• Brutalités, vision, conversion et martyre

    du prince Al-Hashimi de Bagdad

    Récit tiré de

    l'Histoire des patriarches de l'Eglise copte d'Alexandrie[1]

    où il est attribuée à Al-Wadih ibn Raja, un musulman converti au Christ et devenu moine sous le nom de Bulus ibn Raja[2] qui affirme la tenir de son ami, l'évêque Severos ibn al-Mukaffa[3].

     Le fait que la famille royale se trouve à Bagdad fait placer cet épisode durant le Califat abbasside d'Irak (750 - 1258). Sévère d'Achmounein, mort après 987, en parle comme d'un événement ancien (puisque, selon ce récit, les chrétiens de Bagdad ont eu le temps de construire une église sur la tombe du martyr), l'histoire à la base du récit doit donc être située au plus tard vers 950, ce qui donne une période de deux siècles : 750-950.

     La liturgie, telle qu'elle est décrite dans ce récit est celle de l'Eglise d'Alexandrie.

     *

    *  *

     "Il y avait à Bagdad un prince de famille royale nommé Al-Hashimi, qui ne songeait en aucune manière aux affaires de l'État, ni aux beaux habits, ni aux chameaux ; mais tout son plaisir était de monter tous les jours à cheval, et de s'en aller, accompagné des soldats de sa suite, dans les églises des chrétiens au moment précis de la liturgie. Il y entrait à cheval, et commandait qu'on prenne l'hostie dans la place même du sanctuaire. Il la faisait rompre et fouler au pieds, et répandre le calice. Quand il avait fait cela dans une église, il allait ensuite dans une autre, où il en faisait autant, à tel point que les églises de Bagdad étaient sur le point de ne plus avoir de Liturgie et que la plupart des prêtres s'abstenaient de célébrer, dans la crainte où ils étaient que cela ne leur arrive.

    Mais le secours de Dieu l'attirait, quoi qu'il ne sût pas.

    Un jour que cet homme était entré, selon sa coutume, dans une église, Dieu lui ouvrit les yeux, et il aperçut sur la patène le korban[4] comme un enfant beau et très-bien fait. Et, au moment de la Fraction, il vit que le prêtre l'immolait, et versait son sang dans le calice, et divisait sa chair par morceaux sur la patène. Al-Hashimi en était stupéfait, incapable de bouger. Après cela, le prêtre sortit pour la communion, et donna au peuple de la chair, et le diacre, du sang dans le calice[5], alors qu'il les regardait faire.

    Tout à son étonnement, et il dit à ses soldats : "Ne voyez-vous pas ce type, ce prêtre, manigance ?" Ils lui dirent : "Oui, nous le voyons". Il leur dit : "Le laisserons-nous faire qu'il prenne un enfant, l'immole et partage sa chair à cette assemblée, et qu'il les fasse boire de son sang ?" Ils lui dirent : "Dieu te maintienne, Seigneur, mais nous ne voyons que du pain et du vin" ; ce qui augmenta sa crainte et sa stupéfaction. Le peuple, de son côté, n'était pas moins surpris de le voir ainsi immobile, ne faisant pas au korban ce qu'il avait coutume de faire.

    Le prêtre ayant achevé l'office, et le peuple étant sorti, il appela ce prêtre, et lui dit ce qu'il avait vu. Le prêtre répondit "Seigneurie, je t'assure devant Dieu que ce n'était que du pain et du vin." Ayant donc ainsi reconnu que ce mystère n'avait paru qu'à lui seul, il dit au prêtre : "Je veux que tu me fasses connaître le mystère de cette Eucharistie et son institution". Le prêtre lui apprit comment Jésus-Christ prit du pain et du vin, le partagea entre ses disciples, et leur dit : Prenez, mangez; ceci est mon corps, et ensuite : Buvez; ceci est mon sang, buvez-en tous pour la rémission de vos péchés. "Et ses disciples, dit-il, nous ont appris une prière que nous disons sur le pain et sur le vin, quand nous les mettons sur l'autel, et le pain est changé et est fait chair, et le vin est fait sang d'une manière secrète, comme Dieu te l'a fait voir aujourd'hui. Cependant en apparence c'est du pain et du vin, parce qu'il n'y a personne au monde qui puisse prendre un morceau de viande crue, ni boire du sang qui vient d'être répandu. C'est Dieu lui-même qui a manifesté pour toi ce mystère saint, véridique et caché pour le salut de ton âme."

    Puis le prêtre lui lut les livres de l'Eglise et lui expliqua les Mystères de la foi chrétienne, de sorte que son coeur fut rassuré pour entrer [en christianisme][6], reconnaissant sa grandeur et sa vérité, ayant vérifié  ses enseignements et sa solidité.

     Alors, il ordonna à ceux qui l'accompagnaient de partir, et il resta avec le prêtre pour la nuit, et celui-ci le baptisa de nuit, de sorte qu'il devint chrétien. Au matin, ses compagnons lui ramenèrent son cheval, mais il les renvoya sans leur adresser la parole. Lorsque ceux-ci surent ce qui s'était passé, ils s'en allèrent voir son père pour l'en informer. Ce dernier, cruellement blessé, ordonna qu'on lui amène son fils de force. Il lui parla avec tendresse et sévérité, s'épuisant à tenter de le convaincre de toutes les manières possibles, alternant humiliations et menaces, mais fut incapable d'en obtenir quoi que ce soit : Al-Hashimi ne renonça pas à son opinion. Alors, il le fit livrer à la torture, et il fut torturé outre-mesure mais ne renonça pas à sa croyance.

    Aussi il fut décapité au sabre, pour le nom du Seigneur Christ, accomplissant son martyre – que sa bénédiction descende sur nous et son intercession soit avec nous.

    Quant à son saint corps, les chrétiens de Bagdad l'honorèrent et le vénérèrent, et ils bâtirent au dessus un église qui est connue sous le nom d'Eglise d'Al-Hashimi.   

    Notes : 


    [1] ATYIA et alii : "History of the Patriarchs of the Egyptian Church, known as the "History of the Holy Church" by, Sawirus Ibn Al-Mukaffa, bishop of Al-Asmunin", Vol II, part 2, 1948. P 165-167". Cet ouvrage copte a longtemps été attribué à Sévère évêque d'Achmounein.

    [2] Paul, fils de Raja. Voir "Christian-Muslim Relations, A Bibliographical History", Volume 2, 2010 p 541.

    [3] Sévère évêque d'Achmounein. Une traduction française de la plus grande partie de ce récit avait été réalisée à partir "d'un manuscrit arabe de la Bibliothèque du Roi" et publiée par Antoine ARNAULD : dans "La perpétuité de la foi de l'église catholique touchant l'eucharistie", Volume 3, 1674, p 797.

    [4] Le "korban" est, dans l'église copte, le pain spécifique préparé pour être consacré, un peu comme la "prosphore"  de la liturgie byzantine. On en prépare plusieurs, mais un seul servira à l'eucharistie, les autres étant distribués comme "pain béni" à la fin de la liturgie.

    [5] Dans l’Eglise copte, on communie au Saint Corps, puis après avoir fait le tour de l’autel, on communie au Précieux Sang, à l’aide d’une cuillère. Quand il y a deux prêtres qui concélèbrent, le principal (l’Officiant) distribue le Saint Corps et l’autre (le concélébrant) le Précieux Sang. Mais quand il n’y a qu’un seul prêtre, il distribue lui- même les deux Espèces, et cela prend le double du temps. Si un  diacre est présent, il peut distribuer le Précieux Sang.

    [6] c'est à dire : "pour entrer dans la foi", "pour devenir chrétien"


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  • L'Histoire des Patriarches d'Alexandrie, attribuée à Sévère d'Achmounein,  a été traduite en anglais.

    On trouvera ci-après des liens vers cette traduction.

    On notera que j'ai volontairement placé la partie 10 après les 11 et 12 : la Chronologie l'impose...

     

    History of the Patriarchs of the Egyptian Church

    known as the "History of the Holy Church"

    by

    Sawirus Ibn Al-Mukaffa

    bishop of Al-Asmunin

    Preface to the online edition

    Translator's Introduction

    +

    +   +

    Part 1 : St. Mark to Theonas (300 AD)

    Vol. 1, Part 1 : text edited, translated and annotated by B. Evetts, (reprint de PO 1, 1904)

     

    Part 2 : Peter I to Benjamin I (661 AD)

    Vol. 1, Part 2 : text edited, translated and annotated by B. Evetts, (reprint de PO 1, 1904)

     

    Part 3 : Agathon to Michael I (766 AD)

    Vol. 1, Part 3 : text edited, translated and annotated by B. Evetts, (reprint de PO 5, 1910)

     

    Vol. 1, Part 4 : Mennas I to Joseph (849 AD)

    Vol. 1, Part 4 : text edited, translated and annotated by B. Evetts, (reprint de PO 10, 1915)

     

    Part 5 : Khaël II to Shenouti I (A. D. 849-880)

    Vol. 2 pt. 1: tr. & annotated by Yassa 'Abd al-Masih & O.H.E. Burmester, 1943

     

    Part 6 : Khaël III to Senouti II (A.D. 880-1066)

    Vol. 2 pt. 2: tr. & annotated by Aziz Suryal Atiya, Yassa 'Abd al-Masih & O.H.E. Burmester, 1948

     

    Part 7 : Christodoulus to Michael (A.D. 1046-1102)

    1959: Vol. 2 pt. 3: tr. & annotated by Aziz Suryal Atiya, Yassa 'Abd al-Masih & O.H.E. Burmester, 1959

     

    Part 8 : Macarius II to John V (A.D. 1102-1167)

    Vol. 3 pt. 1: tr. & annotated by Antoine Khater & O.H.E. Khs-Burmester, 1968

     

    Part 9 : Mark III to John VI (A.D. 1167-1216)

    Vol. 3 pt. 2: tr. & annotated by Antoine Khater & O.H.E. Khs-Burmester, 1970

     

    Part 11 : Cyril III to  Ibn Laklak (1216-1243 A.D.)

    Vol. 4 pt. 1: tr. & annotated by Antoine Khater & O.H.E. Khs-Burmester, 1974

     

    Part 12 : Cyril III to  Ibn Laklak (1216-1243 A.D.)

    Vol. 4 pt. 2: tr. & annotated by Antoine Khater & O.H.E. Khs-Burmester, 1974

     

    Part 10 : Cyril II to Cyril V (A.D. 1235-1894 A.D.)

    Vol. 3 pt. 3: tr. & annotated by Antoine Khater & O.H.E. Khs-Burmester, 1970


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  • DJ 7

    De la monogamie

     Le sarrasin : D'où vient-il, évêque, que chez vous, la monogamie est mieux considérée que la polygamie ? En effet, puisque vous dédaignez la polygamie, vous devriez refuser la monogamie, car ce qui est mal en soi l'est dans chacune de ses expressions, et ce qui est bien en soi de même. Et cela s'exprime selon les nécessités de chacun.

     Théodore : Ce cas particulier ne se distingue pas de la généralité de la même manière que telle personne particulière se distingue de l'humanité en général. En effet, ce cas particulier est contraire à la généralité, comme la mesure s'oppose à l'excès, ou la bonne gestion à l'avarice.

     Le sarrasin : Convaincs moi, non pas sur la base des écrits d'Isaïe ou de Matthieu, que je ne comprends pas bien, mais sur la base de concepts indispensables et généralement admis [1].

     Théodore : C'est comme tu veux, j'ai une grande réserve d'arguments pour te satisfaire. Pourquoi la femme se marie-t-elle ?

    Le sarrasin : Je ne sais pas.

     Théodore : Pour deux raisons : le plaisir et la procréation. [2]

     Le sarrasin : C'est évident.

     Théodore : Depuis Adam, le premier homme, jusqu'à nos jours, saurais-tu me dire s'il y a un homme à qui Dieu ait accordé de plaisirs plus variés qu'à lui, Adam ?

     Le sarrasin : A aucun.

     Théodore : A-t-il été privé en quoi que soit d'une forme de plaisir ?

    Le sarrasin : Certes non.

    Théodore : Et combien lui a-t-il été donné de femmes ?

    Le sarrasin : Une seule

    Théodore : Il est par conséquent clair que le plaisir obtenu d'une femme est plus parfait qu'avec plusieurs.

    Le sarrasin : Je dois être d'accord. Néanmoins, il semble qu'avec plusieurs femmes on a plus d'enfants.

    Théodore : A ton avis, y a-t-il eu une époque qui ait eu plus besoin de fécondité que l'époque d'Adam ?

    Le sarrasin : Aucune

    Théodore : Il s'avère donc que d'avoir une seule femme a plus de sens en matière de fécondité que d'en avoir plusieurs. Et n'est-ce  pas une pensée opposée à Dieu et favorable à la chair qui caractérise ceux qui ont institué la polygamie à une époque où l'humanité était déjà nombreuse, alors que le Créateur du monde avait instauré la monogamie tandis que le monde n'était que très peu peuplé ?

    Le sarrasin, craignant de s'avouer vaincu, et tentant de camoufler la honte de sa doctrine dit : Propose-moi un autre exemple.

    Théodore : Un maître avait deux esclaves, envoyés en voyage. L'un avait la permission de s'habiller avec la quantité de vêtements qu'il souhaitait tandis que l'autre, par contre, reçut l'ordre de ne mettre qu'une seule tunique [3]. Et si l'un d'entre eux venait à avoir froid, qu'on lui donnât quatre-vingt coups de fouet. Le maître qui a donné de tels ordres est-il a ton avis juste, ou injuste, en particulier si celui à qui il a été ordonné de ne mettre qu'une chemise est le plus faible des deux ?

     Le sarrasin : Injuste

     Théodore : Par conséquent vous accusez Dieu d'injustice, puisque vous dites qu'il n'a accordé à la femme, qui est plus faible pour résister au désir, de n'avoir que le quart d'un mari, et à l'homme qui, par contre est plus patient, d'avoir quatre femmes, quel que soit le nombre de concubines [4]. C'est lui aussi qui dit que la peine pour l'adultère, ce sont quatre-vingt coups de fouet. Que peut il y avoir de plus injuste que de telles règles ?

     Le sarrasin : Donne-moi un autre exemple.

     Théodore : Qu'est ce qui réjouit le plus Dieu dans les relations humaines : la paix ou le conflit ?

     Le sarrasin : La paix

     Théodore : Si un homme a plusieurs femmes, penses-tu qu'il aura plus de paix que s'il n'en avait qu'une ?

    Le sarrasin : Cela dépend : des fois c'est vrai, des fois il en est autrement.

     Théodore : Se peut-il qu'elles s'aiment entre elles ?

     Le sarrasin : Non

     Théodore : N'empoisonnent-elles pas la vie de leur mari en même temps qu'elles s'empoisonnent entre elles ? Les disputes qui s'élèvent dans leurs familles ne créent elles pas des désordres permanents ? La monogamie par contre rapproche les familles des deux époux, auparavant éloignées, et si elles étaient séparées, les rassemble.

     Le sarrasin : En effet.

     Théodore : Par conséquent, pour nous, la monogamie est plus honorable, plus sainte, et plus agréable à Dieu. Mais si tu le souhaites, je peux te donner un autre exemple.

     Le sarrasin : A peine ai-je ouvert pour toi mes oreilles que tu m'as presque fait chrétien. Pour moi j'en ai assez.

     

    Notes :

     Texte grec : traité 24, PG 97, col 1556 ; traduction anglaise : Lamoreaux, "Theodore Abu Qurrah translated" p 220 ; traduction russe : Sablukov in "миссіонеръ" n° 23, p 184 (11° traité) ; traduction française partielle : Khoury, "Apologies byzantines" p.

     1. "Par des principes généralement admis" Cf. TAQ 3, note 2

     2. Notons, au passage, la "modernité" de la question de Théodore Abu Qurrah : il ne demande pas pourquoi l'homme se marie, mais la femme. Et il place le plaisir avant la procréation dans les raisons pour lesquelles elle se marie.

     3. Cette comparaison entre le mariage et le vêtement doit être mise en relation avec ce passage du coran : "vos femmes sont un vêtement pour vous et vous un vêtement pour elles" (Coran II, 187)

     4.  La polygamie est en effet autorisée dans le coran (4.3) "Il est permis d'épouser deux, trois ou quatre parmi les femmes qui vous plaisent, mais si vous craignez de n'être pas justes envers celles-ci, alors une seule. " En revanche, la polyandrie est rigoureusement proscrite, encore qu'il faille noter que cette interdiction est adressée à l'homme : il n'a pas le droit d'épouser une femme qui a déjà un mari, l'opinion ou le désir de la femme n'entrant pas en ligne de compte. (coran 4.22-24)

     Outre ces épouses légitimes, qu'il peut d'ailleurs répudier (coran 4.20), l'homme peut aussi prendre pour concubines les femmes esclaves qu'il possède (coran 70.29-30).

    En cas d'adultère ou de débauche, le coran prévoit un même châtiment de 100 coups de fouet pour l'homme et la femme (coran 24.2). Cependant cette apparente égalité de traitement est fortement contrebalancée par le fait qu'un homme déjà marié peut sans difficulté prendre une épouse ou une concubine supplémentaire, quitte à la répudier par la suite, possibilité dont ne disposent absolument pas les femmes.

    Dans notre texte, il est question de 80 coups de fouet, ce qui correspond en fait au châtiment appliqué à celui qui accuserait faussement d'adultère une épouse légitime (coran 24.4)

     


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  • Les quatre premiers siècles de l'Eglise sont jonchés du cadavre des martyrs massacrés par l'Autorité politique païenne, qu'elle soit romaine ou perse. Puis, avec la conversion de Constantin et "l'édit de Milan", avec surtout le règne de Théodose, le Temps des martyrs sembla toucher à sa fin : on pouvait vivre chrétien et en sureté. Le terme "martyr" servit cependant encore, jusqu'à la fin de la période iconoclaste.
    Puis, vint l'islam. Et de nouveau, par périodes, les chrétiens furent sommés de choisir. Et de nouveau, il y eut des martyrs : des "nouveaux martyrs", ou "néo-martyrs".
    Le communisme, lui aussi, (pour ne prendre qu'un exemple) a persécuté les chrétiens, et innombrables sont ses victimes, eux aussi "néo-martyrs".
    Ici, eu égard au thème du blog, nous n'aborderons que les martyrs chrétiens liés à l'islam, et ce schématiquement en trois périodes : des débuts de l'islam jusqu'à la chute de l'Empire byzantin (1453), de la chute de l'Empire byzantin à la chute de l'Empire ottoman (1923) et enfin jusqu'à nos jours.



    Jusqu'à la prise de Constantinople

    Conversion et martyre du prince Al-Hashimi de Bagdad : traduction française par Al-Bossikad

    Martyre de Michel le Sabaïte : traduction française de son martyre par le frère Théognoste 

    Le cousin du Calife : Traduction française d'Albocicade ; Texte grec et traduction latine du texte de Grégoire le Décapolite in PG 100. 1201-1212.

    Ahmet, Témoin Du Christ : Les martyrs Ahmet le calligraphe et Ahmet le moine, témoins du Christ

    Ruwah-Antoine (Rawh al-Qurashi) : Traduction française par I. Dick.

    Pierre de Capitolias : petite présentation, accès à la traduction partielle anglaise.


    Elias : a Christian craftsman, born in Baalbek but making his home in Damascus, he was (wrongly) suspected of having renounced his faith at a party at which he had undone his (distinclively Christian) bell. Prudently retiring to Baalbek, after eight years he returned to Damascus where he was denounced as an apostate from Islam and dragged before the local governor. Having refused every opportunity to embrace Islam and regain his freedom, he was eventually executed by order of Muhammad, the nephew of the caliph al-Mahdi, on 14 February 162/779. Texte grec et latin de Combefis.

    Romanos : a Byzantine monk native to Galatia, he was taken prisoner by muslim raiders in 154/771. After years in captivity (mostly in Baghdad), he was executed for reconvening Byzantine prisoners to Christianity after they had apostatized through fear, by order of the caliph al-Mahdi at al-Raqqa on 1 May 163/780. Traduction anglaise dans : "Three Christian Martyrdoms from Early Islamic Palestine: Passion of Peter of Capitolias, Passion of the Twenty Martyrs of Mar Saba, Passion of Romanos the Neo-Martyr" par S. J. Shoemaker

    Dahhak (Bacchus) : a convert to Christianity (his father had converted to Islam while his mother remained secretly attached to the Christian faith), he became a monk of Mar Sabas. After convening five of his brothers to Christianity he was executed in Jerusalem under the governor Harthama (170/786-7). Texte grec et latin de Combefis.

    George of Bethlehem : a monk of Mar Sabas, he entered Western ecclesiastical history as one of the martyrs of Cordoba. He was executed for his violent invective against Islam (along with Aurelius and Sabigotho, Felix and Liliosa, executed for apostasy) under the emir 'Abd al-Rahman II on 27 July 852 (238). Texte latin d'Euloge de Tolède in PL 115.777-792


    Qays al-Ghassani ('Abd al-Masih), who was executed in al-Ramla for apostasy on the orders of the local governor, perhaps just after 245/860. English translation in : S. H. Griffith, "The Arabic Account of 'Abd al-Masih an-Nagmni al-Ghassani", Le Museon 98, 1985, pp, 331-74

    Voir : Syrian Christians Under Islam : The First Thousand Years, p 116-118


    Les vingt moines de St Sabas, martyrs en 796

     

    Les 48 Martyrs de Cordoue (850-859)

    sous les califats d'Abd ar-Rahman II  et de Mohamed I, 4 et 5° califes omeyyades de Cordoue :

    Le prêtre Perfectus (850)

    Le moine Isaac (851)

    Les saintes Nunilo et Alodie  (851)

    La moniale Pomposa (853)

    Le prêtre Euloge (859)

      

    De la prise de Constantinople à la chute de l'empire ottoman

    Néo-martyres orthodoxes :
    I. Argyré de Brousse
    II. Kyranna d'Abyssoka
    III. Aquiline de Zaklivéri
    IV. Slato de Slatena
    V. Marcelle de Chio
    VI. Ketevania, reine de Cachétie
    par R. Bousquet, Échos d'Orient Année 1907 Volume 10 Numéro 64 pp. 151-154

    Philothée Bénizélou d'Athènes par R. Bousquet, Échos d'Orient Année 1906 Volume 9 Numéro 60 pp. 288-292 


    Les quatre néo- martyrs d'Agrinion :

    Trois anonymes martyrisés en 1786, et Jean de Konitza, musulman devenu chrétien, décapité le 23 Septembre 1814.

    Louis Arnaud, Échos d'Orient Année 1911 Volume 14 Numéro 90 pp. 288-292

    Néo-martyrs orthodoxes : Michel d'Athènes et Angelis d'Argos
    Louis Arnaud, Échos d'Orient Année 1913 Volume 16 Numéro 102 pp. 396-408
     

    Un prétendu néomartyr grec par R. Bousquet, Échos d'Orient Année 1905 Volume 8 Numéro 55 pp. 350-353
     

    Le néomartyr Nicolas Casetti par R. Bousquet Échos d'Orient Année 1906 Volume 9 Numéro 61 pp. 363-366
    le néomartyr Michel Mauroeides par  S. Petridès : Le néo-martyr Michel Mauroeidès et son office. In: Échos d'Orient, tome 14, n°91, 1911. pp. 333-334. et par  V. Laurent, Échos d'Orient Année 1939 Volume 38 Numéro 195 pp. 371-379

    Les néo-martyrs de Jannina : Georges le foustanellas, Jean le tailleur et Anastase le hiéromoine, d'après Echos d'Orient, vol 16, 1913 p 517-525 (article original)

    Icônes des Néo-martyrs rassemblés par Maxime


    La page "Néo-martyrs" de Wikipedia

    L'extermination des Arméniens

    De la chute de l'empire ottoman à nos jours

    "Les attentats contre les églises ont cela de positif d’être déplorés – au moins officiellement – par les musulmans (même par le grand imam d’Al Azhar). Même s’il est permis de douter parfois de la sincérité de ces déclarations, c’est autant d’acquis. L’islam ne sera ébranlé que, comme le paganisme, par la reconnaissance de sa propre injustice devant le sang des martyrs, leur pardon et leur longanimité."  (5 janvier 2018, par un moine copte)

    Les Martyrs coptes de Libye (15 février 2015)

    Jacques Hamel, prêtre catholique français (26 juillet 2016)

    Les martyrs coptes de Tanta et d'Alexandrie (9 Avril 2017)

    Les Martyrs coptes de Minya (26 mai 2017)

    Et d'autres... d'autres encore...


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  • La "Passion de Michel, moine de St Sabas", texte ayant un original arabe perdu n'est connu qu'en transmission géorgienne. Ce récit, relativement tardif, vaut plus pour le regard porté sur l'événement que pour les détails qui abondent. Le nom même de Théodore Abu Qurrah semble s'y être introduit par confusion avec un autre Théodore, Théodore d'Edesse (Voir Lamoreaux "The Biography of Theodore Abu Qurrah Revisited"). Une traduction latine de cette "Passion"en a été donnée par Paul Peteers dans les "Analecta Bollandiana" (tome 48, 1930) et plus récemment Monica Blanchard en a fourni une traduction anglaise (ARAM periodical n° 6, 1994), et cela semble bien être tout.

    C'est dire que cette traduction française comble une lacune. Elle a été réalisée sur la base de la traduction latine de Peteers par un moine certainement catholique, probablement breton, qui a tenu à garder le plus strict anonymat de sorte que je n'en sais pas plus. Qu'il soit remercié. Nous donnons ci-après sa traduction avec les notes qu'il y a jointes.

    Al-Bossikad

     

     

    Le 20 mars

    Passion de saint Michel
    qui fut à la grande Laure de notre père Saint Sabas.

     

    1. Le père Basile, prêtre du monastère1 Saint Sabas, homme admirable et de qui nous avons été les témoins visuels de prodiges, nous narra ce qui suit : au jour de l'Annonciation, nous sortîmes pour la procession des litanies à moins de deux stades2 dans les environs de la laure, vers le lieu qui a été institué pour les supplications envers la mère de Dieu. Il est dit qu'en ce lieu, Notre-Dame se montra à notre père Sabas en vision avec une troupe d'anges et une foule de saints. Au même endroit, on fit vœu de dédier la laure à la Sainte Mère de Dieu et d'édifier l'église majeure. Nous vînmes donc en procession à ce lieu d'une façon habituelle (comme de coutume) avec des croix, des images, parmi les cantiques et les louanges envers la sainte Mère de Dieu ; nous accomplîmes toutes les cérémonies ainsi que la récitation des psaumes ; nous proclamâmes l’Évangile ; nous retournâmes à la laure. Et comme nous passions près de la cellule du père Théodore Abu Qurrah3, homme très digne de louanges, nous fîmes digression pour saluer ce saint homme et recevoir sa bénédiction. En effet sa cellule était flanquée à la laure, au lieu de la Roche Fendue sur le chemin du Jourdain et de la Mer Morte. Lorsqu'il nous vit arriver, il nous reçut promptement, nous salua avec bienveillance et dit en nous embrassant avec joie : " Dieu vous a conduit jusqu'ici et ceci fait mon bonheur ". Il nous ordonna d'entrer, il nous introduisit dans sa cellule, et la prière étant achevée, nous nous assîmes. Étant assis depuis assez longtemps, et ayant devisé de choses et d'autres, ce qui nous fût des plus utiles, nous nous levâmes pour prendre congé ; Abu Qurrah dit alors : " Ce n'est pas encore le moment, saints pères, mes seigneurs et serviteurs du Très-Haut. Ce jour est en effet un jour de louange et de liesse ; voici qu'est arrivée l'heure du dîner et de l'amitié. L'aliment qu'est le pain nous est nécessaire pour refaire nos forces, ainsi que la tendre hostie et la suave boisson4". C'est ainsi qu'il nous proposa de célébrer le saint sacrifice ; ce que nous fîmes ; nous reçûmes le corps et le sang du Seigneur. Ensuite, il se dépêcha de mettre la table. Nous lui dîmes : " Père, donne-nous d'abord une nourriture spirituelle, un discours utile à l'âme ; alors seulement, tu nous donneras une nourriture corporelle ". Il répondit, et comme s'il se jouait de nous, il dit : " Taisez-vous, les pères, ceci n'est pas en mon pouvoir. Donnez-moi la nourriture corporelle, et ensuite vous sera donnée la nourriture spirituelle ". Il nous dit aussi : " Appelez mon disciple ; il ne faut en effet qu'il ne goûte d'aucune viande. Et nous, nous nous plaignons de l'austérité du jeûne !" Alors, nous invitâmes aussi le disciple, nous nous assîmes tous en même temps, nous prîmes plaisir à nous livrer à la liesse et à la joie spirituelles.

    2. C'est alors qu'Abu Qurrah nous narra ce qui suit. Au temps d'Abd al Melik, fils de Maruani, commandeur des croyants, la paix était parfaite, et grande la tranquillité5 ; il n'y avait ni hostilité, ni guerre ; mais à tout le genre humain, au fidèle, à l'infidèle, à tous les païens, aux Juifs et aux Saracènes6, s'imposait l'envie de voir Jérusalem. C'est alors que le commandeur des croyants, Abd al Melik, monta de Babylone à Jérusalem avec son épouse et ses enfants, une armée imposante qui l'accompagnait, des litières à chevaux, des chars ornés, des chevaux, des poulains, des éléphants et des chameaux, dans un appareil varié avec un désir d'ostentation aussi vain que futile. Abd al Melik, le commandeur, ne porta cependant de condamnation à personne et ne molesta personne, mais recherchait depuis longtemps un chrétien expert en lois7.

    3. Quand il vint donc à Jérusalem, la ville sainte, il y avait à Saint Sabas un moine originaire de Tibériade, qui avait un disciple obéissant et droit, bon, parfait et ayant une belle âme. Celui-ci avait l'habitude de confectionner des petits coffrets, des paniers, des corbeilles et différents articles élaborés avec art : il vendait ces ustensiles et en rapportait le prix à son maître. Il dit : " Père, je désire aller en ville pour vendre et acheter divers objets, en donner et en recevoir d'autres. Mais l'Ancien, averti en esprit par une connaissance prophétique, n'eût pas le courage de lui dire de ne pas y aller ; il le bénit avec ferveur et le laissa partir en disant : "Va en paix, mon fils ". Une fois entré en ville, il gagna l'Anastasis et demeura longtemps en prière. Il revint alors à l'Hospice pour récupérer ses articles ; il descendit au marché et commença son commerce. Un eunuque, serviteur de Seida, l'épouse du commandeur, l'aborda avec bienveillance et lui dit : " Passe de notre côté8, jeune : j'achèterai tout ce que tu désires vendre, j'acquerrai de toi autant que tu voudras ". Et aussitôt, il le suivit ne sachant pas où il le conduisait. L'eunuque le conduisit alors jusqu'à la porte de l'épouse du Commandeur et étant entré, il dit à Seida : " Il y a ici un jeune moine ; il est réputé muni d'un grand talent et il vend des ouvrages artistement faits à la main (manufacturés avec art). Je l'ai amené à ta porte ". Elle dit : " Fait-le entrer ".

     4. Lorsque cet agneau eût franchi la porte de l'édifice, le serpent (le diable) qui ne cesse pas de combattre les moines, entra aussi dans l'âme de la femme. Il (le diable) suscita une forte émotion chez l'épouse du commandeur des croyants et la séduisit par un amour déraisonné pour ce moine : il était en effet de grande taille, était dans la force de l'âge (d'un âge florissant) et avait un bel aspect ; son visage par contre était marqué par le jeûne, le travail et les veilles. Seida dit en s'adressant au moine : "Jeune infortuné ! si tu étais captif, je te rachèterais ; si tu étais malade, je te soignerais ; si tu étais pauvre, je te donnerais la richesse ". Le moine répondit : " J'étais captif du monde, maintenant je suis libéré par le Seigneur ; j'étais esclave du péché, maintenant je suis le serviteur du Très-Haut. Je ne suis pas malade de corps, et ne suis pauvre d'aucune richesse ; mais c'est mon être spirituel qui est malade, je languis après les œuvres de pénitence et je suis blessé par la charité du Christ ". Seida répondit : " O Jeune, comme tu es à plaindre ; si tu étais un ami pour moi, je serais bienfaisante pour toi et je serais pour toi le salut ; toi, en effet, tu serais préféré à beaucoup d'autres ". Le moine répondit : " Femme, dans quel but désires-tu perdre ma vie, me séparer de mes compagnons et faire périr mon âme ? " Seida répondit : " Si tu ne te montrais pas prudent envers moi, je mettrais ton corps en pièces par les fouets, la dureté des tourments et des supplices les plus recherchés ". Le moine répondit : " T'obéir est pour mon Dieu une rébellion, et suivre ta volonté est pour moi-même un détriment. Le supplice que pourrait subir mon corps, serait pour moi un repos, et les tourments, le plaisir de mon âme ". Seida répondit : " Ne suis-je pas digne de louange, belle et désirable ". Le moine répondit : " Non digne de louanges, mais blâmable ; non belle, mais nocive ; non désirable, mais adultère et cynique9.

