l’attention se resserre au contraire sur la question de la déviance religieuse. C’est ainsi que le juriste tolédan insère à la suite des formulaires inspirés par son prédécesseur un acte légal qui leur est apparenté sur le plan formel, mais qui est destiné au retour vers l'islam des hérétiques, appelés zindīq-s en arabe. En Orient, ce terme était originellement employé à propos des manichéens, avant de s'appliquer à des doctrines philosophiques ou spirituelles jugées hérétiques, comme en al-Andalus le mouvement d’Ibn Masarra (m. 931)35. Voici la traduction du début de ce document, dont la suite est malheureusement trop lacunaire pour tenter autre chose que d’en comprendre le sens général36 :
Les témoins nommés dans cet acte attestent qu’ils connaissent Fulān b. Fulān en personne et de visu, qu’ils le savent faire partie du groupe des négateurs des attributs de Dieu (ahl al-taʻṭīl), membres de la secte des hérétiques (al-zanādiqa), qu’ils l’ont entendu formuler des énoncés qui démontraient son hérésie et témoignaient de sa légèreté (istiḫfāfihi) […].
17Tout commence par un acte d'accusation, signé par témoins. Les crimes imputés à l'accusé sont mentionnés dans la partie manquante du texte, mais on devine qu'on lui reproche en particulier de nier la souveraineté du Seigneur (ibṭāl al-rubūbiyya). La suite est un acte de rétractation que doit signer l’individu, qui déclare se « libérer » de ses propos antérieurs (al-munazzah ‘ammā yatakallam bihi). Le formulaire insiste sur le caractère notoire, public et explicite que doit revêtir cette déclaration.
18Ibn Muġīṯ consacre deux autres formulaires à l’apostat repentant, qui « retourne à l’islam ». Cette fois-ci le lien formel avec l'acte de conversion est encore plus étroit : il s'agit en quelque sorte d'une nouvelle conversion. Le premier formulaire, lui aussi très lacunaire, porte sur le musulman accusé d’avoir abandonné l’islam au profit du christianisme ou du judaïsme. L’acte commence par déclarer que l’individu est « sorti de l’islam » (ḫarağa ‘an al-islām), un chef d’accusation qui aurait pu lui valoir la peine capitale. La suite n’est pas complète, mais il est notamment écrit qu’en apostasiant, ce « maître de l’erreur » (ṣāḥib al-ḫaṭṭa) « a menti », qu'il « s’est enfui de lui-même » et a « tourné le dos à l’islam ». Il a « proclamé l’infidélité et l’a propagée » jusqu’à ce qu’il se rende compte de son « horrible action », retrouve sa « droiture » (rušd) et reconnaisse de nouveau l’excellence de l’islam, « religion de ses parents ». L'acte d'accusation est donc suivi du procès-verbal de son abjuration. La fin du formulaire se présente comme les actes de conversion habituels, sauf qu’il s’y ajoute des formules de repentance et de dénonciation de l’apostasie : l’homme doit non seulement proclamer son adhésion à l’islam, mais aussi remercier Dieu de l’avoir inspiré pour le faire sortir de l’infidélité au profit de la vraie foi. La purification par une ablution complète et une prière, avant la prononciation de la šahāda, marque son « retour » vers l’islam. Le protocole se termine par une sorte de formule d’exorcisme qui l’oblige à se dissocier (tabarra’a min) de la religion juive (ou chrétienne) où il était rentré et à maudire « Iblīs le réprouvé qui l’a poussé et appelé à [commettre] cet acte ». On trouve une formule semblable dans le recueil d’al-Ğazīrī, mais placée cette fois-ci au début de la déclaration destinée à l’apostat37 :
Un tel a déclaré de lui-même que Satan l’a séduit et l’a égaré jusqu’à ce qu’il renie l’islam, puis Dieu le Très Haut l’a guidé et il s’est repenti de son acte.
