• Les onze sources de l'islam,

    d'après une brève notice dans deux manuscrits syriaques.

     

    I. Présentation

    On trouve, dans deux manuscrits syriaques[1] du "Candélabre du Sanctuaire" de Bar Hebraeus, parmi d'autres textes placés en pêle-mêle en appendice, une curieuse notice d'origine jacobite concernant les sources de l'islam.

    Cette notice tardive, toute anachronique et artificielle qu'elle apparaisse par certains aspects, n'en est pas moins fort intéressante dans sa concision, c'est pourquoi j'en donne la traduction, avec le minimum d'explication nécessaire. Pour les curieux qui voudraient en savoir plus, l'étude de Yonatan Moss[2] "A religion assembled from many religions" est accessible sur Academia.

     

    II. Traduction et note

     

    Extrait du commentaire de St Cyrille[3] sur Isaïe, à propos de la religion des musulmans.

    La religion des fils d'Hagar est un assemblage de nombreuses religions.

    Premièrement, elle tient des chrétiens leur façon d'appeler le Christ "Parole de Dieu"[4].

    Et des Juifs la circoncision.[5]

    Et des païens, les sacrifices (d'animaux)[6].

    Et  des Chaldéens, la fatalité et le destin[7].

    Et des Egyptiens, la magie[8].

    Et de le secte pharisienne, la résurrection[9].

    Et des saducéens, le mariage après la résurrection.[10]

    Et, de l'opinion de Sabellius, leur confession de l'unicité de Dieu.[11]

    Et de l'opinion d'Arius, leur confession de Dieu en tant que créature[12].

    Et de Julien le Phantasiaste[13], leur affirmation que le Christ ne mourut pas[14].

    Et des Samaritains, leurs ablutions rituelles[15].

    C'en est assez.

     

    Notes


    [1] Manuscrits Berlin Syr. 190 ( = Sachau 81) et Yale Syr. 7.

    [2] MOSS Yonatan : "A religion assembled from many religions:' A syncretizing characterization of Islam attributed to Cyril of Alexandria," in Henoch 39 (2017), 287-305.

    [3] Attendu que le seul "Commentaire sur Isaïe" connu attribué à un St Cyrille est celui de St Cyrille d'Alexandrie, cela pose un problème certain : St Cyrille est mort en 444, soit 126 ans avant la date estimée de la naissance de Mahomet. St Cyrille n'est donc qu'un prête-nom aisé et prestigieux pour une note anonyme, à moins que notre copiste n'ait réellement trouvé cette "analyse" dans une traduction syriaque du Commentaire, ajouté par quelque copiste antérieur. En tout état de cause, Cyrille est, d'un point de vue Jacobite, la référence ultime comme lien avec l'Eglise indivise, c'est à dire avant les "crises" nestoriennes et chalcédoniennes.

    [4] Voir Coran 3.39, 45 et Coran 4.171. Bien sûr, l'islam ne comprend pas cette affirmation de la même manière que les chrétiens (cf Jn 1.1-14).

    [5] Il faut chercher l'imposition de la circoncision qui s'est globalement généralisé dans l'islam non pas dans le Coran, mais dans la tradition. cf http://www.droitaucorps.com/circoncision-musulmans-islam-pourquoi . Notons que le judaïsme sera de nouveau convoqué plus loin.

    [6] Alors que les sacrifices rituels ont disparu du judaïsme avec la destruction du Temple de Jérusalem en 70, et n'ont jamais été pratiqués dans le christianisme, ils reprennent vie dans l'islam notamment lors de l'Aïd al-Adha.

    [7] Un des grand débats entre chrétiens et musulmans a longtemps porté sur le Libre-Arbitre, généralement nié dans l'islam au nom d'un "destin" implacable, décidé par Dieu quels que soient nos actes et volontés.

    [8] Sur ce sujet, voir COULON, Jean-Charles : "La magie arabe : une affaire de grimoires ? " http://www.lhistoire.fr/la-magie-arabe-une-affaire-de-grimoires

    [9] Cette affirmation est un écho de la plaidoirie pro-domo de St Paul devant Festus, où, après s'être défini comme Pharisien, explique que c'est à cause de sa croyance en la résurrection qu'il est persécuté. (Actes 26. 2-9). On sait, par ailleurs, que les Saducéens ne croyaient pas en la résurrection (Mt 22.23)

    [10] Il y a là un étonnant contresens, puisque cette assertion s'appuie sur un passage de l'Evangile (Mt 22.23-33) dans lequel il est précisé que c'est par ironie que les saducéens – "qui ne croient pas à la résurrection" – posent la question du devenir marital "après la résurrection" d'une femme qui a été l'épouse successive de sept frères. Néanmoins, cette assertion, sous le calame de notre auteur syriaque, vise les "70 vierges" censées accueillir les "martyrs" de l'islam.

    [11] L'unicité de Dieu, telle qu'elle est vue par l'islam, n'a que peu à voir avec la doctrine de Sabellius. Toutefois, l'un et l'autre – par des approches différentes – affirment l'unicité de Dieu en niant la Trinité.

    [12] En l'occurrence, c'est le refus de reconnaître la divinité du Christ, pierre de touche de la théologie d'Arius, qui est visé ici.

    [13] Sur Julien d'Alicarnasse et sa doctrine, voir Chronique de Michel le Syrien, Livre 9, chap 27 (Trad Chabot, tome 2, p 224) http://archive.org/stream/MichelLeSyrien2/michael_the_syrian2#page/n228/mode/1up .