    5. Alors, cet aspic, troublé dans son esprit, s’échauffa dans une grande fureur avec des larmes. Elle ordonna de le ligoter avec des cordes d'arc et de le blesser par des verges. Elle demanda ensuite une tablette en ébène et écrivit le motif de l'accusation contre ce saint. En voici l'énoncé : " sans que je l'ai mérité, ce moine vint chez moi pour m'agresser et me couvrir d'injures ; je te demande de me livrer sa tête en mon pouvoir afin que j'accomplisse la sentence contre lui à discrétion10". Il fut remis alors entre les mains de l'eunuque qui le conduisit jusqu'au palais du Commandeur des croyants en lui remettant la lettre de son épouse. Lui, de son côté, comprit qu'il s'agissait d'une fausse accusation, mensongère et vaine, mais en raison des liens dont le moine était chargé en présence du Commandeur des croyants, personne ne le sût sinon le Commandeur et le moine.

    6. Alors le Commandeur, d'un visage irrité, avec des paroles de menaces et au comble de l'indignation, proféra ces paroles : " O moine, qu'avais-tu en tête ? N'as-tu rien à répondre ? Ou par quelle parole oseras-tu nous répliquer ? Narre-nous ce que tu as dans le cœur. Le moine répondit : " Les rois et les gouverneurs se doivent d'observer trois choses ". Le Commandeur répondit : " Expose la première, la deuxième et la troisième ".

    Le moine11 : " La première est la crainte de Dieu, la deuxième est la miséricorde, la troisième la longanimité ". Cette réponse plût au Commandeur, et ayant pitié de son jeune âge, il ordonna qu'on le délivrât de ses liens. Et il s'adressa au moine : " Cette chose convient parfaitement à l'homme, qu'il soit roi ou empereur, aussi bien qu'au voleur et à l'adultère, qui par conséquent a mérité une peine, du moment qu'il pratique la justice. Et bien, pose une énigme ".

    Le moine : " Que doit faire l'homme qui se trouve à proximité d'un dragon dont le seul aspect fait mourir ; et lorsqu'il s'en éloigne, il tombe sur une terrible bête sauvage, un lion rugissant et effrayant. Qu'est-il alors préférable : de vivre près d'un lion ou d'un dragon venimeux, funeste et plein de malignité ? "

    Le Commandeur : " Ton énigme est pleine de perspicacité. Ne crains pas ce lion effrayant car il est repu, il ne peut pas être trouvé injuste12, il révère le Dieu Très-Haut, si du moins tu te confies en lui ".

    Le moine : " J'espère en Dieu le Père, le Fils et le Saint Esprit ".

    Le Commandeur : " D'où es-tu ? narre-moi ceci en premier, puis plus tard, tu m'instruiras ".

    Le moine : " Je fus d'abord un Galiléen, de la ville de Tibériade ; pour l'heure, je suis Palestinien, de la ville de Jérusalem et de la laure de Saint Sabas ".

    Le Commandeur : " Si mon opinion ne me trompe pas (si je ne m'abuse), tu es un puits de science, d'une parfaite sagesse et prolixe en paroles ".

    Le moine : " Il faut proclamer la vérité devant les rois et non pas la falsifier ".

    7. Cependant le Commandeur des croyants connaissait bien le monde et faisait preuve de prudence devant Dieu ; il avait lu les livres de l'Ancien et du Nouveau Testament : la Genèse, l'Exode, les Rois ; par contre, de la Loi Nouvelle, il lut les lettres de saint Paul et des Apôtres. C'est alors que le Commandeur fit venir un Juif expert de la Loi dans le but de vaincre (de confondre) le moine et de l'infléchir vers sa Loi. Le Commandeur dit alors au moine : " Où donc est-il écrit dans la Genèse ou dans l’Évangile qu'il vous est permis de manger de la viande et de vous marier ? "

    Le moine : " Il est écrit : les enfants de ce monde se marient ".

    Le Commandeur : " N'es-tu pas, toi aussi, un enfant de ce monde ? Répons à cette objection ou sinon tu seras soumis à mon jugement (ma condamnation) ". Le Juif regarda alors le Commandeur, estimant que le moine était vaincu. Le moine répondit : " Ni le livre de la Genèse, ni ceux des Apôtres, n'interdisent aux hommes qui suivent la voie de ce monde d'user de la viande et du mariage ; par contre, pour les moines qui ont choisi se suivre la voie de l'éternité, il ne leur est pas permis de s'engager dans le mariage ni de jouir des délices de ce monde. Le Règne de Dieu, en effet, n'est pas affaire de nourriture et de boisson, mais il est au-delà de tout ce que l'on peut penser (incogitabile : on ne peut s'en faire une représentation intellectuelle)".

    Le Commandeur : " Oh, comme tu es à plaindre, toi qui es orphelin et exclu de l'une et l'autre vie, où as-tu placé ton espérance".

    Le moine : " Les dons du Christ, les yeux ne les ont jamais vus, ni les oreilles entendus, inaccessibles à l'esprit, il ne peut en venir à bout ".

    Le Commandeur : " L'Apôtre Paul vous a trompé ".

    Le moine : " Paul ré-établit les Nations dans la vraie vie ; mais Mohammed, le Saracène (Sarrasin) les trompa ".

    Le Juif : " Paul ne fut-il pas d'abord Juif ? "

    Le moine : " Assurément, il était Juif ".

    Le Juif : " Laisse-moi t'enseigner comme tu as été enseigné par lui ".

    Le moine : " Si tu étais semblable à lui, bienheureux serais-tu, et je serais ton disciple ".

    Le Commandeur : " Nous sommes deux et à nous deux nous te vaincrons, toi qui es seul ".

    Le moine : " Vous êtes trois, et tous les trois pareillement, vous serez vaincus par la force du Christ ".

    Le Commandeur : " Quel est ce troisième ? Dis-le moi donc ".

    Le moine : " Mon ennemi est votre ami ; et vous m'interrogez pour savoir qui il est ! "

    8. Le Commandeur : " Jeune, obéis-moi ; ressaisis-toi et tu seras comme un fils pour moi. De même je serai un père pour toi, et je te ferai le chef de toute l'armée. Confesse donc que Mohammed est l'envoyé ".

    Le saint (le moine) : " Allons donc, Commandeur des croyants, ne témoignes-tu pas avec moi que le Christ est le Verbe de Dieu ? "

    Le Commandeur : " Oh là ! je témoigne de ceci avec toi ? "

    Le moine dit au Juif : " Toi, le Juif, ne témoigneras-tu pas avec moi de l'avènement du Christ et que c'est par le Verbe de Dieu que les cieux ont été affermis ".

    Le Juif : " Eh bien, je témoigne ".

    Alors le saint (moine), rempli de l'Esprit Saint, dit : " Vous trois, vous avez témoigné devant moi de la vérité ; par suite, je ne témoignerai pas de ce qui n'est pas vrai. Oh Juif, le Christ est né et ne naîtra pas de nouveau. Oh Commandeur des croyants, Mohammed n'est ni Apôtre, ni prophète, mais un falsificateur ".

    Alors les Saracènes furent remplis de pudeur, de colère et d'indignation ; les scribes et les médecins chrétiens par contre furent envahis de joie du fait que le moine, par la force du Christ eût vaincu le Commandeur des croyants et le Juif. Le Commandeur dit donc au Juif : " J'espérais que tu me serais utile et cela est allé a mon détriment ". A la suite de cela, il ordonna de souffleter violemment le Juif et de le jeter dehors. Et il dit au moine : " Seul, je te vaincrai, et de tes idées, je te ferai revenir ".

    Le saint : " Un seul a été mis en fuite, vous l'emportez comme deux (sens douteux) ".

    Le Commandeur : " Mohammed n'a-t-il pas converti les Perses et les Arabes et réduit à rien leurs idoles ? "

    Le Saint : " A quelle fin les a-t-il convertis ? Avec quel acharnement agit-il et comment a-t-il rémunéré (récompensé) ceux qui lui obéissaient ? "

    Le Commandeur : " Il comble de biens ceux qui lui obéissent ; mais ceux qui sont opiniâtres, il les fait périr par le glaive ".

    Le Saint : " Qu'est-ce qui était promis dans ce monde périssable et dans l'éternité ?"

    Le Commandeur : " Ici-bas, des mets succulents, des vêtements splendides, des convives et des chambres nuptiales ; là au paradis, de la nourriture et des noces ".

    Le moine : " Paul n'avait ni glaives, ni trésors, il travaillait de ses mains d'où il tirait sa subsistance et renonçait à tout, il enseignait le jeûne et la sainteté et ne sombrait pas dans la fornication. En ce qui concerne la Vie éternelle, il ne promettait ni nourritures, ni noces, mais le règne de Dieu. Considère que les disciples de l'un et l'autre, de Paul et de Mohammed, sont nombreux ".

    9. Le Commandeur : " Paul est-il réellement Apôtre ? Les Apôtres ne furent-ils pas douze ? "

    Le Saint : " Tu fais preuve d'une grande sagesse, toi qui connais les douze Apôtres ; et en même temps d'un aveuglement extraordinaire, toi qui ne crois pas en leurs œuvres ! En effet, ils furent douze à gagner et à se partager les douze extrémités de la terre, eux qui convertirent les nations, les confirmèrent et les baptisèrent en vue de la Vie éternelle ".

    Le Commandeur : " Comment dois-je comprendre les douze extrémités de la terre ?"

    Le moine : " Les quatre coins de la terre correspondent aux quatre Évangiles, et les douze parties de la terre correspondent aux douze provinces que les Apôtres ont évangélisé, à savoir l'Indus et l'Inde, la Nubie et l'Afrique, le pays des Goths (veut-il désigner la Germanie) et la Grèce, la Bulgarie et la Thrace, la Colchide et la Chazarie, l'Arabie et la Farghanie13 : voici les confins maritimes. Vous par contre, les Sarrasins, n'avez obtenu qu'une seule île (il veut parler de la péninsule arabique) et de vos terres, plusieurs nations croient en mon Dieu. Et de tes serviteurs eux-mêmes, les plus éminents, les uns scribes, les autres médecins, ils trouvent leur espérance en mon Libérateur ". Jusqu'à présent pensif, le Commandeur fut embarrassé et ne put rien répondre au moine.

    10. Alors le Commandeur répondit au moine : " Je te donne de choisir entre deux choses ".

    Le moine : " Il t'est donné d'accomplir l'une d'elle ".

    Le Commandeur : " Soit je te convertis, soit je te fais mourir ".

    Le moine : " Soit tu me renvoies à mon maître, soit tu m'envoies au (mon) Christ, soit tu te fais chrétien toi-même avec moi ".

    Alors le Commandeur des croyants ordonna d'apporter une marmite brûlante et de l'y plonger après lui avoir enlevé ses sandales. Étant debout, il pria pour supporter le tourment jusqu'au bout en disant : "Mon corps s'offre à la brûlure du moment que mon âme ne périsse pas ". Le feu ayant épuisé son effet ne nuisit pas au saint. Ensuite le Commandeur des croyants ordonna que soit apporté une petite boite en fer, bien fermée et gardée, qu'il ordonna d'ouvrir et d'où il sortit une petite ampoule avec l'étiquette sur laquelle était écrit -boisson empoisonnée14 causant la mort immédiatement, et appelé samsala-. Le Commandeur des croyants dit alors : " Ou bien tu m'obéis et tu recevras le bienfait, ou bien tu bois ce poison et tu vas à la mort".

    Le saint : " Il est préférable de boire ce venin mortifère et de goûter la mort que de se soumettre à ta loi et de perdre mon âme ". Le Commandeur des croyants ordonna donc d'apporter un vase, d'y verser l'hydromel, d'y mélanger le poison et de le présenter au moine pour qu'il le boive. Et il dit : " A cause de ton obstination, bois cette boisson amèrement douce et mortellement mielleuse (bois ce qui est amère avec ce qui est doux, et ce qui est mortel avec ce qui est mielleux). Le Martyr du Christ le reçut de sa main, récita le symbole de la foi et fondit en larmes. Pleuraient aussi les scribes, les médecins et les chrétiens de la noblesse sauf ceux qui se continrent par crainte. Apercevant ses ministres en train de pleurer, le Commandeur des croyants, pris lui-même de commisération, commença à pleurer. Mais quoiqu'il voulût le relâcher, il était plein de vénération et ne put le châtier parce que le peuple lui imposait de la crainte. Alors le moine, élevant la voix, dit : " Je crois au Père, au Fils et au Saint Esprit ". Il se signa de la croix du Seigneur ; et nullement terrifié, il but jusqu'au bout le poison. Mais par la puissante protection de Jésus-Christ notre Dieu, il ne subit aucun dommage. C'est alors que les scribes se précipitèrent au devant du Commandeur des croyants et dirent : " Ordonne qu'un glaive soit apporté et nous tue pareillement avec cet homme innocent ". Alors le Commandeur des croyants ordonna d'amener un homme captif, un homicide, passible de mort ; et voulant expérimenter le poison, il ordonna à l'accusé de la boire. Lorsque celui-ci l'eût bu, il s'effondra, son âme sortit de lui, son corps se décomposa, ses cheveux et sa barbe tombèrent. Le moine par contre, restait debout, priait, louait le Seigneur et se Réjouissait en esprit. Alors tous les Sarrasins se mirent à crier : " Tu avantages et honores les Chrétiens ; tu perds les Sarrasins. Soit tu supprimes ce moine, soit nous Sarrasins, nous périssons ".

    11. Il ordonna donc de le mettre à mort, de le faire sortir de la ville et de le transpercer d'un glaive. Alors le saint martyr du Christ dit au Commandeur des croyants : " J'exige de toi une seule chose : que je sois traduit au tribunal devant l'assemblée du peuple et des moines. Par la suite, je t'adjure de par le Seigneur de ne pas renverser la justice ". Alors ils le conduisirent à la porte de la ville, vers la colline de Saint Grégoire. Ce qu'ayant entendu, sortirent la multitude des habitants de la ville, les pèlerins, les moines, les vieilles personnes ainsi que les jeunes, les enfants, les femmes et tous les fidèles. Alors saint Michel, l'athlète et le martyr du Christ, étendit son pallium, adora le Seigneur par trois fois, pria en faveur de la paix pour le peuple et demanda à tous : " Habillez-moi de ma bure ; enveloppez-moi de mon pallium et remettez-moi entre les mains de mon maître pour qu'il me confie à la terre ". Puis il se signa d'un signe de croix et inclina la tête sous le glaive pour livrer sa vie. Le Bourreau trancha alors sa tête sacrée, la prit de sa main et la baisa ; lui-même pleura ainsi que tout le peuple. A la suite de ceci, une grande controverse s'éleva parmi les habitants de la ville et les moines. Les habitants de la ville disaient : " Ne nous enlevez pas de notre ville ce martyr exceptionnel ". Les moines répondaient : " Vous ne pouvez pas nous arracher celui qui est pour nous un fils et le compagnon de notre solitude ". Ceci tourna en dispute et tumulte jusqu'à ce qu'arrivât le Commandeur des croyants qui ordonna de le livrer aux moins. Et posé sur un animal de trait, ils le transportèrent jusqu'à l'hôpital (Xenodochium).

    12. Immédiatement, vers l'heure des Vêpres15, des anciens firent connaître tout ce qui était arrivé : l'Esprit Saint en effet était avec eux. La cellule de l'un d'eux était placée à proximité de la tour Saint Sabas. L'ancien se dirigea promptement vers l'église et ordonna de faire sonner le signal de la prière ; ce qu'entendant, les pères se rassemblèrent à l'église. L'ancien narra l'événement tout en pleurant et les exhorta tous par ces mots : " Ainsi est décédé votre frère et mon fils : je vous prie donc instamment que vous meniez à bonne fin cette affaire promptement et avec courage, et que vous enleviez le corps ". C'est ainsi que les plus jeunes moines, ses confrères, se précipitèrent en ville et enlevèrent le corps. Au tomber du soleil, ils descendirent à la faveur du crépuscule dans la vallée de Siloé. C'est alors qu'on a pu remarquer une chose admirable : une nuée de feu comme une colonne de lumière ou comme la lune resplendissant dans tout son éclat dans les ténèbres et l'obscurité, accompagna le saint martyr. Tous les habitants de la ville observaient stupéfaits. Les Sarrasins aussi furent terrifiés : ils fixaient du regard cette grande lumière descendant le long de la vallée de Siloé jusqu'à atteindre la laure de Saint Sabas. Le convoi étant arrivé à la laure, les pères sortirent à sa rencontre avec des cierges et des encensoirs et l'introduisirent dans l'église au milieu des cantiques avec une grande vénération.

    13. Il y avait alors à la laure, un frère infirme du nom de Théodore qui gisait sur son lit depuis trois ans. Lorsqu'il entendit que le disciple du père Moïse natif de Tibériade et maintenant martyr, avait été enlevé de la ville, il supplia qu'on le transportât à l'église pour voir le saint : il était en effet son amis. Mais personne n'exauça sa demande. Élevant alors une voix sanglotante, il dit : " O Michel, mon frère, n'oublie pas ton ami. Si tu as grâce auprès du Christ, rends-moi digne de me mettre en ta présence ". Et aussitôt, il se dressa et devint ferme. Il descendit à l'église, se prosterna à ses pieds (du saint) et dit en pleurant : " Vraiment, ta puissance éclate par la manifestation de ta grâce irrésistible, et tu m'as superbement conservé ton amitié. De plus, tu as usé de miséricorde envers moi et tu as voulu me guérir ". Une fois la psalmodie et tous les rites funèbres complètement achevés, ils le conduisirent à la sépulture des martyrs, des pères et des confesseurs (qui se sont consumés ??)16. Son maître, la larme à l’œil, le cœur souffrant et l'esprit en joie, adressait ainsi ce discours à son disciple, martyr du Christ : " Si cette permission t'est accordée auprès du Christ, fais que je migre vers toi au septième jour ". Sept jours après, nous déposâmes le corps du maître à côté de son disciple ; et tous, d'une seule voix, rendîmes gloire à Dieu, auteur de ces prodiges, et à notre Seigneur Jésus Christ, à qui soit la gloire pour les siècles sans fin. Amen.

    14. Et moi, Basile, très modestement, j'ai demandé ces récits pour l'utilité de ceux qui écrivent, qui lisent et qui écoutent, pour garder la mémoire, la louange et la gloire de Saint Sabas, notre père, qui d'une étendue aride fit une célèbre cité, très forte contre l'attaque des ennemis visibles ou invisibles qui lui font la guerre, mais gardée par Dieu par son aide céleste, non redevable d'aucune faveur, ni d'aucun patronage humain, mais administrée et ordonnée (agencée) par Dieu, entièrement adonnée au combat ascétique, elle est éreintée par un travail sans trêve, mais elle prend part à al miséricorde éternelle ; et dans cette laure, il fonda une église divinement édifiée, fondée sur la vraie foi et confirmée pour l'éternité. Et de même que le Seigneur chérit les maisons de Jérusalem et que tous les fidèles qui y habitent sont déclarés bienheureux, de même bienheureuse est la laure de Saint Sabas ; elle est une vallée de larmes, et pourtant bienheureux quiconque y habite et est illuminé par cet homme célèbre (Sabas). Comme Jérusalem est la reine de toutes les villes, ainsi la laure de Saint Sabas est le principe et modèle de tous les lieux de solitude ; autrement dit, si Jérusalem constitue la norme des autres villes, la laure de Saint Sabas vis à vis des autres monastères, en est l'exemplaire.

    15. Ce Sabas (dont nous parlons), illustre et extrêmement célèbre, un étranger venant des confins de la terre, fut choisi et appelé par le Père, aimé par le Fils et conduit par le Saint Esprit. Ce serviteur de la Sainte Trinité fut en outre disciple du grand Euthyme, ami de Saint Théodose et père de très nombreux martyrs. Comme guide spirituel, le bienheureux Sabas a acquis maints disciples parmi lesquels il faut compter Étienne (Étienne le Sabaïte, neveu de saint Jean Damascène), Jean, Thomas et Théodore Abu Qurrah. Le père Étienne marcha sur la Mer Morte et opéra de nombreux miracles : c'est lui qui vainquit le diable dans le désert. Jean, l'évêque et l'hésychaste, prit soin d'un arbre et en recueillit des fruits savoureux. De même, il irrigua la laure de la sève de son enseignement (son institution) et prit soin de l'âme des moines, dont un disciple de Jéricho. Abu Qurrah, un néophyte de Saint Sabas, pasteur et hiérarque d'Assyrie et thaumaturge de Babylonie, et bien d'autres athlètes, disciples de la laure de Saint Sabas, martyr du Christ, saints pères, jeunes et anciens qui, brûlés par l'incendie ou mis à mort par le glaive, ont rejoints les martyrs au martyrium de la laure. Notre saint père, vénérable ancien, prêtre et fruit (rejeton) du paradis, Sabas fit pousser de tels rameaux, orna de fleurs variées, abonda de fruits spirituels et apporta à notre Seigneur Jésus Christ, à qui sont dus la gloire, l'honneur, l'adoration, avec le Père et l'Esprit Saint, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.

     

    Notes

    1 Les mots en italique ne sont pas dans le texte latin mais ont été rajoutés pour les besoins de la traduction.

    2 Environ 400 m.

    3 Abu Qurrah, d'abord moine au monastère Saint Sabas, devint évêque de Haran en Syrie. L'Abu Qurrah dont il est question ici, n'est qu'un prête-nom.

    4 Il s'agit certainement du Corps et du Sang du Christ pour refaire les forces de l'âme.

    5 En fait, Abd el Melik a mené la vie difficile aux chrétiens.

    6 Peuple de l'Arabie Heureuse : la dénomination « heureuse » vient d'une erreur de vocalisation sur le mot Saoud qui désigne aussi la famille du même nom.

    7 À savoir, des théologiens chrétiens qui puissent l'enseigner. Autrement dit, il ne condamnait personne en raison de sa foi puisqu'il recherchait un savant chrétien. Ceci explique certaines réparties par la suite.

    8 Ou « vient avec nous ».

    9 Cynique traduit caninus, qualificatif de canis le chien ; en grec kuwn, kunoV d'où cynique.

    10 c'est-à-dire selon mon jugement.

    11 À partir de maintenant, au lieu de répéter : le moine répondit ou le Commandeur des croyants répondit, je mets seulement le moine ou le Commandeur.

    12 Sens douteux : un lion repu ne va pas aller chercher une proie. Le Commandeur a compris que le lion, c'est lui. C'est pourquoi il se montre conciliant.

    13 Je n'arrive à identifier la Chazarie et la Farghanie.

    14 venin buvable en latin.

    15 vers le soir.

    16Sens douteux !

     


    1 commentaire
  • On ne connaît que fort mal l'Histoire de l'Orient chrétien lorsqu'on le voit à travers les ouvrages généralistes sur l'Histoire de l'Eglise rédigés en Occident. Pourtant des historiens et des chroniqueurs, qu'ils soient "melkites", "jacobites" ou "nestoriens" ont écrit en syriaque ou en arabe soit sur "l'Histoire Universelle", soit sur les événements récents.

     Leurs appartenances ecclésiastiques diverses influent sur les choix des régions décrites, mais aussi sur l'opinion émises sur les personnages : tel sera qualifié de saint par l'un qui ne sera vu que comme un hérétique par tel autre. C'est la règle du genre, il n'y a pas lieu de s'en émouvoir.

    On rappellera opportunément que les débuts de l'islam sont à situer au VII° siècle, entre 610 et 632. L'ouvrage du P. Nau "Les arabes chrétiens de Mésopotamie et de Syrie du VIIe au VIIIe siècle" constituera une bonne introduction à la période qui entoure les débuts de l'islam.

     Il va de soi que toute suggestion (via "contact", colonne de droite) pour améliorer cette page (ou les autres) sera reçue avec gratitude.

    Avant de débuter, il convient de présenter l'ermite Moïse, qui fut le premier  évêque pour les arabes au IV° siècle.

    Al-Bossikad

    Bar Hadbesabba 'Arbaïa

    VI° siècle

    Prêtre nestorien de Nisibe

    Langue : Syriaque

    "Histoire des saints pères qui ont été persécutés pour la vérité" éditée et traduite par F. Nau (P.O. 1932 et 1913)

    Traduction française : Première partie et Deuxième partie.

    (L'introduction se trouve au début de la "Deuxième partie", qui a été éditée et traduite en premier)

     

    Chronique d'Édesse

    VI° siècle (?)

    Langue : Syriaque

    Chronique des événements de 132 av. JC à 540 apr. JC

    Traduction anglaise dans The Journal of Sacred Literature (1864) numérisée par Roger Pearse

     

    Jean d'Asie / Jean d'Ephèse / Jean d'Amida

    VI° siècle (507-585)

    Evêque monophysite d'Ephèse

    Langue : syriaque

    De son "Histoire de l'Eglise" en trois parties, couvrant de 40 av JC à 585 ap JC, la première partie est perdue, la seconde partie (491-571) est insérée (comme troisième partie) dans la Chronique de Denys de Tell-Mahré, la troisième partie (571-585) est conservée indépendamment.

    Traduction anglaise de la Troisième partie de l'Histoire de l'Eglise par Jean d'Ephèse par R. Payne Smith, 1860.

     

    Josué le stylite

    VI° siècle

    Prêtre au monastère de Zuqnin, chalcédonien.

    Langue : syriaque

    Chronique intégrée par la suite dans la "Chronique de Denys de Tell-Mahré"

    La chronique court de 298 à 507

    Traduction française de la Chronique de Josué Le Stylite (avec le texte syriaque), par l'abbé Martin, 1876

    Traduction anglaise de W. Wright  (1882) sur le site de Roger Pearse

     

    Pseudo Denys de Tell-Mahré

    VIII° siècle

    Moine jacobite au monastère de Zuknîn

    Langue : syriaque

    La "Chronique de Zurkîn" (L'attribution erronée par Assemani de la "Chronique" à Denys de Tell-Mahré,  patriarche jacobite d'Antioche de 817 à 845, reste encore souvent collée à son titre) se compose de  4 parties.

    La première partie, qui va de la Création du monde au règne de l'empereur Constantin, est essentiellement un résumé de la "Chronique" d'Eusèbe de Césarée, complétée par la "Caverne des trésors", la "Chronique d'Édesse", ou le récit des "Sept Dormants d'Éphèse".
    La seconde, qui va jusqu'au règne de Zénon, résume d'abord l'Histoire ecclésiastique de Socrate, et recourt ensuite aux Plérophories de l'évêque monophysite Jean Rufus.
    La troisième partie (488-571), n'est autre, apparemment, que la seconde d'une autre Histoire ecclésiastique, celle de Jean d'Éphèse, peut-être un peu résumée et avec des lacunes, et avec au début la Chronique de Josué le Stylite.
    La quatrième partie - qui va de 586 à 775 - est propre à notre moine anonyme.

    Traduction française de la  quatrième partie de la Chronique de Denys de Tell-Mahré par Chabot, 1895.

     

    Chronique de Séert

    IX° siècle

    Auteur incertain, nestorien

    Langue originale : syriaque

    Chronique couvrant (avec des lacunes) la période 253-660

    Traduction française en un seul volume indexé, avec le texte arabe (publications 1908-1919).

     

    Saïd ibn-Bitriq / Eutychius d'Alexandrie

    X° siècle (877-940)

    Patriarche melkite d'Alexandrie (933-940), médecin.

    Langue : arabe

    "Chronique universelle" ou "Annales" (De la Création du monde à 937)

    (en arabe : Rangée de pierres précieuses (Naẓm al-Jawhar)

    Traduction anglaise partielle chez Roger Pearse 

    Contextio Gemmarum (arabe / latin) : Edition de Pococke, 1658

    Traduction latine de Pococke reprise dans Migne PG 111

     

    Agapios de Hiérapolis / Mahbūb ibn Qūṣṭānṭīn

    X° siècle

    Evêque melkite de Manbij (en grec Hiérapolis, en syriaque Mabboug), mort en 942.

    Mahbūb est l'équivalent arabe du grec Άγάπιος.

    Langue : arabe

    Histoire Universelle (De la Création du monde à 777).

    Traduction française de Vasiliev en un seul volume indexé (avec le texte arabe) (publié 1910-1915)

     (Partie 1 a numérisée sur le site de Remacle)

    Traduction anglaise de Roger Pearse, basée sur la traduction de Vasiliev.

    Preface to the online edition  ;  Translator's Introduction  ;  Part 1 ; Translator's Introduction to part 2  :  Part 2

     

    Sévère d'Achmounein / Sawīres ibn al-Muqaffa

    X° siècle (mort après 987)

    Evêque copte (monophysite)

    Langue : arabe

    Traduction française de la Réfutations d'Eutychius (Saïd ibn-Bitriq), avec le texte arabe par Chébli (PO III, 1909)

    Traduction française de L'histoire des conciles (second livre) avec le texte arabe par L. Leroy et S. Grébaut (PO VI, 1911)

    Traduction anglaise intégrale de l'Histoire des patriarches coptes d'Alexandrie A partir de cette page

     

    Yahyah ibn-Saïd al-Antaky / Yahya d'Antioche

    XI° siècle

    Melkite, né Égypte, vers 980, peut-être médecin

    Langue arabe

    "Continuation de la Chronique de Saïd ibn-Bitriq", (De 938 à 1034)

    Traduction française :  Parties 1 et 2 en un seul volume indexé (938-1013) (avec le texte arabe) (1924-1932)

     

    Élie de Nisibe / Elia Bar Šināyā

    XI° siècle (975-1046)

    Evêque nestorien de Nisibe (1008-1046)

    Langue : syriaque et arabe

    Chronographie (Histoire Universelle) de la création du monde à 1018

    Traduction française de la Chronographie d'Élie Bar Šinaya, métropolitain de Nisibe , par Louis Joseph Delaporte, 1910

     

    Matthieu d'Edesse

    XII° siècle (mort en 1144)

    Moine, monophysite

    Langue : arménien

    Chronique couvrant la période 962-1136, poursuivie jusqu'en 1162 par le prêtre Grégoire

    Traduction française de la Chronique de Matthieu d'Édesse, continuée par Grégoire le prêtre  par Edouard Dulaurier, 1858

     

    Michel le syrien

    XII° siècle

    Patriarche de l'Eglise syriaque orthodoxe (Jacobite) de 1166 à 1199

    Langue : syriaque

    Chronique Universelle (De la création à 1193)

    Chronique de Michel le Syrien, par J.-B. Chabot, (publiée en 1899-1901-1905-1910) :

    Traduction française : Tome 1 , Tome 2 , Tome 3 

    Texte syriaque : Tome 4 .

    Traduction française de la version arménienne de la Chronique par V. Langlois, 1868  

    Présentation de la Chronique de Michel de Syrien par J. B. Chabot in Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 43e année, N. 4, 1899. pp. 476–484 sur le site Persée 

    Jean-Baptiste Chabot, Les évêques jacobites du VIIIe au XIIIe siècle d'après la Chronique de Michel le Syrien :

    ROC 1899, p. 444-452 , ROC 1899 p. 495-511 , ROC 1900, p. 605-636  et ROC 1901, p. 189-220 .

     

    Abu’l-Faradj / Bar Hebraeus

    XIII° siècle (1226-1286)

    Evêque de l'Eglise syriaque orthodoxe (Jacobite)

    Langue : syriaque / arabe

    Chronique universelle  (De la création à 1296. Les dernières années, postérieures à sa mort, ne sont pas de sa main !)

    Traduction anglaise de la Chronographie de Bar Hebraeus par Bundge (1932), sur le site de Robert Bedrosian.

     

     

    Ressources bibliographiques syriaques : une mine ! syri.ac : An annotated bibliography of Syriac resources online

     


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  • Theodore Abu Qurrah

    De l'usage de la raison pour discerner la vraie religion

     Extrait du traité arabe "Sur l'existence du Créateur et de la vraie religion"[1]

     Thème : Un homme "innocent", descendu de sa montagne où il n'avait jamais côtoyé personne dut un jour se rendre dans la vallée. Là, ayant rencontré tour à tour des païens, des mazdéens, des samaritains, des juifs, des chrétiens, des manichéens, des marcionites, Bardesane et finalement des musulmans – qui tous lui dirent qu'eux seuls possédaient la vraie religion. Ainsi perplexe, il se mit en recherche d'une voie de discernement.