19Le deuxième modèle fourni par le Tolédan est lui aussi consacré au cas de figure de l’apostat. En revanche, ce qui fait son intérêt est qu’il brille par l’absence de condamnation morale et de formules de repentance. L’individu atteste simplement qu’il est « revenu à l’islam et qu’il s’est repenti de l’infidélité et de l’apostasie », et le commentaire précise seulement que la repentance doit être exprimée trois fois. C’est donc comme si l’on laissait aux magistrats la possibilité de proposer à l’individu un retour en douceur, sans procès, vers l’islam, l’apostasie n’étant alors peut-être considérée que comme un égarement temporaire. La perméabilité de la frontière religieuse est désormais un phénomène social bien connu dans l’Islam des premiers siècles, et le corpus des martyrs de Cordoue comme la littérature juridique du IXe siècle regorgent de cas de musulmans relaps, jugés pour apostasie38. Devant ces cas, le magistrat usait d’intimidation mais aussi de persuasion (une procédure qualifiée de « mise à l'épreuve », imtiḥān) afin de tenter de convaincre l’accusé de revenir à l'islam39. Dans le droit malikite et hanbalite, un délai de trois jours d’emprisonnement était fixé avant que l’apostat ne fût exécuté, délai pendant lequel il pouvait se rétracter40. D’autres traditions de l’école hanbalite évoquaient même un délai d’un mois de repentance (istitāb) pour le prisonnier, pendant lequel on lui exposait l’islam41.
20La validité de l’acte de conversion constitue l’autre obsession des juristes. Le changement de religion doit avoir lieu devant des témoins reconnus pour leur honorabilité, mais dont le nombre n’est pas précisé. Il en faut impérativement une copie écrite. Par ailleurs, l’un des témoins doit servir de garant. Comme le stipule l’un des commentaires juridiques42, le garant ne peut être comparé au patron de l’esclave affranchi car le converti agit théoriquement de son propre chef. Il s’agit là d’une allusion au procédé de la walà, conversion-patronage caractéristique des premiers temps de l’islam et de la formation des clientèles omeyyades, mais progressivement réduite à partir de la fin du VIIIe siècle au seul cas des esclaves43. Dans le cas de la conversion d’un homme libre, l’acte doit être validé par la présence d’un magistrat, garant de la šarī‘a. À Cordoue, le choix est large44 : la conversion peut être validée par le grand cadi ou par l’un de ses délégués, comme le muḥtasib. Responsable de la police des marchés (ṣāḥib al-sūq), ce personnage veillait sur la bonne gestion de la ville, ce qui incluait la surveillance des populations. L’un des hommes de loi nommés par le souverain pouvait aussi faire l’affaire, comme le ṣāḥib al-madīna (« préfet de la ville »), le ṣāḥib al-šurṭa (« préfet de police ») ou le ṣāḥib al-radd, jurisconsulte chargé d’examiner les requêtes que le souverain ou son délégué jugeait lors du tribunal d’appel des maẓālim. Dans une localité possédant le statut de ville (madīna), le cadi local pouvait valider l’acte de conversion. Le formulaire concernant le cas d’un converti juif donne à penser que c’est ce cadi qui centralise les actes de conversion de la province (kūra) dont il est responsable45, et dans les Vies des martyrs de Cordoue c’est également lui qui intervient lors des dénonciations pour apostasie46. Ibn Muġīṯ donne à n’importe quel « juge » (ḥākim) ce pouvoir47.
21L’une des conditions requises du candidat à la conversion est qu’il soit sain d’esprit et, normalement, qu’il ait atteint l’âge légal du discernement, soit une dizaine d’années, parfois douze ans chez les malikites. Les conversions d’enfants mineurs48 semblent cependant avoir été acceptées, comme en témoigne le cas exposé par Ibn Sahl, qui remonte à la fin du IXe ou au début du Xe siècle49 :
Un garçon (ṣabī) se convertit, puis veut revenir à sa religion première.
Que Dieu t’accorde sa miséricorde ! Un garçon mineur est venu me voir pour se convertir à l’islam. Ensuite, il est allé chez un homme qui l’a recueilli, désireux d’obtenir une récompense de Dieu – Qu’Il soit glorifié – pour sa bonne action. Ses parents vinrent lui rendre visite, voulant qu’il retourne à sa religion première. Mais le jeune (al-ġulām) refuse. Hier, son père vient me trouver et il m’apprend que son fils veut revenir chez ses parents et vers leur religion à tous les deux. Écrivez-moi pour me dire ce qui convient en pareil cas.
Ibn Lubāba a dit : « Nous avons examiné ce que raconte le cadi. Si ce garçon est en mesure de raisonner comme un enfant de dix ans ou plus, il faut le rabrouer, le menacer et l’admonester pour qu’il ne fasse pas cela. S’il s’entête à revenir vers sa religion première, qu’il soit rendu à ses deux parents, sans être condamné à mort. Cela ne presse pas jusqu’à ce qu’il ait atteint la majorité. À ce moment, le jeune homme (al-fatà) sera traité de la manière indiquée dans les réponses et j’implore le secours de Dieu ».
