• Les fêtes des chrétiens melchites

    Les fêtes des chrétiens melchites

    présentées par

    Abou Rîḥân AL-BIROUNI

    Texte arabe édité et traduit

    par

    Robert GRIVEAU

     

    dans Patrologia Orientalis Tome X

    1915

     

    INTRODUCTION

     

    C'est un musulman, Abou Rîḥân Mohammad al-Bîrouni, qui va nous fournir le texte du plus ancien calendrier melchite que nous possédions : il date du commencement du xi° siècle. Al-Bîrouni est un savant et un écrivain fameux de la littérature arabe. Il est né à Khouârizm, aujourd'hui Khiva, en 973, et mort en 1048. Astronome et historien, il a laissé plusieurs ouvrages, parmi lesquels le livre des "Monuments des siècles écoulés", dont plusieurs chapitres sont consacrés à l'étude des cultes chrétiens. Nous en extrayons le calendrier melchite. Le chapitre où nous le trouvons est plein de digressions, que nous laisserons de côté. D'ailleurs, l'ouvrage entier est connu et publié. M. E. Sachau[1] en a établi parfaitement le texte, et y a joint une traduction anglaise. Quant au calendrier melchite[2] isolé de la masse de ses digressions, il a été inséré dans le Machriq[3], par le P. Cheikho, avec une annotation judicieuse. Regrettons toutefois que le P. Cheikho n'ait pas fait usage de la traduction anglaise de M. Sachau, qui lui aurait évité plusieurs recherches infructueuses. Notre texte est plus étendu que celui du P. Cheikho, n'ayant voulu supprimer que les hors-d'œuvre qui n'ont aucun rapport avec notre sujet, et qui alourdiraient sans nécessité notre collection d'anciens calendriers. D'ailleurs nous noterons chaque fois nos coupures. Néanmoins, le texte en est plus étendu que nous n'aurions voulu; il manque du caractère synoptique que doit avoir un calendrier: mais rappelons-nous qu'il est une leçon donnée par un musulman à ses coreligionnaires sur un sujet nouveau; comme ils entrent dans un monde qu'ils ignorent, il faut leur expliquer, chemin faisant, bien des choses ; en outre, il leur fait remarquer, au milieu de données qui ne leur parlent pas, beaucoup d'éléments communs et familiers. Nous connaissons d'autres calendriers melchites, beaucoup moins anciens, à Paris, dans plusieurs évangéliaires et aussi dans le ms. arabe 106, f° 106 et ss. Il entre là dans la composition d'un lectionnaire dont on pourrait facilement l'extraire. Abou Rîḥân a dû se servir pour son travail d'un lectionnaire de ce genre. Nous n'avons pas jugé utile de publier ce calendrier, relativement moderne, parce qu'il donne, en somme, les mêmes fêtes que le Synaxaire de Constantinople[4] publié par les Bollandistes.

    Robert Griveau,

    Archiviste paléographe.

     

    Sur la célébration des jours de l'année syrienne chez les chrétiens melchites.

     

    Les chrétiens se divisent en plusieurs sectes. La première est celle des Melchites : ce sont les Grecs, et on les appelle de la sorte pour l'unique raison que l'empereur (malik) des Grecs suit leur culte. Elle s'étend seule sur l'empire. La seconde est celle des Nestoriens, dont le nom se rattache à Nestorius, le fondateur de leur système, en l'année 720 et quelques d'Alexandre. La troisième est celle des Jacobites.

    Voilà leurs sectes les plus importantes. Il y a aussi entre les chrétiens au sujet des principes, c'est-à-dire des hypostases, de la divinité et de l'humanité du Christ, et de l'union en la personne du Christ de ces deux natures, des divergences de vues qui les séparent. Ainsi est née chez eux la secte des Ariens; la notion que les Ariens ont du Christ se rapproche plutôt de celle que se font les musulmans, et s'éloigne de ce que professe la généralité des chrétiens. Il y a beaucoup d'autres sectes, mais ce n'est pas ici le lieu de les mentionner : les livres renfermant les traités dogmatiques, l'exposé des systèmes, des questions religieuses, et la réfutation de ces doctrines hétérodoxes ont épuisé la question, et l'ont visitée dans ses recoins et ses mystères.