    [Recherche d'une voie de discernement]

     Après avoir rencontré tous ces gens et réfléchi sur leurs discours respectifs, je vis que tous s'accordaient sur trois points, où ils étaient pourtant en désaccord;

    Chaque groupe, en effet, sauf un ou deux, affirmait comme les autres reconnaître un dieu, et du licite et de l'interdit, et une récompense et un châtiment. Mais ils divergeaient sur les attributs de leurs dieux, sur ce qui leur était licite ou interdit; sur la récompense et le châtiment à venir.

    Je me remis à méditer, et je me dis : "Il convient que Dieu; dans sa bonté et sa générosité, voyant ses créatures dévier du culte véritable leur envoie uns messager avec un Livre qui le leur fasse connaître, et les détourne de leurs péchés pour les ramener à Lui. Or, en fait, une quantité de messagers et de Livres se sont présentés, en désaccord les uns avec les autres. Leur cas doit être l'un des deux que voici : soit aucun ne vient vraiment de Dieu, soit un seul d'entre eux en vient. A ce qu'on sait de la générosité et de la sollicitude de Dieu pour ses créatures, il semble- qu'il y ait bien un messager véritable. Mais par quel moyen reconnaître ce messager unique ?

    [ Allégorie du messager envoyé par le roi à son fils malade]

    Il me vint alors à l'esprit que cette histoire ressemblait à celle du fils d'un roi, dont le père vivait caché à l'abri des regards : personne ne l'avait jamais vu en dehors de ses amis et de ses dignitaires particuliers. Une affaire se présenta dans un certain pays, et il y envoya son fils, encore tout jeune. Il le fit accompagner, pour le protéger contre ce qui est malsain, par un de ses médecins, qu'il institua aussi conseiller du prince. Or, ni son fils ni le médecin ne l'avaient jamais vu.

    Le jeune homme partit en voyage et finit par atteindre ce pays lointain, mais il perdit son médecin[2]; se négligea et tomba dans les maladies.

    Son père le sut. L'affection qu'il avait pour lui l'empêchait de l'abandonner ou de l'induire en erreur.

    Il envoya à son fils une lettre en trois points.

    Son premier point était de faire sa propre description.,

    Le deuxième décrivait la maladie du jeune homme, exposait quelles pratiques et nourritures malsaines en avaient été la cause, et lui défendait d'en user."

    Le troisième point lui décrivait un remède. Il lui apprenait comment la guérison en viendrait, et comment il devait se comporter pour jouir d'une santé permanente que ne troublerait jamais ni infirmité ni malaise. Il lui ordonnait de boire ce remède pour retrouver la santé.

    Le roi appela un de ses messagers[3], lui confia la lettre et lui ordonna de rejoindre son fils et de la lui remettre. Le messager saisit la lettre et partit pour l'apporter au jeune homme.

    Or, le roi avait de nombreux ennemis ou envieux, qui ne pouvaient lui nuire en rien à cause de sa puissance. Quand ils surent que son fils était tombé malade, que le roi en avait du souci et lui avait envoyé à ce sujet un messager avec une lettre, ils trouvèrent l'occasion de blesser le roi – s'ils le pouvaient – en la personne de son fils. Chacun d'eux se hâta de préparer un messager et d'inventer une lettre fleurie, prétendument du roi. Celui-ci y faisait. mensongèrement sa propre description, défendait au jeune homme ce qui lui aurait fait du bien et lui ordonnait ce qui lui ferait du mal. De plus, chaque ennemi lui envoya un "remède" qui, lorsqu'il le boirait, le tuerait.

    Leurs messagers prirent les lettres, se mirent en route et arrivèrent avant que le véritable messager du roi n'ait remis sa lettre.

    Ils se présentèrent donc tous au complet devant le fils du roi et lui remirent leurs lettres. Il les lut : voici qu'elles étaient toutes en désaccord sur la description du roi, sur ce que sont père lui ordonnait et lui défendait, et aussi sur les remèdes à prendre. Alors, il les convoqua.

    Ils se rassemblèrent devant lui. L'un d'eux s'avança vivement et dit : "J'ai été envoyé par le roi auprès de toi avec la lettre que je t'ai remise." Mais un autre dit au prince : "II ment ! Ce n'est pas le messager du roi, mais c'est moi, son messager, avec la lettre que je t'ai remise !" Un troisième éleva la voix : "Tous les deux sont des menteurs ! C'est moi le messager du roi." Chacun se mit alors ai accuser son voisin, et tous les autres, de mensonge, tout en affirmant sa propre qualité. Le véritable messager était parmi eux, déniant et dénié, tout comme les autres, sans rien qui le distingue. Le fils du roi tomba dans la perplexité, ne sachant qui croire.

    Le médecin[4] lui dit alors : "Renvoie-les pour l'instant, et je vais tirer au clair pour toi cette affaire : car je suis médecin, et c'est mon métier de connaître ces choses.

    Voilà donc que leurs lettres se contredisent : c'est qu'une seule, au mieux, vient du roi. Mais tous s'y accordent sur trois points. Premièrement, le roi t'y fait savoir comment il est. Deuxièmement, il te fait savoir les faiblesses qui t'ont rendu malade, et il te défend d'y céder, et il t'indique la conduite qui te guérira: Troisièmement, il décrit le remède qui te donnera santé et félicité dans une vie éternelle sans infirmité ni maladie.

    Comme je te l'ai dit, je suis médecin, et je connais les faiblesses qui ruinent la santé, et les conduites qui la réparent. Je connais, de plus, les traits de ton père par ta ressemblance à lui, parce que tu es son fils, même si tu ne l'as pas vu[5].

    Au travail ! Commençons par examiner les remèdes proposés par tous ces messagers, les ordres et les défenses que te fait le roi dans ses lettres, et ses propres descriptions de lui- même. Le messager qui apporte le remède bienfaisant pour l'éternité et dont la lettre décrit, d'une part, pour te les défendre, les faiblesses dont je sais qu'elles conduisent à la maladie ainsi que pour te l'ordonner, ce qui donne la santé ; et d'autre part les traits de ton père qui correspondent à la ressemblance que tu en offres à la comparaison, c'est lui le vrai messager de ton père, et nous le recevrons. Tout messager qui contrevient à nos critères, nous le rejetterons."

    Ils rassemblèrent donc les remèdes, et le médecin les examina. Chacun était différent, et toutes les lettres défendaient au prince ce qui lui aurait fait du bien et lui ordonnaient, ce qui devait le rendre malade; sauf au contraire, la lettre qu'accompagnait le remède bienfaisant. De même, quant à l'auto-description du roi que contenaient les lettres.

    Le médecin en compara les traits à ceux du jeune homme. Aucune descriptions ne lui- ressemblait, sauf celle de la lettre qui décrivait justement ses maladies, et s'accompagnait du remède bienfaisant.

    Le fils du roi prit alors cette lettre et ce remède, les mit en œuvre et s'en tint à eux. Il fit appeler celui qui les avait apportés et le reconnut comme le véritable messager du roi.

    Quant aux autres, il les convainquit de mensonge, puis les expulsa brutalement et les bannit de sa présence.

    [Explication. de l'allégorie, et méthode à suivre]

    Le père caché, c'est Dieu (qu'il soi béni et exalté !).

    Son fils, c'est Adam et sa descendance.

    Le médecin; c'est la raison qui lui a été donnée : par elle, il connaît Dieu ; par elle, il connaît le bien et le met en action ; par elle, il connaît le mal et s'en abstient.

    La perte du médecin[6] par le fils et sa chute dans la maladie, c'est la perte de la raison par Adam lui-même et sa chute dans le péché, sa sortie du paradis pour venir sur la terre, sa nouvelle inclination à la vie du bas monde comme les animaux.

    L'envoi par le père d'un messager à son fils, c'est l'envoi par Dieu d'un messager de vérité à ses créatures, avec son Livre où il leur fait connaître les véritables attributs sous lesquels il faut l'adorer, l'interdiction qu'il leur fait de tout mal et de toute faute, avec l'ordre qu'il leur donne de faire le bien en ce monde, et le bonheur des bons dans l'autre vie (son paradis éternel), et avec sa menace pour les méchants, d'un enfer où le feu ne s'éteindra pas. Telle est la seule religion véritable.

    Les ennemis du roi qui voulurent lui porter atteinte en la personne de son fils, qui préparèrent des messagers et des lettres, et les envoyèrent, au prince pour le faire périr, ce sont les démons. Le messager de Dieu est venu en ce monde avec son Livre authentique et tous se sont réunis contre l'homme, chacun démentant ses adversaires et appelant les gens à le suivre. Le messager de la vérité est parmi eux, comme les autres jusqu'à l'Heure[7], inconnu."

    Ceux dont j'ai raconté plus haut qu'ils m'ont abordé un à un quand je descendis de la montagne appellent les hommes à leur suite. Ce sont les païens, les mazdéens, les samaritains, les juifs, les chrétiens, les manichéens, les marcionites, les bardesanites et encore d'autres religions. Il y a beaucoup de désaccords entre les religions, et encore nous sommes-nous borné aux huit ou neuf que nous avons caractérisées.

    Il nous faut maintenant procéder comme le sage médecin, laisser les Livres de côté, et interroger la raison : "Comment, par leur ressemblance à la nature de l'homme, reconnais-tu les attributs de Dieu, attributs qui échappent aux sens comme aux intelligences ? Et comment, de même, reconnais-tu le bien et le mal, et la récompense qui met cette nature dans une éternelle félicité ou sa rétribution pour un malheur sans fin ?"

    Une fois bien informés de ces points, nous comparerons les Livres connus de nous. Le Livre où nous trouverons tout cela, nous saurons qu'il est de Dieu : nous le reconnaîtrons et le recevrons ; et le reste, nous le rejetterons.



    [1] Edition du texte arabe : Louis CHEIKO ; "Traité inédit de Théodore Abou-Qurra (Abucara), évêque melchite de Harran (ca. 740-820), Beyrouth 1912. Ignace DICK ; "Théodore Abuqurra, Traité de l'existence du Créateur et de la vraie religion", patrimoine arabe chrétien n° 3, 1982. Traduction allemande : Georg GRAF ; "Des Theodor Abu Kurra Traktat uber den Schopfer und die wahre Religion", Munster, 1913. Traduction anglaise : John LAMOREAUX ; "Theodore Abu Qurrah translated", 2005 (pages 1-9, pour le présent extrait). Traduction française du passage dans l'article "Abu Qurra et la pluralité des religions" de Guy Monnot, paru dans la Revue de l'histoire des religions, Année 1991, Volume 208, Numéro 1, pp. 49-71

    [2] On verra, plus loin, qu'il a "retrouvé" son médecin.

    [3] Le mot arabe est "rasul", terme que les musulman emploient pour désigner la mission de Muhammad.

    [4] Ce médecin était censé être avoir disparu  précédemment.

    [5] Rappelons que ni le fils, ni le médecin n'ont jamais vu le roi.

    [6] au début de l'allégorie du "Roi caché"

    [7] C-a-d le jour du jugement.

     


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  • Les fêtes des chrétiens melchites

    présentées par

    Abou Rîḥân AL-BIROUNI

    Texte arabe édité et traduit

    par

    Robert GRIVEAU

     

    dans Patrologia Orientalis Tome X

    1915

     

    INTRODUCTION

     

    C'est un musulman, Abou Rîḥân Mohammad al-Bîrouni, qui va nous fournir le texte du plus ancien calendrier melchite que nous possédions : il date du commencement du xi° siècle. Al-Bîrouni est un savant et un écrivain fameux de la littérature arabe. Il est né à Khouârizm, aujourd'hui Khiva, en 973, et mort en 1048. Astronome et historien, il a laissé plusieurs ouvrages, parmi lesquels le livre des "Monuments des siècles écoulés", dont plusieurs chapitres sont consacrés à l'étude des cultes chrétiens. Nous en extrayons le calendrier melchite. Le chapitre où nous le trouvons est plein de digressions, que nous laisserons de côté. D'ailleurs, l'ouvrage entier est connu et publié. M. E. Sachau[1] en a établi parfaitement le texte, et y a joint une traduction anglaise. Quant au calendrier melchite[2] isolé de la masse de ses digressions, il a été inséré dans le Machriq[3], par le P. Cheikho, avec une annotation judicieuse. Regrettons toutefois que le P. Cheikho n'ait pas fait usage de la traduction anglaise de M. Sachau, qui lui aurait évité plusieurs recherches infructueuses. Notre texte est plus étendu que celui du P. Cheikho, n'ayant voulu supprimer que les hors-d'œuvre qui n'ont aucun rapport avec notre sujet, et qui alourdiraient sans nécessité notre collection d'anciens calendriers. D'ailleurs nous noterons chaque fois nos coupures. Néanmoins, le texte en est plus étendu que nous n'aurions voulu; il manque du caractère synoptique que doit avoir un calendrier: mais rappelons-nous qu'il est une leçon donnée par un musulman à ses coreligionnaires sur un sujet nouveau; comme ils entrent dans un monde qu'ils ignorent, il faut leur expliquer, chemin faisant, bien des choses ; en outre, il leur fait remarquer, au milieu de données qui ne leur parlent pas, beaucoup d'éléments communs et familiers. Nous connaissons d'autres calendriers melchites, beaucoup moins anciens, à Paris, dans plusieurs évangéliaires et aussi dans le ms. arabe 106, f° 106 et ss. Il entre là dans la composition d'un lectionnaire dont on pourrait facilement l'extraire. Abou Rîḥân a dû se servir pour son travail d'un lectionnaire de ce genre. Nous n'avons pas jugé utile de publier ce calendrier, relativement moderne, parce qu'il donne, en somme, les mêmes fêtes que le Synaxaire de Constantinople[4] publié par les Bollandistes.

    Robert Griveau,

    Archiviste paléographe.

     

    Sur la célébration des jours de l'année syrienne chez les chrétiens melchites.

     

    Les chrétiens se divisent en plusieurs sectes. La première est celle des Melchites : ce sont les Grecs, et on les appelle de la sorte pour l'unique raison que l'empereur (malik) des Grecs suit leur culte. Elle s'étend seule sur l'empire. La seconde est celle des Nestoriens, dont le nom se rattache à Nestorius, le fondateur de leur système, en l'année 720 et quelques d'Alexandre. La troisième est celle des Jacobites.

    Voilà leurs sectes les plus importantes. Il y a aussi entre les chrétiens au sujet des principes, c'est-à-dire des hypostases, de la divinité et de l'humanité du Christ, et de l'union en la personne du Christ de ces deux natures, des divergences de vues qui les séparent. Ainsi est née chez eux la secte des Ariens; la notion que les Ariens ont du Christ se rapproche plutôt de celle que se font les musulmans, et s'éloigne de ce que professe la généralité des chrétiens. Il y a beaucoup d'autres sectes, mais ce n'est pas ici le lieu de les mentionner : les livres renfermant les traités dogmatiques, l'exposé des systèmes, des questions religieuses, et la réfutation de ces doctrines hétérodoxes ont épuisé la question, et l'ont visitée dans ses recoins et ses mystères.

    Les Melchites et les Nestoriens sont les plus nombreux : en effet l'empire grec avec les pays qui l'avoisinent est tout entier peuplé de Melchites, et les populations de Syrie, de l'Iraq et du Khorassan sont en majorité nestoriennes ; quant aux Jacobites, leur plus grand nombre est formé par les Coptes et les peuples qui entourent l'Egypte. Les chrétiens célèbrent certains jours des mois syriens; leurs sectes s'accordent sur un certain nombre de ces jours, et divergent sur d'autres. L'accord existe pour les jours consacrés par la notoriété avant que survînt la scission, et la divergence est le produit de l'invention exclusive de chaque secte et de chaque pays. Ils fêtent encore d'autres jours, dépendant soit de leur Grand Jeûne, soit de semaines qui se rattachent à quelques-unes de leurs fêtes solennelles; et dans la célébration de ces jour à il y a aussi accord et divergence, comme pour les premiers. Je vais parler des jours que fêtent les Melchites dans les mois de l'année syrienne, spécialement au pays de Khouârizm, car c'est rarement que les tribus des Chrétiens, des Juifs et des Mages s'entendent d'un pays à l'autre pour la célébration des fêtes et des jours; ce n'est que pour les fêtes très connues que l'accord existe, et, en général, il y a divergence pour les autres.

     

    Tichrîn I (Octobre).

    1. Commémoration d' Ḥanania (Ḥanin), évêque, martyr, disciple de Paul. Voici quelque chose de leur façon d'entendre ces commémorations. Ils rappellent le souvenir de celui dont on fait commémoration, font des vœux pour lui, récitent ses éloges, et implorent Dieu par son nom; et ils appellent de ce nom tout enfant qui naît en ce jour, ou les jours d'après jusqu'à la fête suivante; il arrive ainsi que les chrétiens se partagent entre eux les différentes commémorations, de sorte qu'on appelle quelqu'un : N***, du nom du Saint N***. Et, le jour de la commémoration venu, ils se rassemblent chez lui, et il les reçoit et leur offre un banquet.
    2. Commémoration d'Aréthas (Ḥeirith) de Nejràn, martyr d'entre les martyrs.
    3. Commémoration de Marie, la moniale (Marine), qui revêtit des habits d'homme, et embrassa la vie religieuse. Elle dissimula aux moines son sexe; puis elle fut accusée de fornication avec une femme. Elle subit l'opprobre, sans rien laisser paraître de son secret jusqu'à sa mort. C'est alors que fut reconnue sa condition, et son innocence : en effet, quand on voulut laver son corps, on s'aperçut que c'était une femme.
    4. Fête de Denys, l'évêque astronome[5], disciple de Paul.[6]
    5. Commémoration des Dormants de la Caverne à Éphèse, dont l'histoire est rapportée par le Coran vénéré. Al-Mo'tasim fit partir en même temps que son ambassadeur auprès de l'empereur grec, un envoyé chargé de reconnaître le lieu de leur miracle, et de toucher leurs corps de sa main. Son rapport est connu. Remarquons pourtant que l'envoyé chargé de les toucher, et qui était Mohammad ibn Mousa ibn Châkir, laissait planer le doute sur le fait de savoir si c'était bien eux, ou d'autres corps déposés en cet endroit par supercherie. 'Ali ibn Yahia l'astronome raconte qu'au retour de son expédition, il pénétra dans cet endroit. C'est une petite éminence dont la largeur à la base est inférieure à mille coudées; elle possède un sentier souterrain qui s'enfonce dans l'intérieur de la terre sur une longueur de trois cents pas, qui aboutit à un portique dans la montagne soutenu par des colonnes taillées, et dans lequel se trouvent plusieurs loges. Et il dit qu'il a vu en cet endroit treize hommes et parmi eux un jeune garçon imberbe ; ils portaient des manteaux de laine et des vêtements de laine, des souliers et des chaussures. Et il prit une mèche de cheveux au front de l'un d'eux, et la tira, mais aucun cheveu ne resta dans sa main. Les corps qu'on voit en plus de ceux des sept enfants d'Éphèse, suivant les musulmans, et des huit, d'après les chrétiens, sont peut-être ceux de moines morts en cet endroit. Car les corps des moines se conservent particulièrement longtemps : ils mortifient tellement leur chair que les humeurs de leur corps périssent, et il ne reste entre leurs os et leur peau que très peu de chose, et ils s'éteignent comme une lampe qui vient à manquer d'huile. Et parfois ils restent appuyés sur leur bâton pendant des années et des années, comme on peut en voir dans leurs couvents. Ces jeunes hommes restèrent dans la caverne 372 ans suivant les chrétiens, et comme on le croit chez nous, 300 années solaires. [7]
    6. Commémoration de Sergius et Bacchus, martyrs.
    7. Commémoration de Zacharie le prophète; on célèbre ce jour-là l'annonce que les anges lui firent d'un fils, qui sera Jean; et cela est rapporté dans le Coran vénéré[8], et raconté en détail dans l'Évangile.
    8. Commémoration de Cyprien, évêque et martyr.
    9. Commémoration de Grégoire de Nysse, évêque.
    10. Commémoration de Cosme et Damien, les médecins martyrs.
    11. Commémoration de Luc, auteur du troisième Évangile.
    12. Commémoration d'Anastasia, martyre.
    13. Commémoration de la sépulture du chef de Jean, fils de Zacharie.

     

    Tichrîn II (Novembre).

    1. Commémoration de Cornutus, martyr.
    2. Commémoration de Ménas, martyr.
    3. Commémoration de Samonas, Gourias et Habib, martyrs.
    4. Commencement du jeûne de la Nativité de Jésus fils de Marie, le Christ. C'est un jeûne ininterrompu des 40 jours qui précèdent cette fête.
    5. Commémoration de Grégoire, auteur des miracles étonnants.
    6. Commémoration de Romanus, martyr.
    7. Commémoration d'Isaac, et de son disciple Abraham, martyrs.
    8. Commémoration de Pierre, évêque d'Alexandrie.
    9. Commémoration de Jacques, qui fut coupé par morceaux.
    10. Commémoration d'André, martyr, et d'André, l'apôtre.

     

    Kânoun I (Décembre).

    1. Commémoration de Jacques, premier évêque d'Elia[9].
    2. Commémoration de Jean, le Père (de l'Église), auteur de livres où il réunit les dogmes de la religion chrétienne. Le titre de Père est, chez eux, le plus grand honneur qui puisse être décerné dans l'enseignement; en effet, les principes de leur religion reposent là-dessus, le christianisme n'ayant pas été primitivement codifié; seulement ses docteurs, qu'il glorifie spécialement, ont déduit ses principes des règles données oralement par le Christ et les Apôtres; et c'est ce rôle qu'ils ont rempli que les chrétiens rappellent.
    3. Commémoration de Barbara et Juliana, martyres.
    4. Commémoration de Saba, abbé du monastère de Jérusalem.

    6 . Commémoration de Nicolas, patriarche d'Antioche.

    1. Commémoration des cinq Martyrs.
    2. Commémoration de Modeste, patriarche d'Elia.
    3. Commémoration de Sîsîn, catholicos du Rhorassan.
    4. Commémoration d'Ignatius, troisième patriarche d'Antioche.
    5. Commémoration de Joseph d'Arimathie, membre du Conseil, qui ensevelit le corps du Christ dans un tombeau qu'il avait préparé pour soi-même, comme il est raconté à la fin des quatre Évangiles. Al-Mâmoun ibn Aḥmad as-Salami al-Haraoui prétend qu'il l'a vu dans l'église de la Résurrection à Jérusalem, dans une chapelle à coupole. C'est un tombeau creusé dans une roche, en hauteur, et doré. Il a une histoire merveilleuse que nous raconterons au chapitre du jeûne des chrétiens. On prétend que dans l'Empire grec nul ne peut être investi du pouvoir, qu'il ne l'ait d'abord visité.
    6. Commémoration de Gélasius, martyr.
    7. Dans la nuit que précède le 25 de ce mois (la nuit du 25, comme disent les Grecs)[10], fête de Yalda[11], c'est-à-dire de la Nativité du Christ. Elle arriva dans la nuit d'un jeudi, et la plupart des gens croient que c'était un jeudi 25. Ce n'est pas exact. C'était le 26. Et si vous voulez en faire la preuve, par les méthodes que j'ai données précédemment, pour cette année-là, vous pouvez le faire. En effet, le 1er décembre de cette année était un dimanche.
    8. Commémoration du prophète David, et de Jacques, évêque d'Elia.
    9. Commémoration d'Etienne, chef des diacres.
    10. Massacre par le roi Hérode des enfants et des nouveau-nés du pays d'Hébron, dans l'intention d'atteindre le Christ, et de le tuer dans le nombre, comme il est raconté au commencement de l'Évangile.
    11. Commémoration d'Antoine, martyr. Les Chrétiens prétendent que c'est lui Abou Rouḥ, neveu d'Haroun ar-Rachîd, qui se fit chrétien après l'Islam, et que Haroun fit crucifier. Ils racontent à son sujet une histoire très étendue, et merveilleuse, dont nous autres musulmans n'avons jamais entendu ni lu la relation, ni une relation approchée, dans nos livres d'histoire et nos chroniques : les chrétiens, d'ailleurs, sont gens de tradition orale, qui croient aux histoires dans le genre de celle-là, surtout si elles se rattachent à leur foi, sans chercher des différents côtés à vérifier leurs légendes et à justifier leurs traditions.[12]

    Kânoun II (Janvier).

    1. Commémoration de Basile, et fête des Calendes. Calendes est un mot qui signifie : C'est du bien. Ce jour- là les enfants des chrétiens se réunissent, font le tour des maisons, et sortent d'une maison pour entrer dans une autre, en criant et en chantant : Kalendas, Kalendas! On leur sert à manger dans toutes les maisons, et on leur verse des gobelets de vin. On prétend que la raison de cette coutume est que l'année des Grecs commence ce jour- là, qui est aussi la fin de la semaine de l'enfantement de Marie; d'autres allèguent cette raison : quand parut le système d'Arius, et qu'il se fut acquis des sectateurs, il s'empara d'une des églises des chrétiens. Les fidèles lui déclarèrent la guerre, puis ils vinrent à s'accorder et à faire la paix à la condition qu'on fermât la porte de l'église trois jours de suite, puis qu'ils vinssent ensemble; et qu'ils récitassent leurs prières à tour de rôle devant cette porte : ceux devant qui la porte s'ouvrirait seraient ceux qui auraient droit à l'église. On fit ce qui était convenu; la porte ne s'ouvrit pas devant Arius, elle s'ouvrit pour les chrétiens (ce jour-là). On prétend donc que cette coutume des enfants veut rappeler la bonne nouvelle que les chrétiens firent circuler en ce jour.
    2. Commémoration de Sylvestre, évêque, qui convertit au christianisme le peuple de Constantinople.
    3. Jeûne de la fête de la Denḥ.[13]
    4. Denḥa, c'est-à-dire la fête de la Denḥ elle-même, et jour du Baptême. En ce jour Jean fils de Zacharie baptisa le Christ qui avait atteint sa trentième année, et le plongea dans l'eau baptismale à la rivière du Jourdain; l'Esprit-Saint se réunit à lui sous la figure d'une colombe qui descendit du ciel, comme il est rapporté dans l'Évangile. Les chrétiens font pareille chose pour leurs enfants, quand ils atteignent trois ou quatre ans : leurs évêques et leurs prêtres remplissent un bassin d'eau, et récitent des prières sur cette eau; puis ils y plongent l'enfant; et quand ce rite est accompli ils ont fait de lui un chrétien. Cela explique la parole de notre Prophète : "Tout enfant naît dans l'état d'ingénuité naturelle, jusqu'à ce que ses parents le judaïsent, le christianisent, ou le magicisent[14]." Abou'l-Ḥosein al-Ahouâzi, dans son livre Des connaissances des Grecs, expose les usages admis pour le catéchumène. On récite sur lui des prières pendant sept jours dans l'église, matin et soir. Le septième jour, il est dépouillé de ses vêtements et entièrement oint d'huile; ensuite on verse de l'eau tiédie dans une cuve de marbre dressée au milieu de l'église et le prêtre touche avec l'huile cinq points à la surface de l'eau, en forme de croix, un au milieu de quatre; on soulève alors l'enfant et l'on place ses deux pieds joints au-dessus du point qui est au milieu ; puis on l'introduit, dans l'eau, et le prêtre prend sur l'un des bords de la cuve de l'eau dans le creux de sa main, la verse sur la tête de l'enfant, et répète la chose sur les trois autres points, en forme de croix; il s'éloigne ensuite un peu; alors arrive celui qui est chargé de retirer l'enfant de l'eau, et c'est la même personne que celle qui l'y a introduit ; et pendant que les assistants récitent ensemble des prières, le prêtre lave l'enfant; puis on le retire de l'eau; et on le ceint d'une écharpe en le portant sans que son pied touche la terre, pendant que les assistants s'écrient sept fois : Kyrie eleison, c'est-à-dire : Seigneur, aie pitié de nous. Puis, sans cesser de le porter, on l'habille, on le dépose ensuite à terre, et il demeure à l'église ou bien s'y rend pendant sept jours; le septième jour le prêtre le lave, sans huile cette fois, et dans une autre cuve.
    5. Commémoration de Théodosius, le moine, qui mortifiait sa chair, et se chargeait de chaînes.
    6. Fin de la fête de la Denḥ, et massacre des saints justes au Mont Sinaï.
    7. Commémoration de Pierre, patriarche de Damas.
    8. Commémoration d'Antoine, le premier des moines, et leur chef.
    9. Commémoration d'Euthymius, moine et docteur.
    10. Commémoration de Maxime, l'anachorète.
    11. Commémoration de Cosme, qui recueillit les canons et lois ecclésiastiques.
    12. Commémoration de Polycarpe, évêque et martyr, brûlé vif.
    13. Commémoration de Joannes, surnommé Bouche d'or. Joannes est la forme grecque de Jean.
    14. Commémoration de Jean et Cyrus, martyrs.

     

    Choubât (Février).

    1. Commémoration d'Éphrem, docteur.
    2. Fête de la Chandeleur, jour où Marie porta Jésus au temple de Jérusalem, quarante jours après sa naissance. C'est une fête très solennelle chez les Jacobites. On dit aussi que ce jour-là les Juifs font venir leurs enfants dans les synagogues, et leur font lire des chapitres de la Thora. Si cette assertion est bien juste, cela doit se passer dans le mois de Chafat, et non pas en Choubât, les Juifs ne faisant pas usage des mois syriens. Entre ce jour et le huitième jour écoulé de Adhâr s'étend la période du commencement de leur jeûne, et nous en reparlerons, s'il plaît à Dieu. S'ils jeûnaient, ils ne fêteraient de toutes les commémorations que nous allons citer, que celles qui tombent le samedi : car c'est le seul jour qu ils fêtent.
    3. Commémoration de Belesys[15], martyr, que les Mages firent périr.
    4. Commémoration de Sisoès, le Catholicos, qui introduisit le Christianisme au Khorassan.
    5. Commémoration de l'invention du chef du Baptiste, qui est Jean fils de Zacharie.

     

    Adâhr (Mars).

    1. Commémoration des 40 martyrs, torturés au feu, au froid et à la gelée.
    2. Commémoration de Sophronios, patriarche de Jérusalem.
    3. Fête de Subbar[16], c'est-à-dire l'Annonciation que Gabriel (le salut soit sur lui) fit à Marie, de son fils, le Christ. De ce jour à la Nativité s'écoulent neuf mois (lunaires) cinq jours et une fraction, ce qui est la durée naturelle de la formation de l'enfant au sein de sa mère : Jésus, bien qu'il n'eût pas de paternité humaine, et qu'il fût assisté du Saint-Esprit, ne laissa pas dans sa vie terrestre que de se mouvoir constamment dans les nécessités de la nature et il a voulu, en subissant la première de toutes, qui est de séjourner au sein de sa mère, se conformer à la nature. [17]

     

    Nîsân (Avril).

    1. Commémoration de Marie l'Égyptienne, qui jeûna 40 jours de suite sans interrompre son jeûne. Il est de règle de célébrer ce jour le premier vendredi qui suit la fin du jeûne; et il ne tombe le premier Nîsân que quatre fois par cycle solaire, à cause de la condition obligée de sa coïncidence avec un vendredi : ce sont la 4°, la 10° la 15° et la 21° année si l'on fait partir les cycles du commencement de l'ère d'Alexandre, en comptant l'année entamée.
    2. Commémoration des 150 Martyrs.
    3. Commémoration des six synodes. Un synode est l'assemblée de leurs savants, prêtres et évêques, et d'autres personnages de la hiérarchie que nous avons rappelée, pour maudire une doctrine nouvelle, ou pour prononcer quelque chose comme un anathème, ou pour examiner une question qu'il importe à la religion de résoudre. Et ces réunions n'ont lieu qu'à de rares intervalles; quand il en arrive une on retient sa date, et il peut se faire qu'on la célèbre, par vénération et par un sentiment de dévotion. Le premier des six synodes est une réunion de 318 évêques à Nicée, formée par ordre de l'empereur Constantin, à cause d'Arius, le contradicteur des chrétiens sur la doctrine des hypostases, pour fixer à jamais le dogme des personnes du Père et du Fils à laquelle ils adhéraient unanimement ; et pour s'accorder sur la date de la rupture du jeûne, qui fut fixée au dimanche qui suit la Résurrection, après que l'un d'eux eut dit : "Faisons-la le 14 du mois de la Pâque juive." Le second synode est une réunion de 150 évêques à Constantinople par ordre de l'empereur Théodose l'Ancien, père d'Arcadius, à cause de l'homme surnommé "l'Ennemi de l'Esprit", qui contredisait la catholicité sur la doctrine de l'Esprit-Saint, et pour définir à jamais le dogme de la troisième Personne. Le troisième synode est une réunion de 200 évêques à Ephèse, par ordre de l'empereur Théodose le Jeune, au sujet de Nestorius, patriarche de Constantinople, et fondateur du rite nestorien, qui se séparait des chrétiens sur la doctrine de la personne du Fils. Le quatrième synode est une réunion de 630 personnes à Chalcédoine sur l'ordre de l'empereur Marcien, au sujet d'Eutychius, qui enseignait que le corps du Seigneur Jésus avait deux natures avant l'union, et une seule après l'union. Le cinquième synode est réuni par ordre de Justinien pour jeter l'anathème contre les évêques de Mopsueste et d'Édesse, et d'autres contradicteurs de dogmes fondamentaux. Le sixième synode réunit à Constantinople, par ordre de Constantin le Croyant, 189 évêques, au sujet de Cyrus et de Simon le Magicien.
    4. Commémoration de Mar Georgios, martyr, tué plusieurs fois[18] dans toutes sortes de tortures.
    5. Commémoration de Marc, auteur du second Évangile. 25 . c. d'Élie, catholicos du Khorassan.
    6. Commémoration de Christophoros.
    7. Commémoration de Siméon ben Sabba'i, catholicos, massacré au Khouzistan, avec les chrétiens qui l'accompagnaient.