22La conversion de cet enfant est acceptée car il fait acte de volonté et on lui reconnaît l’usage de la raison. Cependant, son retour vers la foi de ses parents suscite le questionnement des jurisconsultes, car il n’est pas encore majeur. La pression à exercer sur les mineurs qui refusent leur statut légal de musulmans a nourri moult débats chez les juristes50, et le corpus des martyrs de Cordoue témoigne de l’importance sociale du phénomène des enfants de père musulman qui sont néanmoins éduqués par leur mère dans la religion chrétienne51. Dans le recueil du grand-père d’Averroès, Ibn Rušd al-Ğadd, une question examinée par des juristes du IXe siècle, Ibn al-Qāsim et Saḥnūn, concerne des enfants âgés de cinq ou six ans dont le père, converti, décède. « Ils sont musulmans par l’islam de leur père », précise Saḥnūn, et peuvent donc normalement hériter en toute légalité. Cependant, il n’en est pas de même s’ils n’acceptent pas leur affiliation religieuse. Ibn Ḥabīb déclare alors qu’il faut user de violence, en l’occurrence des coups et de la prison, pour les contraindre à reconnaître l’islam. Cependant, une fois arrivés à l’âge adulte, ils sont libres de choisir, et Ibn Ḥabīb estime que même s’ils s’obstinent encore à rejeter l’islam, il n’est pas souhaitable de les exécuter. Même chose concernant un jeune garçon qui apostasie : la prison et les coups sont généralement recommandés afin de faire pression sur lui, bien que le juriste al-Muġīra précise qu’il faut aussi s’efforcer de l’éduquer correctement à l’islam. Mais quel doit être son sort lorsqu’il devient majeur ? Mālik b. Anās préconise de laisser choisir l’individu, mais d’autres juristes affirment qu’il faut alors appliquer au récalcitrant le droit commun, qui prévoit l’exécution de l’apostat52. Ibn al-ʻAṭṭār se range à ce dernier avis, et estime que les enfants impubères de moins de sept ans, dépourvus de discernement, doivent adopter la religion de leur père53.
23Théoriquement, pourtant, la conversion doit être un acte librement consenti et s’effectuer en dehors de toute contrainte, violence ou intimidation. Abū Ḥanīfa dit que la šahāda doit impérativement être accompagnée d’une manifestation de volonté de la part de l’individu54. Avant toute conversion, Ibn Ḥanbal insiste sur la nécessité de l’intériorisation rationnelle de la décision prise, le ‘aql : à cette condition, on peut accepter la conversion d’un enfant âgé de dix ans. Cette intériorisation n’est cependant pas très poussée, puisqu’à la question « Qu’est-ce que le ‘aql ? », le juriste répond : « La connaissance de la prière et le désir de l’islam55 ». Ibn al-‘Aṭṭār précise que s’il est reconnu que la conversion a été obtenue par la coercition, l’individu peut retourner à sa religion antérieure56. C’est ainsi, par exemple, que la conversion forcée du philosophe juif Maïmonide sous les Almohades aurait été annulée pour cette raison par le grand-cadi du Caire57. De même, pour prendre un exemple en milieu chiite ismaʻīlien, les conversions forcées de juifs et de chrétiens décrétées par le calife al-Ḥākim auraient été finalement annulées à la fin de son règne et sous celui de son successeur58. Ibn Ḥanbal considère cependant qu’un individu qui a prononcé la šahāda et accompli sa prière librement n’a pas le droit de se rétracter, même s’il prétend avoir été contraint à la conversion59.
24Les formulaires stipulent que le candidat à la conversion ne doit pas non plus être motivé par la recherche du profit, ou contraint à cette décision par un quelconque « besoin » matériel (al-ḥāğa)60. Ce type de motivations était pourtant envisagé : ainsi, le recueil des avis d’Ibn Ḥanbal présente le cas d’un juif qui accepte de se convertir après s’être vu promettre 1000 dirahms61. La conversion est aussi l’une des voies possibles pour l’affranchissement, par exemple. Les esclaves dont le maître est un ḏimmī peuvent être libérés s’ils passent à l’islam, car un hadith affirme qu’un musulman ne peut être l’esclave des infidèles62.