    Les Melchites et les Nestoriens sont les plus nombreux : en effet l'empire grec avec les pays qui l'avoisinent est tout entier peuplé de Melchites, et les populations de Syrie, de l'Iraq et du Khorassan sont en majorité nestoriennes ; quant aux Jacobites, leur plus grand nombre est formé par les Coptes et les peuples qui entourent l'Egypte. Les chrétiens célèbrent certains jours des mois syriens; leurs sectes s'accordent sur un certain nombre de ces jours, et divergent sur d'autres. L'accord existe pour les jours consacrés par la notoriété avant que survînt la scission, et la divergence est le produit de l'invention exclusive de chaque secte et de chaque pays. Ils fêtent encore d'autres jours, dépendant soit de leur Grand Jeûne, soit de semaines qui se rattachent à quelques-unes de leurs fêtes solennelles; et dans la célébration de ces jour à il y a aussi accord et divergence, comme pour les premiers. Je vais parler des jours que fêtent les Melchites dans les mois de l'année syrienne, spécialement au pays de Khouârizm, car c'est rarement que les tribus des Chrétiens, des Juifs et des Mages s'entendent d'un pays à l'autre pour la célébration des fêtes et des jours; ce n'est que pour les fêtes très connues que l'accord existe, et, en général, il y a divergence pour les autres.

     

    Tichrîn I (Octobre).

    1. Commémoration d' Ḥanania (Ḥanin), évêque, martyr, disciple de Paul. Voici quelque chose de leur façon d'entendre ces commémorations. Ils rappellent le souvenir de celui dont on fait commémoration, font des vœux pour lui, récitent ses éloges, et implorent Dieu par son nom; et ils appellent de ce nom tout enfant qui naît en ce jour, ou les jours d'après jusqu'à la fête suivante; il arrive ainsi que les chrétiens se partagent entre eux les différentes commémorations, de sorte qu'on appelle quelqu'un : N***, du nom du Saint N***. Et, le jour de la commémoration venu, ils se rassemblent chez lui, et il les reçoit et leur offre un banquet.
    2. Commémoration d'Aréthas (Ḥeirith) de Nejràn, martyr d'entre les martyrs.
    3. Commémoration de Marie, la moniale (Marine), qui revêtit des habits d'homme, et embrassa la vie religieuse. Elle dissimula aux moines son sexe; puis elle fut accusée de fornication avec une femme. Elle subit l'opprobre, sans rien laisser paraître de son secret jusqu'à sa mort. C'est alors que fut reconnue sa condition, et son innocence : en effet, quand on voulut laver son corps, on s'aperçut que c'était une femme.
    4. Fête de Denys, l'évêque astronome[5], disciple de Paul.[6]
    5. Commémoration des Dormants de la Caverne à Éphèse, dont l'histoire est rapportée par le Coran vénéré. Al-Mo'tasim fit partir en même temps que son ambassadeur auprès de l'empereur grec, un envoyé chargé de reconnaître le lieu de leur miracle, et de toucher leurs corps de sa main. Son rapport est connu. Remarquons pourtant que l'envoyé chargé de les toucher, et qui était Mohammad ibn Mousa ibn Châkir, laissait planer le doute sur le fait de savoir si c'était bien eux, ou d'autres corps déposés en cet endroit par supercherie. 'Ali ibn Yahia l'astronome raconte qu'au retour de son expédition, il pénétra dans cet endroit. C'est une petite éminence dont la largeur à la base est inférieure à mille coudées; elle possède un sentier souterrain qui s'enfonce dans l'intérieur de la terre sur une longueur de trois cents pas, qui aboutit à un portique dans la montagne soutenu par des colonnes taillées, et dans lequel se trouvent plusieurs loges. Et il dit qu'il a vu en cet endroit treize hommes et parmi eux un jeune garçon imberbe ; ils portaient des manteaux de laine et des vêtements de laine, des souliers et des chaussures. Et il prit une mèche de cheveux au front de l'un d'eux, et la tira, mais aucun cheveu ne resta dans sa main. Les corps qu'on voit en plus de ceux des sept enfants d'Éphèse, suivant les musulmans, et des huit, d'après les chrétiens, sont peut-être ceux de moines morts en cet endroit. Car les corps des moines se conservent particulièrement longtemps : ils mortifient tellement leur chair que les humeurs de leur corps périssent, et il ne reste entre leurs os et leur peau que très peu de chose, et ils s'éteignent comme une lampe qui vient à manquer d'huile. Et parfois ils restent appuyés sur leur bâton pendant des années et des années, comme on peut en voir dans leurs couvents. Ces jeunes hommes restèrent dans la caverne 372 ans suivant les chrétiens, et comme on le croit chez nous, 300 années solaires. [7]
    6. Commémoration de Sergius et Bacchus, martyrs.
    7. Commémoration de Zacharie le prophète; on célèbre ce jour-là l'annonce que les anges lui firent d'un fils, qui sera Jean; et cela est rapporté dans le Coran vénéré[8], et raconté en détail dans l'Évangile.
    8. Commémoration de Cyprien, évêque et martyr.
    9. Commémoration de Grégoire de Nysse, évêque.
    10. Commémoration de Cosme et Damien, les médecins martyrs.
    11. Commémoration de Luc, auteur du troisième Évangile.
    12. Commémoration d'Anastasia, martyre.
    13. Commémoration de la sépulture du chef de Jean, fils de Zacharie.

