• "Démonstration de la foi de l'Eglise par les deux Testament et les Conciles" partie 2

    Traité arabe de Théodore Abu Qurrah,
    "Démonstration de la foi de l'Eglise par les deux Testament et les Conciles"
    n° IX dans l'édition de Constantin BACHA

    Deuxième partie : "Sur les conciles"


    NB : Cette partie, expressément séparée, débute p 104 dans l'édition arabe (1904) et p  27 de la traduction française (1905).

    Mais cela sert-il à tous les chrétiens ? Il sert seulement à nous Chalcédoniens ; il ne sert à rien aux Nestoriens, ni aux Jacobites, ni aux Julianistes (1), ni aux "Monothélites", ni aux autres hérétiques qui se nomment aussi chrétiens. Chacun d'eux prend pour lui tout ce que nous avons dit pour prouver la divinité du Christianisme, et il croit être le vrai chrétien.
    Ayant démontré le Christianisme et prouvé qu'il est la seule, la véritable d'entre toutes les autres religions, il nous faut faire séparer notre doctrine orthodoxe de toutes les hérésies, et prouver qu'elle est la seule vraie et que toutes les doctrines de ces hérésies sont fausses. Nous l'avons déjà prouvé ailleurs, par le secours du Saint-Esprit, dans une étude délicate et précise pour les gens intelligents et capables d'étudier les choses obscures que ne comprennent pas les esprits vulgaires ; mais l'étude précise et délicate ne satisfait pas l'esprit commun du vulgaire, le bas peuple et les gens des champs et autres, et ne leur procure aucunement la guérison. Il faut donc leur frayer une autre voie claire et lumineuse que puissent suivre sûrement et facilement les gens d'intelligence supérieure et ceux d'intelligence ordinaire, c'est-à-dire le philosophe et le bas peuple.
    C'est pourquoi nous allons prouver notre orthodoxie et faire éclater sa lumière autant que celle du soleil dont les rayons sont vus des petits et des grands, pour ne laisser à personne un prétexte en l'abandonnant, pour convaincre ceux qui vivent tranquillement dans l'erreur des hérésies, pour réjouir les orthodoxes qui par le concours du Saint-Esprit sont dans la juste foi et dans la vraie religion, pour exciter ceux-ci à unir à cette foi la justice et les bonnes œuvres; elle leur serait non pas inutile mais nuisible, s'ils ne faisaient pas ce qu'ils doivent faire dans l'obéissance au Christ.
    Mais quelle est cette voie claire que l'orthodoxie nous démontre? Nous ensemble des chrétiens, nous sommes d'accord pour admettre les livres de l'Ancien et du Nouveau Testament et les croire ; mais une chose nous sépare, notre interprétation différente de ces livres ; cela nous oblige à nous réunir chacun dans une église à part et nous empêche de prier ensemble dans le même temple. Il en résulte deux choses : que nous sommes tous également agréables au Christ en admettant les livres de l'Ancien et du Nouveau Testament dictés pour nous par le Saint-Esprit et que Dieu ne nous demande pas compte de n'avoir pas pénétré les vérités de ces livres, ou que Dieu n'accepte pas de nous voir admettre la lettre de ces livres sans le véritable sens des mots que le Saint-Esprit a voulu exprimer d'une manière indispensable à la religion. Si quelqu'un dit : Le Christ se contente de nous voir suivre ces livres sans en comprendre le contenu, ou le vrai sens, il rend le Christianisme semblable au Judaïsme, en mettant la fin de sa doctrine dans les mots, non dans l'esprit; il autorise les chrétiens à se réunir pour prier dans une église en même temps qu'ils sont séparés en esprit ; il leur prêche d'adorer extérieurement un seul Dieu, et intérieurement plusieurs dieux ; il leur persuade de se nommer de bouche disciples d'un seul Christ, tout en croyant à plusieurs au fond du cœur. Mais le Christ ne veut point de ce culte, comme il le dit lui-même : "Je ne ferai jamais entrer la guerre à la place de la paix." Il est indispensable à tout chrétien, s'il veut être sincèrement chrétien, d'adorer le Christ, le Père et le Saint-Esprit dans le sens propre des livres de l'Ancien et du Nouveau Testament; autrement il serait juif et pourrait dire, indifféremment, que Dieu est muable ou qu'il y en a plusieurs. Lorsqu'il entend Moïse dire : "Dieu est un feu dévorant" (Exod., xxiv, 17), il devient mage, car il conçoit le feu que les mages adorent ; et s'il entend le prophète Daniel dire : "Il est l'Ancien des jours et ses cheveux sont blancs comme la laine pure" (Dan., vii, 9), il croit que Dieu est très vieux ; de même, s'il entend Ezéchiel dire : "Il est du milieu du corps jusqu'en haut tout en feu comme le lapis-lazuli, et du milieu jusqu'en bas en feu" (Ezech., i, 27), il imagine que Dieu a été changé de ce qu'il était, ou qu'il est différent de ce que Daniel a vu et que Moïse avait déjà nommé. Quel malheur de voir ces trois choses troubler le cœur du fidèle !
    De plus, s'il entend le Christ lui-même dire qu'il est la porte (Joan., X, 7), il le croit une porte matérielle, et s'il l'entend dire qu'il est la vigne (Joan., xv, 1), il pense qu'il a été changé ou qu'il est un autre Christ différent, et ainsi de suite. Il lui est donc nécessaire de suivre le sens propre du livre en ce qui concerne l'essence de la religion, autrement il n'y aurait plus de culte.
    S'il en est ainsi, l'Eglise du Christ devrait être nécessairement l'une de ces églises dont chacune prétend avoir seule la vraie doctrine chrétienne.
    Mais, que doivent faire les gens vulgaires, les paysans, et tous les hommes en général, qui ne comprennent pas ces vérités que le Christ leur ordonne de croire de la façon qu'il a voulu ? Dirons-nous qu'il leur demande l'impossible ? Non; autrement sa descente du ciel et l'effusion de son sang pour eux leur seraient inutiles et même nuisibles : mais comme il n'exige pas cela d'eux, il ne leur demande pas l'impossible, car nous savons bien que, pour la plupart, leur intelligence ne peut pas comprendre tout ce qu'ils doivent savoir. Comment faire donc pour trouver une voie à la portée de leur intelligence, de façon qu'en la suivant ils arrivent tous à la possession de cette vérité ?