25Les juristes admettent aussi, dans certains cas, la validité de la conversion des individus qui changent de religion pour échapper à une exécution. L’« associationniste » qui, sur le champ de bataille, se convertit avant d’être décapité, doit être épargné63. Les chroniques andalouses mettent ainsi en scène quelques conversions durant la guerre civile de la seconde moitié du IXe siècle. Lors de la prise de la forteresse de Poley par les troupes califales, la garnison, en grande partie chrétienne, est passée au fil de l’épée, sauf un homme, converti « sincère64 ». Attention, cependant, aux conversions douteuses ! Parmi les populations capturées par Hāšim b. ‘Abd al-‘Azīz lors de ses expéditions dans les zones frontalières (ṯuġūr) en 876, beaucoup d’individus se déclarent « musulmans » pour avoir la vie sauve. Toutefois, ces usurpateurs, qui ont appris quelques sourates du Coran pour dissimuler leur véritable identité, sont incapables de réciter un seul hadith selon Ibn Ḥayyān. Bien que cette connaissance ne soit théoriquement pas requise de la part des convertis, le général décide de décapiter tous ces imposteurs65 !
26La conversion permet parfois d’échapper à la justice, ou de s’en tirer à meilleur compte66. L’homme accusé d’avoir violé une musulmane peut garder la vie sauve s’il se convertit de bonne foi : dans ce cas-là, il devra simplement verser à sa victime une compensation financière. Autre cas de figure évoqué par les juristes : les ḏimmī-s accusés du meurtre d’un coreligionnaire qui se convertissent pour tenter d’amoindrir leur peine ou de payer un prix du sang (diya) inférieur. Selon al-‘Utbī, même la personne qui est accusée d’insultes contre le Prophète peut échapper à la mort si elle se convertit et exprime son repentir par écrit67. Al-Wanšarīšī (m. 1508) relate cependant le cas de l’un de ces convertis de dernière minute qui, selon des témoins, n’aurait commis cet acte que par peur de la justice, tout en continuant à blasphémer contre l’islam : en cas d’établissement d’une preuve par des témoignages fiables, il devait être puni de mort68.
27Plus généralement, la question de la sincérité des conversions apparaît aussi bien dans les textes juridiques que dans les chroniques qui dénoncent les convertis comme de mauvais musulmans. Ainsi, lors du procès posthume intenté par Hāšim b. ‘Abd al-‘Azīz au secrétaire Qūmis b. Anṭunyān, les témoins convoqués refusèrent de ratifier la version du puissant général, et l’un d’eux insista même sur la présence assidue de Qūmis à la mosquée69. La fama publica et la visibilité de la pratique religieuse cautionnaient donc la socialisation du converti et contribuaient à établir sa réputation. À l’inverse, l’exhumation spectaculaire du cadavre de ‘Umar b. Ḥafṣūn, après la prise de Bobastro en 928, aurait apporté la preuve de son apostasie en révélant qu’il avait été enterré à la manière des chrétiens70.
28Deux actes rituels précédaient l’acte de conversion. Le premier était le ġusl, c’est-à-dire la pratique d’ablutions complètes71, figurées dans le roman de M. Houellebecq par un bain dans le hammam de la Grande mosquée de Paris72. Dès le IXe siècle, la Mudawwana du juriste kairouanais Saḥnūn souligne l’obligation du ġusl, ajoutant que, faute d’eau, le converti doit le pratiquer avec du sable (tayammum)73. Il s’agit d’un rite de purification, destiné à effacer les traces de l’ancienne religion et à atteindre l’état de pureté rituelle (ṭahāra) requis pour l’accomplissement des dévotions. Ce rite de passage était également appliqué au défunt avant son ensevelissement. Symboliquement, la conversion lave l’individu de tous ses péchés, ce qui ne veut pas dire qu’il soit forcément quitte, au regard de la justice, de tous les crimes qu’il pouvait avoir commis74. La seconde étape rituelle est la prière aux heures canoniques (mawāqīt), qui doit obligatoirement précéder la conversion. Elle est elle-même précédée d’ablutions, comme de coutume. Chez les Ḥanbalites, l’acte de conversion précède le ġusl75 et l’une des traditions recensées par Abū Bakr al-Ḫallāl montre un jeune homme juif qui se purifie la tête avec de l’extrait de guimauve (ḫaṭmī), une plante médicinale qui servait notamment pour le lavage des morts. Une autre tradition attribuée à Ibn Ḥanbal recommande le lavage des vêtements et la purification du converti à l’aide d’eau et de feuilles de lotus (sidr)76. Il ne s’agissait pas de lotus aquatique, mais d’un arbre (ziziphus spina Christi), mentionné dans le Coran à quatre reprises, dont les feuilles servaient aussi à la toilette des morts et à conjurer les sortilèges. Ces deux plantes étaient également utilisées par les hanafites.