     

     

    Eyâr (Mai.)

    1. Commémoration du prophète Jérémie.
    2. Commémoration d'Athanase, patriarche.
    3. Date de la fête des Roses, suivant le rite ancien, en vigueur au pays de Khouârizm : les fidèles se rendent aux églises en apportant des roses (blanches) dites roses de Djour. La raison en est que Marie offrit ce jour-là à Élisabeth, la mère de Jean, la primeur des roses.
    4. Commémoration du prophète Job.
    5. Fête de l'apparition de la Croix dans le ciel. Leurs auteurs rapportent qu'au temps de Constantin le Victorieux apparut dans le ciel comme une croix de feu ou de lumière. Et il fut dit à Constantin : "Prends ce signe comme bannière : par lui tu vaincras les rois qui te pourchassent." Il le fit, il vainquit, et se fit chrétien. Il envoya alors sa mère Hélène à Jérusalem à la recherche du bois de la Croix; elle le trouva avec les croix des deux larrons, crucifiés selon les chrétiens avec le Christ. Il y avait donc doute sur la vraie croix; et on n'arriva à la reconnaître que lorsque la reine eut posé chacune des croix sur un mort. Quand la croix du Christ toucha le mort, le mort ressuscita, et elle sut par là que c'était la vraie.[19]
    6. Commémoration de Jean, auteur du quatrième Évangile, et d'Arsenius, moine.
    7. Commémoration du prophète Isaïe. Dadjesu, dans sa traduction de l'Évangile, l'écrit Cha'ia. Dieu en sait plus que nous.
    8. Commémoration de Denys, évêque.
    9. Commémoration d'Epiphane l'archevêque.
    10. Commémoration de Julien, martyr.
    11. Fête des Roses, suivant le rite moderne; il reporte cette fête à cette date, parce que les roses sont encore trop rares le 4; c'est ce jour-là que se célèbre la fête au Khorassan, et non le 4.
    12. Commémoration du prophète Zacharie.
    13. Commémoration de Cyriaque, moine.
    14. Commémoration de Constantin, le Victorieux. Il fut le premier qui résida à Byzance, et fortifia la ville, qui s'appela de son nom Constantinople ; elle fut la résidence de ses successeurs.
    15. Commémoration de Siméon, moine, qui accomplit un miracle étonnant.

     

    Ḥazîran (Juin).

    1. Fête des Épis. Les fidèles apportent à l'église des épis de blé, sur lesquels ils disent des prières, et ils demandent à Dieu de les bénir. Ce jour-là se fête aussi la commémoration de Jean, fils de Zacharie; et les chrétiens se recommandent de son nom à Dieu (qu'il soit exalté) pour qu'il bénisse leur blé. Cette fête répond à la fête juive de 'Aṣereth.
    2. Commémoration des Enfants brûlés par Nabucbodonosor. Ce sont : 'Asaria, Ḥanania et Michel; et aussi, Commémoration de la rénovation du temple.
    3. Commémoration d'Athanase, patriarche.
    4. Commémoration de Cyrille, le patriarche, qui déposa Nestorius, fondateur de la secte des Nestoriens, et l'expulsa de la catholicité.
    5. Commémoration de Matthieu, Marc, Luc et Jean, les quatre Évangélistes.
    6. Commémoration de Léontius, martyr.
    7. Commémoration de Barchabia prêtre, qui introduisit le Christianisme à Merv, environ 200 ans après le Christ.
    8. Commémoration de Gabriel et Michel, archanges. Les fidèles cherchent par le culte qu'ils leur adressent à se rapprocher de Dieu, et demandent à Dieu en leur nom, de préserver les créatures des atteintes de la chaleur.
    9. Commémoration de la Nativité de Jean, fils de Zacharie. De son annonciation à sa naissance s'écoulent 258 jours, ce qui fait huit mois et demi et un dixième de mois.
    10. Commémoration de Febronia, martyre, soumise à la torture.
    11. Commémoration de la mort de Paul, docteur, fondateur de la religion chrétienne.
    12. Commémoration de Pierre, qui est Simon Cephas, prince des Sillîḥ, c'est-à-dire des Apôtres.

     

    Tammouz (Juillet).

    1. Commémoration des douze Apôtres, disciples du Christ.
    2. Commémoration de Thomas, apôtre, qui ne crut pas au Christ quand il revint après sa crucifixion, avant d'avoir touché ses flancs, et d'y avoir découvert la trace du coup de lance des Juifs. C'est lui qui convertit l'Inde au Christianisme.
    3. Commémoration de Domèce, martyr.
    4. Commémoration de Procope, martyr.
    5. Commémoration de Marthe, mère de Siméon le Thaumaturge.
    6. Commémoration des trois Enfants brûlés par Nabuchodonosor. Ils croient que s'ils omettaient de les célébrer, ils auraient à souffrir des chaleurs de Tammouz.
    7. Commémoration des 45 Martyrs.
    8. Commémoration de Phocas, martyr.
    9. Commémoration de Thouthaël, martyr.
    10. Commémoration de Jean de Merv, le Jeune, tué de nos jours.
    11. Commémoration de Cyriaque et de sa mère Julitte. On assure qu'il discuta avec un roi à l'âge de trois ans, et qu'il se servit d'arguments décisifs, en sorte qu'il convertit 14.000 personnes.
    12. Fête des Raisins ; les fidèles apportent les prémices de la vigne et demandent les bénédictions de Dieu, pour que la récolte pousse, s'accroisse, et profite.
    13. Commémoration de Paphnuce, martyr.
    14. Commémoration de Pantéléémon[20], le médecin martyr.
    15. Commémoration de Siméon, le moine stylite.
    16. Commémoration des 72 disciples du Christ.

     

    Ab (Août).

    1. Jeûne de la Maladie de Marie, mère du Christ. C'est un jeûne de quinze jours, qui se termine le jour du trépas de Marie; et commémoration de Chemouni Machabée[21], dont les Mages tuèrent les sept enfants, qu'ils brûlèrent vifs dans des poêles.
    2. Commémoration de Moïse, fils d'Amram, que le salut soit sur lui !
    3. Fête du Mont Thabor. Voici ce que l'Evangile rapporte à ce sujet : les prophètes Moïse, fils d'Amram, et Ilia, qui est Elie, apparurent au Christ sur le Mont Thabor. Et il y avait avec le Christ trois de ses compagnons : Simon, Jacques et Jean, qui dormaient. Quand ils se réveillèrent et qu'ils virent cette apparition, ils furent pris de frayeur, et dirent : "Que notre Maître (ils entendaient le Christ) nous permette d'élever trois tentes, une pour toi, et les deux autres pour Moïse et Elie." Ils n'avaient pas achevé que trois nuages au-dessus d'eux étendirent leur ombre sur eux; Moïse et Elie entrèrent dans la brume, et disparurent. Moïse était mort, à ce moment, depuis des siècles; quant à Elie, il était vivant, et l'est toujours (c'est en effet leur croyance), mais caché et dérobé aux regards des hommes.
    4. Commémoration d'Elie, le vivant, dont nous venons de parler.
    5. Commémoration du prophète Elisée, disciple d'Elie.
    6. Commémoration de Rabboula, évêque.
    7. Commémoration de Marnas, martyr.
    8. Fête du Trépas de Marie. Entre ce mot de commémoration et la fête, il y a une différence : la fête est plus solennelle, la commémoration l'est moins.
    9. Commémoration des prophètes Isaïe, Jérémie, Zacharie et Ezéchiel.
    10. Commémoration de Séleucus et de sa fiancée Stratonice, martyrs.
    11. Commémoration du prophète Samuel.
    12. Commémoration de Lucius, martyr.
    13. Commémoration du vieillard Saba, moine.
    14. Commémoration du meurtre de Jean, qui fut décapité. Al-Ma'moun ibn Ahmad as-Salami al-Haraoui raconte qu'il vit à Jérusalem un tas de pierres à la porte dite Bâb el-'Amoud[22], amoncelées à la hauteur d'un monticule ou d'une colline. On lui expliqua qu'elles avaient été jetées sur le sang de Jean, fils de Zacharie, et que le sang montait toujours plus haut, en bouillonnant. Cela dura jusqu'à ce que Nabuchodonosor fit les massacres que l'on sait, et répandit le sang des victimes sur celui de Jean; et à partir de ce jour son mouvement s'arrêta. Or, il n'y a rien de pareil dans l'Évangile, et je ne sais pas que penser : en effet, Nabuchodonosor envahit Jérusalem quelque chose comme 445 ans avant le meurtre de Jean; et le second pillage de la ville fut accompli par Vespasien et Titus, empereurs des Grecs. Peut-être les habitants de Jérusalem donnaient-ils le nom de Nabuchodonosor à tout destructeur de leur ville; autrement, j'ai entendu dire à un historien que ce roi dont il est question est Joudharz, fils de Sâbour, fils d'Afqourchah, roi d'Achkania.
    15. Commémoration de tous les prophètes, que le salut soit sur eux!

     

    Eiloul (Septembre).

    1. Fête du Couronnement de l'année. En ce jour ils prient et font des vœux pour la bonne conclusion de l'année et l'ouverture de l'année suivante; car c'est ce mois qui clôture l'année.
    2. Commémoration des sept martyrs tués à Nisapour.
    3. Commémoration d'Anne, mère de Marie, et de Joachim, son père.
    4. Fête de la Rénovation du Temple par la prière, et renouvellement de la consécration des églises.
    5. Fête de l'Invention de la Croix par l'empereur Constantin et sa mère Hélène, qui l'arrachèrent d'entre les mains des Juifs. Elle était enfouie à Jérusalem, et il en a été question plus haut.
    6. Commémoration des six synodes.
    7. Commémoration d'Euphemia, martyre.
    8. Commémoration d'Eustathius, de sa femme, et de ses enfants[23], martyrs.
    9. Commémoration de Vitellius, martyr.
    10. Commémoration de Thécla, martyre, brûlée vive; et fête de l'église de la Qomâma à Elia[24].
    11. Commémoration de Sabinien et Paul, martyrs, et de Tatta, martyre.
    12. Commémoration de Chariton, moine.
    13. Commémoration de Grégoire, évêque, qui convertit l'Arménie.

     

    Voilà ce que nous avons pu savoir des commémorations et des fêtes des Melchites.

     

    [1] Leipzig, 1878.

    [2] Sachau, p. 288-301.

    [3] Année 1902, n° 1 et 2.

    [4] H. Delehaye, Synaxarium ecclesiae constantinopolitanae, dans Acta Sanctorum, Propylaeum ad AA. SS. Novembris, Bruxelles, 1902.

    [5] Les légendes nous le montrent notamment observant le ciel le jour du crucifiement. Cf. ms. arabe Paris 4879, f° 122; cf. aussi Paris ar. 4795, f° 190.

    [6] A la suite de cette notice, Al-Birouni expose ici les hiérarchies religieuse et civile. Nous y notons que le catholicos des melchites pour les pays musulmans est à Bagdad, dépendant lui-même du patriarche d'Antioche.

    [7] A la suite de cette notice, Al-Birouni expose ici un passage d'exégèse coranique- Al-Bîrouni explique que les 9 ans en plus dont parle le Coran (xviii, 24) proviennent de la réduction de cette période de 300 ans en années lunaires.

    [8] Coran, iii, 33

    [9] Autre nom de Jérusalem.

    [10] En effet, chez les Arabes, le jour de 24 heures commence la veille au soir du jour chrétien affecté du même quantième

    [11] Mot syriaque, et non arabe.

    [12] An. Boll., t. XXXI, p. 410

    [13] Mot syriaque, et non arabe.

    [14] Sur cette tradition v. Lisan el-'Arab, VI. p.368, et les Commentateurs du Coran. II, 122.

    [15] Cf Βλασιος, Syn. de Const.

    [16] Mot syriaque, et non arabe.

    [17] A la suite de cette notice, Al-Birouni expose ici une réfutation de l'astrologie à propos de la venue du Christ.

    [18] D'après la légende, ce saint ressuscitait chaque fois (Cheikho).

    [19] A la suite de cette notice, Al-Birouni expose ici une exposé des légendes et symboles nés de la forme de la Croix.

    [20] ou Pantaléon

    [21] II Machab., vii.

    [22] Appellation arabe de l'ancienne "Porte de Damas".

    [23] Le texte porte : "et de sa mère".

    [24] C'est-à-dire : l'église de la Résurrection à Jérusalem. V. Prol. d'ibn Khaldoun, dans Not. et Extr. t. XX,

    1. 267.

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  • Est-il légitime de qualifier Abu Qurrah d'orthodoxe ?

    Un de mes correspondants, usuellement fort avisé (mais probablement alourdi par de récents excès de table), m'a dernièrement fait une remarque étrange concernant le titre de mon blog sur Abu Qurrah : "Pourquoi, puisque Théodore Abu Qurrah est melkite – donc catholique – est-ce que je le désigne comme orthodoxe ?"

    Je lui répondis dans la foulée, et le taquinant un peu, lui reprochais de confondre "melkite" et "melkite". De fait, il existe bien une "église melkite", et les parisiens peuvent se rendre à St Julien le Pauvre, en plein quartier latin, ils pourront prier dans une église catholique de rite oriental (c'est là que j'ai vu ma première icône écrite en arabe) et, en sortant, voir le plus vieil arbre de la capitale. Pour autant, l'Eglise grecque catholique melkite est une structure récente, le rattachement à Rome datant du XVIII° siècle.A cette date, Abu Qurrah avait fini son pèlerinage terrestre depuis presque mille ans. 

    Pourtant, est-ce que je ne l'ai pas – et à plusieurs reprises – qualifié de "melkite" ? Si fait ! Qu'étaient donc ces "melkites" là ? D'abord, disons-le tout net, le terme "melkite" est originalement un sobriquet pour le moins dépréciatif donné aux chrétiens (syriaques, puis arabes) qui acceptaient le concile de Chalcédoine par ceux qui le rejetaient (tant nestoriens que jacobites). En clair, il leur était reproché de se laisser dicter leur théologie par l'Empereur de Byzance. De fait, le terme "melkite" vient du syriaque "malkoyo" (ܡܠܟܝܐ‎) [son équivalent arabe étant "malakī" (ملكي)] signifiant "royal", et par extension, "impérial". Donc, pour leurs adversaire théologiques, les "chalcédoniens" étaient les caniches de Constantinople.

    Abu Qurrah était donc chalcédonien. Mais Rome aussi, aussi, pourquoi le désignais-je comme orthodoxe et non pas comme catholique, d'autant que dans son traité sur les conciles, Abu Qurrah reconnaît (comme la plupart des auteurs chalcédoniens de l'époque) le rôle de l'évêque de Rome. En fait, à l'époque, on peut dire d'Abu Qurrah qu'il est catholique, ou qu'il est orthodoxe, indifféremment. Mais cela n'aura pas exactement la signification qu'aujourd'hui. En effet, depuis la "séparation de 1054", "catholique" signifie non seulement "en communion avec Rome" mais aussi, et précisément "dans la juridiction de l'Evêque de Rome". Or Abu Qurrah n'était absolument pas dans la juridiction de Rome, mais d'Antioche. En ce sens là, on ne peut le qualifier de "catholique" au sens moderne du mot. Et orthodoxe ? De fait, son attachement aux conciles oecuméniques atteste qu'il n'était ni jacobite, ni nestorien, ni – parmi ceux qui reçurent le concile de Chalcédoine – monothélites. Bref, il était doctrinalement orthodoxe.

    Mais en outre il était dans la juridiction d'un patriarcat orthodoxe en communions avec les autres, même si l'un des patriarches (en l'occurrence celui de Rome) jouissait d'une "primauté d'honneur", il était (pour employer une formule moderne) "le premier parmi ses égaux" (Primus inter pares). Or ce fonctionnement, qui a disparu dans l'Eglise catholique au profit d'un système "pyramidal", avec juridiction du Pape sur tous ceux qui sont en communion avec lui, subsiste avec plus ou moins de bonheur au sein des Eglises orthodoxe (et c'est le patriarche de Constantinople qui a hérité du titre de "primus inter pares", sans la moindre autorité juridictionnelle sur les autres patriarches). Bref, son ecclésiologie est celle de l'Eglise orthodoxe.

    Et au fond, il me semble que – si je veux éviter des termes trop abscons ou techniques – le terme "orthodoxe" est sans doute celui qui convient le moins mal. 

    Mais si par contre on s'amuse à définir "orthodoxe" comme "en rupture et en opposition contre Rome", alors non, cette définition de "orthodoxe" ne convient pas à Théodore le très sage et très béni évêque de Harran : à son époque, les patriarcats de Rome, Constantinople, Alexandrie, Antioche et Jérusalem (ainsi que quelques Eglises autonomes) étaient en communion réciproque (pas toujours de manière irénique, il est vrai), confessant la foi exprimée par les 7 conciles oecuméniques.

     

    Réflexion initialement publiée sur le blog "Les cigales éloquentes"


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  • Théodore Abu Qurrah

    Page ressources

     

    La page wikipedia abondamment consacrée à Abu Qurrah

    Théodore Abu Qurrah et Thaddée d'Edesse : un même personnage ? (par S. Treiger)

    La page ressource de John Lamoreaux 

    Abu Qurrah connaissait-il le grec ? : le cas de la Lettre aux arméniens (Migne 4) 

    Est-il légitime de qualifier Abu Qurrah d'orthodoxe ? ou comment comprendre le qualificatif "melkite" qui lui est accolé

    Traductions en français

    d'écrits de Théodore Abu Qurrah 

    Page ressource d'Al-Bossikad

    Texte arabe de Dix traités théologiques

    de Théodore Abu Qurrah (édition de Bacha, 1904). Texte complet, doublons éliminés,

    Document indexé et paginé.

    Les œuvres grecques

    attribuées à Théodore Abu Qurrah dans la Patrologie grecque de Migne 

    Document indexé

    Table des matières
    des débats de Théodore Abu Qurrah

    Recueil arabe contre les "Gens du Dehors"

    Recueil grec du Diacre Jean

    Dialogue de Théodore Abu Qurrah en présence du calife Al-Mamun

     

    Etudes en cours par d'autres chercheurs
    Traduction française du "Dialogue avec Al-Mamun"
    Edition critique de divers textes de la tradition grecque

     

     

     

     

     

     


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  • Traité arabe de Théodore Abu Qurrah,
    "Démonstration de la foi de l'Eglise par les deux Testament et les Conciles"
    n° IX dans l'édition de Constantin BACHA

    Deuxième partie : "Sur les conciles"


    NB : Cette partie, expressément séparée, débute p 104 dans l'édition arabe (1904) et p  27 de la traduction française (1905).