    Nul hérétique ne connaîtra jamais cette voie et ne pourra la suivre ; il ne possède rien de la vie que la parole qu'il suit comme dans l'obscurité pour tromper et séduire les simples; il bavarde afin que les simples, en l'entendant, croient qu'il est la source de la sagesse ; il les gagne à son parti en proférant des paroles inintelligibles pour eux et même pour lui ; comme dit saint Paul : "Il ne comprend pas ce qu'il dit ni ce qu'il raisonne." (I Cor., XIX, 2.)
    Cette voie claire, les orthodoxes seuls la possèdent, elle les conduit à la vie éternelle; car nous savons bien que le Christ ne néglige pas cette affaire en condamnant la plupart des hommes à errer ainsi sans pouvoir connaître une voie qui conduise leur intelligence à comprendre ce qu'ils doivent faire. D'autant plus que le Christ savait bien, et les Apôtres, que ces hérésies existeraient et que Satan s'en servirait pour cribler l'Eglise afin qu'elle conserve le pur froment. (Luc, xxii, 31.)
    Le Saint-Esprit nous a bien montré cette voie par la bouche de Moïse, le chef des prophètes, dans le Pentateuque, lorsque Dieu lui donna les règles d'après lesquelles il devait gouverner les enfants d'Israël. Moïse remit ces règles à leurs prêtres, qui sont les juges, et auxquels il ordonna déjuger ainsi les enfants d'Israël; il institua des chefs de dix, de cinquante, de cent et de mille; il leur ordonna de faire exécuter le juste jugement parmi les enfants d'Israël en disant : "Regardez bien ; ce qui vous semble clair de ces règles, employez-le avec vos frères, et ce qui vous paraît obscur ou douteux présentez-le-moi pour le porter à Dieu et vous en rapporter la vérité." (Deut , i, 10.) Ils faisaient ainsi tout le temps que Moïse vécut parmi eux.
    Quand Dieu permit que Moïse mourût au delà du Jourdain, le prophète avait su par le Saint-Esprit qu'après sa mort les enfants d'Israël seraient dans l'embarras et le doute, par conséquent divisés et dispersés : c'est pourquoi il leur donna par l'Esprit-Saint une seconde loi en laissant parmi eux un successeur qui tînt sa place à jamais : "Si vous trouvez quelques commandements obscurs ou douteux entre sang et sang, entre arrêt et arrêt, entre impur et impur, et entre querelle et querelle, et s'il y a dans vos cités une différence d'opinion, venez au lieu que le Seigneur votre Dieu choisira pour y invoquer son nom, réfugiez vous-y alors et allez y trouver les prêtres, les lévites et le juge qui existera. Ils examineront cela et ils vous donneront la décision juste. Suivez la décision qu'ils vous donneront dans le lieu que le Seigneur votre Dieu choisira pour invoquer son nom. Tâchez de faire ce qu'ils vous ordonnent et d'accomplir la loi et la décision qu'ils vous donneront; ne vous en écartez ni à droite ni à gauche. L'homme qui par orgueil n'écoute pas le prêtre qui agit au nom du Seigneur, et le juge qui sera en ces temps, qu'il soit mis à mort ; dépouillez les ennemis des enfants d'Israël afin que tout le peuple apprenne ce châtiment et s'en éloigne en se gardant de l'imiter." (Deut., xvii, 8.)
    Vous voyez bien que Moïse ne laissa à personne, savant ou non, le droit de discuter ces décisions. Mais le Saint-Esprit révéla au prophète de confier cette autorité au collège des prêtres et au juge qui sera dans le lieu que Dieu choisira pour y invoquer son nom, ne laissant personne discuter avec eux ; mais plutôt il ordonna à tout le peuple, et à chacun, savant ou illettré, d'obéir à la décision sortie de ce collège, pour lui ou contre lui. Il condamne à mort l'orgueilleux qui ne veut pas accepter avec soumission leur jugement, croyant que son opinion est plus juste que la leur. Il a condamné à mort celui qui n'accepte pas leur jugement parce qu'il était persuadé que, le Saint-Esprit leur ayant confié de juger les affaires douteuses et les différends, il doit assister leur intelligence pour dire la vérité et ne les abandonne pas sans son secours, quels que soient leur état et leur intelligence; il ne les laisse dire que la vérité.
    Si quelqu'un disait : "Bien que le Saint-Esprit ordonne au peuple d'obéir à l'assemblée des prêtres qui sera dans ce lieu pour les décisions obscures, il lui laisse dire le faux", celui-là estimerait que le Saint-Esprit lui-même induit tout le peuple en erreur, et il serait précisément un blasphémateur contre le Saint-Esprit, en faisant de l'Esprit-Saint, Soleil de Justice et Source de Lumière, la cause de l'erreur. A Dieu ne plaise qu'il en soit ainsi ! Au contraire, nous sommes sûrs, et nos cœurs sont en repos, que le Saint-Esprit n'abandonne jamais cette assemblée et il ne la laisse prononcer aucun jugement mal à propos.
    Dans la sainte loi nouvelle dont l'ancienne était la figure, le Saint-Esprit a arrangé les choses de la même manière que dans l'ancienne, en ordonnant de porter tout différend entre les chrétiens, en matière de religion, à l'assemblée des Apôtres et leur donnant un chef qui juge en dernier ressort toutes les décisions avec son assemblée : de juger d'après les vues du Saint-Esprit, comme le montrent les Actes des Apôtres.
    Lorsque Paul et Barnabas étaient à Antioche, élus par le Saint-Esprit pour parcourir les villes et y annoncer l'Evangile du Christ, après qu'ils ont accompli la mission pour laquelle ils ont été élus ils retournèrent à Antioche. Il y avait alors des frères qui sont venus de Jérusalem à Antioche : ils enseignaient et disaient : "Si vous ne vous faites pas circoncire selon la loi de Moïse, vous ne pouvez pas vivre." Paul et Barnabas s'y opposèrent; après une discussion, tous décidèrent que Paul et Barnabas, avec quelques-uns d'entre eux, monteraient voir les Apôtres et les prêtres à Jérusalem au sujet de ce différend.