29La circoncision (al-ḫitān), évoquée dans la polémique chrétienne à Cordoue au milieu du IXe siècle comme l’un des stigmates honteux de la conversion77, est recommandée par le droit malikite sans pour autant constituer un devoir légal, contrairement à ce que prône le droit šafī‘ite. Aucun texte malikite ne stipule donc qu’elle doit précéder ou suivre la conversion.
30La conversion se déroule donc discrètement, sans susciter de manifestation ostentatoire. Rares sont les cérémonies comparables au baptême des rois païens dans les sources de l’Occident latin ou de l’empire byzantin. Sur le modèle tardo-antique, l’Islam a cependant connu des conversions groupées de populations ou de tribus. Les questions d’al-‘Utbī prévoient notamment le cas des chrétiens du nord de la péninsule (des ahl al-ḥarb) qui, après s’être converti en bloc, feraient venir leurs enfants sur le territoire andalou78. Pour autant, ces ralliements collectifs ne semblent pas faire l’objet de cérémonies spécifiques. Une mise en scène, ou tout du moins une mise en récit, intervient cependant lors des rares épisodes où le pouvoir exerce sur les ḏimmī-s une pression en faveur de la conversion. Le plus souvent, cet événement spectaculaire intervient dans un contexte chargé d’attentes messianiques, comme ce fut le cas sous le règne du calife fatimide al-Ḥākim ou lors de la prise de Marrakesh en 1147, que les Almohades comparèrent à l’entrée du Prophète à La Mecque79. L’invasion du pays par des troupes chrétiennes ou le mécontentement populaire contre les fonctionnaires non-musulmans chargés du fisc pouvaient aussi susciter des mesures de rétorsion contre les ḏimmī-s, parmi lesquelles figurait la conversion forcée. Tel fut le cas dans l’Égypte de 1293, où une poignée de chrétiens de la cour fut contrainte de se convertir par le sultan mamlouk, cérémonie à laquelle ils n’attachèrent apparemment pas plus d’importance que les autres dignitaires de l’État80.
31Contrairement à ce qui est parfois affiché, la possession d’un bagage religieux semble constituer pour Ibn al-‘Aṭṭār une condition pour accepter la conversion d’un adepte du monothéisme. Non seulement l’impétrant doit connaître les cinq piliers de l’islam, mais il doit avoir des notions sur les châtiments légaux et sur les heures, et sans doute les rites, de prière. S’il refuse de s’acquitter de ses devoirs élémentaires de croyant, sa conversion doit être annulée81. Cela montre l’importance que certains juristes accordaient à la formation minimale du futur converti, même si ce bagage préliminaire semble très léger. Certains juristes admettaient même que des individus totalement ignorants en matière de religion se convertissent : ainsi, Abū Ḥanīfa tenait pour « croyant », dans les terres païennes des Turcs, toute personne qui confessait l’islam, même si elle ne connaissait ni le Coran, ni les devoirs obligatoires du musulman82. Les textes juridiques ne se préoccupent d'ailleurs pas de la formation du nouveau musulman : fréquenter la mosquée semble avoir été jugé suffisant. C’est en contexte ibadite, dans le Djebel Nafūsa des années 750, que l’on rencontre enfin un récit, il est vrai destiné à l’édification du lecteur, sur la formation du nouveau croyant. On nous y montre un futur savant berbère se rendre chaque jour sur la grand-route pour aller recueillir un à un, auprès des voyageurs arabes, les versets du Coran, qu’il recopie sur une tablette et mémorise une fois revenu chez lui, comme le faisaient les élèves des écoles rurales83.
32Contrairement aux récits qui concernent les cas de conversion dans le monde contemporain, les sources médiévales de l’Islam méditerranéen ne se fixent guère sur la mutation culturelle de l’individu, avant ou après l’acte de conversion. Parmi les éléments qui changent dans l’identité individuelle, les juristes abordent cependant la question du nom. Quel nom doit prendre le converti ? Selon al-‘Utbī, Mālik b. Anās réprouvait l’usage par le chrétien converti à l’islam d’un nom arabe du type Fulān ibn Fulān, préconisant plutôt l’adoption de noms bibliques comme Yūsuf, ou théophores comme ʻAbd al-Malik, « esclave du Seigneur »84. On sait pourtant que cette pratique était le fait de populations arabisées, mais non nécessairement musulmanes, comme les chrétiens en al-Andalus ou en Orient85. L’onomastique des convertis obéissait à des usages assez diversifiés. Les esclaves convertis ou les clients des grandes familles pouvaient adopter tel quel le nom de leur maître. Les eunuques et les esclaves de cour prenaient quelquefois un surnom fleuri qui faisait allusion à leur valeur, tel que « perle » ou « joyau ». Les esclaves-soldats turcs conservaient les traces de leur origine ethnique. Quant aux hommes libres, ils pouvaient effacer leur origine ethnique en masquant leur généalogie, ou au contraire l’afficher en gardant en mémoire leur ascendance. C’est ainsi qu’en al-Andalus les convertis portèrent quelquefois des noms à consonance arabo-romane et qu’au Maghreb une onomastique berbéro-arabe se développa dès le VIIIe siècle.