    [14] Cette affirmation repose, dans l'islam, sur un passage obscur du Coran : "Or, ils ne l'ont ni tué ni crucifié ; mais ce n'était qu'un faux semblant ! Et ceux qui ont discuté sur son sujet sont vraiment dans l'incertitude : ils n'en ont aucune connaissance certaine, ils ne font que suivre des conjectures et ils ne l'ont certainement pas tué Mais Allah l'a élevé vers lui, et Allah est puissant et sage"» (Sourate 4, 157-158) Que ce soit chez Julien ou dans le Coran, il est donc question (si l'on peut me pardonner ce jeu de mot) d'une "cruci-fiction" et non de la crucifixion du Sauveur".

    [15] Notre auteur aurait tout aussi bien pu faire dériver les ablutions rituelles de l'islam du judaïsme, qu'il a déjà sollicité par trois fois. Le renvoi aux Samaritains permet d'ajouter une origine supplémentaire au conglomérat que constitue l'islam.

     


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  • En attendant de trouver une traduction complète du Martyr de St Pierre de Capitolias, je place ici ce que l'abbé Fleury en dit[1] (sous le nom de "Pierre de Majume", c'est à dire, Pierre de Maiouma), et que l'on trouve réimprimé à l'identique en d'autres ouvrages :

     Vers l'an 743, le calife Walid II, neveu et successeur de Hescham, fit couper la langue à Pierre, métropolitain de Damas, parce qu'il réfutait ouvertement l'impiété des Arabes et des Manichéens. Il l'envoya en exil dans l'Arabie, où il mourut.

     Pierre de Majume s'attira aussi le martyre dans le même temps. Etant malade, il appela les magistrats des Arabes, qui étaient de ses amis, car il avait la recette des impôts, et leur dit : "Je prie Dieu de vous récompenser de la visite que vous me faites; mais je veux que vous soyez témoins de mon testament que voici. Quiconque ne croit pas au Père, au Fils, au Saint-Esprit et à la Trinité consubstantielle, est aveugle de l'âme et digne du supplice éternel, comme Mahomet, votre faux-prophète, précurseur de l'antéchrist. Renoncez donc à ces fables, je vous en conjure aujourd'hui, et j'en prends à témoin le ciel et la terre."

    Il leur dit plusieurs autres choses sur ce sujet, et, bien qu'ils en fussent irrités, ils résolurent de prendre patience, le regardant comme un malade en délire. Mais quand il fut guéri, il commença à crier plus haut : "Anathème à Mahomet et à son livre fabuleux, et à tous ceux qui y croient !"

    Alors on lui coupa la tête.

    Saint Jean Damascène fit son éloge[2].

    *   *

    Sur l'identité entre Pierre de Maiouma et Pierre de Capitolias, voir Paul Peeters. — La passion de S. Pierre de Capitolias [compte-rendu].

    *   *

    Peter of Capitolias : A priest of Capitolias, a city of the Decapolis in the Transjordan. He was cruelly executed there for his stubborn refusal to refrain from violent invective against Islam, by order of the caliph al-Wahid on 13 January 96/715. Traduction anglaise partielle dans : "Three Christian Martyrdoms from Early Islamic Palestine: Passion of Peter of Capitolias, Passion of the Twenty Martyrs of Mar Saba, Passion of Romanos the Neo-Martyr" par S. J. Shoemaker.

      

    Notes :


    [1] Histoire Ecclésiastique, tome IX, 1720, p 295

    [2] Selon Théophane le Confesseur. Mais comme le note l'abbé Goujet (Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, tome 2, 1736, p 600) "Ce discours ne s'est trouvé nulle part", affirmation qui reste vraie, sauf à considérer comme authentique le martyr de St Pierre dont le texte est conservé en Géorgien, et que le titre attribue à St Jean de Damas. Voir "Peter of Capitolias", traduction partielle par Shoemaker.


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  • Présentation de l'islam dans la Chronique de Nestor

    Traduite par Louis Léger, 1884

     La chronique dite de Nestor renferme l'histoire de la Russie et des pays voisins depuis la seconde moitié du IXe siècle jusqu'aux premières années du XIIe.

    Le chapitre 40 évoque les visites que le Prince Vladimir, alors païen, reçut de bulgares musulmans, d'allemands catholiques, de juifs khazars, et d'un sage grec orthodoxe, venus chacun lui vanter sa religion. Je reproduits ici la présentation que firent les députés bulgares, selon la Chronique.

    Chap 40.

    .../...

    Année 6494[1]. Il vint des Bulgares de la foi mahométane disant: « Prince, tu es sage et prudent et tu n'as point de religion. Prends notre religion et rends hommage à Mahomet. »

    Et Vladimir dit: « Quelle est votre foi? »

    Ils dirent: « Nous croyons en Dieu, et Mahomet nous apprend à circoncire les membres honteux, à ne point manger de porc, à ne point boire de vin et à faire débauche après la mort avec des femmes. Mahomet donne à chaque homme soixante-dix belles femmes: il en choisit une belle; il rassemble sur elle la beauté de toutes les autres et elle devient sa femme. Et là on peut, dit-il, se livrer à toute espèce de débauche. Celui qui est pauvre en ce monde le sera dans l'autre.»

     

     Accès au texte sur le site de Remacle


    [1] 6494 depuis la Création du Monde, soit l'an 984.


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