    Quant ils furent arrivés à Jérusalem, il y avait des hommes du parti des pharisiens qui avaient embrassé le christianisme. Ils se levèrent et dirent aux Apôtres : "Il faut faire circoncire les Gentils qui croient et leur ordonner de garder la loi de Moïse." Alors les Apôtres se réunirent aux prêtres pour étudier le différend. Il s'ensuivit une grande discussion.
    Après cela Pierre se leva et leur dit : "Vous savez, hommes mes frères, que le Dieu des temps anciens a voulu que les Gentils entendissent de ma bouche la parole de l'Evangile et qu'ils crussent. Dieu, qui connaît les cœurs, les a justifiés en leur donnant le Saint-Esprit aussi bien qu'à nous et il n'a pas fait de différence entre eux et nous en purifiant leurs cœurs. Pourquoi donc voulez-vous contrarier Dieu et imposer aux disciples un joug que ni nous ni nos pères n'avons pu porter? Cependant nous croyons que nous vivions par la grâce de notre Seigneur Jésus aussi bien qu'eux."
    Alors Jacques répondit : "Hommes, écoutez : Simon vous a raconté comment il a plu à Dieu de se choisir un peuple parmi les Gentils. Cela s'accorde avec les prophètes, comme il est écrit : "Après cela je viendrai et je rebâtirai l'habitation ruinée de David ; j'en renouvellerai ce qui a été démoli et je la ferai se relever, afin que tous les hommes cherchent la face de Dieu avec toutes les nations qui seront appelées de mon nom : c'est ainsi, dit le Seigneur qui l'a accompli." Donc je juge qu'il ne faut pas inquiéter ceux d'entre les Gentils qui se convertissent à Dieu; mais je vois qu'on doit leur ordonner de s'abstenir des souillures des idoles, de la fornication, des chairs étouffées et du sang."
    Alors tous les Apôtres et les prêtres avec toute l'Eglise jugèrent et choisirent parmi eux deux hommes qu'ils envoyèrent à Antioche avec Paul et Barnabas : le premier est Jude surnommé Barsabas, et l'autre est Silas, l'un et l'autre illustres parmi les frères. Ils écrivirent (une lettre) qu'ils envoyèrent avec eux, et ainsi conçue : "Les Apôtres, les Prêtres et les Frères, à l'Eglise qui est à Antioche en Syrie et aux Frères qui sont des Gentils, salut. Nous avons appris que quelques-uns de nous sont allés d'ici pour vous inquiéter et ils vous ont ébranlé l'âme en vous disant qu'il faut être circoncis et garder la loi de Moïse, de quoi nous ne leur avons pas donné l'ordre. Nous avons donc jugé unanimement de choisir deux hommes et de les envoyer avec nos deux frères Barnabas et Paul qui ont livré leur vie pour le Christ. Nous vous avons député Jude et Silas et nous leur avons ordonné de vous faire entendre de leurs bouches notre parole en ces termes : Il a semblé bon au Saint-Esprit et à nous de ne point vous imposer d'autre obligation pour ce qui est nécessaire (au salut), que de vous abstenir des sacrifices, des idoles, du sang, de la chair étouffée et de la fornication. Si vous gardez cela, vous agissez bien." Jude et Silas firent leurs adieux à la communauté et descendirent à Antioche où ils réunirent les fidèles et ils leur remirent la lettre, qu'ils lurent avec joie et consolation. Jude et Silas étaient prophètes, ils ont beaucoup consolé les frères et les ont fortifiés par plusieurs discours.
    Vous voyez bien : ceux qui sont allés à Antioche et ordonnaient la circoncision et de garder la loi étaient de la communauté des frères de Jérusalem; Paul et Barnabas, qui les contredisaient, étaient aussi des Apôtres illustres. Quand les deux partis se sont disputés à Antioche, l'Eglise n'a pas accepté (l'opinion) de Paul et de Barnabas ni celle des autres ; mais elle les porta toutes deux à l'assemblée des Apôtres dont saint Pierre était le chef. Lorsque l'assemblée des Apôtres les eut reçus et eut examiné le différend, elle jugea d'après ce qu'elle vit, attribuant son jugement au Saint-Esprit et disant : "II a semblé bon au Saint-Esprit et à nous." Vous voyez bien que cette assemblée à qui le Christ a confié le droit de juger les hérésies n'a pas d'autre vue que celle du Saint-Esprit. Il faut lui porter tout différend en matière de doctrine; car il n'est point permis à quiconque, grand ou petit, d'avoir un sentiment particulier différent, et personne n'a le droit d'imposer à l'Eglise sa manière de voir personnelle. C'est pourquoi l'Eglise n'a pas accepté l'opinion de Paul et Barnabas qui étaient la lumière du monde, ni celle des autres. Il n'y a ni évêque ni patriarche ni toute autre personne qui puisse dire à l'Eglise : Recevez ce que je dis et rejetez ce que disent les Apôtres.
    Il faut noter que les Apôtres avaient pour chef saint Pierre à qui le Christ avait dit : "Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l'enfer ne triompheront point d'elle" (Matth., XVI, 18); à qui il dit aussi trois fois, après sa résurrection, près de la mer de Tibériade : "Simon, m'aimes-tu ? (Si tu m'aimes) Pais mes agneaux, mes béliers et mes brebis." (Joan., xxi, 15-18.) Il lui dit ailleurs : "Simon, Satan a demandé de vous cribler comme on crible le blé, et j'ai prié pour toi afin que tu ne perdes pas ta foi; mais, à l'instant, tourne-toi vers tes frères et affermis-les." (Luc, XXII, 31.)