33Quels liens le converti conservait-il avec sa famille et son milieu d’origine ? On dispose à ce sujet d’une abondante documentation, qui démontre la complexité des situations dans les familles et dans la société. Les juristes abordent surtout cette question à travers le cas de la conversion de l’un des époux : l’homme, qui peut continuer à vivre avec son épouse si celle-ci est chrétienne ou juive, mais aussi la femme, qui ne peut vivre avec un conjoint non-musulman. De très nombreuses questions concernent la conversion des femmes86, sans que la littérature historique ne s’y soit particulièrement intéressée. Lorsqu’une femme se convertissait, le mariage était rompu, sauf en cas de conversion du mari. Lorsque la relation avait été consommée, la femme convertie pouvait bénéficier de son douaire. On imagine que la conversion à l’islam pouvait constituer un instrument puissant pour l’épouse, car le mari ne pouvait légalement s’opposer à la rupture du contrat. Une affaire examinée par al-‘Utbī expose cependant un litige entre une femme qui s’était convertie à l’islam et son mari qui, après l’avoir chassée du domicile conjugal, voulut la contraindre à y revenir en se convertissant lui aussi à l’islam87. Dans le débat, les deux parties en conflit s’opposent alors pour savoir si la conversion de la femme a eu lieu après 40 jours de relations conjugales et trois cycles de menstruation, ou bien si elle est intervenue avant. Dans le premier cas, en effet, le mariage déjà consommé ne pouvait être rompu. Mālik b. Anās précisait cependant que la chrétienne ou la juive qui se convertissait à l’islam était considérée comme « consommée », ce qui réduisait sa valeur sur le marché du mariage, ainsi que le prix de son douaire. Les femmes de convertis qui décidaient de conserver leur foi possédaient également un droit de garde des enfants, quand bien même ces derniers étaient considérés comme musulmans par le droit. Seule exception : si elles quittaient le dār al-Islām, le père musulman récupérait le droit de garde88. Bien souvent, comme en témoigne aussi le dossier des martyrs de Cordoue89, l'appartenance ou le statut religieux ne constituait pas une frontière infranchissable au sein des familles.
34Cette ébauche d’enquête démontre l’intérêt de penser la conversion dans une perspective d’histoire comparée des sociétés. Visiblement, l’Islam des premiers siècles dissimule toute dimension missionnaire ou prosélyte et se garde de mettre en avant le caractère miraculeux de la conversion. La conversion est donc vue comme une libre adhésion, même si certains récits démontrent le poids des pressions et des contraintes exercées épisodiquement. Toute l’attention se tourne en revanche vers l’apostasie, sévèrement sanctionnée par la loi, qui sait pourtant prévoir des accommodements.
35L’examen du processus juridique de conversion témoigne de l’adoption d’un rituel volontairement minimaliste, qui met délibérément l’accent sur la simplicité formelle de l’acte de conversion et sur la modicité des règles et connaissances à respecter et à acquérir. Le changement de religion, enregistré par un formulaire écrit, est validé par la pratique des cinq piliers de l’islam et par la fréquentation de la mosquée. Celle-ci est à la fois un lieu d’apprentissage pour le converti et un espace où il est soumis au regard et à l’approbation de la collectivité. Or, s’il n’y a pas de statut particulier pour le converti, en revanche il existe une hiérarchie tacite entre les vieux musulmans et les convertis récents, qu’on appelle en al-Andalus muwalladūn ou musālima, et dont les origines autochtones sont à l’occasion mises en exergue par l’élite « arabe90 ». Il en est de même au Maghreb, sur la base de l’opposition entre « Arabes » et « Berbères ».