    Mais cela sert-il à tous les chrétiens ? Il sert seulement à nous Chalcédoniens ; il ne sert à rien aux Nestoriens, ni aux Jacobites, ni aux Julianistes (1), ni aux "Monothélites", ni aux autres hérétiques qui se nomment aussi chrétiens. Chacun d'eux prend pour lui tout ce que nous avons dit pour prouver la divinité du Christianisme, et il croit être le vrai chrétien.
    Ayant démontré le Christianisme et prouvé qu'il est la seule, la véritable d'entre toutes les autres religions, il nous faut faire séparer notre doctrine orthodoxe de toutes les hérésies, et prouver qu'elle est la seule vraie et que toutes les doctrines de ces hérésies sont fausses. Nous l'avons déjà prouvé ailleurs, par le secours du Saint-Esprit, dans une étude délicate et précise pour les gens intelligents et capables d'étudier les choses obscures que ne comprennent pas les esprits vulgaires ; mais l'étude précise et délicate ne satisfait pas l'esprit commun du vulgaire, le bas peuple et les gens des champs et autres, et ne leur procure aucunement la guérison. Il faut donc leur frayer une autre voie claire et lumineuse que puissent suivre sûrement et facilement les gens d'intelligence supérieure et ceux d'intelligence ordinaire, c'est-à-dire le philosophe et le bas peuple.
    C'est pourquoi nous allons prouver notre orthodoxie et faire éclater sa lumière autant que celle du soleil dont les rayons sont vus des petits et des grands, pour ne laisser à personne un prétexte en l'abandonnant, pour convaincre ceux qui vivent tranquillement dans l'erreur des hérésies, pour réjouir les orthodoxes qui par le concours du Saint-Esprit sont dans la juste foi et dans la vraie religion, pour exciter ceux-ci à unir à cette foi la justice et les bonnes œuvres; elle leur serait non pas inutile mais nuisible, s'ils ne faisaient pas ce qu'ils doivent faire dans l'obéissance au Christ.
    Mais quelle est cette voie claire que l'orthodoxie nous démontre? Nous ensemble des chrétiens, nous sommes d'accord pour admettre les livres de l'Ancien et du Nouveau Testament et les croire ; mais une chose nous sépare, notre interprétation différente de ces livres ; cela nous oblige à nous réunir chacun dans une église à part et nous empêche de prier ensemble dans le même temple. Il en résulte deux choses : que nous sommes tous également agréables au Christ en admettant les livres de l'Ancien et du Nouveau Testament dictés pour nous par le Saint-Esprit et que Dieu ne nous demande pas compte de n'avoir pas pénétré les vérités de ces livres, ou que Dieu n'accepte pas de nous voir admettre la lettre de ces livres sans le véritable sens des mots que le Saint-Esprit a voulu exprimer d'une manière indispensable à la religion. Si quelqu'un dit : Le Christ se contente de nous voir suivre ces livres sans en comprendre le contenu, ou le vrai sens, il rend le Christianisme semblable au Judaïsme, en mettant la fin de sa doctrine dans les mots, non dans l'esprit; il autorise les chrétiens à se réunir pour prier dans une église en même temps qu'ils sont séparés en esprit ; il leur prêche d'adorer extérieurement un seul Dieu, et intérieurement plusieurs dieux ; il leur persuade de se nommer de bouche disciples d'un seul Christ, tout en croyant à plusieurs au fond du cœur. Mais le Christ ne veut point de ce culte, comme il le dit lui-même : "Je ne ferai jamais entrer la guerre à la place de la paix." Il est indispensable à tout chrétien, s'il veut être sincèrement chrétien, d'adorer le Christ, le Père et le Saint-Esprit dans le sens propre des livres de l'Ancien et du Nouveau Testament; autrement il serait juif et pourrait dire, indifféremment, que Dieu est muable ou qu'il y en a plusieurs. Lorsqu'il entend Moïse dire : "Dieu est un feu dévorant" (Exod., xxiv, 17), il devient mage, car il conçoit le feu que les mages adorent ; et s'il entend le prophète Daniel dire : "Il est l'Ancien des jours et ses cheveux sont blancs comme la laine pure" (Dan., vii, 9), il croit que Dieu est très vieux ; de même, s'il entend Ezéchiel dire : "Il est du milieu du corps jusqu'en haut tout en feu comme le lapis-lazuli, et du milieu jusqu'en bas en feu" (Ezech., i, 27), il imagine que Dieu a été changé de ce qu'il était, ou qu'il est différent de ce que Daniel a vu et que Moïse avait déjà nommé. Quel malheur de voir ces trois choses troubler le cœur du fidèle !
    De plus, s'il entend le Christ lui-même dire qu'il est la porte (Joan., X, 7), il le croit une porte matérielle, et s'il l'entend dire qu'il est la vigne (Joan., xv, 1), il pense qu'il a été changé ou qu'il est un autre Christ différent, et ainsi de suite. Il lui est donc nécessaire de suivre le sens propre du livre en ce qui concerne l'essence de la religion, autrement il n'y aurait plus de culte.
    S'il en est ainsi, l'Eglise du Christ devrait être nécessairement l'une de ces églises dont chacune prétend avoir seule la vraie doctrine chrétienne.
    Mais, que doivent faire les gens vulgaires, les paysans, et tous les hommes en général, qui ne comprennent pas ces vérités que le Christ leur ordonne de croire de la façon qu'il a voulu ? Dirons-nous qu'il leur demande l'impossible ? Non; autrement sa descente du ciel et l'effusion de son sang pour eux leur seraient inutiles et même nuisibles : mais comme il n'exige pas cela d'eux, il ne leur demande pas l'impossible, car nous savons bien que, pour la plupart, leur intelligence ne peut pas comprendre tout ce qu'ils doivent savoir. Comment faire donc pour trouver une voie à la portée de leur intelligence, de façon qu'en la suivant ils arrivent tous à la possession de cette vérité ?
    Nul hérétique ne connaîtra jamais cette voie et ne pourra la suivre ; il ne possède rien de la vie que la parole qu'il suit comme dans l'obscurité pour tromper et séduire les simples; il bavarde afin que les simples, en l'entendant, croient qu'il est la source de la sagesse ; il les gagne à son parti en proférant des paroles inintelligibles pour eux et même pour lui ; comme dit saint Paul : "Il ne comprend pas ce qu'il dit ni ce qu'il raisonne." (I Cor., XIX, 2.)
    Cette voie claire, les orthodoxes seuls la possèdent, elle les conduit à la vie éternelle; car nous savons bien que le Christ ne néglige pas cette affaire en condamnant la plupart des hommes à errer ainsi sans pouvoir connaître une voie qui conduise leur intelligence à comprendre ce qu'ils doivent faire. D'autant plus que le Christ savait bien, et les Apôtres, que ces hérésies existeraient et que Satan s'en servirait pour cribler l'Eglise afin qu'elle conserve le pur froment. (Luc, xxii, 31.)
    Le Saint-Esprit nous a bien montré cette voie par la bouche de Moïse, le chef des prophètes, dans le Pentateuque, lorsque Dieu lui donna les règles d'après lesquelles il devait gouverner les enfants d'Israël. Moïse remit ces règles à leurs prêtres, qui sont les juges, et auxquels il ordonna déjuger ainsi les enfants d'Israël; il institua des chefs de dix, de cinquante, de cent et de mille; il leur ordonna de faire exécuter le juste jugement parmi les enfants d'Israël en disant : "Regardez bien ; ce qui vous semble clair de ces règles, employez-le avec vos frères, et ce qui vous paraît obscur ou douteux présentez-le-moi pour le porter à Dieu et vous en rapporter la vérité." (Deut , i, 10.) Ils faisaient ainsi tout le temps que Moïse vécut parmi eux.
    Quand Dieu permit que Moïse mourût au delà du Jourdain, le prophète avait su par le Saint-Esprit qu'après sa mort les enfants d'Israël seraient dans l'embarras et le doute, par conséquent divisés et dispersés : c'est pourquoi il leur donna par l'Esprit-Saint une seconde loi en laissant parmi eux un successeur qui tînt sa place à jamais : "Si vous trouvez quelques commandements obscurs ou douteux entre sang et sang, entre arrêt et arrêt, entre impur et impur, et entre querelle et querelle, et s'il y a dans vos cités une différence d'opinion, venez au lieu que le Seigneur votre Dieu choisira pour y invoquer son nom, réfugiez vous-y alors et allez y trouver les prêtres, les lévites et le juge qui existera. Ils examineront cela et ils vous donneront la décision juste. Suivez la décision qu'ils vous donneront dans le lieu que le Seigneur votre Dieu choisira pour invoquer son nom. Tâchez de faire ce qu'ils vous ordonnent et d'accomplir la loi et la décision qu'ils vous donneront; ne vous en écartez ni à droite ni à gauche. L'homme qui par orgueil n'écoute pas le prêtre qui agit au nom du Seigneur, et le juge qui sera en ces temps, qu'il soit mis à mort ; dépouillez les ennemis des enfants d'Israël afin que tout le peuple apprenne ce châtiment et s'en éloigne en se gardant de l'imiter." (Deut., xvii, 8.)
    Vous voyez bien que Moïse ne laissa à personne, savant ou non, le droit de discuter ces décisions. Mais le Saint-Esprit révéla au prophète de confier cette autorité au collège des prêtres et au juge qui sera dans le lieu que Dieu choisira pour y invoquer son nom, ne laissant personne discuter avec eux ; mais plutôt il ordonna à tout le peuple, et à chacun, savant ou illettré, d'obéir à la décision sortie de ce collège, pour lui ou contre lui. Il condamne à mort l'orgueilleux qui ne veut pas accepter avec soumission leur jugement, croyant que son opinion est plus juste que la leur. Il a condamné à mort celui qui n'accepte pas leur jugement parce qu'il était persuadé que, le Saint-Esprit leur ayant confié de juger les affaires douteuses et les différends, il doit assister leur intelligence pour dire la vérité et ne les abandonne pas sans son secours, quels que soient leur état et leur intelligence; il ne les laisse dire que la vérité.
    Si quelqu'un disait : "Bien que le Saint-Esprit ordonne au peuple d'obéir à l'assemblée des prêtres qui sera dans ce lieu pour les décisions obscures, il lui laisse dire le faux", celui-là estimerait que le Saint-Esprit lui-même induit tout le peuple en erreur, et il serait précisément un blasphémateur contre le Saint-Esprit, en faisant de l'Esprit-Saint, Soleil de Justice et Source de Lumière, la cause de l'erreur. A Dieu ne plaise qu'il en soit ainsi ! Au contraire, nous sommes sûrs, et nos cœurs sont en repos, que le Saint-Esprit n'abandonne jamais cette assemblée et il ne la laisse prononcer aucun jugement mal à propos.
    Dans la sainte loi nouvelle dont l'ancienne était la figure, le Saint-Esprit a arrangé les choses de la même manière que dans l'ancienne, en ordonnant de porter tout différend entre les chrétiens, en matière de religion, à l'assemblée des Apôtres et leur donnant un chef qui juge en dernier ressort toutes les décisions avec son assemblée : de juger d'après les vues du Saint-Esprit, comme le montrent les Actes des Apôtres.
    Lorsque Paul et Barnabas étaient à Antioche, élus par le Saint-Esprit pour parcourir les villes et y annoncer l'Evangile du Christ, après qu'ils ont accompli la mission pour laquelle ils ont été élus ils retournèrent à Antioche. Il y avait alors des frères qui sont venus de Jérusalem à Antioche : ils enseignaient et disaient : "Si vous ne vous faites pas circoncire selon la loi de Moïse, vous ne pouvez pas vivre." Paul et Barnabas s'y opposèrent; après une discussion, tous décidèrent que Paul et Barnabas, avec quelques-uns d'entre eux, monteraient voir les Apôtres et les prêtres à Jérusalem au sujet de ce différend.
    Quant ils furent arrivés à Jérusalem, il y avait des hommes du parti des pharisiens qui avaient embrassé le christianisme. Ils se levèrent et dirent aux Apôtres : "Il faut faire circoncire les Gentils qui croient et leur ordonner de garder la loi de Moïse." Alors les Apôtres se réunirent aux prêtres pour étudier le différend. Il s'ensuivit une grande discussion.
    Après cela Pierre se leva et leur dit : "Vous savez, hommes mes frères, que le Dieu des temps anciens a voulu que les Gentils entendissent de ma bouche la parole de l'Evangile et qu'ils crussent. Dieu, qui connaît les cœurs, les a justifiés en leur donnant le Saint-Esprit aussi bien qu'à nous et il n'a pas fait de différence entre eux et nous en purifiant leurs cœurs. Pourquoi donc voulez-vous contrarier Dieu et imposer aux disciples un joug que ni nous ni nos pères n'avons pu porter? Cependant nous croyons que nous vivions par la grâce de notre Seigneur Jésus aussi bien qu'eux."
    Alors Jacques répondit : "Hommes, écoutez : Simon vous a raconté comment il a plu à Dieu de se choisir un peuple parmi les Gentils. Cela s'accorde avec les prophètes, comme il est écrit : "Après cela je viendrai et je rebâtirai l'habitation ruinée de David ; j'en renouvellerai ce qui a été démoli et je la ferai se relever, afin que tous les hommes cherchent la face de Dieu avec toutes les nations qui seront appelées de mon nom : c'est ainsi, dit le Seigneur qui l'a accompli." Donc je juge qu'il ne faut pas inquiéter ceux d'entre les Gentils qui se convertissent à Dieu; mais je vois qu'on doit leur ordonner de s'abstenir des souillures des idoles, de la fornication, des chairs étouffées et du sang."
    Alors tous les Apôtres et les prêtres avec toute l'Eglise jugèrent et choisirent parmi eux deux hommes qu'ils envoyèrent à Antioche avec Paul et Barnabas : le premier est Jude surnommé Barsabas, et l'autre est Silas, l'un et l'autre illustres parmi les frères. Ils écrivirent (une lettre) qu'ils envoyèrent avec eux, et ainsi conçue : "Les Apôtres, les Prêtres et les Frères, à l'Eglise qui est à Antioche en Syrie et aux Frères qui sont des Gentils, salut. Nous avons appris que quelques-uns de nous sont allés d'ici pour vous inquiéter et ils vous ont ébranlé l'âme en vous disant qu'il faut être circoncis et garder la loi de Moïse, de quoi nous ne leur avons pas donné l'ordre. Nous avons donc jugé unanimement de choisir deux hommes et de les envoyer avec nos deux frères Barnabas et Paul qui ont livré leur vie pour le Christ. Nous vous avons député Jude et Silas et nous leur avons ordonné de vous faire entendre de leurs bouches notre parole en ces termes : Il a semblé bon au Saint-Esprit et à nous de ne point vous imposer d'autre obligation pour ce qui est nécessaire (au salut), que de vous abstenir des sacrifices, des idoles, du sang, de la chair étouffée et de la fornication. Si vous gardez cela, vous agissez bien." Jude et Silas firent leurs adieux à la communauté et descendirent à Antioche où ils réunirent les fidèles et ils leur remirent la lettre, qu'ils lurent avec joie et consolation. Jude et Silas étaient prophètes, ils ont beaucoup consolé les frères et les ont fortifiés par plusieurs discours.
    Vous voyez bien : ceux qui sont allés à Antioche et ordonnaient la circoncision et de garder la loi étaient de la communauté des frères de Jérusalem; Paul et Barnabas, qui les contredisaient, étaient aussi des Apôtres illustres. Quand les deux partis se sont disputés à Antioche, l'Eglise n'a pas accepté (l'opinion) de Paul et de Barnabas ni celle des autres ; mais elle les porta toutes deux à l'assemblée des Apôtres dont saint Pierre était le chef. Lorsque l'assemblée des Apôtres les eut reçus et eut examiné le différend, elle jugea d'après ce qu'elle vit, attribuant son jugement au Saint-Esprit et disant : "II a semblé bon au Saint-Esprit et à nous." Vous voyez bien que cette assemblée à qui le Christ a confié le droit de juger les hérésies n'a pas d'autre vue que celle du Saint-Esprit. Il faut lui porter tout différend en matière de doctrine; car il n'est point permis à quiconque, grand ou petit, d'avoir un sentiment particulier différent, et personne n'a le droit d'imposer à l'Eglise sa manière de voir personnelle. C'est pourquoi l'Eglise n'a pas accepté l'opinion de Paul et Barnabas qui étaient la lumière du monde, ni celle des autres. Il n'y a ni évêque ni patriarche ni toute autre personne qui puisse dire à l'Eglise : Recevez ce que je dis et rejetez ce que disent les Apôtres.
    Il faut noter que les Apôtres avaient pour chef saint Pierre à qui le Christ avait dit : "Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l'enfer ne triompheront point d'elle" (Matth., XVI, 18); à qui il dit aussi trois fois, après sa résurrection, près de la mer de Tibériade : "Simon, m'aimes-tu ? (Si tu m'aimes) Pais mes agneaux, mes béliers et mes brebis." (Joan., xxi, 15-18.) Il lui dit ailleurs : "Simon, Satan a demandé de vous cribler comme on crible le blé, et j'ai prié pour toi afin que tu ne perdes pas ta foi; mais, à l'instant, tourne-toi vers tes frères et affermis-les." (Luc, XXII, 31.)
    Vous voyez bien que saint Pierre est le fondement de l'Eglise propre au troupeau (des fidèles), et celui qui a sa foi ne la perdra jamais; c'est lui aussi qui est chargé de se tourner vers ses frères et de les affermir. Les paroles du Seigneur : "J'ai prié pour toi afin que tu ne perdes pas ta foi; mais tourne-toi à l'instant vers tes frères et affermis-les", ne désignent pas la personne de Pierre ni les Apôtres eux-mêmes. Le Christ a voulu désigner par ces mots ceux qui tiendront la place de saint Pierre à Rome et les places des Apôtres. De même quand il dit aux Apôtres : "Je serai avec vous tous les jours jusqu'à la fin des siècles", il n'a pas voulu désigner les personnes des Apôtres seuls, mais encore ceux qui tiennent leurs places et tout leur troupeau. Ainsi par ces mots qu'il adressa à saint Pierre : "Tourne-toi à l'instant et affermis tes frères, et que ta foi ne se perde pas", il a voulu désigner ses successeurs; par la raison que saint Pierre seul parmi les Apôtres a perdu sa foi et nié le Christ, le Christ l'avait exprès abandonné pour nous montrer que ce n'est pas sa personne qu'il a voulu désigner, et nous n'avons vu aucun Apôtre tomber afin que saint Pierre l'affermisse.
    Dire que le Christ a voulu désigner saint Pierre et les Apôtres en personne, ce serait priver l'Eglise de ce qui doit l'affermir après la mort de saint Pierre. Comment cela pourrait-il être? En voyant, après la mort des Apôtres, Satan passer l'Eglise au crible, il est évident que ce ne sont pas eux que le Christ a voulu désigner par ces mots. Nous savons tous, en effet, que c'est après la mort des Apôtres que les hérésiarques ont agité l'Eglise, savoir : Paul de Samosate, Arius, Macédonius, Eunomius, Sabellius, Apollinaire, Origène et les autres. Si ces mots du texte sacré ne désignent que les personnes de saint Pierre et des Apôtres, l'Eglise aurait donc été privée de consolation et n'aurait eu personne qui la sauvât de ces hérésiarques et de leurs doctrines qui sont les portes de l'enfer dont le Christ a dit qu'elles ne triompheront jamais de l'Eglise. Il est donc de toute évidence que ces mots désignent les successeurs de saint Pierre, qui ne cessent en effet d'affermir leurs frères et ne cesseront jamais jusqu'à la fin des siècles.
    Vous savez bien que lorsque Arius se révolta, une assemblée fut réunie contre lui par l'ordre de l'évêque de Rome. Le saint Concile l'a condamné et a fait cesser son hérésie; et l'Eglise a accepté la décision de ce concile et a repoussé Arius comme l'Eglise d'Antioche avait accepté la lettre des Apôtres et avait rejeté ces sectateurs qui lui enseignaient la circoncision et la pratique de la loi. Ainsi lorsque Macédonius se révolta au sujet du Saint-Esprit, une assemblée fut réunie contre lui à Constantinople par l'ordre de l'évêque de Rome; ce concile rejeta l'hérésiarque et l'Eglise accepta sa décision comme elle avait accepté celle du premier. Elle excommunia Macédonius comme elle avait déjà excommunié Arius. Elle apprit de ces deux conciles à dire que le Fils et le Saint-Esprit sont de la substance du Père et que chacun d'eux est Dieu coéternel avec le Père. Elle accepta aussi ces deux conciles de la même manière que l'Eglise d'Antioche avait accepté autrefois le concile des Apôtres. De même que l'Eglise d'Antioche n'avait eu aucune part dans la décision des Apôtres, ainsi dans ces deux conciles personne n'a discuté. Et comme ce que les Apôtres avaient écrit à l'Eglise d'Antioche était estimé une décision du Saint-Esprit, ainsi l'Eglise ne douta pas que la définition de ces deux conciles ne fût celle du Saint-Esprit. Aussi l'Eglise d'Antioche n'avait pas accepté le sentiment de Paul et de Barnabas ni celui des autres frères, mais elle les avait portés à l'assemblée des Apôtres et attendait la décision de cette assemblée ; lorsqu'elle l'eut reçue, elle fut consolée. C'est ainsi que l'Eglise n'a pas accepté la doctrine d'Arius ni celle de Macédonius, ni celles qui les contredisaient à cette époque parmi les Saints Pères ; mais elle porta le différend au saint concile et attendit sa décision ; lorsqu'elle l'eut reçue, elle fut consolée et réjouie.
    Lorsque Nestorius se révolta en disant du Christ ce qu'il en a dit, l'Eglise rejeta sa doctrine et la porta, selon sa coutume, au saint concile, qui fut réuni à Ephèse par ordre de l'évêque de Rome. Le saint concile l'excommunia et fit cesser son hérésie. La sainte Eglise accepta ce concile et excommunia Nestorius en repoussant sa doctrine, persuadée qu'elle n'avait pas le droit de prendre part dans la décision de ce concile, mais qu'elle avait l'ordre du Saint-Esprit de s'y soumettre, comme nous l'avons déjà démontré.
    Sache bien, Nestorien, que tu es dans l'erreur et que tu as glissé de la pierre sur laquelle l'Eglise a été bâtie ; tu es séparé du Christ, il n'habite plus en toi parce que tu n'as pas accepté la décision du saint concile que le Saint-Esprit t'a commandé d'accepter comme tu dois accepter sa propre décision. Je m'étonne bien de ce que tu suives Nestorius que tu n'es pas obligé de suivre en le préférant à Paul et à Barnabas ; car l'Eglise n'a pas voulu accepter ce que disaient ces deux lumières des hommes. Mais tu as accepté ce que disait Nestorius et rejeté la décision du concile que tu es obligé de suivre. Tu as pris un soutien trop faible en te confiant à une intelligence humaine et tu as négligé l'assistance du Saint-Esprit. Sache encore que tu n'as aucune excuse en cela parce que tu as reçu les décisions de deux premiers conciles avec confiance et sans examen, comme le Saint-Esprit te commande de le faire; et tu as refusé ce troisième que le Saint-Esprit t'a ordonné d'accepter avec la même soumission que les deux premiers conciles. Tu as voulu discuter son jugement et tu n'as pas mis ta confiance dans le Saint-Esprit qui l'a assisté et l'a fait parler. Si tu allègues des excuses au sujet de ce concile, sache bien qu'Arius et ses partisans peuvent facilement en alléguer de semblables contre le premier concile et l'accuser de plusieurs défauts ; et Macédonius et les siens peuvent aussi alléguer des motifs semblables et accuser le second concile sans crainte. Comme ils ne sont pas excusés et que tu ne les excuses pas en accusant ces deux conciles, il te faut savoir de même que tu n'es pas excusé auprès du Christ en accusant ce troisième concile.
    Lorsqu'Eutychès et Dioscore se révoltèrent en disant du Christ ce qu'ils en avaient dit, l'Eglise a repoussé leur hérésie et les Saints Pères se sont levés contre eux. Mais l'Eglise n'a pas accepté leur doctrine ni celle de ceux qui les contredisaient, elle les a fait traduire au jugement du saint concile, selon sa coutume. Le quatrième concile a été réuni alors à Chalcédoine par l'ordre de l'évêque de Rome; il les a excommuniés et a fait cesser leur hérésie. L'Eglise accepta alors la décision de ce concile, comme elle avait accepté celles des trois premiers conciles; elle excommunia Eutychès et Dioscore et rejeta leur hérésie, sachant bien qu'elle n'a pas le droit d'intervenir avec ce concile et persuadée que sa décision était celle du Saint-Esprit.
    Toi, Jacobite , pourquoi as-tu accepté les trois conciles avec confiance, sans discussion, et n'acceptes-tu pas le quatrième? Tu lui as préféré Eutychès et Dioscore en abandonnant le soutien de la colonne de la vérité que le Saint-Esprit t'a accordée et tu t'es appuyé sur un roseau brisé, laissant ta chair se couper et ton sang se répandre, et mourir ainsi spirituellement par ta précipitation à suivre ceux que tu n'es pas obligé de suivre. Mais cela t'est plutôt défendu, comme il t'a été défendu de suivre le serpent qui est l'instrument de l'erreur.
    Tu ne cesses pas encore de changer la doctrine d'un tel pour celle d'un autre, tes chefs te changent la religion et la rendent comme un monstre, de sorte que tu as bien mérité l'appellation d'Acéphales : n'ayant pas de chef ou en ayant plusieurs. Tu es devenu comme une pierre déplacée de son fondement et qui ne cesse de se précipiter en tombant jusqu'au plus bas de la terre (aux enfers). Ainsi t'ont précipité Eutychès, Dioscore, Théodose, Sévère, Jacques, et tous autres hérésiarques, dont chacun a introduit dans ta religion l'erreur de son opinion; en se contredisant les uns les autres, ils contredisent tous la vérité.
    En accusant ce saint concile, tu n'es pas le premier parmi les hérétiques qui accusent les saints conciles qu'ils n'ont pas voulu accepter. En effet. Arius, Macédonius et Nestorius avec leurs partisans ont blâmé de toutes leurs forces les conciles qui les avaient excommuniés; tu dis du IVe concile moins de mal que n'en avait dit chacun d'eux contre le concile qui l'a excommunié. Si tu approuves leurs accusations contre les conciles antérieurs, tu dois les suivre et accepter leur confession en jetant de ton cou le joug du Saint-Esprit, ouvertement et sans dissimulation. Si tu condamnes leur accusation contre ces saints conciles et prétends qu'ils sont dans l'erreur par leur désobéissance à ces conciles, tu dois juger de même ton accusation contre le IVe concile et dire que tu es dans l'erreur par ta désobéissance à ce concile.
    Quant au Ve concile, nul ne défend l'hérésie qu'il a excommuniée pour discuter avec lui et le traiter comme nous avons fait avec ses semblables hérétiques.
    Quand Macaire, Cyrus et Sergius se révoltèrent et enseignèrent leurs erreurs au sujet du Christ, l'Eglise refusa d'accepter leur opinion et plusieurs Pères s'élevèrent contre eux pour les discuter et repousser leur hérésie. Mais l'Eglise n'a pas accepté absolument leur opinion ni celle de leurs adversaires; elle les a portées au concile, selon sa coutume. Alors le Ve concile a été convoqué à Constantinople par l'ordre de l'évêque de Rome qui les a excommuniés et fait cesser leur hérésie. La sainte Eglise accueillit ce concile comme elle avait reçu les conciles antérieurs, abandonnant Macaire et les siens et rejetant leur hérésie.
    Et toi, "Monothélite", tu as reçu avec obéissance le premier, le second et le troisième concile ; tu n'as pas jugé bon de discuter leurs définitions, comme le Saint-Esprit te défend de le faire; mais, arrivé au Ve concile, tu as oublié ce que dit le Saint-Esprit, et, comme un homme ivre, tu t'es élevé contre tes Pères qui méritent ton respect, les insultant comme un chien enragé. Le Saint-Esprit t'ordonne de leur obéir, mais tu as voulu supprimer leur définition et ôter la haie qui te défendait contre Satan; tu es sorti (du bercail de l'Eglise) pour être la proie des loups. Tu as ainsi négligé l'affaire qui te conduit sûrement à la perdition.
    Si tu accuses ce saint concile, sache bien que les hérétiques qui étaient avant toi t'ont devancé en accusant les conciles qui les avaient excommuniés, de sorte que nul obstacle ne les empêcha d'imputer à ces conciles tout ce que Satan leur avait mis au cœur.
    Si tu condamnes leur accusation contre ces conciles, tu dois condamner de même ton accusation contre le Ve concile et quitter ton erreur pour entrer dans la bonne voie; mais si tu approuves leur accusation contre les saints conciles, démasque-toi et suis tes amis en croyant ce qu'avaient enseigné tous les hérésiarques du commencement.
    Que résulte-t-il de vos accusations, vous tous les hérétiques, contre ces conciles?
    Chacun de vous accuse ces saints conciles de trois choses, en disant : 1° que le concile a jugé mal, avec injustice et ignorance; 2° que le concile a été convoqué par l'empereur, c'est pourquoi il ne faut pas l'accepter; 3° que le concile antérieur avait défendu d'ajouter ou de supprimer quoi que ce soit à ce qu'il avait défini; que par conséquent il ne faut pas accepter ce qui vient après lui.
    Si l'un de vous dit, en accusant un de ces conciles, qu'il a jugé mal par ignorance ou injustice, celui qui dit cela prétend avoir le droit de discuter la décision du concile ou d'y prendre part; mais le Saint-Esprit défend cela pour lui et pour quiconque. L'orgueil qui l'a enflé l'a empêché de se soumettre à la définition de ce concile, et il a ainsi mérité la mort spirituelle, comme vous avez entendu la loi de Moïse qui ne permet à personne de discuter avec l'assemblée ou d'estimer son opinion meilleure que celle de l'assemblée, sous peine de mort.
    Si tu dis, hérétique, du concile que tu attaques, qu'il a été convoqué par l'empereur, et que par conséquent il ne faut pas l'accepter, pour cette raison il ne faudrait recevoir aucun des conciles précédents, car tous les conciles admis par tous les chrétiens ont été convoqués par les empereurs.
    Il est bien connu que le premier concile de Nicée a été convoqué par l'empereur Constantin le Grand; le second a été convoqué à Constantinople par l'empereur Théodose le Grand; le troisième a été réuni à Ephèse par l'empereur Théodose le Jeune; le quatrième a été assemblé par l'empereur Marcien à Chalcédoine ; le cinquième a été convoqué à Constantinople par l'empereur Justinien le Grand, et le sixième a été convoqué par l'empereur Constantin, fils d'Héraclius, à Constantinople.
    Si tu reproches, o "Monothélite", aux cinquième et sixième conciles d'avoir été convoqués par les empereurs, et si tu prétends qu'ils ne méritent pas d'être acceptés parce que les empereurs ont employé la force en les convoquant et en exécutant leurs décrets, tu fais mal, car tu acceptes le quatrième et tous les conciles antérieurs qui ont été aussi convoqués par les empereurs, comme nous l'avons dit. Tout hérétique excommunié par l'un de ces conciles précédents peut dire comme toi que l'empereur qui a convoqué ce concile a employé sa force pour l'excommunier et qu'ainsi par la force a été convoqué ce concile contre lui. Si tu te prétends excepté de la condamnation de ces deux conciles parce qu'ils ont été convoqués par les empereurs, il faut nécessairement admettre que les Jacobites, que les Nestoriens, que Macédonius, Arius et leurs partisans sont exceptés de la condamnation des conciles qui les ont excommuniés et qui ont été convoqués par les empereurs. Si tu ne crois pas qu'ils sont exceptés de l'excommunication de ces conciles à cause de leurs convocations par les empereurs, tu ne dois pas non plus te croire excepté de l'excommunication des deux derniers conciles parce qu'ils ont été convoqués par les empereurs.
    Si tu reproches, Jacobite, au quatrième concile qui t'a excommunié, d'avoir été convoqué par l'empereur, en disant qu'il ne mérite pas d'être accepté parce que l'empereur employa la force pour sa convocation et pour l'exécution de ses décrets, tu fais mal aussi, car tu as accepté le troisième concile et les deux précédents qui tous ont été convoqués par les empereurs. Tu dois donc excuser Arius, Macédonius et Nestorius refusant d'accepter la décision des conciles qui les ont excommuniés ; car chacun peut alléguer cette raison comme toi et dire que l'empereur employa la force en convoquant ce concile et en exécutant ses décrets contre lui. Si tu te permets de repousser ainsi la définition du quatrième concile parce qu'il a été convoqué par l'empereur, il faut nécessairement permettre à tous ces hérétiques de repousser les définitions des conciles qui les ont excommuniés; si tu ne leur permets pas de repousser les définitions des conciles qui les ont excommuniés, tu ne dois pas non plus te permettre de repousser la définition du quatrième concile ; autrement tu deviens injuste et irraisonnable.
    Nous te dirons la même chose, à toi Nestorien, que nous avons dite aux Jacobites et aux "Monothélites". Tu ne dois pas reprocher au concile qui t'a excommunié d'avoir été convoqué par l'empereur, ni repousser sa définition sous ce prétexte ; autrement, tu fournirais une excuse à Arius et à Macédonius qui ont refusé d'accepter les décisions des conciles qui les ont condamnés : car ils allégueront la même raison que toi. Si tu fais cela, tu ruines tout ce que tu crois d'après ces deux conciles.
    Mais ce n'est pas un reproche pour ces conciles : c'est plutôt une grâce dont l'Eglise doit remercier le Christ qui a soumis les empereurs pour servir ainsi ses Pères et docteurs ; car tout empereur qui a convoqué un de ces conciles est devenu par là même un grand bienfaiteur, d'abord en donnant l'hospitalité aux Pères et en les défendant contre la population pour leur permettre d'examiner paisiblement la doctrine, et ensuite en exécutant les décrets du concile. Il n'avait aucune part dans l'examen de la doctrine ni dans la définition de ses décrets; il servait les Pères du concile, les écoutait et acceptait tout ce qu'ils définissaient au sujet de la doctrine, sans prendre part à la discussion. Si l'un de vous, hérétiques qui prétendez être chrétiens, reproche à ces conciles l'assistance des empereurs et leur présence parmi les Pères, il annule tout ce que possèdent les chrétiens, il veut nous réduire à l'Ancien et au Nouveau Testament; nous pourrons dire comme Arius : "Le Verbe est créé", ou avec Macédonius : "Le Saint-Esprit est créé", ou avec cet hérétique qui fait une brèche dans le mur de l'Eglise qui défendait le troupeau contre le loup ravisseur chassé ; en conséquence il corrompt la doctrine chrétienne et fait du christianisme un nouveau judaïsme.
    Si tu dis, toi, autre hérétique, en parlant du concile qui t'a condamné, que le concile d'avant lui avait défendu de rien ajouter et de rien supprimer à ce qu'il avait défini et que par conséquent il ne faut pas recevoir ce concile qui est venu après, sache bien que tu dis des choses que tu ne comprends pas et dont tu ignores la portée : parce que la définition de chaque concile est comme un remède particulier que le Saint-Esprit prépare pour éloigner du corps de l'Eglise la maladie de cette hérésie condamnée par ce concile. Quand ce concile dit qu'il est défendu à quiconque d'ajouter ou de supprimer à ce qu'il a défini, il entend qu'il n'est permis à personne de le contredire et de préparer à la maladie de cette hérésie qu'il a condamnée un remède différent de celui qu'il a préparé sous l'inspiration du Saint-Esprit; car le Saint-Esprit ne se contredit pas. Ce concile ne peut dire à l'Eglise, si elle voit surgir une autre hérésie, qu'il est défendu aux Pères qui en sont les médecins de se réunir pour en éloigner cette maladie comme il avait éloigné la maladie qui agitait l'Eglise de son temps. Si, par impossible, ce concile avait agi de cette manière, il aurait laissé l'Eglise exposée à toutes les maladies des hérésies de l'avenir et empêché les Pères de lui appliquer les remèdes propres. Cela serait opposé à l'institution du Saint-Esprit qui a établi les conciles pour remplacer dans la suite des siècles le collège des Apôtres, comme Moïse avait institué les assemblées auxquelles il avait ordonné d'obéir pour le remplacer à jamais dans la fonction de juger les différends qui surgiraient entre les juges.
    Si tu poursuis, hérétique, en disant que le concile reçu de tous a défendu de rien ajouter et de rien supprimer à sa décision, voulant qu'il n'y ait jamais après lui un autre concile, il faudrait annuler tous les conciles, du premier au dernier, parce que saint Paul a dit à l'Eglise : Si lui-même ou un ange du Ciel vient lui enseigner une doctrine autre que celle qu'il a enseignée, qu'il soit anathème. Il est donc permis à Arius selon ton sentiment et d'après cette citation, de dire au concile de Nicée : "Je n'accepterai pas votre doctrine parce que saint Paul a défendu à quiconque d'enseigner à l'Eglise une doctrine autre que celle qu'il a enseignée lui-même." Il est aussi permis à Macédonius de dire au second concile : "Je n'accepterai pas votre doctrine parce que saint Paul a défendu à quiconque d'enseigner à l'Eglise une doctrine autre que celle qu'il a enseignée lui-même, et que le concile antérieur a aussi défendu de rien ajouter à sa décision et d'en rien supprimer." Si cela te semble bon, hérétique, tu nous réduis facilement à garder les livres de l'Ancien et du Nouveau (Testament), nous pourrons dire sans souci avec Arius : "Le Fils est créé", et nous dirons impunément avec Macédonius : "Le Saint-Esprit est créé", et sans crainte d'être blâmés nous confesserons la doctrine de qui nous voudrons d'entre les hérétiques, en judaïsant le Christianisme, comme nous l'avons déjà dit.
    Mais c'est tout le contraire. Hérétiques, vous avez mal entendu la pensée des Pères ; car la sainte Eglise ressemble au fils du roi, et les Pères sont les médecins à qui le roi confia le soin de lui conserver la santé et d'en éloigner toute maladie et toute faiblesse ; or les hérésies ne sont que des maladies et des faiblesses. Le médecin à qui a été confié son corps ne commet pas une faute si, voyant le corps du fils de ce roi saisi par une maladie, il chasse cette maladie par un traitement approprié. Et si, après cela, il vient à dire : "Il est défendu à quiconque de changer la moindre chose au traitement que j'ai prescrit", nous comprenons que ce médecin veut seulement dire qu'il n'est permis à personne de soigner cette maladie par un traitement différent de celui qu'il a prescrit lui-même. Ce médecin ne dit pas aux médecins qui viendront après lui : "Si le (corps du) fils du roi a dans la suite une autre maladie, il n'est pas permis de le soigner autrement" ; sinon il mettrait l'enfant du roi en péril et il serait traître et ennemi du roi. Ainsi chacun de ces saints conciles a préparé un remède propre à l'hérésie qui a surgi à son époque, et il a fait connaître à tout le monde que le remède qu'il lui prescrit est efficace et approprié à la maladie de cette hérésie, et que personne ne doit la traiter ni la combattre d'une autre manière qu'il a fait lui-même. S'il défendait aux médecins spirituels qui viendront après lui, quand une autre hérésie se manifestera dans leur vie, de lui préparer un autre remède et de faire cesser la maladie, il serait traître et ennemi du Christ. Plaise au ciel que jamais un concile réuni par le Saint-Esprit ne soit ainsi !
    Vous tous les hérétiques, vous avez mal entendu la parole des Pères. Satan, ennemi des hommes, se moque de vous et, vous fascinant, il vous porte à blasphémer contre le Saint-Esprit quand vous censurez les décrets du concile qui sont les décrets du Saint-Esprit lui-même, comme je l'ai dit. Les Apôtres, lorsqu'ils ont prononcé leur décision contre l'hérésie qui s'agitait à leur époque, ont déclaré que "C'est l'avis du Saint-Esprit et le nôtre", faisant connaître à tout le monde que leur avis est celui du Saint-Esprit ; par conséquent, quiconque blasphème contre la décision d'un concile blasphème contre le Saint-Esprit lui-même.
    Tu disais, hérétique, du concile qui t'a condamné : Il a contredit le concile qui était avant lui, si l'on veut examiner bien sa décision ; et par conséquent, comme tu le prétends, il est évident qu'il n'est pas du Saint-Esprit, car l'Esprit-Saint ne se contredit pas.
    Nous te répondrons, hérétique : Ton esprit est obtus et tu n'es pas éclairé par l'Esprit-Saint à cause de ta mauvaise foi ; c'est pourquoi tu penses que ce concile qui t'a condamné a contredit le concile antérieur. Mais tu ne dois pas avoir une part avec ce concile dans sa définition si tu comprends bien ce que le Saint-Esprit t'a ordonné par la bouche de Moïse chef des prophètes ; tu dois plutôt accepter la définition du concile sous peine de mort spirituelle. Le Saint-Esprit n'a pas laissé l'assemblée des Apôtres tomber d'aucune manière dans l'erreur, puisqu'il lui a confié de juger les différends qui s'élèveraient au sujet de la doctrine, comme nous l'avons déjà expliqué plusieurs fois : autrement le Saint-Esprit, qui a imposé aux hommes de lui obéir, serait la cause principale de l'erreur enseignée aux hommes par ce concile. Plaise au Saint-Esprit qu'il n'en soit pas ainsi I Si tu te permets de censurer le décret du concile qui t'a condamné et de critiquer sa définition, en disant qu'il a contredit le concile antérieur, il faut permettre à Arius de censurer aussi la définition du concile de Nicée qui le condamna en disant que sa définition est en contradiction avec l'évangile des Apôtres ; il faut permettre encore à Macédonius de censurer la définition du deuxième concile qui l'a condamné en disant que sa parole est en contradiction avec la définition du premier concile. Mais je ne pense pas que tu fasses cela en prétendant avoir droit de discuter avec le concile qui t'a condamné.
    Puisque vous avez soumis vos objections, tous les hérétiques, ni vous et aucun autre, vous ne devez pas vous permettre de censuser les saints conciles ni vous opposer d'aucune manière à leur définition ; autrement le Saint-Esprit aurait inutilement ordonné, par la bouche de Moïse, chef des prophètes, de mettre à mort celui qui n'accepte pas la définition du concile : sinon, chacun pourrait accuser le concile si ce concile prononce contre lui un jugement; et il pourrait refuser d'accepter sa décision pour cette fausse accusation et se sauver de la peine de la mort spirituelle ; mais le Saint-Esprit ne laissa à personne cette liberté ; de plus, il prononça clairement la peine de mort contre celui qui ne se soumettra pas à la définition du concile, et cela pour quiconque quel qu'il soit, sans exception; il ne laisse à personne un prétexte pour éviter la mort en accusant ce concile ou en agissant de toute autre manière. Sachez bien, vous tous hérétiques, que vous tombez tous sous le coup de cette menace : quiconque désobéit à ces saints conciles, le Christ le condamne à mort, et il vous dépouille du Saint-Esprit qui habitait en vos cœurs. Voyez donc qui doit y habiter.
    Sachez bien ceci, vous tous qui êtes rebelles à l'Esprit-Saint : celui qui, parmi vous, ne prétend pas être savant, nous l'avons éclairé sur la voie de la vérité, et il n'aura aucune excuse en repoussant les saints conciles auxquels il sait déjà qu'il est tenu de se soumettre ; rien ne peut le tenir éloigné du royaume de Dieu ou chassé du festin nuptial du Christ s'il suit ces saints conciles ; et celui qui prétend être savant, est semblable aux prêtres des Juifs et aux pharisiens qui ont empêché les Juifs d'entendre l'enseignement du Saint-Esprit et leur ont donné la lie de leur intelligence obscure pour les enivrer, de manière qu'ils ont méconnu le Christ annoncé par l'Ecriture Sainte et que, séduits par eux, ils l'ont crucifié. Ainsi vous avez trompé ces malheureux en les empêchant d'obéir au Saint-Esprit qui a fait parler ces saints conciles; vous leur avez offert la saleté de votre intelligence obscure et ce que vous étudiez dans l'aveuglement de vos cœurs ; vous les avez fait blasphémer contre le Saint-Esprit. Vous êtes ainsi perdus et vous avez perdu les autres, vous avez enchaîné au fond de l'enfer ceux qui vous suivent; mais le diable vous enchaîne tous, il vous retient comme compagnons dans le feu de l'enfer préparé pour lui et pour ses anges, vous y faites sa consolation et sa joie.
    Quelqu'un de vous prétendrait-il se mettre d'un côté et mettre le concile de l'autre, et dire : "hommes, ne croyez pas ce concile, mais croyez-moi, car j'en sais plus que lui, je suis plus recommandable que lui ?" Malheureux ! quand donc as-tu mérité d'avoir cette sagesse ou plutôt cet aveuglement plus que tous les hommes ? quand donc es-tu devenu le plus clairvoyant de tous les hommes dans leurs intérêts ou plutôt le plus grand trompeur? Il aurait fallu que le Saint-Esprit te fit connaître depuis longtemps aux hommes, si tu es vraiment ce que tu penses être, afin qu'ils fussent fixés sur ta personnalité ; il aurait fallu qu'il te caractérisât comme il avait caractérisé ce concile ; il aurait fallu qu'il donnât dans la Sainte Ecriture tes signes de cognoscibilité comme il avait fait pour ce concile; il aurait fallu, de plus, qu'il obligeât les hommes à te suivre comme il les avait obligés à suivre ce concile. Mais je ne suis pas étonné de cela, aveugle qui ne sais ni ce que tu dis, ni ce que tu raisonnes, comme parle saint Paul; tu es si ignorant et si enveloppé par l'obscurité de l'erreur, que tu ne sens plus ton état. Je m'étonne plutôt de voir ces malheureux abandonner l'obéissance à ces saints conciles selon l'ordre du Saint-Esprit et se laisser conduire par toi comme l'aveugle dont parle Notre-Seigneur dans l'Evangile : "Un aveugle conduit un autre aveugle et tous les deux tombent dans la même fosse." Et comme dit saint Paul : "Ils ont pris plusieurs faux docteurs comme vous à cause de la démangeaison de leurs oreilles." (II Tim, IV, 3.)
    Mais, nous, orthodoxes et enfants de la sainte Eglise, nous rendons gloire et action de grâces au Christ, notre Dieu, qui nous a accordé la bonne volonté et l'obéissance aux saints conciles que le Saint-Esprit a fait parler. Nous sommes dans sa maison et dans le bercail de ses troupeaux. Par sa protection, nous sommes sauvés de Satan qui, comme un loup dévorant, rôde autour de nos âmes pour surprendre celui qui se hasarde à sortir de l'Eglise et en faire sa proie. Nous supplions notre Seigneur et notre Dieu Jésus-Christ de nous affermir pour toujours sur le roc de son Eglise sainte et de nous faire boire la liqueur de sa douce doctrine. Nous serons ainsi enivrés de son amour qui remplit nos âmes et nos cœurs de joie et de bonheur en nous portant à lui obéir par l'observation de ses commandements, pour vivre éternellement et hériter son royaume céleste préparé pour tout ce qui a été édifié sur le fondement de saint Pierre par le Saint-Esprit. Esprit-Saint, faites-nous connaître le Christ, le Fils éternel de Dieu, qui s'est incarné de la Vierge Marie par le Saint-Esprit pour notre salut.
    A lui soit la gloire, la puissance, la majesté et l'adoration, avec le Père et le Saint-Esprit, maintenant et toujours, dans les siècles des siècles.
    Ainsi soit-il.
    (1) C'est la lecture la plus correcte des manuscrits et la plus vraisemblable pour l'histoire de ces hérétiques contemporains de Théodore.