    Vous voyez bien que saint Pierre est le fondement de l'Eglise propre au troupeau (des fidèles), et celui qui a sa foi ne la perdra jamais; c'est lui aussi qui est chargé de se tourner vers ses frères et de les affermir. Les paroles du Seigneur : "J'ai prié pour toi afin que tu ne perdes pas ta foi; mais tourne-toi à l'instant vers tes frères et affermis-les", ne désignent pas la personne de Pierre ni les Apôtres eux-mêmes. Le Christ a voulu désigner par ces mots ceux qui tiendront la place de saint Pierre à Rome et les places des Apôtres. De même quand il dit aux Apôtres : "Je serai avec vous tous les jours jusqu'à la fin des siècles", il n'a pas voulu désigner les personnes des Apôtres seuls, mais encore ceux qui tiennent leurs places et tout leur troupeau. Ainsi par ces mots qu'il adressa à saint Pierre : "Tourne-toi à l'instant et affermis tes frères, et que ta foi ne se perde pas", il a voulu désigner ses successeurs; par la raison que saint Pierre seul parmi les Apôtres a perdu sa foi et nié le Christ, le Christ l'avait exprès abandonné pour nous montrer que ce n'est pas sa personne qu'il a voulu désigner, et nous n'avons vu aucun Apôtre tomber afin que saint Pierre l'affermisse.
    Dire que le Christ a voulu désigner saint Pierre et les Apôtres en personne, ce serait priver l'Eglise de ce qui doit l'affermir après la mort de saint Pierre. Comment cela pourrait-il être? En voyant, après la mort des Apôtres, Satan passer l'Eglise au crible, il est évident que ce ne sont pas eux que le Christ a voulu désigner par ces mots. Nous savons tous, en effet, que c'est après la mort des Apôtres que les hérésiarques ont agité l'Eglise, savoir : Paul de Samosate, Arius, Macédonius, Eunomius, Sabellius, Apollinaire, Origène et les autres. Si ces mots du texte sacré ne désignent que les personnes de saint Pierre et des Apôtres, l'Eglise aurait donc été privée de consolation et n'aurait eu personne qui la sauvât de ces hérésiarques et de leurs doctrines qui sont les portes de l'enfer dont le Christ a dit qu'elles ne triompheront jamais de l'Eglise. Il est donc de toute évidence que ces mots désignent les successeurs de saint Pierre, qui ne cessent en effet d'affermir leurs frères et ne cesseront jamais jusqu'à la fin des siècles.
    Vous savez bien que lorsque Arius se révolta, une assemblée fut réunie contre lui par l'ordre de l'évêque de Rome. Le saint Concile l'a condamné et a fait cesser son hérésie; et l'Eglise a accepté la décision de ce concile et a repoussé Arius comme l'Eglise d'Antioche avait accepté la lettre des Apôtres et avait rejeté ces sectateurs qui lui enseignaient la circoncision et la pratique de la loi. Ainsi lorsque Macédonius se révolta au sujet du Saint-Esprit, une assemblée fut réunie contre lui à Constantinople par l'ordre de l'évêque de Rome; ce concile rejeta l'hérésiarque et l'Eglise accepta sa décision comme elle avait accepté celle du premier. Elle excommunia Macédonius comme elle avait déjà excommunié Arius. Elle apprit de ces deux conciles à dire que le Fils et le Saint-Esprit sont de la substance du Père et que chacun d'eux est Dieu coéternel avec le Père. Elle accepta aussi ces deux conciles de la même manière que l'Eglise d'Antioche avait accepté autrefois le concile des Apôtres. De même que l'Eglise d'Antioche n'avait eu aucune part dans la décision des Apôtres, ainsi dans ces deux conciles personne n'a discuté. Et comme ce que les Apôtres avaient écrit à l'Eglise d'Antioche était estimé une décision du Saint-Esprit, ainsi l'Eglise ne douta pas que la définition de ces deux conciles ne fût celle du Saint-Esprit. Aussi l'Eglise d'Antioche n'avait pas accepté le sentiment de Paul et de Barnabas ni celui des autres frères, mais elle les avait portés à l'assemblée des Apôtres et attendait la décision de cette assemblée ; lorsqu'elle l'eut reçue, elle fut consolée. C'est ainsi que l'Eglise n'a pas accepté la doctrine d'Arius ni celle de Macédonius, ni celles qui les contredisaient à cette époque parmi les Saints Pères ; mais elle porta le différend au saint concile et attendit sa décision ; lorsqu'elle l'eut reçue, elle fut consolée et réjouie.
    Lorsque Nestorius se révolta en disant du Christ ce qu'il en a dit, l'Eglise rejeta sa doctrine et la porta, selon sa coutume, au saint concile, qui fut réuni à Ephèse par ordre de l'évêque de Rome. Le saint concile l'excommunia et fit cesser son hérésie. La sainte Eglise accepta ce concile et excommunia Nestorius en repoussant sa doctrine, persuadée qu'elle n'avait pas le droit de prendre part dans la décision de ce concile, mais qu'elle avait l'ordre du Saint-Esprit de s'y soumettre, comme nous l'avons déjà démontré.
    Sache bien, Nestorien, que tu es dans l'erreur et que tu as glissé de la pierre sur laquelle l'Eglise a été bâtie ; tu es séparé du Christ, il n'habite plus en toi parce que tu n'as pas accepté la décision du saint concile que le Saint-Esprit t'a commandé d'accepter comme tu dois accepter sa propre décision. Je m'étonne bien de ce que tu suives Nestorius que tu n'es pas obligé de suivre en le préférant à Paul et à Barnabas ; car l'Eglise n'a pas voulu accepter ce que disaient ces deux lumières des hommes. Mais tu as accepté ce que disait Nestorius et rejeté la décision du concile que tu es obligé de suivre. Tu as pris un soutien trop faible en te confiant à une intelligence humaine et tu as négligé l'assistance du Saint-Esprit. Sache encore que tu n'as aucune excuse en cela parce que tu as reçu les décisions de deux premiers conciles avec confiance et sans examen, comme le Saint-Esprit te commande de le faire; et tu as refusé ce troisième que le Saint-Esprit t'a ordonné d'accepter avec la même soumission que les deux premiers conciles. Tu as voulu discuter son jugement et tu n'as pas mis ta confiance dans le Saint-Esprit qui l'a assisté et l'a fait parler. Si tu allègues des excuses au sujet de ce concile, sache bien qu'Arius et ses partisans peuvent facilement en alléguer de semblables contre le premier concile et l'accuser de plusieurs défauts ; et Macédonius et les siens peuvent aussi alléguer des motifs semblables et accuser le second concile sans crainte. Comme ils ne sont pas excusés et que tu ne les excuses pas en accusant ces deux conciles, il te faut savoir de même que tu n'es pas excusé auprès du Christ en accusant ce troisième concile.