36Ces observations, recueillies à partir d’exemples et de textes principalement andalous et maghrébins des VIIIe-Xe siècles, gagneraient à être confrontées à d’autres terrains. La conversion des populations des marges africaines, indiennes ou asiatiques de l’Islam a produit d’autres types de récits, et le foisonnement de l’hagiographie soufie à partir du XIIIe siècle réintroduit la dimension miraculeuse de la conversion. Le développement considérable de l’esclavage militaire des Turcs, à partir du IXe siècle chez les Abbassides puis au cours du Moyen Âge en Orient, introduit probablement des dispositifs spécifiques de prise en charge et d’éducation du converti, tout en mettant en évidence des stratégies de conservation de l’identité antérieure (turque ou circassienne). Ces terrains sont donc susceptibles d’enrichir notre perception de l’histoire sociale et culturelle de la conversion en Islam.
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DOI : 10.2307/1595129
Van Nieuwkerk 2006 = K. van Nieuwkerk (dir.), Women embracing Islam. Gender and conversion in the West, Austin, 2006.
Wasserstein 2012 = D. Wasserstein, Where have all the converts gone ? Difficulties in the study of conversion to Islam in al-Andalus, dans Al-Qanṭara, XXXIII, 2, 2012, p. 325-342.
DOI : 10.3989/alqantara.2011.005
Wensinck et Crone 2015= A. J. Wensinck, P. Crone, Mawlā, dans Encyclopaedia of Islam, Second Edition, Brill Online, 2015.
1 Que nous distinguerons ici du processus de conversion, qui se déploie sur une plus longue temporalité. Bien qu’il y ait quelque artifice à isoler cet épisode, nous resserrons notre enquête sur cette manifestation rituelle et légale du changement de religion.
2 Houellebecq 2015, p. 297.
3 Voir à ce sujet les remarques de Van Nieuwkerk 2006, p. 96.
4 Voir ainsi Calasso 2001 pour Baṣra, l’analyse détaillée, pour la Syrie, de Jalabert 2004, p. 187-212, et pour al-Andalus, Wasserstein 2012.
5 Pasquier 2011, p. 2 souligne par exemple la fortune littéraire des récits basés sur le paradigme de la conversion de Paul ou d’Augustin. Voir aussi Savigni 2011 pour l’ère carolingienne.
6 Voir notamment Turan 1959.
7 Voir par exemple Deweese 1994.
8 Ibn Ḥazm 1948, p. 502-503.
9 Ibn al-Qūṭiyya 1982, p. 3-6.
10 Ibn ʻIḏārī 1998, I, p. 37.
11 Euloge 1973, II, p. 440-441.
12 Al-Ḫušanī 1914, p. 130-133.
13 Aillet 2008 et 2010 (b).
14 Ibn Ḥayyān 1937, p. 128 ; Ibn Ḥayyān 1979, p. 138-140 et 215-217 ; Aillet 2010 (a), p. 99-103.
15 Ibn Ḫaldūn 2012, p. 152.
16 Pour une première approche de l’apostasie dans le droit islamique : Fattal 1958, p. 163-168.
17 Nous employons cette expression par analogie avec les « vieux chrétiens » du XVIe siècle, et pour faire référence à une hiérarchie fondée sur l’ancienneté de la conversion.
18 Simonsohn 2013 (a) et (b).
19 Abū Bakr al-Ḫallāl 1996.
20 Saḥnūn s.d. ; Ibn Rušd al-Ğadd 1988-1991 ; Fernández Félix 2003.
21 Chalmeta 1986 et, avant lui, Abumalham 1985.
22 Voir Ibn al-ʻAṭṭār 1983, éd. p. 405-406, trad. p. 632-633.
23 Coran, IV-171.
24 Abū Bakr al-Ḫallāl, p. 372-373.
25 Ibid., p. 376.
26 Ibid., p. 381.
27 Ibid., p. 376.
28 Ibid., p. 377-378.
29 Ibn Muġīṯ al-Ṭulayṭūlī 1994, p. 346.
30 Ibn al-ʻAṭṭār 1983, éd. p. 409, trad. p. 636.
31 Morony 2015.
32 Ibn Ḥayyān 1983, p. 23, 27-28, 58, 61, 67, 78, 93.
33 Voir Ibn al-ʻAṭṭār 1983, p. 626 ; Epalza 2008 et Fierro et Molina (inédit). Je remercie Maribel Fierro de m’avoir communiqué cette référence.