     

    Tichrîn II (Novembre).

    1. Commémoration de Cornutus, martyr.
    2. Commémoration de Ménas, martyr.
    3. Commémoration de Samonas, Gourias et Habib, martyrs.
    4. Commencement du jeûne de la Nativité de Jésus fils de Marie, le Christ. C'est un jeûne ininterrompu des 40 jours qui précèdent cette fête.
    5. Commémoration de Grégoire, auteur des miracles étonnants.
    6. Commémoration de Romanus, martyr.
    7. Commémoration d'Isaac, et de son disciple Abraham, martyrs.
    8. Commémoration de Pierre, évêque d'Alexandrie.
    9. Commémoration de Jacques, qui fut coupé par morceaux.
    10. Commémoration d'André, martyr, et d'André, l'apôtre.

     

    Kânoun I (Décembre).

    1. Commémoration de Jacques, premier évêque d'Elia[9].
    2. Commémoration de Jean, le Père (de l'Église), auteur de livres où il réunit les dogmes de la religion chrétienne. Le titre de Père est, chez eux, le plus grand honneur qui puisse être décerné dans l'enseignement; en effet, les principes de leur religion reposent là-dessus, le christianisme n'ayant pas été primitivement codifié; seulement ses docteurs, qu'il glorifie spécialement, ont déduit ses principes des règles données oralement par le Christ et les Apôtres; et c'est ce rôle qu'ils ont rempli que les chrétiens rappellent.
    3. Commémoration de Barbara et Juliana, martyres.
    4. Commémoration de Saba, abbé du monastère de Jérusalem.

    6 . Commémoration de Nicolas, patriarche d'Antioche.

    1. Commémoration des cinq Martyrs.
    2. Commémoration de Modeste, patriarche d'Elia.
    3. Commémoration de Sîsîn, catholicos du Rhorassan.
    4. Commémoration d'Ignatius, troisième patriarche d'Antioche.
    5. Commémoration de Joseph d'Arimathie, membre du Conseil, qui ensevelit le corps du Christ dans un tombeau qu'il avait préparé pour soi-même, comme il est raconté à la fin des quatre Évangiles. Al-Mâmoun ibn Aḥmad as-Salami al-Haraoui prétend qu'il l'a vu dans l'église de la Résurrection à Jérusalem, dans une chapelle à coupole. C'est un tombeau creusé dans une roche, en hauteur, et doré. Il a une histoire merveilleuse que nous raconterons au chapitre du jeûne des chrétiens. On prétend que dans l'Empire grec nul ne peut être investi du pouvoir, qu'il ne l'ait d'abord visité.
    6. Commémoration de Gélasius, martyr.
    7. Dans la nuit que précède le 25 de ce mois (la nuit du 25, comme disent les Grecs)[10], fête de Yalda[11], c'est-à-dire de la Nativité du Christ. Elle arriva dans la nuit d'un jeudi, et la plupart des gens croient que c'était un jeudi 25. Ce n'est pas exact. C'était le 26. Et si vous voulez en faire la preuve, par les méthodes que j'ai données précédemment, pour cette année-là, vous pouvez le faire. En effet, le 1er décembre de cette année était un dimanche.
    8. Commémoration du prophète David, et de Jacques, évêque d'Elia.
    9. Commémoration d'Etienne, chef des diacres.
    10. Massacre par le roi Hérode des enfants et des nouveau-nés du pays d'Hébron, dans l'intention d'atteindre le Christ, et de le tuer dans le nombre, comme il est raconté au commencement de l'Évangile.
    11. Commémoration d'Antoine, martyr. Les Chrétiens prétendent que c'est lui Abou Rouḥ, neveu d'Haroun ar-Rachîd, qui se fit chrétien après l'Islam, et que Haroun fit crucifier. Ils racontent à son sujet une histoire très étendue, et merveilleuse, dont nous autres musulmans n'avons jamais entendu ni lu la relation, ni une relation approchée, dans nos livres d'histoire et nos chroniques : les chrétiens, d'ailleurs, sont gens de tradition orale, qui croient aux histoires dans le genre de celle-là, surtout si elles se rattachent à leur foi, sans chercher des différents côtés à vérifier leurs légendes et à justifier leurs traditions.[12]

    Kânoun II (Janvier).