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  • Traité arabe de Théodore Abu Qurrah,
    "Démonstration de la foi de l'Eglise par les deux Testament et les Conciles"
    n° IX dans l'édition de Constantin BACHA

    DÉMONSTRATION De la sainte Loi de Moïse et des Prophètes qui ont annoncé le Messie.
    Du saint Evangile prêché aux Gentils par les Apôtres du Christ né de la Vierge Marie.
    De l'orthodoxie attribuée par tous les hommes aux Chalcédoniens.
     et Réfutation des doctrines de toutes les sectes qui se nomment chrétiennes
    par le magister-philosophe,
     notre saint P. Théodore,
     évêque de Haran.


     Première partie : "Sur l'Ancien Testament"
    (Cette partie est intitulée "against the jews" par Lamoreaux)

    Dieu apparut à Moïse au mont Sinaï et le choisit pour être le législateur des enfants d'Israël. Il lui ordonna d'aller voir Pharaon, roi d'Egypte, pour délivrer de ses mains les enfants d'Israël. Moïse, effrayé de la grandeur de l'affaire que le Seigneur voulait lui confier, se dispensa de cette mission en s'excusant ainsi : "Qui suis-je pour aller voir Pharaon et délivrer votre peuple de sa main ?" Le Seigneur lui dit : "Je t'assisterai et je te soutiendrai dans tes paroles ; va donc convoquer les chefs des enfants d'Israël et leur dire : "Le Seigneur Dieu de vos pères, Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob, m'a envoyé pour vous." Moïse dit au Seigneur : "Si je vais aux enfants d'Israël leur dire : "Le Dieu de vos pères m'a envoyé pour vous, que faudra-t-il leur répondre s'ils me demandent quel est son nom ?" Le Seigneur dit à Moïse : "Tu leur répondras : "Celui qui ne cesse pas d'être m'a envoyé à vous." Le Seigneur ajouta : "Car je suis celui qui ne cesse pas d'être; je suis le Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob." Moïse répliqua ainsi : "Supposez que j'aille leur dire ces paroles, que faudra-t-il leur répondre s'ils me disent : "Tu es un menteur, le Seigneur ne t'a point apparu ?" Le Seigneur dit à Moïse : "Qu'as-tu en ta main ?" Moïse lui répondit : "Une verge." Le Seigneur dit à Moïse : "Jette-la à terre." Moïse la jeta, et elle fut changée en un serpent qui effraya Moïse de sorte qu'il s'enfuit. Le Seigneur dit encore à Moïse : "Prends-le par la queue." Moïse saisit le serpent par la queue et il se transforma de nouveau en verge. Le Seigneur ajouta : "Mets ta main sous le pan de ta manche." Moïse le fit, et à l'instant sa main fut couverte d'une lèpre d'une blancheur éclatante comme la neige. Le Seigneur lui dit encore : "Remets ta main sous le pan de ta manche." Moïse la remit et il la retira de nouveau de la même couleur de sa chair. Le Seigneur dit aussi à Moïse : "Si les enfants d'Israël croient au premier miracle, tu auras atteint ton but ; s'ils ne croient pas, ils croiront au second ; et s'ils ne croient même au second, prends de l'eau du Nil et répands-la sur la terre ; elle sera changée en sang, pour leur faire savoir que le Dieu de leurs pères t'a envoyé." Lors donc que Moïse reçut de Dieu le don des miracles, il accepta avec peine d'aller en Egypte.
    Il faut conclure, de ce qui précède, que l'homme raisonnable et attentif ne doit pas accepter la religion de quiconque sans des miracles : car Moïse savait bien que s'il prétendait être élu de Dieu comme législateur, sans prouver sa mission par les miracles que Dieu seul peut faire en sa faveur, tout homme pourrait le démentir et le mépriser en le chassant ; et s'il était muni du don des miracles, il aurait des armes assez fortes pour convaincre quiconque veut sincèrement son salut et l'amener à embrasser la religion qu'il lui prêche. Ainsi donc l'homme raisonnable ne doit pas accepter une religion non fondée sur des miracles divins qui prouvent que son législateur est de Dieu ; celui qui donc embrasse une religion sans cette condition, néglige l'affaire la plus importante pour laquelle Dieu donna l'intelligence à l'homme et il risque de se perdre en se laissant conduire à sa perte par celui qui veut l'écarter de la voie de vérité qui conduit à la vie bienheureuse après laquelle les esprits aspirent. Ceux donc qui ont accueilli la religion prêchée par Moïse sont dans la bonne voie ; parce qu'il a prouvé la divinité de sa mission en opérant les miracles qui ne se font que par la toute-puissance de Dieu. Lors donc que Moïse leur parla des choses passées, comment Dieu créa le ciel et la terre, et leur rapportant des choses qu'ils ne connaissaient pas, ils ont bien fait de croire en lui; car Dieu n'accorde le don des miracles qu'à celui qui fait sa volonté et travaille à la conversion des autres.
    Ainsi Jésus-Christ notre Dieu, la véritable Sagesse, n'a commencé à prêcher son Evangile qu'après avoir prouvé sa Toute-Puissance divine par des miracles; laissant venir à lui pour les guérir tous ceux qui étaient affligés par les infirmités et les maladies. Les foules alors accouraient vers lui de la Galilée, de Jérusalem et des pays au delà du Jourdain. Lorsqu'il se vit entouré de ces foules, il appela ses Apôtres et commença la prédication de sa doctrine en disant : "Heureux sont les pauvres en esprit, car ils ont le royaume du ciel." Et il continua la promulgation de sa loi dans la suite, accompagnant toujours ses préceptes des miracles, comme Moïse, jusqu'à ce qu'il eut accompli toute l'économie de sa vie en mourant sur la croix, en se faisant ensevelir et ressuscitant le troisième jour. Donc, ceux qui ont reçu Jésus-Christ à cause de ses innombrables miracles sont également dans la bonne voie et ils ont aussi des motifs bien plus forts que ceux qui ont reçu Moïse pour ses prodiges.
    Si vous faites un parallèle entre les deux, vous trouvez sans doute Jésus de beaucoup supérieur à Moïse, bien que celui-ci aussi soit grand, car les miracles de Jésus sont innombrables. Il ne se borna pas aux miracles qu'il faisait lui-même, mais il accorda à ses Apôtres le pouvoir d'en faire en son nom. Moïse a fait des miracles, mais peu nombreux, et par la Toute-Puissance de Dieu, son ordre et son secours, non par sa force propre ; néanmoins il n'a dit à personne : "Va faire des miracles en mon nom." Il était juste qu'il eu fût ainsi des deux. Parce que Jésus-Christ est Dieu et Fils de Dieu, par conséquent il est capable de faire des miracles par sa propre vertu et d'accorder cette puissance à qui il lui plaît pour en faire de semblables en son nom. Mais Moïse n'était qu'un serviteur et il n'opérait pas les miracles par sa propre force, mais par la Toute-Puissance de Dieu; c'est pourquoi il n'en faisait aucun avant de recevoir l'ordre exprès de Dieu ou de recourir à la prière pour demander à Dieu qu'il lui accordât de le faire. Moïse a fait des miracles par la Toute-Puissance de Dieu et son ordre ou en recourant à son aide ; de même les Apôtres ont fait des miracles non au nom de Dieu, mais de Jésus-Christ, par sa force et son ordre ou en recourant à son secours. De plus, les Apôtres étaient de beaucoup supérieurs à Moïse : car celui-ci n'opérait ses miracles qu'après en avoir reçu l'ordre de Dieu ou après avoir recouru à son assistance par la prière ; mais les Apôtres faisaient souvent leurs miracles sans faire des prières; ils ne faisaient que dire : "Au nom de Jésus-Christ, que ce mort ressuscite, que cet aveugle ouvre les yeux, que ce paralytique soit guéri !" et l'effet répondait toujours aussitôt à leurs paroles. Ils ne se bornaient pas là; car saint Pierre, en passant parmi les malades, guérissait ceux qui se trouvaient dans son ombre même; le manteau de saint Paul guérissait aussi les malades sur lesquels on l'imposait.
    La parole de David a donc été réalisée dans les Apôtres, lorsqu'il dit : "Dieu donne grande force à la parole des porteurs de bonne nouvelle." (Ps. Lxvii, 12.) Les Juifs avaient moins de raison d'accueillir Moïse que les Gentils n'en avaient d'accepter Jésus-Christ; car ce dernier surpasse Moïse autant que la lumière du soleil surpasse en éclat celle de la lampe. Les Gentils pouvaient se contenter des miracles que les Apôtres ont opérés en leur présence au nom de leur Maître : ces miracles doivent seuls leur faire accueillir Jésus-Christ et croire à tout ce qu'il a dit de lui-même et à tout ce que ses Apôtres ont rapporté de lui, sans recourir aux prédications de Moïse et d'autres prophètes en sa faveur. Lorsque Moïse s'est présenté aux enfants d'Israël, ceux-ci, en effet, ont cru à sa mission et ont accepté tout ce qu'il leur rapportait de la part de Dieu, pour les seuls miracles qu'il a faits en leur présence, bien qu'aucun prophète antérieur n'ait prédit sa venue. Les enfants d'Israël n'ont pas exigé de lui, outre ces miracles, la prophétie d'un autre prophète en sa faveur pour prouver sa mission. De même les Gentils pouvaient avec raison croire en Jésus-Christ à cause de ses innombrables miracles et de ceux de ses Apôtres sans recourir aux prédications antérieures de Moïse et d'autres prophètes en sa faveur. Donc, à plus forte raison, il nous faut accueillir Jésus-Christ avec plus d'empressement que ceux qui ont reçu Moïse, à cause de l'avantage d'être prédit par Moïse et tous les autres prophètes qui ont annoncé sa venue et toute l'économie de sa vie; comme son crucifiement (Is.,lxv, 2), son côté transpercé (Zac, XII, 10), les mains et les pieds cloués, son vêtement tiré au sort (Ps. xxi, 18), le visage souillé de crachats (Es., l, 6), son dos couvert de coups (Ps. lxxii, 14), ses blessures expiant les péchés des hommes et guérissant les faiblesses de leurs fautes (Is., lui, 5), le vinaigre qu'il a pris avec le fiel d'amertume. (Ps. Lxviii, 22.) Tous ces passages sont bien connus dans les livres des prophètes, et ils sont très précis.
    Je m'étonne, Juif, que tu aies reçu Moïse à cause de ses miracles peu nombreux, et que tu refuses de recevoir Jésus-Christ avec ses miracles innombrables. Si tu es juste, tu aurais dû l'accepter sans les prédications de Moïse et d'autres prophètes, comme tu avais accepté Moïse pour ses miracles seuls sans lui demander en sa faveur une prophétie antérieure pour prouver sa mission. Si Moïse t'avait défendu d'accepter les prophètes qui devaient venir après lui, comme Jésus-Christ a fait à ses disciples, tu aurais raison de douter de Jésus-Christ; mais au contraire, Moïse, dans sa loi sainte, t'a promis un prophète qui doit venir après lui et il t'ordonne d'une manière très précise de l'écouter et de lui obéir dans tout ce qu'il te commande. Il te menace encore de la mort, si tu refuses de l'entendre. Il dit aussi d'une manière plus précise que ce prophète est comme lui législateur et maître d'une nouvelle alliance. (Deut. xviii, 15-18.) Cette prophétie précise t'oblige de recevoir ce prophète unique à qui Moïse t'ordonne d'obéir sans tenir compte de tous les autres prophètes. Et lorsque Moïse t'a rapporté la prophétie de Jacob qui dit : "La prophétie ne disparaîtra jamais de vous jusqu'à la venue du Messie qui est l'espérance des nations" (Gen., Lxix, 10), il a justifié et approuvé en général tous les prophètes qui étaient avant Jésus-Christ; et en particulier ce prophète unique auquel il vous a souvent ordonné, de la part de Dieu, d'obéir. Donc la prédication de la venue de ce prophète-législateur par Moïse ne te laisse pas hésiter un moment à accueillir Jésus -Christ et à croire en lui à cause de ces miracles qu'il a faits. Tu dois raisonner ainsi : "Le prophète auquel Moïse m'a ordonné d'obéir est sans doute ce Jésus qui faisait des miracles innombrables, autant que Moïse n'en a jamais fait; et si Moïse n'avait rien dit à son sujet, ces miracles seuls m'obligent avec raison de l'accepter sans exiger une prédication antérieure en sa faveur pour prouver sa mission de la même manière que j'ai accepté Moïse."
    Il faut savoir, Juif, que ce prophète est législateur et maître d'une nouvelle alliance ; c'est pourquoi le Seigneur vous a ordonné d'une manière toute particulière de lui obéir, et il vous a souvent réitéré cet ordre. Voici ce qu'il dit dans Jérémie : "Des jours viennent, dit le Seigneur, où je ferai pour les enfants d'Israël et pour la maison de Juda une nouvelle alliance, non comme celle que j'ai faite pour leurs pères lorsque je les ai fait sortir de la terre d'Egypte." (Jer., xxxi, 31.) David dit au Seigneur : "Donnez-leur, Seigneur, un législateur, afin que les nations sachent qu'ils sont des hommes." (Ps. ix, 20.)
    Tu dis, Juif : "Mes ancêtres, qui étaient contemporains de ce Jésus et qui l'ont vu, sont tous morts, et par conséquent je ne connais pas qu'il a fait des miracles." Nous te dirons: Il est bien facile pour toi de connaître cela, si tu désires sincèrement ton salut; car tu devais savoir que Jésus-Christ a fait ces miracles qui ont converti les Gentils, et ont fait embrasser sa doctrine en faisant faire la guerre à leurs esprits, à leurs passions et à leurs plaisirs, de sorte qu'ils ont laissé l'abondance pour la pauvreté, la licence pour la chasteté, la richesse pour les angoisses de la vie, la mollesse pour les mortifications, et les plaisirs pour la renonciation complète au monde, aux voluptés de la chair et aux honneurs. Il les oblige à souffrir la mort, et tous les genres de supplices, plutôt que de le renier ; il leur dit : "Quiconque me reniera devant les hommes, je le renierai devant mon Père qui est aux cieux." Il leur dit aussi : "Ce que je vous dis dans le secret, publiez-le sur les toits. Ne craignez point ce qui ôte la vie du corps et ne peut pas ôter la vie de l'âme ; mais craignez celui qui peut ôter la vie du corps et celle de l'âme et jeter les deux dans le feu de l'enfer." Il dit aussi : "Celui qui perd son âme pour moi, la trouvera dans la vie éternelle." Il dit encore : "Quiconque me suit et ne hait pas son père, sa mère, ses frères, ses sœurs, ses enfants et tous ses parents pour moi, n'est pas digne de moi. "Il leur dit : "Je vous laisse comme les moutons parmi les loups." Il leur dit ailleurs : "Le monde sera dans la joie et vous dans la tristesse." (Joan,, xvi, 20.) "Des jours viennent où quiconque vous tuera, croira offrir un sacrifice à Dieu." (Joan., XVI, 2.)
    Il les obligea à se mortifier par la privation des plaisirs et l'extermination de la moindre passion en disant : "Quiconque vous frappe à la joue, présentez-lui l'autre. Celui qui veut vous arracher votre tunique, donnez-lui encore votre manteau. Si vous regardez une femme pour la convoiter, vous avez commis un adultère dans votre cœur. Si vous appelez votre ami Raca ou fou, vous méritez le feu de l'enfer." Il dit aussi : "Vous avez entendu dire aux anciens : Tu aimeras ton ami et tu haïras ton ennemi. Et je vous dis : Aimez vos ennemis et priez pour eux."
    Dis-moi, Juif, comment les Gentils ont pu recevoir Jésus-Christ avec une loi si sévère qui les porte à se sacrifier, avec la faiblesse qu'il a voulu montrer en souffrant le crucifiement avec ses douleurs et ses opprobres. Ses ennemis l'ont insulté, ils lui ont cloué les mains et les pieds en le suspendant sur la croix ; ils lui ont fait boire du vinaigre et prendre du fiel; ils l'ont fait tellement souffrir, qu'il a laissé couler de son corps une sueur forte comme des grumeaux de sang, et, étant sur la croix, il a crié : "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?" Tout cela aurait dû effaroucher ceux qui l'entendaient, et les empêcher de suivre Jésus-Christ et de le prendre pour Dieu comme les Gentils avaient fait; car il est bien évident que si ces miracles racontés dans les Evangiles et les livres des Apôtres n'avaient pas été réellement opérés, Jésus-Christ n'aurait pas été reçu, car ce sont les miracles qui contraignaient les esprits et les obligeaient de le recevoir et de croire en lui.
    Si Jésus-Christ voulait tromper (le monde), il aurait dû défendre à ses Apôtres de révéler aux Gentils ces faiblesses, et il aurait du leur ordonner de l'exalter et de le faire plus grand et plus beau qu'il n'était; il aurait dû les attirer par une doctrine libre et licencieuse pour rendre leur conversion plus rapide et plus facile. Mais il n'a rien fait de tout cela : il a voulu se montrer ainsi déshonoré à ceux à qui il prêchait sa doctrine et il les obligeait à se mortifier et à mourir pour sa cause.
    C'est bien étonnant que Moïse ait fait connaître Dieu et l'ait glorifié, en rapportant qu"il créa le ciel et la terre, qu'il est plus haut que le ciel, et qu'il l'ait exalté et loué de toutes les manières ; qu'il ait délivré les enfants d'Israël de la tyrannie de Pharaon ; qu'il ait séparé pour eux les eaux de la mer ; qu'il leur ait fait tomber du ciel la manne et les cailles; qu'il ait fait couler pour eux les eaux des rochers ; qu'il ait combattu pour eux les nations ; qu'il leur ait fait cette promesse : "Le Seigneur vous aidera pour anéantir les nations de la Syrie et posséder leur pays", et qu'il leur ait donné une loi très large, néanmoins il n'a pu convertir aucun des Gentils. Les enfants d'Israël eux-mêmes n'ont pas bien cru à sa parole ni en son Dieu; car, lorsque le Seigneur est descendu sur le mont Sinaï qu'il a fait trembler et fumer, les enfants d'Israël se sont effrayés de cet aspect; mais à peine sont-ils descendus du Sinaï qu'ils adorent le veau.
    Lorsque les Apôtres se sont répandus parmi les Gentils, ils leur ont révélé les souffrances et le crucifiement de leur Maître avec ses paroles qui indiquent sa faiblesse, et ils les ont obligés à observer cette loi si sévère que Jésus-Christ a donnée; cependant tout le monde a répondu à leur appel. Qui est-ce qui ignore donc que cela est ainsi arrivé par la vertu des miracles que les Apôtres opéraient au nom de Jésus-Christ d'une manière supérieure à ceux de Moïse comme le ciel l'est à la terre?
    Tu ne peux pas dire, Juif, que les Gentils ont suivi Jésus-Christ par esprit de parti, c'est-à-dire par zèle pour la religion nationale qu'ils partageaient avec lui (nationaliste). Cette raison est plutôt contre vous. On peut avec raison vous adresser cette accusation, que vous avez suivi Moïse qui est de votre peuple, par esprit de parti de votre religion nationale, avec l'espoir d'avoir part aux honneurs et à l'autorité que Dieu lui a donnés. On ne peut pas dire la même chose des Gentils qui ont suivi Jésus-Christ, car les Apôtres qui ont évangélisé les Gentils étaient des Juifs et ils leur prêchaient un homme qu'on croit être juif. Tout cela aurait dû leur inspirer de l'aversion et de l'horreur pour lui, parce que les Juifs étaient, en général, les ennemis détestés de toutes les nations; de plus, leur doctrine n'avait rien de ce qu'on ambitionne dans ce monde, comme les honneurs et la puissance : elle est tout à fait opposée à cela. Sache bien, Juif, que les Gentils n'ont pu prendre Jésus -Christ pour Dieu et se soumettre à sa loi avec cette grande et profonde obéissance qui leur faisait chaque jour sacrifier la vie, que par la vertu des miracles que les Apôtres ont opérés en leur présence en son nom.
    Tu dirais, Juif : Les Gentils ont suivi Jésus-Christ par ignorance. S'il en est ainsi, prends ces paroles que les Apôtres disaient de Jésus Christ et prends cette loi qu'il leur a imposée, et essaye de le faire croire ou accepter à un seul homme ignorant. Tu ne le pourras jamais, parce que les gens ignorants ont de l'horreur de ces choses plus que tous. Comme les animaux, ils ne cherchent, en effet, qu'à satisfaire leurs plaisirs ; leur intelligence n'est capable de comprendre que les discours vulgaires et illusoires. En vérité, ta religion a plus d'attraits pour ces gens que le christianisme, parce qu'elle grandit beaucoup Dieu et fait voir sa majesté si terrible; elle permet les licences, elle permet la jouissance des honneurs, de l'autorité, du miel et du lait ; elle permet la polygamie et le divorce pour la moindre raison, de subjuguer les nations qui devront te porter sur les épaules , comme tu prétends ; ils seront tes esclaves, et leurs filles tes servantes ; tu bâtiras une ville en émeraude et en hyacinthe. De telles choses peuvent bien facilement séduire les esprits ignorants et captiver leur ambition, ce n'est pas étonnant d'avoir beaucoup de partisans si Ton prêche une religion si pleine d'attraits, surtout si elle a été favorisée par une puissance qui la protège, comme nous avons vu cela arriver.
    Tu dirais, Juif : Ceux qui ont suivi Jésus-Christ étaient des philosophes; c'est la philosophie qui les a conduits à lui. Tu dois donc suivre leur exemple dans cette philosophie qui les a conduits à Jésus-Christ, comme tu l'avoues bien. Mais ces choses ignominieuses qu'on rapporte de Jésus-Christ, les philosophes ou les sages de ce monde ne les croient pas, elles surpassent toute intelligence humaine; à moins que le Saint-Esprit ne répande sa grâce sur leurs âmes, leur apprenant par sa lumière que Jésus-Christ est Dieu. Saint Paul écrit en effet : "Personne ne peut dire : Jésus-Christ est Dieu, que par le Saint-Esprit." Si tu ne crois pas cela, essaye de porter la doctrine chrétienne à tous les philosophes du monde pour la faire accepter à un seul ; mais je suis sûr que tu ne le pourrais jamais, car les sages de ce monde ne cherchent que les honneurs de ce monde et ne croient que ce qui est conforme aux lois de la nature qu'ils étudient d'une manière plus particulière que les gens vulgaires : ils se vantent de la subtilité de leurs discours et de l'harmonie séduisante de l'expression. La doctrine chrétienne est tout à fait le contraire. En effet, comme dit saint Paul : "Dans la sagesse de Dieu, le monde n'a point connu Dieu par la sagesse, et Dieu a aimé de sauver ceux qui croient à la folie de la prédication." (I Cor., i, 21.)
    Si tu dis, Juif : "Ces gens étaient d'une intelligence moyenne", tu ne dis pas la vérité; car les gens de moyenne intelligence ne font rien qu'avec réflexion et résolution, et ils ne croient que ce qui est semblable aux vérités dont ils ont acquis la certitude par le sens et l'expérience. Donc, on ne peut pas prêcher la doctrine chrétienne à ces esprits à qui elle répugne et qui la repoussent avec mépris.
    Puisque tu as accepté, Juif, ce que nous avons avancé, tu dois nécessairement avouer que les Gentils n'ont accepté Jésus-Christ que par la vertu de ses miracles qu'ils ont vus, d'après le récit des Evangiles et les livres des Apôtres ; et par la grâce du Saint-Esprit qui éclaira leurs intelligences et leur persuada que Jésus est Dieu et Fils de Dieu, chose qu'il disait de lui-même. Ces Gentils qui ont accepté Jésus-Christ sont aujourd'hui les cinq sixièmes du monde. Bien qu'il ait souffert les passions et les douleurs de la croix il n'a pas souffert tout cela en vain ou par faiblesse et impuissance, mais pour des raisons bien justes, cachées aux âmes que le Saint-Esprit n'a pas éclairées par sa grâce. Ce que nous avons dit prouve d'une manière évidente que les Gentils n'ont accepté Jésus-Christ que par la vertu des miracles mentionnés dans les Evangiles et les livres des Apôtres. Cela contraint nécessairement ton esprit à croire et à avouer la vérité de ces miracles, comme si tu les avais vus de tes propres yeux, car ce sont les miracles qui ont persuadé aux Gentils que Jésus-Christ est véritablement Dieu et Fils de Dieu ; or Jésus-Christ et ses Apôtres ont témoigné que Moïse et tous les autres prophètes étaient des messagers de Dieu ; donc, par le témoignage de Jésus-Christ et par celui de ses Apôtres, Moïse et les prophètes sont constatés et prouvés comme de vrais messagers de Dieu.
    Si l'on te demande une raison qui prouve (la divinité de) la mission de Moïse ou celle d'un autre prophète, tu ne le pourrais pas faire; car la loi de Moïse est restée environ cinq mille ans sans pouvoir persuader à aucun des Gentils qu'elle est de Dieu. De plus, vos pères eux-mêmes n'ont pas conservé la loi ni le vrai culte de Dieu. Mais lorsque Jésus-Christ est venu, il a persuadé tous les Gentils par ses miracles et il leur a constaté Moïse et les autres prophètes, de sorte qu'il est devenu leur prédicateur.
    Il a bien raison de faire cela et il doit le faire, car c'est lui qui les envoya avec ordre de les annoncer et de le caractériser, afin que les hommes ne le repoussent pas en le voyant marcher sur la terre. C'est pourquoi Michée avait prédit sa venue en disant : "Ecoutez, toutes les nations; soyez attentifs, tous les peuples : que le Seigneur soit témoin contre vous; le Seigneur sortira de son lieu et descendra marcher sur la terre. C'est pour le péché de Jacob et à cause des crimes d'Israël." (Mich., i, 1-5.) Baruch avait dit de lui : "C'est lui qui est notre Dieu, nul autre ne lui est comparable; il a trouvé la voie de la connaissance et il l'a donnée à Jacob son chéri et à Israël son ami. Après cela il est apparu et il a marché parmi les hommes." (Bar., iii, 36.)
    Le Seigneur ordonna à Moïse de faire son frère Aaron prêtre et d'offrir des sacrifices comme il lui en a montré l'exemple dans la montagne. (Ex., xxv, 40.) Par ces paroles il t'a fait voir qu'il y a un autre prêtre dont Aaron est la figure, et un autre sacrifice dont ces sacrifices sont la figure. David, venu à son temps, t'a expliqué que ce prêtre dont Aaron était la figure est le Seigneur qui est assis sur le trône à la droite de Dieu et qu'il est le Fils de Dieu engendré de lui avant tous les siècles : "Le Seigneur dit à mon Seigneur : Assieds-toi à ma droite jusqu'à ce que j'aie mis tes ennemis sous tes pieds." (Ps. cix, 1.) Dieu dit encore à son Fils : "Je t'ai engendré dans mon sein avant le jour." Il lui dit encore : "Tu es le Prêtre éternel selon l'ordre de Melchisédech." (Ps. cix, 1-4.) Isaïe, venant ensuite, t'a expliqué ce sacrifice dont le tien est la figure, en rapportant ce que dit le Messie de lui-même : "Je ne désobéis pas, je ne discute pas, j'ai exposé mon dos aux fouets et ma joue aux coups, et je n'ai pas détourné mon visage de l'affront du crachat." (Is., l, 6.) Il dit de lui : "Il est sans aspect et sans beauté; nous l'avons vu, il n'avait ni aspect ni beauté : il avait un aspect misérable plus que tous les hommes ; il est l'homme blessé qui sait bien souffrir les maladies ; il était méprisé et sans compte ; il supporte nos maladies et il souffre pour nous ; nous avons pensé qu'il était blessé, frappé de Dieu ; mais il a été blessé pour nos péchés, c'est à cause de nos crimes que ces afflictions lui sont arrivées, il a pris sur lui le châtiment de notre salut et nous sommes guéris par ses blessures. Nous sommes tous égarés, comme des brebis; chacun de nous a égaré sa voie et le Seigneur l'a livré pour nos péchés. Lorsqu'il a été frappé il n'a pas ouvert la bouche ; on l'a mené comme une brebis à la boucherie et comme un mouton devant qui le tond en silence; par humilité il n'a pas ouvert la bouche." (Is., liii, 1-7.)
    Tout cela te montre bien, si tu as de l'intelligence, Juif, que ton prêtre Aaron était la figure de ce prêtre, et ton sacrifice était la figure de ce sacrifice ; car si ton prêtre, expiait les péchés et ton sacrifice faisait expier les fautes, le prêtre dont parle David serait inutile, et de même ce sacrifice dont parle Isaïe serait vainement établi par Dieu, et Moïse serait menteur en te disant que tu as la figure que David et Isaïe ont expliquée ensuite. Tu n'as pas compris alors cela comme Moïse te dit : "Vous avez vu ce que Dieu a fait en votre présence ; mais il ne vous a pas donné des yeux pour voir, ni des oreilles pour entendre, ni une intelligence pour comprendre." (Deut., xix, 4.) Si ces choses n'étaient pas des figures qui symbolisent des réalités, comment Moïse pouvait-il te dire sans mentir ; "Vous avez vu ce que Dieu a fait en votre présence, mais il ne vous a pas donné des yeux pour voir, ni des oreilles pour entendre, ni une intelligence pour comprendre?" Cela indique bien clairement que tu avais les figures et les symboles de la vérité. David te l'assure en disant : "Nos pères ne comprenaient pas vos miracles en Egypte." (Ps. cv, 7.) Cela est suffisant pour te guérir, Juif, si tu veux sincèrement le salut de ton âme comme un homme raisonnable, et tu aurais été guéri depuis, si tu acceptais cela des saints Docteurs de l'Eglise que le Saint-Esprit a fait parler et qui ont expliqué tout ce qui concerne Jésus-Christ par la raison et les Livres saints. Voici donc une démonstration de la doctrine chrétienne si bien raisonnée qu'elle oblige nécessairement tout homme raisonnable et de bonne volonté de l'accepter, car la raison conduit évidemment à Jésus-Christ, et celui-ci constate et justifie Moïse et les Prophètes ; donc nous avons l'Ancien et le Nouveau Testament, et, comme dit Salomon dans le Cantique des Cantiques : "Sur nos portes sont tous les fruits, les anciens et les nouveaux." (vii, 13.)