    Lorsqu'Eutychès et Dioscore se révoltèrent en disant du Christ ce qu'ils en avaient dit, l'Eglise a repoussé leur hérésie et les Saints Pères se sont levés contre eux. Mais l'Eglise n'a pas accepté leur doctrine ni celle de ceux qui les contredisaient, elle les a fait traduire au jugement du saint concile, selon sa coutume. Le quatrième concile a été réuni alors à Chalcédoine par l'ordre de l'évêque de Rome; il les a excommuniés et a fait cesser leur hérésie. L'Eglise accepta alors la décision de ce concile, comme elle avait accepté celles des trois premiers conciles; elle excommunia Eutychès et Dioscore et rejeta leur hérésie, sachant bien qu'elle n'a pas le droit d'intervenir avec ce concile et persuadée que sa décision était celle du Saint-Esprit.
    Toi, Jacobite , pourquoi as-tu accepté les trois conciles avec confiance, sans discussion, et n'acceptes-tu pas le quatrième? Tu lui as préféré Eutychès et Dioscore en abandonnant le soutien de la colonne de la vérité que le Saint-Esprit t'a accordée et tu t'es appuyé sur un roseau brisé, laissant ta chair se couper et ton sang se répandre, et mourir ainsi spirituellement par ta précipitation à suivre ceux que tu n'es pas obligé de suivre. Mais cela t'est plutôt défendu, comme il t'a été défendu de suivre le serpent qui est l'instrument de l'erreur.
    Tu ne cesses pas encore de changer la doctrine d'un tel pour celle d'un autre, tes chefs te changent la religion et la rendent comme un monstre, de sorte que tu as bien mérité l'appellation d'Acéphales : n'ayant pas de chef ou en ayant plusieurs. Tu es devenu comme une pierre déplacée de son fondement et qui ne cesse de se précipiter en tombant jusqu'au plus bas de la terre (aux enfers). Ainsi t'ont précipité Eutychès, Dioscore, Théodose, Sévère, Jacques, et tous autres hérésiarques, dont chacun a introduit dans ta religion l'erreur de son opinion; en se contredisant les uns les autres, ils contredisent tous la vérité.
    En accusant ce saint concile, tu n'es pas le premier parmi les hérétiques qui accusent les saints conciles qu'ils n'ont pas voulu accepter. En effet. Arius, Macédonius et Nestorius avec leurs partisans ont blâmé de toutes leurs forces les conciles qui les avaient excommuniés; tu dis du IVe concile moins de mal que n'en avait dit chacun d'eux contre le concile qui l'a excommunié. Si tu approuves leurs accusations contre les conciles antérieurs, tu dois les suivre et accepter leur confession en jetant de ton cou le joug du Saint-Esprit, ouvertement et sans dissimulation. Si tu condamnes leur accusation contre ces saints conciles et prétends qu'ils sont dans l'erreur par leur désobéissance à ces conciles, tu dois juger de même ton accusation contre le IVe concile et dire que tu es dans l'erreur par ta désobéissance à ce concile.
    Quant au Ve concile, nul ne défend l'hérésie qu'il a excommuniée pour discuter avec lui et le traiter comme nous avons fait avec ses semblables hérétiques.
    Quand Macaire, Cyrus et Sergius se révoltèrent et enseignèrent leurs erreurs au sujet du Christ, l'Eglise refusa d'accepter leur opinion et plusieurs Pères s'élevèrent contre eux pour les discuter et repousser leur hérésie. Mais l'Eglise n'a pas accepté absolument leur opinion ni celle de leurs adversaires; elle les a portées au concile, selon sa coutume. Alors le Ve concile a été convoqué à Constantinople par l'ordre de l'évêque de Rome qui les a excommuniés et fait cesser leur hérésie. La sainte Eglise accueillit ce concile comme elle avait reçu les conciles antérieurs, abandonnant Macaire et les siens et rejetant leur hérésie.
    Et toi, "Monothélite", tu as reçu avec obéissance le premier, le second et le troisième concile ; tu n'as pas jugé bon de discuter leurs définitions, comme le Saint-Esprit te défend de le faire; mais, arrivé au Ve concile, tu as oublié ce que dit le Saint-Esprit, et, comme un homme ivre, tu t'es élevé contre tes Pères qui méritent ton respect, les insultant comme un chien enragé. Le Saint-Esprit t'ordonne de leur obéir, mais tu as voulu supprimer leur définition et ôter la haie qui te défendait contre Satan; tu es sorti (du bercail de l'Eglise) pour être la proie des loups. Tu as ainsi négligé l'affaire qui te conduit sûrement à la perdition.
    Si tu accuses ce saint concile, sache bien que les hérétiques qui étaient avant toi t'ont devancé en accusant les conciles qui les avaient excommuniés, de sorte que nul obstacle ne les empêcha d'imputer à ces conciles tout ce que Satan leur avait mis au cœur.
    Si tu condamnes leur accusation contre ces conciles, tu dois condamner de même ton accusation contre le Ve concile et quitter ton erreur pour entrer dans la bonne voie; mais si tu approuves leur accusation contre les saints conciles, démasque-toi et suis tes amis en croyant ce qu'avaient enseigné tous les hérésiarques du commencement.
    Que résulte-t-il de vos accusations, vous tous les hérétiques, contre ces conciles?
    Chacun de vous accuse ces saints conciles de trois choses, en disant : 1° que le concile a jugé mal, avec injustice et ignorance; 2° que le concile a été convoqué par l'empereur, c'est pourquoi il ne faut pas l'accepter; 3° que le concile antérieur avait défendu d'ajouter ou de supprimer quoi que ce soit à ce qu'il avait défini; que par conséquent il ne faut pas accepter ce qui vient après lui.
    Si l'un de vous dit, en accusant un de ces conciles, qu'il a jugé mal par ignorance ou injustice, celui qui dit cela prétend avoir le droit de discuter la décision du concile ou d'y prendre part; mais le Saint-Esprit défend cela pour lui et pour quiconque. L'orgueil qui l'a enflé l'a empêché de se soumettre à la définition de ce concile, et il a ainsi mérité la mort spirituelle, comme vous avez entendu la loi de Moïse qui ne permet à personne de discuter avec l'assemblée ou d'estimer son opinion meilleure que celle de l'assemblée, sous peine de mort.