    1. Commémoration de Basile, et fête des Calendes. Calendes est un mot qui signifie : C'est du bien. Ce jour- là les enfants des chrétiens se réunissent, font le tour des maisons, et sortent d'une maison pour entrer dans une autre, en criant et en chantant : Kalendas, Kalendas! On leur sert à manger dans toutes les maisons, et on leur verse des gobelets de vin. On prétend que la raison de cette coutume est que l'année des Grecs commence ce jour- là, qui est aussi la fin de la semaine de l'enfantement de Marie; d'autres allèguent cette raison : quand parut le système d'Arius, et qu'il se fut acquis des sectateurs, il s'empara d'une des églises des chrétiens. Les fidèles lui déclarèrent la guerre, puis ils vinrent à s'accorder et à faire la paix à la condition qu'on fermât la porte de l'église trois jours de suite, puis qu'ils vinssent ensemble; et qu'ils récitassent leurs prières à tour de rôle devant cette porte : ceux devant qui la porte s'ouvrirait seraient ceux qui auraient droit à l'église. On fit ce qui était convenu; la porte ne s'ouvrit pas devant Arius, elle s'ouvrit pour les chrétiens (ce jour-là). On prétend donc que cette coutume des enfants veut rappeler la bonne nouvelle que les chrétiens firent circuler en ce jour.
    2. Commémoration de Sylvestre, évêque, qui convertit au christianisme le peuple de Constantinople.
    3. Jeûne de la fête de la Denḥ.[13]
    4. Denḥa, c'est-à-dire la fête de la Denḥ elle-même, et jour du Baptême. En ce jour Jean fils de Zacharie baptisa le Christ qui avait atteint sa trentième année, et le plongea dans l'eau baptismale à la rivière du Jourdain; l'Esprit-Saint se réunit à lui sous la figure d'une colombe qui descendit du ciel, comme il est rapporté dans l'Évangile. Les chrétiens font pareille chose pour leurs enfants, quand ils atteignent trois ou quatre ans : leurs évêques et leurs prêtres remplissent un bassin d'eau, et récitent des prières sur cette eau; puis ils y plongent l'enfant; et quand ce rite est accompli ils ont fait de lui un chrétien. Cela explique la parole de notre Prophète : "Tout enfant naît dans l'état d'ingénuité naturelle, jusqu'à ce que ses parents le judaïsent, le christianisent, ou le magicisent[14]." Abou'l-Ḥosein al-Ahouâzi, dans son livre Des connaissances des Grecs, expose les usages admis pour le catéchumène. On récite sur lui des prières pendant sept jours dans l'église, matin et soir. Le septième jour, il est dépouillé de ses vêtements et entièrement oint d'huile; ensuite on verse de l'eau tiédie dans une cuve de marbre dressée au milieu de l'église et le prêtre touche avec l'huile cinq points à la surface de l'eau, en forme de croix, un au milieu de quatre; on soulève alors l'enfant et l'on place ses deux pieds joints au-dessus du point qui est au milieu ; puis on l'introduit, dans l'eau, et le prêtre prend sur l'un des bords de la cuve de l'eau dans le creux de sa main, la verse sur la tête de l'enfant, et répète la chose sur les trois autres points, en forme de croix; il s'éloigne ensuite un peu; alors arrive celui qui est chargé de retirer l'enfant de l'eau, et c'est la même personne que celle qui l'y a introduit ; et pendant que les assistants récitent ensemble des prières, le prêtre lave l'enfant; puis on le retire de l'eau; et on le ceint d'une écharpe en le portant sans que son pied touche la terre, pendant que les assistants s'écrient sept fois : Kyrie eleison, c'est-à-dire : Seigneur, aie pitié de nous. Puis, sans cesser de le porter, on l'habille, on le dépose ensuite à terre, et il demeure à l'église ou bien s'y rend pendant sept jours; le septième jour le prêtre le lave, sans huile cette fois, et dans une autre cuve.
    5. Commémoration de Théodosius, le moine, qui mortifiait sa chair, et se chargeait de chaînes.
    6. Fin de la fête de la Denḥ, et massacre des saints justes au Mont Sinaï.
    7. Commémoration de Pierre, patriarche de Damas.
    8. Commémoration d'Antoine, le premier des moines, et leur chef.
    9. Commémoration d'Euthymius, moine et docteur.
    10. Commémoration de Maxime, l'anachorète.
    11. Commémoration de Cosme, qui recueillit les canons et lois ecclésiastiques.
    12. Commémoration de Polycarpe, évêque et martyr, brûlé vif.
    13. Commémoration de Joannes, surnommé Bouche d'or. Joannes est la forme grecque de Jean.
    14. Commémoration de Jean et Cyrus, martyrs.