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  • "Démonstration de la Foi de l'Eglise"  
    Traité arabe n° 9 de l'édition de Bacha


    Présentation
    En 1904, le P. Constantin BACHA – melkite catholique – publiait en arabe à Beyrouth "Les oeuvres arabes de Théodore Aboucara, évêque d'Haran".
    L'année suivante, il reprenait un des traités de ce volume, le neuvième , qu'il rééditait accompagné d'une traduction française, sous le titre "Un traité des oeuvres arabes de Théodore Abou-Kurra, évêque de Harran".
    Le titre, qu'il reprend du manuscrit, est le suivant :

    Démonstration de la sainte Loi de Moïse et des Prophètes qui ont annoncé le Messie ;
    du saint Evangile prêché aux païens par les Apôtres du Christ né de la Vierge Marie ;
    de l'orthodoxie attribuée par tous les hommes aux Chalcédoniens.
    et
    Réfutation des doctrines de toutes les sectes qui se nomment chrétiennes.
    Par le maître-philosophe,
    notre saint père Théodore,
    évêque de Harran.


    Georg GRAF en fit le premier traité de son édition allemande des oeuvres de TAQ ("Die arabischen Schriften des Theodor Abu Qurra, Bischofs von Harran, 1910).

    Il fallut attendre 2005, et l'édition anglaise de John LAMOREAUX de "presque toutes les oeuvres de TAQ", pour que la partition du traité, que l'on constate déjà dans l'édition arabe de Bacha, soit prise en compte : il donne la première partie du traité (p 27) sous le titre "Against the Jews", et plus loin la seconde (p 61)  qu'il intitule "On the councils".


    Souhaitant mettre cette partition en valeur, nous le présentons aussi en deux parties. C'est toutefois la traduction de Bacha, à peine amendée, que je mets en ligne.


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  • Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, Dieu unique
    Voici l'exposé de la foi du saint père Théodore
    évêque de Harran, surnommé Abu Qurrah.
    Que sa prière soit avec nous.
    Amen.

    Je crois au Père, au Fils et au Saint Esprit, trois hypostases, une nature.

    Non une seule hypostase comme a dit Sabellius[1], ni trois natures comme a dit Arius[2] qui disait: "Le Fils et l'Esprit Saint sont créés, distincts en nature". Et je ne dis pas "Le Fils est consubstantiel au Père", déclarant l'Esprit saint étranger à la substance de ces deux personnes comme l'a dit Macédonius[3] Mais je dis que tous les trois sont une seule substance. Je reconnais parmi eux le Père comme principe, le Fils et l'Esprit comme ayant reçu leur origine[4] : je n'affirme pas trois principes, comme ceux qui se sont égarés complètement de l'orthodoxie.

    Je reconnais le Père comme engendrant, le Fils comme engendré, et l'Esprit-Saint comme procédant. Les trois sont égaux en substance et en force, et il n'y a entre eux aucune différence en cela comme le prétendait Apollinaire[5]. Mais je dis : Chacun possède une propriété personnelle qui ne disparaît pas ni ne se transmet, à savoir: engendrer, pour le père; être engendré, pour le Fils; et procéder pour l'Esprit[6]. C'est pourquoi le Père est Père et jamais ne sera Fils ou Esprit; le Fils est Fils et jamais ne sera Père ou Esprit; et l'Esprit est Esprit et jamais ne sera Père ou Fils. Les trois sont éternels. Aucun n'est plus ancien qu'un autre; car le Fils et l'Esprit, bien qu'ils trouvent leur origine du Père, le Père n'est aucunement plus ancien qu'eux, pas même de la durée d'un clin d'oeil.

    Et je reconnais chacun d'eux Dieu parfait, à lui seul. Et tous les trois sont un seul Dieu, et non pas trois dieux, comme l'a dit le malheureux Philopon[7], car leur substance est unique et le Fils et l'Esprit se rapportent au Père sans composition à l'intérieur de son hypostase ni mélange. Je crois aussi que ce Fils Éternel, né du Père avant tous les siècles, qui est Dieu de Dieu, est descendu du ciel à la fin des temps, pour nous et pour notre salut et s'est incarné du Saint Esprit et de la Vierge Marie et s'est fait homme[8], ayant pétri pour sa personne un corps animé par une âme raisonnable et spirituelle[9]. Et il devint un homme parfait comme l'un de nous, hormis le péché. Et il demeura Dieu parfait comme il l'est éternellement, car son "humanisation" n'a pas introduit en lui de changement.

    *
    *  *

    Ce Fils éternel, après son "humanisation", est une personne unique[10] ayant deux natures : la nature divine qui lui appartient toujours comme au Père et à l'Esprit, et la nature humaine qui est devenue sienne par son incarnation, comme elle l'est pour chacun de nous, hommes. Il est égal au Père et à l'Esprit dans la nature divine tout en étant égal à nous, humains, dans la nature humaine. Il est une personne de la Trinité, et la Trinité n'a pas reçu d'accroissement. Et cette personne, l'une de la Trinité, est celui qui est engendré du Père avant les siècles et le même qui est engendré de la Vierge Marie à la fin des temps en devenant homme. C'est pourquoi Marie est vraiment mère de Dieu[11].

    Et c'est le même qui a marché parmi les hommes, a mangé, a bu, a eu faim, s'est endormi, s'est fatigué, a été crucifié, est mort, a été enseveli et est ressuscité le troisième jour. Tout ceci lui est advenu dans la nature humaine, non dans la nature divine. Je ne dis donc pas comme Nestorius[12] que Celui qui est engendré de Marie est une personne autre que la personne éternelle engendrée du Père avant les siècles, affirmant que ces réalités humaines que nous avons mentionnées ont affecté la personne humaine et non la personne divine. Mais je dis que les [propriétés] divines, comme la résurrection des morts par son ordre puissant et les autres choses pareilles, aussi bien que les [propriétés] humaines appartiennent toutes à l'hypostase éternelle humanisée[13].

    Je ne dis pas non plus, comme Eutychès, Dioscore et Sévère[14], que le Christ n'a qu'une seule nature, soit purement divine (et j'aurais renié l'incarnation et j'aurais fait de l'économie[15] un fantôme)[16] ; soit composée de la divinité [et] de l'humanité, (et je ne l'aurais fait ni Dieu ni homme, car une nature composée de la divinité et de l'humanité n'est ni la nature du Père et de l'Esprit, ni la nature des hommes; d'où le Christ ne serait ni Dieu ni homme).

    *
    *  *

    Mais je dis : Ce Fils éternel fait homme possède deux séries de propriétés naturelles, deux volontés naturelles et deux activités naturelles. Je ne parle point comme les Maronites[17], privant la nature humaine d'une volonté naturelle et d'une activité naturelle. Cependant, les deux volontés naturelles et les deux activités naturelles appartiennent toutes au Fils éternel, le Verbe Dieu, l'une des hypostases de la Trinité. Je n'attribue pas la volonté divine et l'activité divine à cette hypostase éternelle, et la volonté humaine et l'activité humaine à une hypostase humaine. Mais j'enseigne que la volonté divine aussi bien que l'activité, la volonté humaine aussi bien que l'activité appartiennent toutes à l'hypostase éternelle, le Verbe Dieu, qui est devenu homme en réalité et est demeuré Dieu parfait comme il a toujours été selon que nous l'avons dit. Et je ne nie pas les deux propriétés naturelles comme les nie le scholastique Sévère l'âne[18], pour ne pas être acculé comme lui à introduire le changement, les souffrances, la mort et la localisation dans la nature divine et à corrompre les deux natures toutes deux et à les rendre étrangères à leur définition.

    Mais je dis que la divinité est demeurée, dans l'incarnation du Verbe, non sujette à la limitation, à la souffrance et à la, mort, et que ces choses et ce qui leur ressemble sont le propre de la nature humaine. J'enseigne cependant que les deux propriétés, les propriétés divines et les propriétés humaines, appartiennent au Verbe Dieu, qui est une hypostase de la Trinité. Ce n'est pas parce que je dis : la limitation et les propriétés similaires appartiennent à la nature humaine, non à la nature divine, que je dis de même : la limitation et les propriétés similaires appartiennent à une hypostase humaine, non à l'hypostase éternelle. Il n'en est rien. Mais la limitation et ses suites, la limitation et ses conséquences appartiennent toutes à l'hypostase éternelle du Verbe Dieu fait homme qui est le Christ. C'est comme on dit: La vue appartient à non à l'oreille; l'ouïe appartient à l'oreille et non à l'oeil, mais la vue et l'ouïe appartiennent toutes deux à l'hypostase unique qui a l'oeil et l'oreille[19], par exemple à saint Pierre ou à saint Paul.

    C'est là ma profession de foi.
    Selon elle je vis et selon elle je mourrai
    et je serai présenté au Christ mon Dieu
    quand il viendra juger les vivants et les morts.
    Et par elle j'espère être délivré de la peine éternelle
    et j'attends le bonheur permanent d'en haut
    qui ne peut certes être obtenu
    que par cette foi.

    Louange, gloire et puissance
    au Père, au Fils et au Saint Esprit
    jusqu'à la fin des siècles.
    Amen.

    Notes :

    [1] Sabellius : prêtre chrétien d'origine libyenne, installé à Rome au IIIe siècle selon lequel, le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont différents "modes" ou aspects de l'Être divin, plutôt que trois "hypostases" ou personnes distinctes. Cette doctrine, le modalisme, a été combattue par les Pères.

    [2] Arius : prêtre alexandrin (256-336) qui considérait que seul les Père, inengendré, est Dieu, le Fils étant selon lui une créature suréminent ne recevant le nom de "dieu" que par convenance. Cette hérésie a été condamnée au premier Concile de Nicée, en 325.

    [3] Macédonius : évêque de Constantinople, de 342 à 346, puis de 351 à 360, contestait que l'Esprit saint soit Dieu. On donna à ses partisans le nom de "pneumatomaques" (adversaires de l'Esprit). Cette doctrine a été condamnée au premier Concile de Constantinople, en 381.

    [4] Dick traduit "Je reconnais parmi eux le Père comme principe, le Fils et l'Esprit comme principiés"

    [5] Apollinaire de Laodicée (vers 315, vers 390), fut évêque de Laodicée de Syrie, élu en 361. Ardent défenseur de la théologie de Nicée contre la doctrine d'Arius, il alla cependant trop loin en considérant que le "logos" constituait l'âme du Christ, doctrine qui fut condamnée plusieurs fois, dont au premier Concile de Constantinople, en 381.

    [6] Un autre manuscrit porte "La non-génération pour le Père, la génération pour le Fils, et la procession pour l'Esprit-Saint", ce qui est aussi correct.

    [7] Jean Philopon, grammairien, philosophe et théologien chrétien de langue grecque, né sans doute à Alexandrie vers 490/495 et mort après 568. Il professait une variante du monophysisme, le trithéisme, qui affirmait que chacune des personnes de la Trinité étant Dieu en soi, il y aurait par conséquent "trois dieux".

    [8] Dick, en ce lieu emploie le mots "humanisé" et plus loin son correspondant "humanisation" pour rendre les expressions uniques du grec et de l'arabe qui signifient "se faire homme", "l'acte de se faire homme". Il ajoute que les mots "s'incarner" et "incarnation" sont inadéquats et sentent l'apollinarisme (tout en employant tout de même "incarnation" plus loin) considérant qu'il faut bien avoir en français les mots analogues à "diviniser" et "divinisation" en ce qui concerne l'homme. J'ai choisi de restituer "se faire homme".

    [9] Dick emploie ici le terme "noétique", du terme grec "noûs", l'esprit.

    [10] Dick : "une unique hypostase". Ainsi encore plus loin.

    [11] Selon la définition du Concile d'Ephèse, 431.

    [12] Nestorius : évêque de Constantinople, de 248 à 431. Il s'opposait au terme "Mère de Dieu" pour désigner Marie, le considérant comme prêtant à confusion et lui préférant l'expression "Mère du Christ". En effet, il voyait dans le Christ l'union de la nature divine et de la nature humaine comme une sorte de juxtaposition. Il fut déposé au Concile d'Ephèse.

    [13] J'ai conservé ici cette expression " l'hypostase éternelle humanisée ", pour bien marquer le caractère technique de la discussion.

    [14] Eutychès, archimandrite d'un monastère de Constantinople, et Dioscore, patriarche d'Alexandrie furent à l'origine d'une réaction excessive contre le nestorianisme – le monophysisme – qui considère que dans le Christ seule la nature divine subsiste. Le monophysisme fut condamné au Concile de Chalcédoine, en 451. Sévère, patriarche d'Antioche de 512 à 518 fut le plus ardent propagateur du monophysisme.

    [15] C'est à dire, "de l'incarnation"

    [16] Un manuscrit ajoute "ou purement humaine et j'aurais renié la divinisation". Cependant cette troisième alternative logiquement possible ne correspondant en rien à la théologie monophysite ne doit pas appartenir au texte primitif.

    [17] Sur le monothélisme des "maronites", voir en Annexe.

    [18] Qui est ce "Sévère, l'âne intello" ? s'agit-il de Sévére d'Antioche, précédemment mentionné, ou de quelque autre théologien jacobite du même nom ? Et pourquoi le désigner comme âne ? Faut-il y voir une réminiscence d'un verset du coran (62.5) "Ceux qui ont été chargés de la Thora mais qui ne l'ont pas appliquée sont pareils à l'âne qui porte des livres."

    [19] Cette assimilation de la nature à l'organe par lequel la personne unique agit et exerce diverses activités selon les divers organes se retrouve chez Abu Qurrah avec la même comparaison de l'oeil et de l'oreille dans son traité "De la mort du Christ", (Bacha, traité n° 3, traduction allemande : 8° traité dans l'édition de Graf, 1910 ; traduction anglaise : Lamoreaux p 109).


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  • En 1959, le P. Ignace DICK publiait deux textes[1] qui venaient s'ajouter au écrits arabes de Théodore Abu Qurrah révélés par Arendzen, Bacha puis Cheiko[2].

    C'est l'un d'eux, la "confession de foi"[3] que nous présentons ici.

    A vrai dire, il ne s'agit pas d'une confession de foi qui prétendrait rivaliser avec celle de Nicée-Constantinople, ou avec les définitions des Conciles oecuméniques. C'est plutôt une affirmation de fidélité à ces définitions, face aux errements théologiques tant anciens que récents à son époque.

     Aussi reprenant depuis l'arianisme jusqu'au monothélisme qui sévissait encore de son temps – en passant par le nestorianisme et le monophysisme – il expose la foi orthodoxe[4] telle qu'elle a été défendue par les Pères, mais dans la langue arabe et non dans le grec des Conciles. On notera que – fidèle à lui-même, et quoique le propos soit éminemment technique – Théodore développe sa Confession de foi dans un langage le plus accessible possible.[5]

     Cette "profession de foi" peut être séquencée en trois sections :

    - La Trinité

    - L'incarnation du Verbe

    - Propriétés, volontés et activités dans le Christ.

     En raison du caractère lacunaire de la biographie de Théodore, il n'est guère possible d'attribuer une date précise à cette "confession de foi". Tout au plus peut-on considérer qu'elle a été rédigée entre 795 (date approximative de sa consécration épiscopale) et 830 (date supposée de sa mort, si l'on considère qu'il a bien participé au débat avec le calife Al-Mamun, en 829).

     Un point doit encore être relevé : alors que dans nombre de ses écrits Théodore lutte plus ou moins directement contre l'islam dominant dans la société, cette confession se concentre uniquement sur les questions débattues à l'intérieur de l'Eglise. Seule la suscription ajouté par le copiste rappelle ce contexte.

    En effet, le traité débute par la formule "Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, Dieu unique" typique du christianisme de langue arabe, qui affirme d'une part la foi des chrétiens en la Trinité – ce qui le différencie rigoureusement de l'islam – et d'autre part réfute l'accusation de trithéisme qui est parfois portée contre les chrétiens.

    Nous proposons ci-après ce traité dans la traduction de Dick, que nous avons à peine, en quelques lieux, modernisée. Toutes les modifications un tant soit peu conséquentes ont été signalées.

    Notes

    [1] "Deux écrits inédits de Théodore Abuqurra", présentation, texte arabe et traduction par P. Ignace DICK, in "Le Muséon" tome 72, 1959.

    [2] Voir bibliographie. Les traités édités par Arendzen, Bacha et Cheiko ont été traduits en allemand par Graf. La plupart des traités d'Abu Qurrah ont été traduits par John Lamoreaux "Theodore Abu Qurrah translated", 2005

    [3] On en trouvera une traduction anglaise dans LAMOREAUX "Theodore Abu Qurrah translated", 2005, p 151.

    [4] Dans la mesure où les monothélites étaient eux aussi des melkites, recevant le concile de Chalcédoine, il a bien fallu définir la confession de foi d'Abu Qurrah comme "orthodoxe", et non pas seulement comme "melkite". Voir en Annexe la question des relations des maronites médiévaux au monothélisme.

    [5] On s'en convaincra définitivement si on compare à la "Confession de foi" de Théodore, le texte d'un autre melkite, "L'épître sur les croyances des chrétiens" de 'Afif ibn Mu'ammal (traduction de G. Troupeau, 2006).


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  • Les maronites médiévaux furent-ils monothélites ?

    Quelques citations.

     

    Chacun connaît les Maronites, ces chrétiens libanais, "de rite oriental" unis à Rome et dont l'un des titres de gloire est la "perpétuelle orthodoxie de leur Eglise"[1].

    De fait, au milieu des vicissitudes de la christologie aux IV° et V° siècles qui firent apparaître une église "nestorienne" et une église "monophysite" ou "jacobite", les maronites reçurent les conciles oecuméniques de Nicée, Constantinople, Ephèse et Chalcédoine. Ils étaient donc "melkites", comme Abu Qurrah.

    Cependant ainsi que le note Abu Raïta[2], métropolite jacobite de Tagrit, tous les "melkites" n'étaient pas unis, mais ils se divisaient en deux groupes : ceux qu'il appelle "maximites"[3] parmi lesquels il compte explicitement Théodore Abu Qurrah, et ceux qu'il nomme "maronites" et qui, comme les jacobites, utilisaient une formule particulière pour le Trisagion[4].

    De fait cette différence d'usage (et ce qu'elle sous-entend au niveau théologique) était un des points de divergence entre "maximites" et "maronites".

    Pourtant, la ligne de fracture fondamentale passait bien autours du nom de Maxime le Confesseur, ou plutôt de sa théologie.

    En effet, nombre d'auteurs – qu'ils soient melkites, jacobites, musulmans ou encore occidentaux – ont durant des siècles décrit les maronites comme ayant adhéré à la doctrine selon laquelle il n'y aurait dans le Christ qu'une seule volonté – la divine – (monothélisme), doctrine qui fut promulguée par le patriarche Serge de Constantinople en 616, contre laquelle luttèrent St Sophrone de Jérusalem ou St Maxime le Confesseur, et qui fut condamnée au Troisième Concile de Constantinople en 681[5].

     Cela est, bien sûr, de l'histoire ancienne qui ne porte en rien préjudice aux maronites d'aujourd'hui[6].

     Toutefois, il vaut la peine – puisque cela concerne directement la Confession de foi de Théodore Abu Qurrah – de relever, sans prétendre à l'exhaustivité, quelques unes de ces mentions qui montrent, à l'évidence que cette réputation de monothélisme des maronites était de notoriété publique.

     Commençons par le patriarche Germain de Constantinople qui, dans son traité "De haeresibus et synodis", vers 730, parle ainsi des Maronites :

    Il y a des hérétiques qui, après avoir rejeté le sixième concile, détruisent aussi le cinquième. Il y en a qui, rejetant le cinquième et le sixième conciles, luttent pourtant contre les Jacobites. Ceux-ci les traitent d'insensés, parce que, tout en recevant le quatrième concile, ils s'efforcent de rejeter les deux suivants. Tels sont les Maronites, dont le monastère est situé dans les montagnes mêmes de la Syrie[7].

     

    Poursuivons par Théodore Abu Qurrah, qui parle des Maronites dans au moins trois de ses écrits.

    D'abord, dans la "Confession de foi".

    Mais je dis : Ce Fils éternel fait homme possède deux séries de propriétés naturelles, deux volontés naturelles et deux activités naturelles. Je ne parle point comme les Maronites, privant la nature humaine d'une volonté naturelle et d'une activité naturelle.

    Ensuite, dans la "Démonstration de la foi de l'Eglise par les deux Testament et les Conciles"[8].

    Dès le début de la seconde partie du traité[9], il débute

    Mais à quoi cela sert-il à tous les chrétiens ? Cela ne nous sert qu’à nous, les Chalcédoniens, à l’exclusion des Nestoriens, des Jacobites, des Julianites , des Maronites et des autres hérétiques qui se nomment aussi chrétiens. Car chacun de ceux que nous avons mentionnés considère que notre effort pour établir le christianisme ne s’applique qu’à lui ; car il prétend être le vrai chrétien.[10]

     Plus loin, il développe

    Pourquoi donc, ô Maronite, avez-vous accepté avec joie et empressement le premier, le deuxième et le troisième concile ? Pourquoi n'avez-vous pas jugé bon d'avoir une pensée contraire à la leur, selon que l'ordonne l'Esprit-Saint? Mais une fois arrivé au sixième concile, vous avez semblé oublier l'enseignement de l'Esprit-Saint ; vous vous êtes enivré au point de ne pas retrouver votre discernement. Vous avez attaqué vos pères qui méritent l'honneur de votre part. Alors que le Saint-Esprit vous a enjoint de suivre leurs traces, vous vous êtes mis à les insulter comme un chien enragé. Vous avez détruit les limites placées par eux et la haie qui vous défendait contre Satan. Votre âme, vous êtes sorti l'exposer à la dent des loups et c'est à la perdition que vous mènera cet excès. Si faussement vous imputez l'erreur à ce concile (le VIe), sachez bien que d'autres hérétiques vous ont précédé dans cette voie en imputant l'erreur au concile qui les avait excommuniés. Rien n'a pu les empêcher de tomber dans tout ce que le diable a inspiré à leur coeur. Si donc vous reprochez à ces hérétiques d'imputer l'erreur à ces conciles, il faut vous blâmer vous-mêmes, vous qui taxez d'erreur le VIe concile. Si, au contraire, vous ne blâmez pas ces hérétiques d'insulter aux saints conciles qu'ils ont condamnés, il faut briser les liens qui vous retiennent encore, suivre vos amis et adopter toutes les hérésies qui existent depuis le commencement.[11]

     Un peu plus loin, il écrit encore :

    Pour vous, Maronite, si vous prétendez que le Ve et le VIe conciles ont été réunis par les empereurs et qu'on doit les rejeter, parce que les empereurs y auraient violenté les consciences afin d'obtenir leur adhésion, vous avez mal agi en acceptant le IVe concile et les autres conciles antérieurs. Car chacun de ces conciles a été assemblé par un empereur, comme nous l'avons exposé.

    Du reste, tout hérétique excommunié dans ces conciles emploie la même excuse que vous et prétend que l'empereur qui a réuni le concile a forcé les hommes à excommunier l'hérétique et qu'ainsi c'est bien par la violence que ce concile a été réuni contre lui. Si vous vous permettez de rejeter la sentence de ces deux conciles (le Ve et le VIe), sous prétexte que les empereurs les ont réunis, laissez donc les jacobites, les nestoriens, les macédoniens, les ariens et leurs adeptes se soustraire au jugement du concile qui les a excommuniés; car enfin c'est un empereur qui l'a réuni. Que si vous ne permettez pas à ces gens-là de se soustraire au jugement de ces conciles, sous prétexte qu'un empereur les a convoqués, ne vous permettez pas non plus de vous soustraire au jugement de ces deux conciles (le Ve et le VIe), sous prétexte que les empereurs les ont réunis.[12]

     Enfin, dans la "Lettre au jacobite David"[13] on trouve :

    Nous ne croyons pas que les facultés, qui étaient dans le composé humain, sont devenues nulles, parce que le Verbe en était le directeur et le moteur, quoique les troupes des Maronites le croient ainsi. [14]

     

    A peu près pour la même époque[15], un texte jacobite, la Chronique de Michel le Syrien, parle ainsi des Maronites[16]

     Les Maronites restèrent comme ils sont encore aujourd'hui. Ils ordonnent un patriarche et des évêques de leur couvent. Ils sont séparés de Maximus en ce qu'ils confessent une seule volonté dans le Christ et disent : « Qui as été crucifié pour nous»; mais ils acceptent le synode de Chalcédoine.[17]

     

    Un siècle plus tard, c'est Eutychius, patriarche melkite d'Alexandrie (connu aussi comme Said ibn Batriq), qui donne dans ses Annales une notice qui aura une large postérité.[18]

     Au temps de l'empereur Maurice vivait un moine nommé Maron qui plaçait en notre Seigneur Jésus Christ deux natures, une volonté, une opération et une personne, et corrompait ainsi la foi des hommes. La plupart de ceux qui embrassèrent sa doctrine et se constituèrent ses disciples étaient originaires des villes de Hamah, Kennesrin et Aouas ; il y avait aussi quelques grecs. On les appela tous "Maronites", du nom de leur fondateur. A la mort de Maron, les habitants de Hamah bâtirent un monastère en son honneur, qu'ils nommèrent Deir Maroun, et ils continuèrent à professer ses croyances. [19]

     

    Au milieu du X° siècle, c'est au tour d'un musulman, Al-Masudi, d'écrire à propos des maronites, dans le "Livre de l'Avertissement" :

    Sous son règne[20] parut un homme de la ville de Hamat, dans la province d'Émesse, appelé Maroun, à qui les Chrétiens maronites, au temps où nous écrivons, font remonter leur origine. Cette secte est fameuse en Syrie et ailleurs. La plupart de ses membres résident dans les monts Liban et Sanîr -, à Emesse et dans les districts qui en dépendent, comme ceux de Hamat, de Chaïzar, de Maarat en-Nomân. Maroun avait un grand couvent, qui porte son nom, à l'est de Hamat et de Chaïzar, constitué par un vaste bâtiment, entouré de plus de trois cents cellules où logeaient les moines. Ce couvent possédait en objets d'or et d'argent et en pierreries des richesses considérables. Il fut dévasté avec toutes les cellules qui l'entouraient, par suite des incursions réitérées des Bédouins et des violences du Sultan. Il s'élevait près du fleuve Oronte, fleuve d'Émesse et d'Antioche. Maroun émit des opinions non conformes à la foi chrétienne, par exemple au sujet de la volonté. Il eut de nombreux adeptes. Nous avons déjà rendu compte de sa croyance. Il admettait communément avec les Melkites, les Nestoriens et les Jacobites, la Trinité; mais il se séparait d'eux en ce qu'il comptait dans le Messie deux natures, une seule personne et une seule volonté, opinion intermédiaire entre celles des Nestoriens et des Melkites. C'est ce que nous avons expliqué, avec d'autres choses, dans notre livre «des doctrines sur les fondements des religions ».[21]

     

    Au XII° siècle, Paul d'Antioche, connu aussi sous le nom de Boulous ar-Raheb (Paul le moine), fut évêque melkite de Sidon. Dans son traité "sur les sectes chrétiennes", on lit :

     Comme nous avons démontré l'erreur du sentiment des jacobites, nous prouverons aussi la fausseté de celui des nestoriens et des maronites quand ils affirment l'existence d'une seule volonté divine et d'une seule énergie divine. Les maronites ont raison d'admettre une seule personne et deux natures. Toutefois, quant à la seule énergie qu'ils croient exister en Jésus-Christ, énergie qu'ils qualifient de divine, nous avons démontré les points par lesquels nous réfutons leur sentiment, dans l'argumentation des melchites. Cette argumentation prouve deux énergies et suffit à convaincre à la fois les nestoriens, les jacobites et les maronites.

    Quant à la volonté où, contrairement aux melchites, les maronites, les nestoriens et les jacobites s'accordent à affirmer l'existence en Notre-Seigneur d'une seule volonté, la divine, nous répondons à ce sujet que Notre-Seigneur Jésus-Christ dit au temps de sa Passion "Mon Père, s'il est possible, que ce calice s'éloigne de moi ; cependant qu'il soit fait non selon ma volonté mais selon la vôtre". Ce texte prouve l'existence en Jésus-Christ de deux volontés.[22]

     

    D'Afif ibn Mouammal, un lettré melkite du XII° ou XIII° siècle, on possède une lettre présentant – à la demande d'un dignitaire musulman – les croyances des chrétiens. Au chapitre VI de cette lettre, on lit :

     Les Maronites croient qu'en Notre –Seigneur il y a une seule personne, deux natures la nature divine et la nature humaine ; une seule volonté (machiat ouahidat) et une seule opération (fi'lon ouahid). C'est une erreur. Ils devraient admettre de la sorte une seule nature. Nous les réfutons par la même argumentation employée contre les jacobites et les nestoriens, quand ils nient l'existence (en Notre-Seigneur) de la volonté et de l'énergie humaine.[23]

     

    Dans son étude de 1906, E. Ajam mentionne aussi un euchologe melkite du XV° siècle[24] comportant un rituel de réception "Pour ceux qui reviennent de l'hérésie de Manès, d'Arius, pour les jacobites, les nestoriens, les maronites, les arméniens."

    La profession de foi à laquelle ils doivent souscrire vise (entre autres) expressément le monothélisme :

    "... Je crois et je confesse que la Sainte Trinité Père, Fils et Saint-Esprit, est une seule nature en trois personnes, une seule substance, une seule énergie, une seule volonté, un seul Créateur, unique en trois personnes, trois subsistances et trois propriétés. Je crois qu'une personne de la Sainte Trinité, le Seigneur Jésus-Christ, a deux natures, deux volontés, deux énergies, et qu'il est une seule personne après son incarnation. Je crois que sa divinité est unie à son humanité sans confusion et sans séparation et qu'il a pris un corps de Notre Dame la Vierge Marie. Il s'est manifesté comme un homme dans une âme douée de parole et d'intelligence, avec deux énergies, deux volontés l'une humaine et l'autre divine ..."[25]

     

    Enfin, prenons le témoignage d'un occidental, le missionnaire Ricold de Montcroix, qui parcourut l'Orient dans le XIII° siècle, et s'exprime en ces termes[26]:

    "De là vainsmes au mont de Libanus, et là demourent maronites, qui sont chrétiens mescréants et maintiennent que en Christ n'a ne eust que une simple volunté." Le même, religieux, descendant le Tigre, depuis Mosul jusqu'à Bagdad, rencontra des maronites, dont il parle en ces termes [id, folio 43r]: "Là demourent maronites mescréants chrestiens et scismaz ; et ont ung archevesque. Ilz maintiennent que Crist fut une seulle yolunté. C'est leur erreur. En toutes aultres choses se accordent ilz à notre foy catholicque plus que a nulle aultre secte d'Orient."

     

    Nous aurions pu ajouter à ces textes, piochant par exemple chez Bar Hebraeus[27] ou chez d'autres auteurs occidentaux séjournant au Levant[28], mais nous pensons avoir réuni ici les plus importantes pièces de ce petit dossier.

     

     

    Bibliographie

    AJAM, E. "Le monothélisme des Maronites, d'après les auteurs melchites". In: Échos d'Orient, tome 9, n°57, 1906. pp. 91-95

    ARENDZEN Ioannes, "Theodori Abu Kurra de cultu imaginum libellus e codice arabico nunc primum editus latine versus illustratus", 1897

    BACHA, Constantin "Les œuvres arabes de Théodore Abu Qurrah" (en arabe) Beyrouth, 1904

    BACHA, Constantin "Un traité des oeuvres arabes de Théodore Abou-Kurra, évêque de Haran", présentation, texte et traduction, 1905

    CARRA DE VAUX, "Le livre de l'Avertissement et de la Révision, par Maçoudi", Société Asiatique, 1896.

    CHABOT, J. B. "Note sur un passage de la « Chronique de Michel le Syrien » relatif aux Maronites". In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 84ᵉ année, N. 1, 1940. pp. 68-72

    CHABOT, J. B. "Chronique de Michel le Syrien, patriarche jacobite d'Antioche", tome 2, 1901

    CHEIKO, L. "Traité inédit de Théodore Abou-Qurra (Abucara), évêque melchite de Harran (ca. 740-820)", Beyrouth 1912 en arabe

    DIB P. Article "Maronite (Eglise)" dans le Dictionnaire de Théologie Catholique, tome 10 – première partie, 1928.

    DICK , Ignace "Deux écrits inédits de Théodore Abuqurra", présentation, texte et traduction, in "Le Muséon" tome 72, 1959.