    Si tu dis, hérétique, du concile que tu attaques, qu'il a été convoqué par l'empereur, et que par conséquent il ne faut pas l'accepter, pour cette raison il ne faudrait recevoir aucun des conciles précédents, car tous les conciles admis par tous les chrétiens ont été convoqués par les empereurs.
    Il est bien connu que le premier concile de Nicée a été convoqué par l'empereur Constantin le Grand; le second a été convoqué à Constantinople par l'empereur Théodose le Grand; le troisième a été réuni à Ephèse par l'empereur Théodose le Jeune; le quatrième a été assemblé par l'empereur Marcien à Chalcédoine ; le cinquième a été convoqué à Constantinople par l'empereur Justinien le Grand, et le sixième a été convoqué par l'empereur Constantin, fils d'Héraclius, à Constantinople.
    Si tu reproches, o "Monothélite", aux cinquième et sixième conciles d'avoir été convoqués par les empereurs, et si tu prétends qu'ils ne méritent pas d'être acceptés parce que les empereurs ont employé la force en les convoquant et en exécutant leurs décrets, tu fais mal, car tu acceptes le quatrième et tous les conciles antérieurs qui ont été aussi convoqués par les empereurs, comme nous l'avons dit. Tout hérétique excommunié par l'un de ces conciles précédents peut dire comme toi que l'empereur qui a convoqué ce concile a employé sa force pour l'excommunier et qu'ainsi par la force a été convoqué ce concile contre lui. Si tu te prétends excepté de la condamnation de ces deux conciles parce qu'ils ont été convoqués par les empereurs, il faut nécessairement admettre que les Jacobites, que les Nestoriens, que Macédonius, Arius et leurs partisans sont exceptés de la condamnation des conciles qui les ont excommuniés et qui ont été convoqués par les empereurs. Si tu ne crois pas qu'ils sont exceptés de l'excommunication de ces conciles à cause de leurs convocations par les empereurs, tu ne dois pas non plus te croire excepté de l'excommunication des deux derniers conciles parce qu'ils ont été convoqués par les empereurs.
    Si tu reproches, Jacobite, au quatrième concile qui t'a excommunié, d'avoir été convoqué par l'empereur, en disant qu'il ne mérite pas d'être accepté parce que l'empereur employa la force pour sa convocation et pour l'exécution de ses décrets, tu fais mal aussi, car tu as accepté le troisième concile et les deux précédents qui tous ont été convoqués par les empereurs. Tu dois donc excuser Arius, Macédonius et Nestorius refusant d'accepter la décision des conciles qui les ont excommuniés ; car chacun peut alléguer cette raison comme toi et dire que l'empereur employa la force en convoquant ce concile et en exécutant ses décrets contre lui. Si tu te permets de repousser ainsi la définition du quatrième concile parce qu'il a été convoqué par l'empereur, il faut nécessairement permettre à tous ces hérétiques de repousser les définitions des conciles qui les ont excommuniés; si tu ne leur permets pas de repousser les définitions des conciles qui les ont excommuniés, tu ne dois pas non plus te permettre de repousser la définition du quatrième concile ; autrement tu deviens injuste et irraisonnable.
    Nous te dirons la même chose, à toi Nestorien, que nous avons dite aux Jacobites et aux "Monothélites". Tu ne dois pas reprocher au concile qui t'a excommunié d'avoir été convoqué par l'empereur, ni repousser sa définition sous ce prétexte ; autrement, tu fournirais une excuse à Arius et à Macédonius qui ont refusé d'accepter les décisions des conciles qui les ont condamnés : car ils allégueront la même raison que toi. Si tu fais cela, tu ruines tout ce que tu crois d'après ces deux conciles.
    Mais ce n'est pas un reproche pour ces conciles : c'est plutôt une grâce dont l'Eglise doit remercier le Christ qui a soumis les empereurs pour servir ainsi ses Pères et docteurs ; car tout empereur qui a convoqué un de ces conciles est devenu par là même un grand bienfaiteur, d'abord en donnant l'hospitalité aux Pères et en les défendant contre la population pour leur permettre d'examiner paisiblement la doctrine, et ensuite en exécutant les décrets du concile. Il n'avait aucune part dans l'examen de la doctrine ni dans la définition de ses décrets; il servait les Pères du concile, les écoutait et acceptait tout ce qu'ils définissaient au sujet de la doctrine, sans prendre part à la discussion. Si l'un de vous, hérétiques qui prétendez être chrétiens, reproche à ces conciles l'assistance des empereurs et leur présence parmi les Pères, il annule tout ce que possèdent les chrétiens, il veut nous réduire à l'Ancien et au Nouveau Testament; nous pourrons dire comme Arius : "Le Verbe est créé", ou avec Macédonius : "Le Saint-Esprit est créé", ou avec cet hérétique qui fait une brèche dans le mur de l'Eglise qui défendait le troupeau contre le loup ravisseur chassé ; en conséquence il corrompt la doctrine chrétienne et fait du christianisme un nouveau judaïsme.
    Si tu dis, toi, autre hérétique, en parlant du concile qui t'a condamné, que le concile d'avant lui avait défendu de rien ajouter et de rien supprimer à ce qu'il avait défini et que par conséquent il ne faut pas recevoir ce concile qui est venu après, sache bien que tu dis des choses que tu ne comprends pas et dont tu ignores la portée : parce que la définition de chaque concile est comme un remède particulier que le Saint-Esprit prépare pour éloigner du corps de l'Eglise la maladie de cette hérésie condamnée par ce concile. Quand ce concile dit qu'il est défendu à quiconque d'ajouter ou de supprimer à ce qu'il a défini, il entend qu'il n'est permis à personne de le contredire et de préparer à la maladie de cette hérésie qu'il a condamnée un remède différent de celui qu'il a préparé sous l'inspiration du Saint-Esprit; car le Saint-Esprit ne se contredit pas. Ce concile ne peut dire à l'Eglise, si elle voit surgir une autre hérésie, qu'il est défendu aux Pères qui en sont les médecins de se réunir pour en éloigner cette maladie comme il avait éloigné la maladie qui agitait l'Eglise de son temps. Si, par impossible, ce concile avait agi de cette manière, il aurait laissé l'Eglise exposée à toutes les maladies des hérésies de l'avenir et empêché les Pères de lui appliquer les remèdes propres. Cela serait opposé à l'institution du Saint-Esprit qui a établi les conciles pour remplacer dans la suite des siècles le collège des Apôtres, comme Moïse avait institué les assemblées auxquelles il avait ordonné d'obéir pour le remplacer à jamais dans la fonction de juger les différends qui surgiraient entre les juges.