     

    Choubât (Février).

    1. Commémoration d'Éphrem, docteur.
    2. Fête de la Chandeleur, jour où Marie porta Jésus au temple de Jérusalem, quarante jours après sa naissance. C'est une fête très solennelle chez les Jacobites. On dit aussi que ce jour-là les Juifs font venir leurs enfants dans les synagogues, et leur font lire des chapitres de la Thora. Si cette assertion est bien juste, cela doit se passer dans le mois de Chafat, et non pas en Choubât, les Juifs ne faisant pas usage des mois syriens. Entre ce jour et le huitième jour écoulé de Adhâr s'étend la période du commencement de leur jeûne, et nous en reparlerons, s'il plaît à Dieu. S'ils jeûnaient, ils ne fêteraient de toutes les commémorations que nous allons citer, que celles qui tombent le samedi : car c'est le seul jour qu ils fêtent.
    3. Commémoration de Belesys[15], martyr, que les Mages firent périr.
    4. Commémoration de Sisoès, le Catholicos, qui introduisit le Christianisme au Khorassan.
    5. Commémoration de l'invention du chef du Baptiste, qui est Jean fils de Zacharie.

     

    Adâhr (Mars).

    1. Commémoration des 40 martyrs, torturés au feu, au froid et à la gelée.
    2. Commémoration de Sophronios, patriarche de Jérusalem.
    3. Fête de Subbar[16], c'est-à-dire l'Annonciation que Gabriel (le salut soit sur lui) fit à Marie, de son fils, le Christ. De ce jour à la Nativité s'écoulent neuf mois (lunaires) cinq jours et une fraction, ce qui est la durée naturelle de la formation de l'enfant au sein de sa mère : Jésus, bien qu'il n'eût pas de paternité humaine, et qu'il fût assisté du Saint-Esprit, ne laissa pas dans sa vie terrestre que de se mouvoir constamment dans les nécessités de la nature et il a voulu, en subissant la première de toutes, qui est de séjourner au sein de sa mère, se conformer à la nature. [17]

     

    Nîsân (Avril).

    1. Commémoration de Marie l'Égyptienne, qui jeûna 40 jours de suite sans interrompre son jeûne. Il est de règle de célébrer ce jour le premier vendredi qui suit la fin du jeûne; et il ne tombe le premier Nîsân que quatre fois par cycle solaire, à cause de la condition obligée de sa coïncidence avec un vendredi : ce sont la 4°, la 10° la 15° et la 21° année si l'on fait partir les cycles du commencement de l'ère d'Alexandre, en comptant l'année entamée.
    2. Commémoration des 150 Martyrs.
    3. Commémoration des six synodes. Un synode est l'assemblée de leurs savants, prêtres et évêques, et d'autres personnages de la hiérarchie que nous avons rappelée, pour maudire une doctrine nouvelle, ou pour prononcer quelque chose comme un anathème, ou pour examiner une question qu'il importe à la religion de résoudre. Et ces réunions n'ont lieu qu'à de rares intervalles; quand il en arrive une on retient sa date, et il peut se faire qu'on la célèbre, par vénération et par un sentiment de dévotion. Le premier des six synodes est une réunion de 318 évêques à Nicée, formée par ordre de l'empereur Constantin, à cause d'Arius, le contradicteur des chrétiens sur la doctrine des hypostases, pour fixer à jamais le dogme des personnes du Père et du Fils à laquelle ils adhéraient unanimement ; et pour s'accorder sur la date de la rupture du jeûne, qui fut fixée au dimanche qui suit la Résurrection, après que l'un d'eux eut dit : "Faisons-la le 14 du mois de la Pâque juive." Le second synode est une réunion de 150 évêques à Constantinople par ordre de l'empereur Théodose l'Ancien, père d'Arcadius, à cause de l'homme surnommé "l'Ennemi de l'Esprit", qui contredisait la catholicité sur la doctrine de l'Esprit-Saint, et pour définir à jamais le dogme de la troisième Personne. Le troisième synode est une réunion de 200 évêques à Ephèse, par ordre de l'empereur Théodose le Jeune, au sujet de Nestorius, patriarche de Constantinople, et fondateur du rite nestorien, qui se séparait des chrétiens sur la doctrine de la personne du Fils. Le quatrième synode est une réunion de 630 personnes à Chalcédoine sur l'ordre de l'empereur Marcien, au sujet d'Eutychius, qui enseignait que le corps du Seigneur Jésus avait deux natures avant l'union, et une seule après l'union. Le cinquième synode est réuni par ordre de Justinien pour jeter l'anathème contre les évêques de Mopsueste et d'Édesse, et d'autres contradicteurs de dogmes fondamentaux. Le sixième synode réunit à Constantinople, par ordre de Constantin le Croyant, 189 évêques, au sujet de Cyrus et de Simon le Magicien.
    4. Commémoration de Mar Georgios, martyr, tué plusieurs fois[18] dans toutes sortes de tortures.
    5. Commémoration de Marc, auteur du second Évangile. 25 . c. d'Élie, catholicos du Khorassan.
    6. Commémoration de Christophoros.
    7. Commémoration de Siméon ben Sabba'i, catholicos, massacré au Khouzistan, avec les chrétiens qui l'accompagnaient.