34 Ibn al-ʻAṭṭār 1983, éd. p. 413, trad. p. 641 ; al-Ğazīrī 1998, p. 425.
35 Blois 2015.
36 Ibn Muġīṯ, p. 346-347.
37 Al-Ğazīrī 1998, p. 425.
38 Aillet 2010 (a), p. 96-106. Voir aussi, récemment, Simonsohn 2013 (a) et (b).
39 Aillet 2010 (a), p. 98.
40 Ibn al-ʻAṭṭār 1983, éd. p. 407, trad. p. 634 ; Abū Bakr al-Ḫallāl, p. 487-488.
41 Ibid., p. 488.
42 Ibn al-ʻAṭṭār 1983, éd. p. 410, trad. p. 637.
43 Wensinck et Crone 2015.
44 Ibn al-ʻAṭṭār 1983, éd. p. 406, trad. p. 632.
45 Ibid., éd. p. 409, trad. p. 636.
46 Aillet 2010 (a), p. 97-98.
47 Ibn al-Muġīṯ, p. 345.
48 Sur ce thème voir Fernández Félix 2001.
49 Ibn Sahl 1980, p. 46-47.
50 Fattal 1958, p. 168-169.
51 Coope 1995, p. 75-79 ; Aillet 2010 (a), p. 105-106.
52 Ce long débat, qui mobilise plusieurs avis puisés parmi les grands maîtres du malikisme, est transcrit par Ibn Rušd al-Ğadd 1988-1991, XV, p. 96-99.
53 Ibn al-ʻAṭṭār 1983, éd. p. 411, trad. p. 638.
54 Abū Bakr al-Ḫallāl, p. 375.
55 Ibid., p. 106.
56 Ibn al-ʻAṭṭār 1983, éd. p. 408 , trad. p. 635.
57 Abumalham 1985.
58 Entre autres références, voir Fattal 1958, p. 172.
59 Abū Bakr al-Ḫallāl, p. 381.
60 Ibn Muġīṯ, p. 346.
61 Abū Bakr al-Ḫallāl, p. 64.
62 Voir par exemple Saḥnūn s.d., II, p. 315 ; Ibn Ḥazm 1928-1934, VIII, n° 1672, p. 208 et Fattal 1958, p. 149-150.
63 Ibn Rušd al-Ğadd 1988-1991, II, p. 573.
64 Ibn Ḥayyān 1937, p. 96.
65 Ibn Ḥayyān 1973, p. 362-363.
66 Ibn Rušd al-Ğadd 1988-1991, XV, p. 477-478, XVI, p. 427-429 ; Fernández Félix, Fierro 2000, p. 36.
67 Ibn Rušd al-Ğadd 1988-1991, XVI, p. 396.
68 Al-Wanšarīšī 1981-1983, II, p. 526-528.
69 Al-Ḫušanī 1914, éd. p. 130-133, trad. p. 159-164.
70 Ibn Ḥayyān 1979, p. 215-217 ; Aillet 2010 (a), p. 100-101.
71 Bousquet 2015.
72 Houellebecq 2015, p. 297-298.
73 Saḥnūn s.d., I, p. 35-36.
74 D’où le questionnement des juristes sur la peine à appliquer au criminel qui se convertit avant d’être jugé : voir par exemple Abū Bakr al-Ḫallāl, p. 350-352.
75 Abū Bakr al-Ḫallāl, p. 111-114.
76 Ibid., p. 113-114.
77 Aillet 2010 (a), p. 116.
78 Ibn Rušd al-Ğadd 1988-1991, XIV, p. 239-240 ; Fernández Félix, Fierro 2000, p. 36. Voir aussi Saḥnūn s.d., II, p. 300-301.
79 Fierro 2011, p. 241-247.
80 Little 1976, p. 553-554.
81 Ibn al-ʻAṭṭār 1983, éd. p. 407, trad. p. 634-635.
82 Madelung 1985, p. 12-13.
83 Ibn Sallām 1986, p. 125-126.
84 Fernández Félix, Fierro 2000, p. 33.
85 Aillet 2010 (a), p. 263-279.
86 Pour ne citer que quelques exemples : Saḥnūn s.d., II, p. 299-300 et 302-303 ; Ibn Rušd al-Ğadd 1988-1991, IV, p. 451-452 ; Ibn Ḥazm 1928-1934, p. 312-316.
87 Ibn Rušd al-Ğadd 1988-1991, V, p. 465-466.
88 Ibid., V, p. 351-352.
89 C'est tout l'objet de l'étude de Coope 1995.
90 Voir la bibliographie citée dans Aillet 2010 (b).
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