    GIRARD, Aurélien : "La mémoire des origines religieuses chez les Maronites entre le XVI° et le XVIII° siècle : une reconstruction apologétique", Journée d’études du CRESC – «mémoire de la terre, mémoire des hommes » – 16 mars 2007 (Université Paris 13)

    GRAF, G. "Die arabischen Schriften des Theodor Abu Qurra, Bischofs von Harran" 1910 (Les traités édités par Arendzen et Bacha, présentation et traduction allemande)

    GRAF, G. "Des Theodor Abu Kurra Traktat uber den Schopfer und die wahre Religion", 1913. (Le traité édité par Cheiko, présentation et traduction allemande)

    JANIN, R. "Compte-rendu de l'article "Maronite (Eglise)" de Mgr P. DIB paru dans le Dictionnaire de théologie catholique fasc. LXXX, col. 1-142" in : Échos d'Orient, Année 1928 Volume 27 Numéro 151 pp. 376-379.

    KHOURY, Paul "Paul d'Antioche, évêque melkite de Sidon (XIIe s.)". Recherches publiées sous la direction de l'Institut de Lettres Orientales de Beyrouth, tome XXIV, 1964

    LAMOREAUX, John "Theodore Abu Qurrah translated", 2005

    QUATREMERE, M. "Mémoire sur les nabatéens" Nouveau Journal Asiatique, Mars 1835, quatrième section, p 267, note 1.

    SAMIR, Samir Khalil "Abū Qurrah et les Maronites", in : Proche-Orient Chrétien 41 (1991), p. 25-33

    TROUPEAU G. "L'épître sur les croyances des chrétiens de 'Afif ibn Mu'ammal". in : Mémorial Monseigneur Joseph Nasrallah" ; Publications de l’Institut Français d’Études Arabes de Damas, 2006.

    VAILHE, Syméon : "Origines religieuses des Maronites" in Échos d'Orient Année 1900 Volume 4 Numéro 2 pp. 96-102 et Échos d'Orient Année 1901 Volume 4 Numéro 3 pp. 154-162. A ces deux articles, il faut en ajouter un troisième : Échos d'Orient Année 1902 Volume 5 Numéro 5 pp. 281-289.

    VAILHE, Syméon : "L'Église maronite du Ve au IXe siècle" in Échos d'Orient tome 9, n°60, 1906. pp. 257-268 et tome 9 Numéro 61, 1906. pp. 344-351

    Notes

    [1] Voir l'article "Maronite" (Eglise), dans le Dictionnaire de Théologie Catholique, par P. DIB, et la critique qu'en fait Janin dans les Echos d'Orient, 1928. Voir aussi l'article de Girard sur la "reconstruction de la mémoire des origines".

    [2] Cité par S. Vailé dans "L'Église maronite du Ve au IXe siècle" n° 61, p 350

    [3] C'est à dire, acceptant la théologie de St Maxime le confesseur sur les "deux volontés" dans le Christ

    [4] A la formule "Saint Dieu, Saint Fort, Saint Immortel aie pitié de nous" ils substituaient la formule "Saint Dieu, Saint Fort, Saint Immortel, qui a été crucifié pour nous, aie pitié de nous". Ceci est encore attesté à la même époque dans une lettre du Patriarche Nestorien Timothée I, ainsi que par St Jean Damascène. Les deux auteurs sont cités par S. Vailé dans "L'Église maronite du Ve au IXe siècle" n° 61, p 348.

    [5] VI° concile oecuménique.

    [6] Même si, au début du XX° siècle, l'étude de cette question ne s'est pas faite sans quelques grincements de dents de la part de maronites qui se sont crus attaqués.

    [7] Traduction S. Vailé dans "L'Église maronite du Ve au IXe siècle" n° 61, p 347.

    [8] Il s'agit du traité n° 9 de l'édition arabe de Bacha, pour lequel ce dernier a donné une traduction française en 1905, dans laquelle il rendait pudiquement le terme "maronite" par "monothélite".

    [9] Lamoreaux considère qu'il s'agit non d'un traité en deux parties, mais de deux traités distincts. Dans son optique, c'est donc la phrase initiale du traité "On the councils", dont il donne une traduction p 61 de son ouvrage.

    [10] Traduction de S. Samir, ("Abū Qurrah et les Maronites"). E. Ajam ("Le monothélisme...") n'avait pas relevé cette mention.

    [11] Traduction de E. Ajam ("Le monothélisme..."). Le P. SAMIR, ("Abū Qurrah et les Maronites") présente lui aussi cette citation, ainsi que la suivante.

    [12] Traduction de E. Ajam ("Le monothélisme...").

    [13] Traité n° 8 de l'édition arabe de Bacha. La seule traduction existante de cette lettre semble être celle, en allemand, de Graf, 1910.

    [14] Traduction S. Vailhé dans "L'Église maronite du Ve au IXe siècle" n° 61, p 347. S. Samir, ("Abū Qurrah et les Maronites") cite aussi ce passage.

    [15] Vailhé considère que ce passage concerne le milieu du VIII° siècle, Chabot le place à l'époque de Denys de Tell Mahré, vers 845.

    [16] Notons que Chabot considère que ce passage pourrait désigner la croyance des seuls "habitants du monastère de Mar Maroun" au milieu du IXe siècle.

    [17] Source : Chabot : "Note sur un passage...". Le passage cité se trouve au Tome II, p 511 de sa traduction de la Chronique. Le "Maximus" dont il est question est St Maxime le Confesseur. La question qui sépare les Maronites des autres "melkites", qui eux aussi "acceptent le synode de Chalcédoine" est bien le monothélisme combattu par Maxime le Confesseur. S. Vailé dans "L'Église maronite du Ve au IXe siècle" n° 61, cite aussi d'autres passages de la Chronique de Michel le Syrien.

    [18] La notice d'Al-Masudi dépend de celle d'Eutychius, de même semble-t-il que celle d'Abul Faraj.

    [19] Traduction Vailhé (Origines religieuses des Maronites). Eutychius fut longtemps considéré comme le plus ancien auteur à parler du monothélisme des maronites. Il est pourtant nettement postérieur à Abu Qurrah et à Germain de Constantinople.

    [20] Il s'agit du règne de Maurice, empereur de 582 à 602.

    [21] Al-Masudi, "Le Livre de l'avertissement", trad Carra de Vaux p 211-212

    [22] Traduction : Ajam E. "Le monothélisme des Maronites..." Pour une traduction des oeuvres de Paul d'Antioche, voir Khoury : "Paul d'Antioche, évêque melkite de Sidon..."

    [23] Traduction : Ajam E. "Le monothélisme des Maronites..." Cette lettre a par ailleurs été intégralement traduite en français par G. Troupeau et publiée dans "Mémorial Monseigneur Joseph Nasrallah", 2006.

    [24] Ms 153 du fond arabe de la Bibliothèque grecque du St Sépulcre. Ajam le décrit comme un euchologe "arabo-syriaque". Probablement s'agit-il d'un manuscrit en garshouni.

    [25] Traduction : Ajam E. "Le monothélisme des Maronites..."

    [26] Extrait de "Lhystoire merveilleuse, plaisante et récréative du grand chan de Tartarie", fol 35v et 43r, cité par Quatremère dans une note sur les "opinions religieuses des Maronites" qu'il inséra dans la quatrième section de son "Mémoire sur les Nabatéens, page 267, note 1.

    [27] Grégoire Bar Hebraeus [Abul Faradj] mentionne les maronites comme monothélites dans son "Candélabre" (signalé par Quatremère, mais je n'ai pu vérifier la citation), mais il dépend pour cela de la notice d'Eutychius.

    [28] Comme le fait Quatremère dans son "Mémoire sur les nabatéens"


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  • Le court traité grec sur le pain consacré, transmis par le Diacre Jean, peut être mis en parallèle avec d'autres textes, en particulier :

    Chez Théodore Abu Qurrah : on trouve dans son Traité arabe sur la vénération des icônes, deux passages que nous donnons dans la traduction légèrement adaptée de S. Bigham.
    D'une part, au chapitre 2
    Que diraient ceux qui sont étrangers à l'Eglise s'ils voyaient les chrétiens apporter du pain et du vin à leurs autels, dire des paroles sur ces dons et ensuite en communier, les chrétiens disant que ceci est le corps du Christ et cela son sang. Mais les autres verront que rien n'a changé, que le pain et le vin sortent du sanctuaire après leur consécration comme ils y sont entrés.
    Puis au chapitre 16
    Lorsque notre Seigneur a donné son corps et son sang à ses disciples dans la chambre haute à Jérusalem, il ne leur a offert que du pain et du vin, disant : « Ceci est mon corps et ceci est mon sang. » Mais la certitude de sa parole a pénétré dans leurs pensées, sans qu'ils n'aient vu aucune manifestation visible de la majesté de ce qu'il leur avait été offert. Et ceci a continué à se produire parmi les chrétiens qui communient à cette offrande ; ils sont certains que cette dernière soit le corps et le sang du Christ, même si après la consécration, ils voient qu'elle est restée comme elle était lorsqu'ils l'ont introduite avant d'être consacrée. Il en est de même pour leurs autres mystères.

    Chez St Jean Damascène, dans le Traité sur la Foi Orthodoxe [De fide 4.13, traduction de Ponsoye], on trouve un parallèle, et peut-être l'origine du traité 22 d'Abu Qurrah :
    Et il n'est pas plus difficile de dire comment, naturellement et en s'en nourrissant, le pain, le vin et l'eau deviennent le corps et le sang de celui qui mange et boit et non un corps différent du premier; ainsi le pain, le vin et l'eau de la prothèse sont changés surnaturellement, par la descente et l'irruption du Saint Esprit, au corps et au sang du Christ.

    (Rappelons que la "Prothèse", ou "Préparation" est la première partie de la Divine Liturgie durant laquelle le prêtre prépare le pain et le vin mêlé d'eau qui seront, au cours de la Grande Entrée, apportés sur l'autel pour la consécration.)

    Chez Samon de Gaza : Il ne s'agit pas, dans le Dialogue de Samon de Gaza avec le Sarrasin Ahmed, d'un texte parallèle puisque l'auteur a repris quasi à l'intégral (y compris une lacune tôt apparue dans la tradition manuscrite) le petit traité "sur le pain consacré qui est le corps du Christ", appartenant au recueil de paroles de Théodore Abu Qurrah élaboré par le Diacre Jean, pour en faire le premier argument de sa "catéchèse". 

     


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  • Du pain consacré qui est le Corps du Christ

    DJ 5 / Migne 22


    Un jour, au cours d'un débat, un sarrasin lui demanda :
    Le sarrasin : Dis-moi, Evêque ! Pourquoi vous, les prêtres, vous moquez-vous des chrétiens en proposant deux pains, fait l'un comme l'autre avec du blé. Vous en laissez un pour la table commune et vous distribuez l'autre au peuple, après l'avoir divisé en morceaux, en l'appelant "corps du Christ" et vous affirmez qu'il peut procurer le pardon des péchés à ceux qui en prennent. Est-ce que vous vous moquez de vous-même ou de ceux que vous dirigez ?
    Le chrétien : Nous ne nous moquons ni de nous-mêmes ni d'eux.
    Le sarrasin : Convaincs-moi non pas à partir de ton Ecriture mais en faisant appel à des notions communes et généralement admises.
    Le chrétien : Que dis tu ? Le pain ne devient pas le corps de Dieu ?
    Le sarrasin : Je dois dire que non.
    Le chrétien : Le pain devient-il le corps d'un homme ?
    Le sarrasin : Je suis embarrassé pour répondre aux deux points de la contestation.
    Le chrétien : Ta mère t'a-t-elle fait naître comme tu es ?
    Le sarrasin : Non.
    Le chrétien : Alors, comment ?
    Le sarrasin : Petit.
    Le chrétien : Alors, qu'est-ce qui t'a fait grandir ?
    Le sarrasin : Par la volonté de Dieu, c'est la nourriture.
    Le chrétien : Par conséquent, en toi, le pain est devenu corps.
    Le sarrasin : Je suis d'accord.
    Le chrétien : Mais de quelle manière le pain s'est-il fait corps en toi ?
    Le sarrasin : J'ignore de quelle manière.
    Le chrétien : La nourriture et la boisson passent par la gorge et vont dans l'estomac comme dans une marmite. Une fois dans l'estomac, la nourriture y est cuite par la chaleur du foie et se transforme en jus. Les résidus descendent vers le bas et ce qui est tendre, une fois transformé en jus, monte vers le haut, le foie étant chaud attire ce qui est tendre vers lui, le transforme en sang et par les vaisseaux le distribue dans tout le corps, distribuant la nourriture, transformée en suc dans l'estomac et en sang, modifié dans chaque organe selon sa destination, donnant de l'os aux os, de la moelle à la moelle, des nerfs aux nerfs, de l'œil aux yeux, du cheveu aux cheveux, de la peau à la peau et des ongles aux ongles. Ainsi, par la transformation du pain en corps et de la boisson en sang, s'effectue la croissance de l'enfant pour qu'il devienne un adulte.
    Le sarrasin : Il semble bien qu'il en soit ainsi.
    Le chrétien : Comprends que c'est de la même manière que s'effectue notre mystère. Le prêtre dépose le pain sur la sainte table, ainsi que le vin. Et quand il prie en disant la sainte épiclèse, le Saint Esprit vient, entre dans les dons offerts et par le feu de Sa Divinité transforme le pain et le vin en Corps et Sang du Christ, de la même façon que le foie transforme la nourriture en corps humain. A moins que tu n'admettes pas, mon ami, que l'Esprit Saint puisse faire ce que fait ton foie.
    Le sarrasin dit : je l'admets. Et après avoir soupiré, il se tut.


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  • Extrait de l'article "Réactions chrétiennes aux conquêtes musulmanes. Etude comparée des auteurs chrétiens de Syrie et d'Espagne" par John Tolan, in Cahiers de civilisation médiévale Année 2001, Volume 44, Numéro 176 pp. 349-367
    accessible sur Persée.

    En ce qui concerne l'Orient, sous le califat d"Abd al- Malik (685-705), l'arabe remplace le grec dans l'administration ; le calife ordonne qu'on arrache toute croix ou crucifix exposé en public, qu'on tue tous les porcs ; il établit des monnaies islamiques (aux inscriptions coraniques) ; il augmente les impôts spécifiques que les dhimmis doivent payer, etc. : la société est en train de devenir « musulmane ». Le symbole le plus caractéristique en est le Dôme du Rocher, que le calife fait construire sur le mont du temple à Jérusalem comme pour marquer l'installation permanente de l'islam dans la Ville sainte. Les inscriptions coraniques de ce monument expriment la christologie musulmane, une sorte de réfutation théologique inscrite dans les pierres de la Ville sainte, pour affirmer que les musulmans, et non les chrétiens, connaissent la "vraie" nature de Jésus.


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  • Arabe

    Dix traités arabes de Théodore Abu Qurrah : éditées par Constantin Bacha, 1904 (1. Traité sur le libre-arbitre. 2. Traité de la Trinité et de l'unicité. 3. Traité de la mort du Christ. 4. Traité de la vérité de l'Évangile. 5. Traité des voies de la connaissance de Dieu. 6. Traité de la nécessité de la rédemption. 7. Traité de la filiation éternelle. 8. La lettre au Jacobite David. 9. Traité de la loi et de l'Évangile et de l'orthodoxie chalcédonienne. 10. Traité de l'incarnation de Dieu dans la chair)

     

     

    Sur l'Existence de Dieu et de la Vraie Religion : Louis Cheikho, Traité inédit de Théodore Abou-Qurra (Abucara), évêque melchite de Harran (ca. 740-820), Beyrouth 1912 en arabe

    Theodori Abu Kurra De cultu imaginum libellus e codice arabico Texte arabe, traduction latine du Traité sur les icônes, par I. Arendzen, Bonn, 1897.

    Controverse d'Abu Qurrah avec des théologiens musulmans en présence du calife Al Mamoun Texte arabe édité par Ignace Dick (Alep, 2007)

     

     

    Grec

    Les œuvres grecques attribuées à Théodore Abu Qurrah dans la Patrologie grecque de Migne 

    Document indexé

     

    Autres langues

     

     

     

     


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  • -o-

    La basmala coranique comme formule chrétienne, un usage méconnu

    Sur Academia

    -o-

    La première sourate du coran, les juifs et les chrétiens : un problème insoluble ?

    Sur Academia

    -o- 

     Les maronites médiévaux furent-ils monothélites ? Citations d'auteur melkites, jacobites, nestoriens et musulmans.

    Sur ce site.

     -o- 

    Le moine Georges (anba Jirji), (1217) Le dialogue du moine Georges en présence du prince Al-Moshammar

    Traduction française annotée

      -o-

    Et le second chevauchait un chameau : Isaïe 21.7, une annonce de Mahomet ?

    Isaïe 21.7 dans l'exégèse juive et chrétienne avant et après l'avènement de l'Islam sur Academia

       -o-

     

       -o-

     

     

     

     


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  • Ressources bibliographiques

    Christian-Muslim Relations; A Bibliographical History;

    Volume 1 (600-900) sur Bookzz

    Volume 2 (900 – 1050) sur BooksGoogle en version à consulter (et incomplète, mais c'est déjà ça). 

    Volume 3 (1050-1200) sur Bookzz

    Volume 4 (1200-1350) sur Bookzz ou sur Scribd

    Volume 5 (1350 – 1500) sur Bookzz

    Volume 6 (1500-1600, western Europe) sur Bookzz

     Volume 7 (Central and Eastern Europe, Asia, Africa and South America 1500-1600) sur Bookzz

     

    Les arabes chrétiens de Mésopotamie et de Syrie par le P. Nau sur Archive

    The Bible in Arab Christianity sur Bookzz

    The Encounter of Eastern Christianity With Early Islam sur Bookzz

    Muslim-Christian Polemic During the Crusades: The Letter From the People of Cyprus and Ibn Abi Talib Al-Dimashqi's Response  sur Bookzz

    Christians at the Heart of Islamic Rule: Church Life and Scholarship in 'Abbasid Iraq sur Bookzz

    Christian Doctrines in Islamic Theology  sur Bookzz

    Syrian Christians Under Islam: The First Thousand Years sur Bookzz

    La Trinité divine chez les théologiens arabes (750-1050) largement consultable sur Google books (mais aussi copie perso complète)

    Early Christian-Muslim Debate on the Unity of God : Three Christian Scholars and Their Engagement With Islamic Thought (9th Century C.E.) sur Bookzz

     Seeing Islam as others saw it : A survey and evaluation of christian, jewish and zoroastrian writings on early Islam sur Archive

     Orthodoxy in Arabic Terms. A Study of Theodore Abu Qurrah’s Theology in Its Islamic Context sur Bookzz

    The Character of Christian-Muslim Encounter: Essays in Honour of David Thomas sur Bookzz

    Etude sur  La découverte de l’islam par le monde byzantin

     Divers ouvrages chrétiens en arabe sur http://www.christianlib.com/


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  • Traductions en français d'écrits de Théodore Abu Qurrah

    Le recueil arabe sur les Gens du Dehors

    Table des matières du recueil

    Présentation du recueil "contre les gens du dehors"

    GDD1 : Le libre arbitre. Traduction

    GDD2 : Le Christ a-t-il tué sa mère ? (La noce) Adaptation et réflexion et une page d'illustrations pour GDD2

    GDD4, la perle : traduction et illustrations : cette page et celle-ci

    GDD5, la Croix : Partie 1 , Partie 2 et partie 3

     

    Oeuvres grecques de TAQ

    TAQ 17 : Le salut de ceux qui furent croyant avant la venue du Christ : Traduction

     

    Le recueil grec du diacre Jean

    Table des matières du recueil

    Présentation du recueil du diacre Jean

    DJ 1 : Préface du diacre Jean : Traduction

    DJ 3 : Mahomet n'était pas envoyé par Dieu : traduction

    DJ 5 : A propos du pain consacré qui est le Corps du Christ : traduction et parallèles à ce texte

    DJ 6 : La divinité du Christ : Traduction

    DJ 7 : Monogamie ou polygamie ? Traduction.

    DJ 10 : Dieu a un Fils consubstantiel, de même origine et de même éternité : traduction de Ch. Boudignon 

     

    Traités arabes de TAQ

    Le traité sur la vénération des saintes icônes Traduction française  du P. Bigham

    Extrait du chap 23 du Traité de la vénération des icônes

    Traité de l'existence du Créateur et de la vraie religionextrait traduit en français (Monnot)

    Méthode d'Abu Qurrah : De l'usage de la raison pour discerner la vraie religion

     Confession de Foi de Théodore Abu QurrahPrésentation ; Traduction annotée

    Annexe : Le monothélisme des Maronites médiévaux

    Démonstration de la foi de l'Eglise par les deux Testament et les Conciles :

    Présentation ; Partie I "Sur l'Ancien Testament" ; et Partie II : "Sur les conciles"

     

    Sur les trois caractéristiques de la vraie religion : sur Academia


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  • Correspondance entre Omar II, 8e calife Omeyyade
    et
    Léon III l'Isaurien, empereur de Constantinople
    sur la foi des chrétiens
    vers 726

    D'après L'Histoire des Arméniens de Ghévond

    Table des matières

    Lettre d'Omar II
    1. Présentation du contexte
    2. Les chrétiens n'acceptent pas les paroles de Jésus et préfèrent les paroles des prophètes
    3. Les textes bibliques ont été falsifiés "par des peuples inconnus de vous".
    4. Les textes bibliques ont été réécrits par des hommes faillibles
    5. Pourquoi l'AT ne parle pas du jugement dernier, du paradis ou de l'enfer ?
    6. L'Evangile annonce Mahomet comme le Paraclet.
    7. Les chrétiens sont divisés en 72 sectes
    8. Les chrétiens sont associateurs en parlant de la Trinité
    9. Les chrétiens ont modifié les pratiques (circoncision/baptême ; shabbat/dimanche)
    10. Dieu ne peut avoir été dans les entrailles d'une femme
    11. La vénération des reliques, de la croix et des icônes.
    12. Mohamet a été prophétisé comme le "cavalier sur un chameau"

    Lettre de Léon
    1. Difficulté de répondre à quelqu'un qui mélange vérite et erreur
    2. Mention des écrits chrétiens de l'époque de Mahomet
    3. Les musulmans sont habitués à mutiler les témoignages des saintes Ecritures
    4. Il n'y a pas de contradictions entre le Nouveau et l'Ancien Testament
    5. Les prophètes rendent témoignage au Christ, et sont fiables
    6. Les livres de l'Ancien Testament sont authentiques : l'inimitié des jufs envers les chrétiens en est le garant
    7. L'édition d'Esdras était inspiré de Dieu
    8. Mahomet n'était qu'un homme, et non un des saints prophètes
    9. Dieu instruisait l'humanité à mesure que son intelligence se développait (à propos du jugement dernier, du paradis de l'enfer...)
    10. Le coran a été rédigé par des hommes
    11. Les chrétiens n'ont pas modifié l'Evangile
    12. Le Paraclet est l'Esprit saint
    13. Mahomet signifie "rendre grâce" et non "consolateur"
    14. Mahomet n'est pas le Paraclet
    15. Il n'y a pas de "quatrième période" qui serait pour Mahomet
    16. Il ne doit plus venir de prophète ou d'apôtre après les mort des disciples de Jésus
    17. L'islam est divisé en d'innombrables sectes
    18. Des hommes de 70 nations et langues sont chrétiens, mais l'Evangile est le même pour tous
    19. Le coran a été falsifié
    20. Cette diversité de langue, comme aussi les divisions entre chrétiens est une garantie que l'Evangile n'a pas été modifié
    21. Citer les Ecritures sans les tordre
    22. La Trinité
    23. Image du soleil
    24. Adam vénéré par les anges
    25. L'homme image de Dieu
    26. La chute,le paganisme et l'idolatrie
    27. L'envoi des prophètes qui annoncent le Christ
    28. Tous ces témoignages des prophètes ne sauraient être annulés par la seule parole de Mahomet
    29. Marie, mère de Jésus n'est pas la soeur de Moïse, malgré ce qu'affirme Mahomet
    30. Si les livres bibliques ont été modifiés, que les musulmans montrent les authentiques
    31. Nul ne sait dans quelle direction se tournaient les prophètes en priant, et il n'est écrit nulle part qu'Abraham soit allé à la Mecque.
    32. Jésus priait pour nous enseigner à le faire
    33. Si les chrétiens avaient modifié l'Evangile, ils auraient supprimé les passages humiliants pour le Christ
    34. Les Ecritures qui attestent que Jésus était homme attestent aussi qu'il est Dieu
    35. La mort du Christ ne fut pas une apparence
    36. Ce ne sont pas les chrétiens mais le Christ qui a institué le baptême et l'eucharistie
    37. Le dmainche est le jour de la résurrection du Christ
    38. Les musulmans ont choisi le vendredi sans raison
    39. L'incarnation dans le sein de Marie
    40. Les reliques : exemple du cadavre d'Elisée
    41. Massacre de chrétiens par Mahomet pour le sacrifice du chameau
    42. La vénération de la croix et des images
    43. La Kaaba n'est pas la demeure d'Abraham
    44. La polygamie et le comportement de Mahomet
    45. La mort et la résurrection du Christ
    46. Satan n'attend plus que le supplice du feu éternel
    47. Le cavalier monté sur un chameau
    48. sur le Paradis
    49. conclusion


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  • "The Report of the Meeting between al-Rida 'Ali b. Musa (peace be upon them both),
    and the religious leaders and representatives of theological opinion,
    such as the Patriarch, the Exilarch, the Leaders of the Sabaeans, and the Great Hirbadh;
    and what 'Imran the Sabaean said about belief in God's unity
    before al-Ma'mun".
    in
    Two muslim-christian debates from the early shi'ite tradition
    (Xth century)
    par David Thomas
    Journal of Semitic Studies XXXIII/1 Spring1988

    (extrait concernant le débat avec les chrétiens)
    1. Isnad
    2. Présentation des protagonistes
    3. Al-Rida le chiite se prépare au débat dans le but de fermer la bouche à ses opposants, et de montrer à Al-Mamun que le vrai islam est chiite
    4. Al-Mamun propose au patriarche de débattre avec Al-Rida
    5. Se baser sur l'Evangile et non sur le coran
    6. Attestation du caractère prophétiqe de Mahomet par des témoins acceptables par les chrétiens
    7. Témoignage de Jean (de Dailam !) rapportant que Jésus a annoncé la "religion de Mahomet l'arabe"
    8. Le patriarche admet cette preuve
    9. Les apôtres et évangélistes
    10. Jésus priait peu et jeûnait peu
    11. Les miracles de Jésus et les miracles des prophètes Elisée et Ezéchiel
    12. Miracles au nom de Mahomet
    13. Les chrétiens devraient considérer Elisée et Ezéchiel comme Seiogneur à cause de leurs miracles
    14. La résurrection des morts par Ezéchiel (dont Abraham et Moïse)
    15. Mahomet annoncé dans les Livres comme celui qui chevauche un chameau
    16. L'annonce du Paraclet dans l'Evangile
    17. Le "premier évangile" perdu et réécrit par Luc, Marc, Jean et Matthieu
    18. Sur la nature du Christ
    19. Confusion du patriarche


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  • The refutation of those who say that God is the third of three,
    and that there is only one God
    in
    Two muslim-christian debates from the early shi'ite tradition
    (Xth century)
    par David Thomas
    Journal of Semitic Studies XXXIII/1 Spring1988


    "débat" entre Hisham b. al-Hakam et le "patriarche chrétien Bariha : Table des matières

    1. Présentation du "patriarche" Bariha
    2. Les doutes de Bariha et sa "recherche de la vérité" auprès des sunnites
    3. Rencontre de Bariha et du chiite Isham
    4. La nature du Christ
    5. Différences entre le Père et le Fils, et confusion des deux
    6. Bariha demande à rencontrer le maître de Isham
    7. Bariha et les Ecritures
    8. Abu Abdallah le chiite récite l'Evangile "comme le faisait le Christ"
    9. Conversion de Bariha à l'islam



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  • Un pamphlet musulman anonyme,
    d'époque abbaside (fin du IX° siècle),
    contre les chrétiens
    publié par D. Sourdel
    dans la "Revue des Etudes Islamiques", tome 36,
    1966


    Table des matières
    Pamphlet
    Table
    0. (Le début du texte est manquant)
    1. Comment peut-on prétendre qu'un homme est Dieu ?
    2. Le Christ "pendu au bois" est maudit d'après Moïse
    3.Qui régnait dans le Ciel lorsque jésus était en Marie, ou enfant ?
    4. Jésus n'a pas de père humain ? Adam non plus.
    5. Les miracles de Jésus ne sont pas supérieurs à ceux de Moïse ou d'Ezéchiel
    6.Les serviteurs de Dieu avant la venue de Jésus ne peuvent avoir été soumis au pouvoir d'Iblis dans le séjour des morts.
    7. Si Jésus est venu pour détruire l'action de satan, pourquoi y-t-il tant de peuple à ne pas être chrétiens ?
    8.Pourquoi les chrétiens ne se prosternent-ils pas les jours de fête ?
    9. Le reliques transforment les églises en cimetières.
    10. Les croix et les icônes sont des idoles
    11. Les saints et théologiens furent animés par satan
    12. Les chrétiens ne mettent pas en pratique les commandements du Christ
    13. Sur le paradis "charnel"
    14. Sur la prière en direction de la Mecque
    15. La polygamie
    16. Mahomet n'a pas imité Bahira
    17. Mahomet a été envoyé vers un peuple qui était "sans Livre"
    18. Mahomet leur enseigna le licite et l'illicite
    19. Dieu a commandé de combattre les "associateurs"
    20. Dieu a fait que la faible troupe des musulmans vainquent l'armée de Byzance


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  • Le "Pacte d'Omar", et le statut de Dhimmistraduction du "Pacte d'Omar"

     

    Les fêtes des chrétiens melchites présentées par Abou Rîḥân AL-BIROUNI : traduction de Griveau ou format pdf, sur Archive)

    Un pamphlet musulman anonyme, d'époque abbaside (fin du IX° siècle), contre les chrétiens publié dans la "Revue des Etudes Islamiques", tome 36, 1966
    Table des matières

     

    Contre ceux qui disent que Dieu est un "troisième de Trois" dans Two muslim-christian debates from the early shi'ite tradition, (Xth century), par David Thomas ; Journal of Semitic Studies XXXIII/1 Spring1988
    Table des matières

     

     Débat d'Al-Rida devant Al-Mamun dans Two muslim-christian debates from the early shi'ite tradition, (Xth century), par David Thomas ; Journal of Semitic Studies XXXIII/1 Spring1988
    Table des matières

    Lettre de Omar II, 8e calife : voir Léon l'Isaurien (726) Correspondance entre Omar II, 8e calife Omeyyade et Léon III l'Isaurien, empereur de Constantinople, sur la foi des chrétiens (Introduction, traduction et table des matières)

     

    Lettre de Abdallah ben-Ismaïl Al-Hashimi : voir Abd al-Masih ibn Ishaq al-Kindi (vers 820) Correspondance avec Al-Hashimi (Introduction et table des matières)

     

    Conversion et apostasie au regard du droit malikite médiéval : étude par Cyrille Aillet


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  • L'adaptation anonyme du
    "Dialogue d'un musulman et d'un chrétien de st Jean Damascène"
    attribuée à tort à Théodore Abu Qurrah

    Table des matières


    Qui est l'auteur du bien et du mal ?
    Sur les croyants morts avant la venue du Christ
    Tout acte est-il la volonté de Dieu ?
    Les paroles du Seigneur sont-elles créées ou incréées ?
    Marie est-elle morte ou vivante ?
    La création est-elle continue achevée.
    Qui est le plus grand : Jésus ou Jean Baptiste ?


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  • Le dialogue du moine Georges
    (anba Jirji),
    en présence du prince Al-Moshammar,
    fils de Saladin.
    Mujādalat al-anbā Jirjī l-rāhib

    Table des matières
    Préambule
    Le mode de vie des moines et ses raisons
    Arrivée des lettrés musulmans
    Les caractéristiques d'un envoyé de Dieu
    L'accusation d'avoir falsifié l'Evangile
    Histoire de Mahomet
    La croyance des chrétiens
    Intervention d'Abou al-Fadl
    L'incarnation du Christ
    Fin de la première journée
    [Deuxième jour]
    Le Christ, Dieu et homme
    Mathal du prisonnier gracié.
    Actions humaines et divines du Christ
    Mathal du serviteur rebelle et du roi incognito
    La vénération de la Croix
    Mathal du maître se substituant à son serviteur
    Les quatre religions
    La religion des Sabéens
    La religion des Juifs
    Les chrétiens
    Islam
    Mathal du roi, du prince et du médecin
    Ordalies et tour de passe-passe
    Ablutions rituelles, circoncision et baptême
    Humilité ou splendeur ?
    Les merveilles du Hadj
    Séparation et départ


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