     

     

    Eyâr (Mai.)

    1. Commémoration du prophète Jérémie.
    2. Commémoration d'Athanase, patriarche.
    3. Date de la fête des Roses, suivant le rite ancien, en vigueur au pays de Khouârizm : les fidèles se rendent aux églises en apportant des roses (blanches) dites roses de Djour. La raison en est que Marie offrit ce jour-là à Élisabeth, la mère de Jean, la primeur des roses.
    4. Commémoration du prophète Job.
    5. Fête de l'apparition de la Croix dans le ciel. Leurs auteurs rapportent qu'au temps de Constantin le Victorieux apparut dans le ciel comme une croix de feu ou de lumière. Et il fut dit à Constantin : "Prends ce signe comme bannière : par lui tu vaincras les rois qui te pourchassent." Il le fit, il vainquit, et se fit chrétien. Il envoya alors sa mère Hélène à Jérusalem à la recherche du bois de la Croix; elle le trouva avec les croix des deux larrons, crucifiés selon les chrétiens avec le Christ. Il y avait donc doute sur la vraie croix; et on n'arriva à la reconnaître que lorsque la reine eut posé chacune des croix sur un mort. Quand la croix du Christ toucha le mort, le mort ressuscita, et elle sut par là que c'était la vraie.[19]
    6. Commémoration de Jean, auteur du quatrième Évangile, et d'Arsenius, moine.
    7. Commémoration du prophète Isaïe. Dadjesu, dans sa traduction de l'Évangile, l'écrit Cha'ia. Dieu en sait plus que nous.
    8. Commémoration de Denys, évêque.
    9. Commémoration d'Epiphane l'archevêque.
    10. Commémoration de Julien, martyr.
    11. Fête des Roses, suivant le rite moderne; il reporte cette fête à cette date, parce que les roses sont encore trop rares le 4; c'est ce jour-là que se célèbre la fête au Khorassan, et non le 4.
    12. Commémoration du prophète Zacharie.
    13. Commémoration de Cyriaque, moine.
    14. Commémoration de Constantin, le Victorieux. Il fut le premier qui résida à Byzance, et fortifia la ville, qui s'appela de son nom Constantinople ; elle fut la résidence de ses successeurs.
    15. Commémoration de Siméon, moine, qui accomplit un miracle étonnant.

     

    Ḥazîran (Juin).

    1. Fête des Épis. Les fidèles apportent à l'église des épis de blé, sur lesquels ils disent des prières, et ils demandent à Dieu de les bénir. Ce jour-là se fête aussi la commémoration de Jean, fils de Zacharie; et les chrétiens se recommandent de son nom à Dieu (qu'il soit exalté) pour qu'il bénisse leur blé. Cette fête répond à la fête juive de 'Aṣereth.
    2. Commémoration des Enfants brûlés par Nabucbodonosor. Ce sont : 'Asaria, Ḥanania et Michel; et aussi, Commémoration de la rénovation du temple.
    3. Commémoration d'Athanase, patriarche.
    4. Commémoration de Cyrille, le patriarche, qui déposa Nestorius, fondateur de la secte des Nestoriens, et l'expulsa de la catholicité.
    5. Commémoration de Matthieu, Marc, Luc et Jean, les quatre Évangélistes.
    6. Commémoration de Léontius, martyr.
    7. Commémoration de Barchabia prêtre, qui introduisit le Christianisme à Merv, environ 200 ans après le Christ.
    8. Commémoration de Gabriel et Michel, archanges. Les fidèles cherchent par le culte qu'ils leur adressent à se rapprocher de Dieu, et demandent à Dieu en leur nom, de préserver les créatures des atteintes de la chaleur.
    9. Commémoration de la Nativité de Jean, fils de Zacharie. De son annonciation à sa naissance s'écoulent 258 jours, ce qui fait huit mois et demi et un dixième de mois.
    10. Commémoration de Febronia, martyre, soumise à la torture.
    11. Commémoration de la mort de Paul, docteur, fondateur de la religion chrétienne.
    12. Commémoration de Pierre, qui est Simon Cephas, prince des Sillîḥ, c'est-à-dire des Apôtres.