    Si tu poursuis, hérétique, en disant que le concile reçu de tous a défendu de rien ajouter et de rien supprimer à sa décision, voulant qu'il n'y ait jamais après lui un autre concile, il faudrait annuler tous les conciles, du premier au dernier, parce que saint Paul a dit à l'Eglise : Si lui-même ou un ange du Ciel vient lui enseigner une doctrine autre que celle qu'il a enseignée, qu'il soit anathème. Il est donc permis à Arius selon ton sentiment et d'après cette citation, de dire au concile de Nicée : "Je n'accepterai pas votre doctrine parce que saint Paul a défendu à quiconque d'enseigner à l'Eglise une doctrine autre que celle qu'il a enseignée lui-même." Il est aussi permis à Macédonius de dire au second concile : "Je n'accepterai pas votre doctrine parce que saint Paul a défendu à quiconque d'enseigner à l'Eglise une doctrine autre que celle qu'il a enseignée lui-même, et que le concile antérieur a aussi défendu de rien ajouter à sa décision et d'en rien supprimer." Si cela te semble bon, hérétique, tu nous réduis facilement à garder les livres de l'Ancien et du Nouveau (Testament), nous pourrons dire sans souci avec Arius : "Le Fils est créé", et nous dirons impunément avec Macédonius : "Le Saint-Esprit est créé", et sans crainte d'être blâmés nous confesserons la doctrine de qui nous voudrons d'entre les hérétiques, en judaïsant le Christianisme, comme nous l'avons déjà dit.
    Mais c'est tout le contraire. Hérétiques, vous avez mal entendu la pensée des Pères ; car la sainte Eglise ressemble au fils du roi, et les Pères sont les médecins à qui le roi confia le soin de lui conserver la santé et d'en éloigner toute maladie et toute faiblesse ; or les hérésies ne sont que des maladies et des faiblesses. Le médecin à qui a été confié son corps ne commet pas une faute si, voyant le corps du fils de ce roi saisi par une maladie, il chasse cette maladie par un traitement approprié. Et si, après cela, il vient à dire : "Il est défendu à quiconque de changer la moindre chose au traitement que j'ai prescrit", nous comprenons que ce médecin veut seulement dire qu'il n'est permis à personne de soigner cette maladie par un traitement différent de celui qu'il a prescrit lui-même. Ce médecin ne dit pas aux médecins qui viendront après lui : "Si le (corps du) fils du roi a dans la suite une autre maladie, il n'est pas permis de le soigner autrement" ; sinon il mettrait l'enfant du roi en péril et il serait traître et ennemi du roi. Ainsi chacun de ces saints conciles a préparé un remède propre à l'hérésie qui a surgi à son époque, et il a fait connaître à tout le monde que le remède qu'il lui prescrit est efficace et approprié à la maladie de cette hérésie, et que personne ne doit la traiter ni la combattre d'une autre manière qu'il a fait lui-même. S'il défendait aux médecins spirituels qui viendront après lui, quand une autre hérésie se manifestera dans leur vie, de lui préparer un autre remède et de faire cesser la maladie, il serait traître et ennemi du Christ. Plaise au ciel que jamais un concile réuni par le Saint-Esprit ne soit ainsi !
    Vous tous les hérétiques, vous avez mal entendu la parole des Pères. Satan, ennemi des hommes, se moque de vous et, vous fascinant, il vous porte à blasphémer contre le Saint-Esprit quand vous censurez les décrets du concile qui sont les décrets du Saint-Esprit lui-même, comme je l'ai dit. Les Apôtres, lorsqu'ils ont prononcé leur décision contre l'hérésie qui s'agitait à leur époque, ont déclaré que "C'est l'avis du Saint-Esprit et le nôtre", faisant connaître à tout le monde que leur avis est celui du Saint-Esprit ; par conséquent, quiconque blasphème contre la décision d'un concile blasphème contre le Saint-Esprit lui-même.
    Tu disais, hérétique, du concile qui t'a condamné : Il a contredit le concile qui était avant lui, si l'on veut examiner bien sa décision ; et par conséquent, comme tu le prétends, il est évident qu'il n'est pas du Saint-Esprit, car l'Esprit-Saint ne se contredit pas.
    Nous te répondrons, hérétique : Ton esprit est obtus et tu n'es pas éclairé par l'Esprit-Saint à cause de ta mauvaise foi ; c'est pourquoi tu penses que ce concile qui t'a condamné a contredit le concile antérieur. Mais tu ne dois pas avoir une part avec ce concile dans sa définition si tu comprends bien ce que le Saint-Esprit t'a ordonné par la bouche de Moïse chef des prophètes ; tu dois plutôt accepter la définition du concile sous peine de mort spirituelle. Le Saint-Esprit n'a pas laissé l'assemblée des Apôtres tomber d'aucune manière dans l'erreur, puisqu'il lui a confié de juger les différends qui s'élèveraient au sujet de la doctrine, comme nous l'avons déjà expliqué plusieurs fois : autrement le Saint-Esprit, qui a imposé aux hommes de lui obéir, serait la cause principale de l'erreur enseignée aux hommes par ce concile. Plaise au Saint-Esprit qu'il n'en soit pas ainsi I Si tu te permets de censurer le décret du concile qui t'a condamné et de critiquer sa définition, en disant qu'il a contredit le concile antérieur, il faut permettre à Arius de censurer aussi la définition du concile de Nicée qui le condamna en disant que sa définition est en contradiction avec l'évangile des Apôtres ; il faut permettre encore à Macédonius de censurer la définition du deuxième concile qui l'a condamné en disant que sa parole est en contradiction avec la définition du premier concile. Mais je ne pense pas que tu fasses cela en prétendant avoir droit de discuter avec le concile qui t'a condamné.