     

    Tammouz (Juillet).

    1. Commémoration des douze Apôtres, disciples du Christ.
    2. Commémoration de Thomas, apôtre, qui ne crut pas au Christ quand il revint après sa crucifixion, avant d'avoir touché ses flancs, et d'y avoir découvert la trace du coup de lance des Juifs. C'est lui qui convertit l'Inde au Christianisme.
    3. Commémoration de Domèce, martyr.
    4. Commémoration de Procope, martyr.
    5. Commémoration de Marthe, mère de Siméon le Thaumaturge.
    6. Commémoration des trois Enfants brûlés par Nabuchodonosor. Ils croient que s'ils omettaient de les célébrer, ils auraient à souffrir des chaleurs de Tammouz.
    7. Commémoration des 45 Martyrs.
    8. Commémoration de Phocas, martyr.
    9. Commémoration de Thouthaël, martyr.
    10. Commémoration de Jean de Merv, le Jeune, tué de nos jours.
    11. Commémoration de Cyriaque et de sa mère Julitte. On assure qu'il discuta avec un roi à l'âge de trois ans, et qu'il se servit d'arguments décisifs, en sorte qu'il convertit 14.000 personnes.
    12. Fête des Raisins ; les fidèles apportent les prémices de la vigne et demandent les bénédictions de Dieu, pour que la récolte pousse, s'accroisse, et profite.
    13. Commémoration de Paphnuce, martyr.
    14. Commémoration de Pantéléémon[20], le médecin martyr.
    15. Commémoration de Siméon, le moine stylite.
    16. Commémoration des 72 disciples du Christ.

     

    Ab (Août).

    1. Jeûne de la Maladie de Marie, mère du Christ. C'est un jeûne de quinze jours, qui se termine le jour du trépas de Marie; et commémoration de Chemouni Machabée[21], dont les Mages tuèrent les sept enfants, qu'ils brûlèrent vifs dans des poêles.
    2. Commémoration de Moïse, fils d'Amram, que le salut soit sur lui !
    3. Fête du Mont Thabor. Voici ce que l'Evangile rapporte à ce sujet : les prophètes Moïse, fils d'Amram, et Ilia, qui est Elie, apparurent au Christ sur le Mont Thabor. Et il y avait avec le Christ trois de ses compagnons : Simon, Jacques et Jean, qui dormaient. Quand ils se réveillèrent et qu'ils virent cette apparition, ils furent pris de frayeur, et dirent : "Que notre Maître (ils entendaient le Christ) nous permette d'élever trois tentes, une pour toi, et les deux autres pour Moïse et Elie." Ils n'avaient pas achevé que trois nuages au-dessus d'eux étendirent leur ombre sur eux; Moïse et Elie entrèrent dans la brume, et disparurent. Moïse était mort, à ce moment, depuis des siècles; quant à Elie, il était vivant, et l'est toujours (c'est en effet leur croyance), mais caché et dérobé aux regards des hommes.
    4. Commémoration d'Elie, le vivant, dont nous venons de parler.
    5. Commémoration du prophète Elisée, disciple d'Elie.
    6. Commémoration de Rabboula, évêque.
    7. Commémoration de Marnas, martyr.
    8. Fête du Trépas de Marie. Entre ce mot de commémoration et la fête, il y a une différence : la fête est plus solennelle, la commémoration l'est moins.
    9. Commémoration des prophètes Isaïe, Jérémie, Zacharie et Ezéchiel.
    10. Commémoration de Séleucus et de sa fiancée Stratonice, martyrs.
    11. Commémoration du prophète Samuel.
    12. Commémoration de Lucius, martyr.
    13. Commémoration du vieillard Saba, moine.
    14. Commémoration du meurtre de Jean, qui fut décapité. Al-Ma'moun ibn Ahmad as-Salami al-Haraoui raconte qu'il vit à Jérusalem un tas de pierres à la porte dite Bâb el-'Amoud[22], amoncelées à la hauteur d'un monticule ou d'une colline. On lui expliqua qu'elles avaient été jetées sur le sang de Jean, fils de Zacharie, et que le sang montait toujours plus haut, en bouillonnant. Cela dura jusqu'à ce que Nabuchodonosor fit les massacres que l'on sait, et répandit le sang des victimes sur celui de Jean; et à partir de ce jour son mouvement s'arrêta. Or, il n'y a rien de pareil dans l'Évangile, et je ne sais pas que penser : en effet, Nabuchodonosor envahit Jérusalem quelque chose comme 445 ans avant le meurtre de Jean; et le second pillage de la ville fut accompli par Vespasien et Titus, empereurs des Grecs. Peut-être les habitants de Jérusalem donnaient-ils le nom de Nabuchodonosor à tout destructeur de leur ville; autrement, j'ai entendu dire à un historien que ce roi dont il est question est Joudharz, fils de Sâbour, fils d'Afqourchah, roi d'Achkania.
    15. Commémoration de tous les prophètes, que le salut soit sur eux!

     

    Eiloul (Septembre).

    1. Fête du Couronnement de l'année. En ce jour ils prient et font des vœux pour la bonne conclusion de l'année et l'ouverture de l'année suivante; car c'est ce mois qui clôture l'année.
    2. Commémoration des sept martyrs tués à Nisapour.
    3. Commémoration d'Anne, mère de Marie, et de Joachim, son père.
    4. Fête de la Rénovation du Temple par la prière, et renouvellement de la consécration des églises.
    5. Fête de l'Invention de la Croix par l'empereur Constantin et sa mère Hélène, qui l'arrachèrent d'entre les mains des Juifs. Elle était enfouie à Jérusalem, et il en a été question plus haut.
    6. Commémoration des six synodes.
    7. Commémoration d'Euphemia, martyre.
    8. Commémoration d'Eustathius, de sa femme, et de ses enfants[23], martyrs.
    9. Commémoration de Vitellius, martyr.
    10. Commémoration de Thécla, martyre, brûlée vive; et fête de l'église de la Qomâma à Elia[24].
    11. Commémoration de Sabinien et Paul, martyrs, et de Tatta, martyre.
    12. Commémoration de Chariton, moine.
    13. Commémoration de Grégoire, évêque, qui convertit l'Arménie.

     

    Voilà ce que nous avons pu savoir des commémorations et des fêtes des Melchites.

     

    [1] Leipzig, 1878.

    [2] Sachau, p. 288-301.

    [3] Année 1902, n° 1 et 2.

    [4] H. Delehaye, Synaxarium ecclesiae constantinopolitanae, dans Acta Sanctorum, Propylaeum ad AA. SS. Novembris, Bruxelles, 1902.

    [5] Les légendes nous le montrent notamment observant le ciel le jour du crucifiement. Cf. ms. arabe Paris 4879, f° 122; cf. aussi Paris ar. 4795, f° 190.

    [6] A la suite de cette notice, Al-Birouni expose ici les hiérarchies religieuse et civile. Nous y notons que le catholicos des melchites pour les pays musulmans est à Bagdad, dépendant lui-même du patriarche d'Antioche.

    [7] A la suite de cette notice, Al-Birouni expose ici un passage d'exégèse coranique- Al-Bîrouni explique que les 9 ans en plus dont parle le Coran (xviii, 24) proviennent de la réduction de cette période de 300 ans en années lunaires.

    [8] Coran, iii, 33

    [9] Autre nom de Jérusalem.

    [10] En effet, chez les Arabes, le jour de 24 heures commence la veille au soir du jour chrétien affecté du même quantième

    [11] Mot syriaque, et non arabe.

    [12] An. Boll., t. XXXI, p. 410

    [13] Mot syriaque, et non arabe.

    [14] Sur cette tradition v. Lisan el-'Arab, VI. p.368, et les Commentateurs du Coran. II, 122.

    [15] Cf Βλασιος, Syn. de Const.

    [16] Mot syriaque, et non arabe.

    [17] A la suite de cette notice, Al-Birouni expose ici une réfutation de l'astrologie à propos de la venue du Christ.

    [18] D'après la légende, ce saint ressuscitait chaque fois (Cheikho).

    [19] A la suite de cette notice, Al-Birouni expose ici une exposé des légendes et symboles nés de la forme de la Croix.

    [20] ou Pantaléon

    [21] II Machab., vii.

    [22] Appellation arabe de l'ancienne "Porte de Damas".

    [23] Le texte porte : "et de sa mère".

    [24] C'est-à-dire : l'église de la Résurrection à Jérusalem. V. Prol. d'ibn Khaldoun, dans Not. et Extr. t. XX,

    1. 267.

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