    Puisque vous avez soumis vos objections, tous les hérétiques, ni vous et aucun autre, vous ne devez pas vous permettre de censuser les saints conciles ni vous opposer d'aucune manière à leur définition ; autrement le Saint-Esprit aurait inutilement ordonné, par la bouche de Moïse, chef des prophètes, de mettre à mort celui qui n'accepte pas la définition du concile : sinon, chacun pourrait accuser le concile si ce concile prononce contre lui un jugement; et il pourrait refuser d'accepter sa décision pour cette fausse accusation et se sauver de la peine de la mort spirituelle ; mais le Saint-Esprit ne laissa à personne cette liberté ; de plus, il prononça clairement la peine de mort contre celui qui ne se soumettra pas à la définition du concile, et cela pour quiconque quel qu'il soit, sans exception; il ne laisse à personne un prétexte pour éviter la mort en accusant ce concile ou en agissant de toute autre manière. Sachez bien, vous tous hérétiques, que vous tombez tous sous le coup de cette menace : quiconque désobéit à ces saints conciles, le Christ le condamne à mort, et il vous dépouille du Saint-Esprit qui habitait en vos cœurs. Voyez donc qui doit y habiter.
    Sachez bien ceci, vous tous qui êtes rebelles à l'Esprit-Saint : celui qui, parmi vous, ne prétend pas être savant, nous l'avons éclairé sur la voie de la vérité, et il n'aura aucune excuse en repoussant les saints conciles auxquels il sait déjà qu'il est tenu de se soumettre ; rien ne peut le tenir éloigné du royaume de Dieu ou chassé du festin nuptial du Christ s'il suit ces saints conciles ; et celui qui prétend être savant, est semblable aux prêtres des Juifs et aux pharisiens qui ont empêché les Juifs d'entendre l'enseignement du Saint-Esprit et leur ont donné la lie de leur intelligence obscure pour les enivrer, de manière qu'ils ont méconnu le Christ annoncé par l'Ecriture Sainte et que, séduits par eux, ils l'ont crucifié. Ainsi vous avez trompé ces malheureux en les empêchant d'obéir au Saint-Esprit qui a fait parler ces saints conciles; vous leur avez offert la saleté de votre intelligence obscure et ce que vous étudiez dans l'aveuglement de vos cœurs ; vous les avez fait blasphémer contre le Saint-Esprit. Vous êtes ainsi perdus et vous avez perdu les autres, vous avez enchaîné au fond de l'enfer ceux qui vous suivent; mais le diable vous enchaîne tous, il vous retient comme compagnons dans le feu de l'enfer préparé pour lui et pour ses anges, vous y faites sa consolation et sa joie.
    Quelqu'un de vous prétendrait-il se mettre d'un côté et mettre le concile de l'autre, et dire : "hommes, ne croyez pas ce concile, mais croyez-moi, car j'en sais plus que lui, je suis plus recommandable que lui ?" Malheureux ! quand donc as-tu mérité d'avoir cette sagesse ou plutôt cet aveuglement plus que tous les hommes ? quand donc es-tu devenu le plus clairvoyant de tous les hommes dans leurs intérêts ou plutôt le plus grand trompeur? Il aurait fallu que le Saint-Esprit te fit connaître depuis longtemps aux hommes, si tu es vraiment ce que tu penses être, afin qu'ils fussent fixés sur ta personnalité ; il aurait fallu qu'il te caractérisât comme il avait caractérisé ce concile ; il aurait fallu qu'il donnât dans la Sainte Ecriture tes signes de cognoscibilité comme il avait fait pour ce concile; il aurait fallu, de plus, qu'il obligeât les hommes à te suivre comme il les avait obligés à suivre ce concile. Mais je ne suis pas étonné de cela, aveugle qui ne sais ni ce que tu dis, ni ce que tu raisonnes, comme parle saint Paul; tu es si ignorant et si enveloppé par l'obscurité de l'erreur, que tu ne sens plus ton état. Je m'étonne plutôt de voir ces malheureux abandonner l'obéissance à ces saints conciles selon l'ordre du Saint-Esprit et se laisser conduire par toi comme l'aveugle dont parle Notre-Seigneur dans l'Evangile : "Un aveugle conduit un autre aveugle et tous les deux tombent dans la même fosse." Et comme dit saint Paul : "Ils ont pris plusieurs faux docteurs comme vous à cause de la démangeaison de leurs oreilles." (II Tim, IV, 3.)
    Mais, nous, orthodoxes et enfants de la sainte Eglise, nous rendons gloire et action de grâces au Christ, notre Dieu, qui nous a accordé la bonne volonté et l'obéissance aux saints conciles que le Saint-Esprit a fait parler. Nous sommes dans sa maison et dans le bercail de ses troupeaux. Par sa protection, nous sommes sauvés de Satan qui, comme un loup dévorant, rôde autour de nos âmes pour surprendre celui qui se hasarde à sortir de l'Eglise et en faire sa proie. Nous supplions notre Seigneur et notre Dieu Jésus-Christ de nous affermir pour toujours sur le roc de son Eglise sainte et de nous faire boire la liqueur de sa douce doctrine. Nous serons ainsi enivrés de son amour qui remplit nos âmes et nos cœurs de joie et de bonheur en nous portant à lui obéir par l'observation de ses commandements, pour vivre éternellement et hériter son royaume céleste préparé pour tout ce qui a été édifié sur le fondement de saint Pierre par le Saint-Esprit. Esprit-Saint, faites-nous connaître le Christ, le Fils éternel de Dieu, qui s'est incarné de la Vierge Marie par le Saint-Esprit pour notre salut.
    A lui soit la gloire, la puissance, la majesté et l'adoration, avec le Père et le Saint-Esprit, maintenant et toujours, dans les siècles des siècles.
    Ainsi soit-il.
    (1) C'est la lecture la plus correcte des manuscrits et la plus vraisemblable pour l'histoire de ces hérétiques contemporains de Théodore.


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